Quel statut pour la
Wallonie?
Edgard
BERGER
Ingénieur industriel
Les
commentaires ci-après ne porteront pas sur les aspects historiques
et culturels en faveur de l'intégration dans l'espace français.
Cette note veut montrer, d'une part, les inconvénients de certaines
solutions envisageables et, d'autre part, les avantages du
rattachement à l'espace français.
1. Belgique fédérale
Cette solution ne paraît
plus réaliste car elle pose en principe que les entités concernées désirent
vivre en commun et se respectent mutuellement, conditions qui à l'évidence ne
sont plus remplies comme le montre le cours des événements. De plus, si une des
entités est plus importante que les autres réunies, elle sera maîtresse des
matières qui doivent rester en commun (politiques monétaires et étrangères,
grands travaux, etc...).
2. Un Etat wallon
Il faut malheureusement
constater l'existence d'oppositions entre le Hainaut et Liège (et même le
Luxembourg), oppositions déjà nettement perceptibles actuellement. Des querelles
intestines pourraient être très préjudiciables à l'efficacité d'un Etat wallon.
Le Grand Duché de Luxembourg est parfois cité comme preuve que la Wallonie
indépendante est viable. La Wallonie n'a pas l'homogénéité du Grand Duché; elle
pourrait difficilement devenir comme lui, un "refuge" financier qui est une
source importante de revenu pour ce pays. Ce n'est pas dans notre vocation et de
plus, il faut de longues années pour acquérir la confiance des financiers
internationaux (et des fraudeurs!). Dans certains domaines, le Grand Duché a dû
concéder un peu de son indépendance (par exemple Union monétaire avec la
Belgique).

3. Wallonie, région
d'Europe
A l'heure actuelle, une
organisation de l'Europe, basée sur les régions, n'est qu'une vue de l'esprit.
Si les pays se régionalisent, cela n'enlève rien à la puissance et au rôle des
Etats. Certes, une Europe ayant le maximum de liens, est désirable et même
indispensable face aux grands empires, mais les nationalismes restent puissants
et les petits pays de l'Europe ont souvent des difficultés à défendre leurs
intérêts. Dans les réunions internationales les plus importantes, les organismes
représentatifs de l'Europe ne sont même pas invités (voir par exemple la réunion
des 21-22 février 1987 de 6 pays: USA, France, Allemagne, Grande-Bretagne,
Canada, Japon; même l'Italie n'était invitée que pour la deuxième journée).
L'Europe du Marché Commun, avec ses huit langues différentes (sans compter les
langues régionales: basque, catalan, breton, etc...) ne sera jamais comparable
aux USA.
4. Intégration dans
l'espace français
Il est difficile et sujet
à de faciles critiques sur des points particuliers, de préjuger ce que serait
exactement la situation économique de la Wallonie intégrée à la France. On peut
cependant souligner quelques points fondamentaux:
-
l'identité de langue
élimine le genre de problèmes que nous causent les Flamands et permet une
mobilité totale des individus dans cet espace français;
-
la France reste une
puissance mondiale, avec en conséquence le rôle qu'elle joue dans les
instances internationales. La Wallonie, intégrée à celle-ci, participerait à
cette puissance et même la renforcerait par ce qu'elle peut apporter de
territoire, de population et d'activités tant économiques que culturelles;
-
le rattachement à la
France permet de bénéficier de l'effet de taille; ceci est particulièrement
valable pour la politique industrielle de l'ensemble, la recherche, le
soutien d'activités nouvelles, etc.
Cet effet de taille
réduirait le poids de l'administration, par rapport à une Wallonie totalement
indépendante (à titre d'exemple, les Affaires intérieures qui jouent un rôle
important de promotion du commerce avec les pays étrangers).

5. Bruxelles
S'il faut appuyer de
toutes nos forces Bruxelles dans sa lutte contre la flamandisation, il ne faut
pas lier son problème avec celui de la Wallonie, sous peine de paralyser notre
action. Les intérêts économiques wallons et bruxellois sont différents car
Bruxelles entend conserver les prérogatives et avantages que donne le rang de
capitale (administration centrale, Sièges sociaux des trusts et sociétés, etc.).
Bruxelles a une vocation européenne et pourrait revendiquer en Europe, un statut
semblable à celui que joue Washington aux USA.
6. Une
période transitoire, peut-être avec statut particulier, serait sans doute
nécessaire pour harmoniser les domaines administratifs, sociaux, et autres, mais
seul compte le but final qui serait l'intégration dans l'espace français.
Le temps ne joue
cependant pas en faveur de la Wallonie et une action vigoureuse d'information
est indispensable pour préparer nos concitoyens à un nouveau cadre de vie.
(Octobre 1987)

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