Le rôle des universités
dans le transfert des technologies et dans la formation continuée
Claude
DELCROIX
Professeur à l'ULB - Institut
de Recherche interdisciplinaire en Biologie humaine et nucléaire
1.
Introduction
Entre les hommes et les
femmes de notre région et de notre époque et ceux des générations qui les ont
précédés, de multiples différences se trouvent dans le domaine des moyens de
communication de masse et de loisirs, dans le fait que le destin commun est
devenu mondial, que, dans la plupart des pays, les jeunes sont le nombre et que
l'éducation et la formation doivent désormais se poursuivre tout au long de la
vie.
Mais une cinquième
différence peut être caractérisée de la façon suivante.
La science n'est plus une
activité essentiellement ludique. La science et la technologie dominent la
plupart des activités de nos sociétés, notamment le domaine économique. Le
développement de l'industrie dépend toujours davantage du développement de la
science.
Les pays européens
occupent en matière de recherche et développement plus de 350.000 chercheurs.
Ils disposent d'un potentiel de recherche considérable et d'un budget évalué à
un cinquième des crédits alloués dans le monde à la recherche, au développement
et à la démonstration.
Toute une série
d'éléments qualitatifs ont déterminé de nombreux pays, quelle que soit la nature
de leur système social et politique, et quels que soient leur degré et leur
niveau de développement à élaborer des politiques nationales ou régionales dans
le domaine de la science et de la technologie.
L'identification des
objectifs de la recherche scientifique et du développement technologique aux
objectifs économiques et sociaux de la politique de l'Etat, ou de la pénétration
de la science dans la politique et de la politique dans la science; n'est-ce pas
là une preuve évidente des changements intervenus dans la conception des
facteurs de décision politique concernant le rapport entre science et Etat,
entre science et société? La Wallonie pourrait-elle ne pas en tenir compte?

2. Science et politique
Les connexions entre les
fonctions de la science et les objectifs politiques sont évidentes. Qui choisit
les programmes de financement entre les diverses orientations de recherche?
Quels critères les organes de décision utilisent-ils pour encourager une
discipline scientifique au détriment d'une autre? Qui sont les organes de
décision? Qu'attendent les décideurs des choix qu'ils ont posés?
Une politique de la
science implique aussi la détermination des moyens à mettre en oeuvre, à
commencer par le système éducatif lui-même. Il faut former les hommes. Il faut
définir la notion de travail scientifique par référence aux catégories
socio-professionnelles anciennes.
Est-il concevable, par
exemple, de permettre à un chercheur de chercher sa vie durant et de lui
garantir la liberté intellectuelle de chercher, puis de valoriser ses travaux
sans contrainte matérielle?
Quelle est la limite des
ressources que les sociétés son prêtes à consentir à la science dans l'intention
- et avec l'espoir - de transformer les modes et les niveaux de vie?
La science n'est pas
seulement le reflet de la réalité. Elle est aussi utilisée comme un puissant
instrument de transformation de cette réalité. Il y a perturbation réciproque
des finalités de la science et des finalités politiques. La science est
dépendante du système politique pour obtenir ses ressources et le monde
politique a besoin de la science pour renforcer la crédibilité de ses choix et
de ses décisions.

3. Science et société
Chacun attribue une
valeur symbolique à la science d'après son éducation, sa formation, ses
croyances et son appartenance aux collectivités qui constituent son support
social.
Ce faisant il lui alloue
de façon implicite une caractéristique qui va au-delà du domaine de
l'amélioration des connaissances. La science est une force productive au service
de l'Etat, selon les marxistes; - est la base de toute rationalité en Occident;
- est un facteur de développement dans les pays non industrialisés.
La question de l'éthique
de la science se situe dans le système très complexe que forment la science et
la politique au niveau des hommes, à la fois de ceux qui détiennent la puissance
du pouvoir et ceux qui possèdent le pouvoir de la puissance scientifique. Il
importe que les hommes politiques ne s'estiment à aucun moment en état de
dépendance technocratique. Il n'est pas heureux que l'homme de science se sente
culpabilisé.
Les scientifiques
s'accommodent de la puissance du pouvoir, lequel détient la capacité de répartir
les ressources, de tracer les objectifs, d'opérer les choix, de légiférer et de
réglementer, car la science contemporaine a besoin de moyens considérables.
Les politiques quant à
eux redoutent le pouvoir de la puissance de la science, celui de la technologie
et du savoir, celui qui peut assurer le développement mais aussi susciter la
haine et la ruine.
L'éthique des sciences
apparaît comme un devoir politique universel d'empêcher, par de multiples
contrôles, le renforcement de l'autorité politique au détriment des mécanismes
démocratiques et des libertés individuelles. Elle postule donc la garantie -
sans limite - de la liberté du chercheur et aussi le dialogue entre les forces
en présence; les scientifiques, les décideurs et les citoyens afin que nul n'ait
l'impression que la cause politique, scientifique et technique soit entendue
d'avance.
Chaque citoyen n'a-t-il
pas le droit d'être informé complètement des travaux du biologiste, par exemple,
qui pousse toujours davantage ses investigations sur les mécanismes de la vie?
Le cas échéant aurait-il le droit de lui refuser les moyens de recherche si les
objectifs nobles de la science cédaient le pas à des déviations?
Certains scientifiques
s'insurgent lorsque cette double question est posée, arguant du fait que seuls
des esprits individuels font progresser la science, et qu'il n'y aurait aucune
place pour la politique de la science.
La tendance de plus en
plus forte d'associer les scientifiques aux choix politiques modifie les
relations entre les milieux sociaux (universités, industriels,pouvoir politique,
militaires, syndicats, etc...). Par leur intervention, les scientifiques
légitimisent l'action politique et construisent une nouvelle structure du monde
à laquelle les politiques doivent s'adapter.

