L'agriculture wallonne
en l'an 2000
Georges
NEURAY
Sénateur honoraire
Professeur à la Faculté des Sciences agronomiques de Gembloux
La situation
de l'agriculture wallonne dépendra dans une large mesure de la
situation agricole européenne.
Celle-ci sera influencée
par:
1. L'évolution
démographique
Selon les plus récentes
projections, la population européenne n'augmentera guère d'ici l'an 2000. Elle
diminuera de 1 million en Allemagne et de 200.000 en Wallonie. Son
vieillissement s'accentuera. La consommation alimentaire diminuera et pour la
Wallonie, les débouchés locaux se contracteront.
2. L'évolution du prix
de l'énergie et du pétrole
Celui-ci est très
difficile à prévoir, normalement, à moins de découvertes importantes, il devrait
augmenter d'ici à la fin du siècle. Mais dans quelle proportion? Suivant son
niveau, la situation de l'agriculture pourra être très différente: s'il est
élevé, certains produits agricoles pourront servir de matière de base pour des
synthèses chimiques; s'il reste bas, l'agriculture continuera à fournir des
produits alimentaires dont la demande, avons-nous vu, sera en régression.

3. Les modifications des
habitudes alimentaires
On constate d'une part
des exigences plus grandes au point de vue des qualités gustatives et une
méfiance accrue vis-à-vis des additifs chimiques, tant au niveau de la
production agricole que pendant le processus de transformation. D'autre part,
les jeunes sont de plus en plus conquis par les plats rapides (fast food) qui
sont des aliments complètement reconstitués industriellement. Il est bien
difficile de savoir la tendance qui l'emportera. Il est probable qu'elles se
maintiennent toutes deux mais dans quelle proportion? On comprend aisément que
l'une pousse à la production de qualité plus coûteuse, l'autre à la production
de masse à bon marché. Les conséquences seront très différentes au niveau des
producteurs, suivant l'évolution du rapport entre ces deux tendances.
4. Les décisions de
politique agricole
Ainsi, par exemple, si
l'on décide de réduire les importations d'aliments pour le bétail, -produits en
quantité toujours plus importante et à bas prix par certains pays d'outre-mer
(Brésil, Argentine), le développement de la production de viande et de lait sera
freinée dans les pays proches des ports (Hollande, Flandre) au profit des
régions intérieures, des zones de montagnes, qui n'ont pas d'autres possibilités
agricoles. Si au contraire, on maintient la politique actuelle, on assistera à
une régression accélérée de l'agriculture dans de très nombreuses régions
marginales, avec de nombreuses conséquences économiques et sociales locales.

5. Les résultats de la
recherche
Il y a plus de 15 ans,
nous écrivions que "l'intensification, grâce aux progrès techniques, se
poursuivra sans désemparer. Au fur et à mesure que l'on pénètre plus avant dans
les mécanismes fondamentaux de la vie, les recherches deviennent plus ardues...
mais les résultats de leurs travaux seront probablement plus spectaculaires et
plus révolutionnaires que précédemment". On commence à s'en rendre compte
aujourd'hui et il est encore difficile de mesurer toutes les conséquences sur
l'économie agricole de demain, mais on peut s'attendre à de nouvelles et
profondes évolutions au point de vue des techniques de production.
En conclusion, on peut,
sans trop de risque de se tromper, dire que la production forestière se
développera et que le bois restera un produit toujours plus demandé. Les
productions horticoles, et notamment ornementales, continueront à trouver des
débouchés dont la croissance dépendra de l'augmentation générale du niveau de
vie. Pour les autres productions, le tableau que nous pouvons dresser de
l'agriculture wallonne de l'an 2000 est contrasté mais dans l'ensemble
préoccupant.

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