La dimension
internationale
Philippe
SUINEN
Directeur d'Administration aux
Relations extérieures, Ministère de la Région wallonne
La chaire
belge à l'Université de Londres a récemment fait réaliser par l'ULB
une étude portant sur l'image de la Belgique en Grande-Bretagne,
plus particulièrement au niveau des leaders d'opinion. Il est
remarquable de constater que la moitié du public interviewé partage
l'analyse selon laquelle "as a nation, Belgium is just a fiction".
L'élément de fond
illustré par cet exemple n'est pas étranger à la réflexion centrée sur le
travail et la technologie par rapport à la société wallonne de l'an 2000. En
effet, l'ouverture active sur le monde extérieur constitue de plus en plus
nettement l'une des modalités indispensables au développement. La programmation
par l'Acte unique européen d'un véritable marché communautaire et
l'internationalisation croissante de l'économie renforcent cette conviction que
personne ne paraît contester, même si elle n'exclut pas, puisque non
contradictoire, une approche autocentrée visant à relancer l'emploi par la
rencontre d'attentes du marché intérieur.
En fait, le couple enjeux
régionaux - dimension internationale intervient à tous les stades de la
préparation et de la conception d'une stratégie de développement, sous la forme
par exemple de la démarche suivante, présentée sous forme de questions
successives:
-
Parmi ces activités,
lesquelles devraient faire l'objet de coopérations avec des intervenants
étrangers dans l'hypothèse où celles-ci impliquent soit de meilleures
retombées régionales, soit l'amélioration de notre niveau technologique?
Comment retenir l'intérêt de partenaires potentiels? En fait, la réalisation
de telles synergies présuppose que l'entreprise ou l'unité de recherche
wallonne concernée présente déjà des atouts qualitatifs réels, en ce compris
au niveau des performances, et se situe dans un environnement régional jugé
favorable. Ce dernier élément vaut également au niveau de la recherche
d'investisseurs étrangers sus ceptibles d'implanter une unité de production
ou de recherche en Wallonie.

Si l'on part de la
conviction que l'évolution politique appellera plus d'Europe et plus de Région
et que l'exportation classique de produits prendra une part de moins en moins
grande dans l'expansion sur les marchés étrangers, il faut admettre que la
Région est appelée à jouer un rôle croissant face aux enjeux internationaux qui
viennent d'être décrits. La réalité de l'entreprise ou de l'unité de recherche
est en effet indissociable et son aspect externe est un élément porteur de
préoccupations touchant à l'expansion économique et au développement
technologique.
Une région dynamique doit
en tout cas rester en état permanent d'alerte technologique, en visant à
l'innovation dans les produits et procédés ainsi qu'à l'anticipation par rapport
aux besoins appelés à apparaître sur les marchés étrangers. Par ailleurs, tout
en veillant à rattraper la distance par rapport au groupe restreint des meneurs
en technologie de pointe, elle peut pallier d'une certaine manière le
vieillissement d'activités en appropriant des technologies intermédiaires
appropriées aux besoins de pays en développement.
La société se médiatisant
sans cesse, l'image de marque créée peut être la meilleure et la pire des
choses, soit le sésame pour des coopérations internationales, soit le ticket
aller simple pour le ghetto économique. Certes, le consensus peut être porteur
d'une image de marque positive, aux conditions qu'il soit respecté et génère de
nouveaux espaces de création technologique et industrielle, tout en assurant la
compétitivité de nos entreprises par rapport à la concurrence croissante de
jeunes pays quittant le Tiers Monde. Dans ce dernier cas, seul le maintien de
l'avance technologique peut compenser efficacement des disparités qui nous
seraient défavorables au niveau du coût des facteurs de production. En plus, le
produit le meilleur ne sera jamais perçu comme tel s'il ne fait pas l'objet
d'une campagne active de promotion: connaître et se faire connaître.
L'exportation, la
réalisation de joint ventures à l'étranger - valorisant et accroissant une
production régionale -, ainsi que les échanges technologiques, devraient faire
l'objet de la même attention et d'un traitement au moins aussi avantageux que
les investissements réalisés par les entreprises au niveau de l'infrastructure
de production ou de la recherche - développement. Les démarches des entreprises
en la matière sont particulièrement diversifiées en ce qu'elles doivent répondre
à des situations spécifiques; elles présentent en outre une part importante de
risque, l'arrivée à la dimension internationale ou sa proximité pouvant donner
un effet multiplicateur aux problèmes jusqu'alors rencontrés par la PME On peut
dès lors concevoir, selon l'esprit d'initiative publique, un partage avec la
Région des risques propres aux projets internationaux d'intervenants wallons la
formule ayant déjà été appliquée dans certains cas. Elle postule une grande
souplesse face à la diversité des marchés, ainsi que le partage, dans une
certaine mesure, des résultats du projet en cas de succès.
L'efficacité de
l'approche implique également que l'on tienne compte de l'attitude des autorités
publiques et privées concernées à l'étranger: autant la Région a intérêt à
poursuivre sa relation bilatérale avec le Québec et à nouer des relations avec
d'autres Régions, autant, à l'exception d'actions très sectorielles, elle doit
plutôt veiller à être correctement associée aux actions menées par le pouvoir
central au Japon.
Une compétence réelle des
Régions en matière de relations internationales à l'instar des Communautés, se
justifie d'autant plus qu'elle n'exclut nullement une telle méthodologie.
La problématique et les
enjeux de la dimension internationale, par les retombées qu'ils peuvent
impliquer en termes d'emploi ainsi que d'activité industrielle et technologique
- sans oublier les services -, méritent un large débat définissant un consensus
wallon. Pour regarder vers l'étranger, il faut d'abord se regarder soi-même,
sans complexe mais avec lucidité.
(Octobre 1987)

|