Le potentiel économique
et technique de la Wallonie
Martine
LEFEVRE
Chargée de recherches à l'IRES
(UCL)
Alain LESAGE
Chargé de recherches à l'IRES
(UCL)
Le diagnostic quant au potentiel
de développement wallon à moyen terme procède d'une triple démarche:
-
une analyse des
mutations en cours dans l'environnement économique mondial;
-
une analyse des
structures du système productif de référence;
-
une comparaison des
structures locales avec celles du référentiel européen, choisi par ailleurs.
1. Les mutations en
cours:
Elles sont de trois
ordres:
1.1. Innovations
technologiques: "toujours plus"
Toute innovation
technique impose à elle seule une remise en cause, qui sous couvert de
compétitivité, se propage de proche en proche à l'ensemble de l'appareil
productif. Mais les mutations actuelles concernent quatre domaines fondamentaux
(la matière, l'énergie, le temps et les relations au vivant), dont les
inter-actions sont de nature à créer une rupture profonde qui débouche sur un
nouveau système technique et de nouvelles formes de régulation sociale. Aux
difficultés inhérentes à tout processus de modernisation, s'ajoutent de façon
peu maîtrisable des grippages dus à l'inadéquation des modes de régulation en
vigueur.
1. 2. Développement de
l'immatériel: "toujours mieux"
Le secteur tertiaire
occupe une place croissante dans l'économie. Mais c'est surtout dans la part des
investissements immatériels, qui croissent aux dépens de la formation brute du
capital fixe, que se situe la mutation. Services et industries s'intègrent à tel
point que la frontière entre les deux devient floue, et que l'on a parlé à ce
propos de système servo-industriel.
1. 3. Redistribution des
cartes de la domination: "pas toujours les mêmes"
Cette redistribution
s'effectue à la fois sectoriellement et géographiquement.
Sectoriellement d'abord:
les acteurs qui domineront le jeu économique sont ceux qui maîtriseront les
innovations technologiques et la nouvelle organisation qu'elles imposent et/ou
maîtriseront le marché final en réalisant les investissements immatériels
nécessaires. Les acteurs industriels traditionnels se trouvent pris en tenaille
dans cette double évolution. Géographiquement ensuite: presque tous les pays
sont maintenant entrés dans un processus d'industrialisation, et certains
pourraient ravir aux pays leur leadership technologique. Les échanges
internationaux poursuivront leur croissance, mais là aussi, un changement
qualitatif est intervenu: à l'internationalisation des marchés, s'ajoute
l'internationalisation des processus de production. La notion de marché local
n'a plus beaucoup de sens et l'aire de décision stratégique est mondiale dans
beaucoup de cas.

2. Le système productif
du référentiel
Le référentiel a été
construit sur la base de pays dotés de structures productives et
d'environnements socio-culturels comparables à ceux de la Wallonie: il s'agit de
la France, de la R. F. A., du Royaume-Uni, de l'Italie et de l'U. E. B. L. Pour
chaque activité étudiée (96 au total), ont été relevées les données statistiques
disponibles, ainsi que des informations qualitatives obtenues notamment par
dires d'experts. Sur cette base, les 96 activités ont été classées sur les trois
dimensions suivantes:
2.1. Croissance
économique:
Le potentiel de
croissance de la demande mondiale pour chaque secteur est comparé à la
croissance attendue de l'ensemble de l'industrie. En conséquence, le secteur est
classé en croissance faible, moyenne ou forte.
2.2. Développement
technologique:
On a évalué par dires
d'experts la vitesse d'évolution technologique des produits et des process, dans
chaque secteur, ainsi que le développement attendu relativement à l'évolution
passée. Un développement rapide est à la fois un facteur de croissance du
secteur, à moyen terme, et un facteur de fragilité dû au risque
d'investissement.
Ces deux premières
dimensions sont combinées en un potentiel de développement technico-économique.
2.3. Domination
stratégique:
La capacité relative de
chaque secteur à dominer le jeu économique a été évaluée à partir d'indicateurs
fondés sur la valeur ajoutée, à partir de l'estimation du stade atteint par les
produits dans leur cycle de vie, ainsi qu'à partir de dires d'experts.
Idéalement, on aurait dû
aussi évaluer l'importance prise par l'immatériel dans chaque secteur. Les
informations à ce sujet étaient cependant trop lacunaires. Nous avons dû faire
une analyse séparée.
La combinaison de ces
trois critères nous donne six catégories d'activités, pour lesquelles on mesure
les variables habituelles de valeur ajoutée, d'emploi, d'investissement,...
L'idée est que les activités reprises au sein d'un même secteur statistiquement
très agrégé peuvent avoir à moyen terme, des comportements forts divergents.
Dans chacune de nos six catégories, par contre, on a classé des activités très
désagrégées (96 secteurs) dont les comportements vis-à-vis des ruptures
possibles sont relativement semblables.
Ces six catégories sont:
2.3.1. Activités à fort
potentiel de domination stratégique, mais faible potentiel technique et
économique.
2.3.2. Activités à faible potentiel de domination stratégique, et faible
potentiel technique et économique.
2.3.3. Activités à fort potentiel de domination stratégique, et potentiel
technique et économique moyen.
2.3.4. Activités à faible potentiel de domination stratégique, et potentiel
technique et économique moyen.
2.3.5. Activités à fort potentiel de domination stratégique, technique et
économique.
2.3.6. Activités à faible potentiel de domination stratégique, mais fort
potentiel technique et économique.

3. Le système productif
wallon
Une fois réalisée cette
typologie des activités, chacune des catégories mentionnées ci-dessus est
valorisée au moyen des variables de structure disponibles. Il s'agit du nombre
d'établissements, de l'emploi, du chiffre d'affaires, de la valeur ajoutée, des
exportations et de la taille moyenne des établissements. Cette quantification
porte sur le portefeuille des activités de référence et sur le portefeuille des
activités locales.
La comparaison
Wallonie/référentiel rapporte les uns aux autres, les poids relatifs des cases
du portefeuille wallon aux poids relatifs des mêmes cases du portefeuille de
référence. Le diagnostic porte alors sur le sur-développement ou le
sous-développement de tel ou tel groupe d'activités en Wallonie.
(Octobre 1987)

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