Rapport de l'atelier n°12 :
La Wallonie dans l'Europe et le Monde
Rapporteur:
Jacques DEFAY
1. Valorisation de
l'identité wallonne
1.1. L'existence politique de la Wallonie
suppose l'expression démocratique d'un pouvoir dans les limites d'un territoire.
La plupart des rapports et des interventions se situent dans la ligne du
fédéralisme qui réserve aux entités fédérées le résidu de souveraineté.
Les réformes de 1970 et 1980 ont eu
surtout le mérite d'ouvrir une porte. La naissance d'une Assemblée wallonne est
perçue comme une étape importante, même si la réforme de l'Etat belge n'a été
qu'entamée à ces deux dates.
1.2. L'identité culturelle de la Wallonie
est wallonne, française et non simplement francophone. Les Wallons participent à
la Francophonie mondiale dans un esprit de large solidarité. Des relations
privilégiées avec le Québec témoignent de cette ouverture.
1.3. L'identité européenne naissante est
aperçue comme un substitut à un patriotisme belge qui se défait, non seulement
pour les Bruxellois, mais aussi pour les Wallons qui partagent l'anxiété de la
plupart des Européens occidentaux devant leur perte commune d'influence et de
rayonnement dans le monde.

2. Le retour de la prospérité économique
et les rôles spécifiques de l'Europe et des régions.
2.1. S'il est vrai que les régions à
problèmes auraient pu sans doute se sortir de la crise du chômage dans un
contexte européen de croissance forte, elles ne le peuvent pas dans une Europe à
croissance ralentie. Les gouvernements nationaux, y compris ceux des "grands"
pays européens, ont perdu la maîtrise du niveau de l'emploi. C'est pourquoi
l'opinion que la relance pourrait être réussie par les seules forces d'un
pouvoir wallon devenu autonome n'est plus défendue aujourd'hui.
Pour restaurer l'emploi, il manque une
politique macroéconomique européenne qui serait complétée et instrumentée sur le
terrain par l'action autonome des régions. Le concept d'Europe des Régions est
actuel pour cette raison.
2.2. La responsabilité européenne de
créer les conditions de la prospérité de l'ensemble n'est pas encore
suffisamment affirmée. Elle implique la réalisation du grand marché intérieur
unifié promis pour 1992, ainsi que celle des grands programmes technologiques
nécessaires pour la compétition avec les Etats-Unis et le Japon. Ces deux
objectifs ont été inscrits dans l'Acte unique. Cependant l'union, voire
l'unification monétaire, n'y figure pas. Il y manque également la maîtrise des
grands équilibres (fiscaux, budgétaires, de taux d'intérêts). Ces deux
compétences ne sont pas moins essentielles dans la définition du rôle spécifique
de l'Europe dans le redressement économique.
2.3. Les responsabilités régionales dans
la relance de l'emploi concernent l'action microéconomique de terrain:
stimulation de la création d'entreprises et d'activités de reconversion, de la
créativité technique, de la mise de capitaux à risques et de l'expansion
commerciale. Elles concernent aussi la formation du facteur humain, l'appui des
services publics et l'infrastructure scientifique. Ces tâches ne sont nullement
subsidiaires. La Wallonie souffre lorsqu'elles sont confiées à des patriotes...
flamands.
2.4. Une solidarité entre les Régions
d'Europe à travers la CEE est nécessaire pour corriger les effets d'une
compétition qui sera débridée sur le grand marché et qui est de nature à
accentuer les inégalités régionales, non à les atténuer. La Wallonie sera
l'alliée des autres régions à problèmes pour obtenir la réforme et l'extension
de la politique régionale européenne, antidote nécessaire du concept de zone de
libre-échange. Le concept d'espace social européen n'a guère progressé ces
dernières années. Les Wallons doivent prendre conscience du rôle actif qu'ils
ont à jouer dans la construction européenne et des objectifs vitaux qui restent
à atteindre dans ce domaine.
2.5. Une représentation directe des
Régions auprès du pouvoir européen sera nécessaire, afin que le pouvoir national
ne puisse faire écran dans la communication opérationnelle Europe-Région. Le
problème concerne tous les pays fédéraux et ceux qui comportent des régions
autonomes, au sein des Douze.

3. Les perspectives rapprochées
3.1. Les Chambres à élire doivent être
constituantes. Si l'article 59bis est au nombre des articles à réviser, la
revendication CVP visant à communautariser l'enseignement ouvrira le grand round
de négociations communautaires qui est devenu nécessaire après le temps de
rodage des institutions de 1980 et la constatation de leurs insuffisances. Pour
définir autrement le rapport de la Wallonie à l'Europe et au Monde, il est
nécessaire de dégager les flux de ressources et de dépenses de la Région des
structures centrales belges où ces flux sont restés piégés pour l'essentiel.
3.2. Une extension des compétences
régionales et communautaires est nécessaire pour donner un contenu budgétaire
plus substantiel aux pouvoirs des Conseils et des Exécutifs. La proportion de
50% de la dépense publique totale est un ordre de grandeurs de l'objectif à
atteindre à court terme. Cette extension rendra opérationnelle et autonome la
relation CEE-Région et la relation CEE-Communauté.
3.3 Compétences à régionaliser à cet
effet.
3.3.1. Secteurs économiques: les
politiques relatives aux secteurs dits nationaux doivent être transférées aux
Régions, puisque les coûts en sont déjà imputés à des comptes régionaux. La
distinction d'août 80 entre secteurs nationaux et régionaux ne se justifie donc
plus. La gestion de la Politique agricole commune en Wallonie et les autres
compétences agricoles doivent également revenir au pouvoir régional. La
régionalisation de la compétence commerce extérieur doit être poursuivie et
parachevée.
3.3.2. Les politiques dans lesquelles le
partage des compétences législatives ou exécutives entre la Région et le pouvoir
central a introduit en août 1980 de l'inefficacité et du désordre doivent être
régionalisées dans tous leurs aspects. L'environnement et l'énergie en sont deux
exemples.
3.3.3. La recherche-développement en
relation avec les compétences ci-dessus ou avec les projets européens doit
passer dans le domaine régional.
3.3.4. Plusieurs intervenants ont
préconisé en outre la régionalisation des investissements publics lourds
territorialisables (ports et routes, transports urbains et vicinaux, hôpitaux)
ainsi que celle des établissements publics de crédit.
4.3. Compétences centrales à transférer
et à partager entre la Région et à la Communauté
- la coopération au développement;
- le droit de conclure des conventions
internationales dans leurs domaines de compétence respectifs et d'être
représentées de façon autonome à l'étranger.
(Octobre 1987)

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