4. Université et société
4.1 La formation
continuée
L'université doit à la
fois former du personnel qualifié sur le plan professionnel, produire des
érudits et des savants et permettre l'épanouissement de femmes et d'hommes
cultivés.
A plusieurs occasions
l'université a fait connaître sa volonté de poursuivre et de développer sa
politique de formation et d'éducation dans un esprit de recherche de
l'efficacité dans l'équité, de défense de l'égalité des chances et de
développement de la personnalité dans un cadre social cohérent.
Elle s'est exprimée sur
son désir de la réaliser, non seulement dans le cadre de sa fonction
traditionnelle, mais également dans celui plus large d'une action d'ouverture à
la société.
Son rôle ne peut se
restreindre aux étudiants proprement dits, qu'ils soient exclusivement
apprenants ou déjà engagés dans une vie professionnelle.
Il s'étend à celles et
ceux qui désirent mettre à jour leur formation universitaire antérieure, à
celles et ceux qui souhaitent reprendre leur formation et la compléter, à celles
et ceux qui aspirent à nuancer leurs connaissances dans une confrontation à la
réalité universitaire, sans pour cela viser à l'obtention d'un diplôme

4.2. Transposition de
l'innovation.
Facteurs de réussite de
la collaboration industrie - université
Il est bien connu
qu'actuellement, l'essentiel de la recherche fondamentale se fait à
l'université, et qu'à l'opposé, l'industrialisation est l'apanage de
l'industrie. De part et d'autre une volonté de coopération se manifeste, des
organes de contact se créent. Cependant le fonctionnement du système laisse
beaucoup à désirer: les partenaires n'ont pas encore suffisamment fait
connaissance, et les préjugés continuent d'avoir cours.
Trois facteurs de
réussite ont été identifiés.
Le premier est
l'établissement d'un climat de confiance dans le respect des finalités propres
des institutions, et aussi de celui des personnes. L'université est avant tout
un organisme d'enseignement et de recherche au plus haut niveau qui exige de ses
membres un travail personnel intense et la participation à l'échange des idées
au niveau de la communauté scientifique internationale.
Que peut alors espérer
l'industrie soucieuse d'efficacité, de confidentialité et de rentabilité à court
terme, mise en présence de personnes caractérisées par un individualisme poussé
découlant de leur déformation professionnelle, et qui sont réticentes à limiter
la libre circulation des idées? La réponse est d'obtenir leur collaboration afin
que l'on puisse mettre en évidence, au sein des recherches en cours ce qui
serait déjà susceptible d'une transposition industrielle, et leur participation
avec des intensités variables en fonction de leur intérêt pour les problèmes
d'application, à l'ensemble des étapes à franchir jusqu'à l'industrialisation.
Cela doit se faire dans le respect des personnes: il ne peut être question
d'obliger qui que ce soit à se plier à une scrutation imposée, qui serait du
reste reçue comme une inquisition et un pillage d'idées, et donc rejetée. Par
contre une discussion libre, interne à l'université, devrait permettre de
dégager les idées valorisables et les conditions de leur mise en oeuvre.
Ces conditions doivent
comprendre les limites de confidentialité, y compris les publications à terme
échu et les dépôts de brevets, acceptables par les chercheurs sans leur porter
préjudice, et les conditions financières de la participation de l'université et
des chercheurs au transfert de technologie.
Ce dispositif devrait
être complété par une diffusion suffisante auprès de l'industrie du contenu des
laboratoires universitaires, des types de recherche qui s'y déroulent et de la
politique de collaboration avec l'industrie, plus ou moins poussée, souhaitée et
pratiquée par ces laboratoires.
Le second facteur de
réussite est de veiller à ce que l'équipe de recherche universitaire -
scientifiques, ingénieurs, économistes - accompagne la recherche - développement
jusqu'à son industrialisation, de façon à assurer le transfert de technologie
dans les meilleures conditions. Il ne suffit pas en effet d'avoir une bonne
idée. Encore faut-il parvenir à en démontrer la faisabilité technique et la
rentabilité économique, à la faire pénétrer sur le marché et parfois à la faire
accepter au plan socio-politique. Il en résulte généralement des adaptations
diverses dont certaines peuvent même exiger de remonter jusqu'à la recherche
fondamentale.
Un troisième facteur de
réussite est de ne pas tarir la source des idées. Les développements
technologiques que nous connaissons aujourd'hui n'auraient pas été possibles
sans le progrès prodigieux des sciences. Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est
tenter de valoriser au mieux ce qui a été découvert hier. Ceci conduit aussi à
raccourcir le délai qui s'écoule entre la découverte scientifique et sa mise en
oeuvre à des fins appliquées.
Ce serait une erreur de
s'imaginer que le développement technologique peut indéfiniment s'alimenter
lui-même. Le retour à l'analyse des phénomènes fondamentaux est nécessaire pour
éviter les écueils, et ce d'autant plus que les objectifs poursuivis relèvent
des technologies avancées. Il faut donc réserver une part importante des moyens
à la recherche fondamentale, en veillant sans doute à en préciser mieux les
objectifs .
Il reste encore beaucoup
à faire pour convaincre les fondamentalistes de l'intérêt qu'il y a à participer
activement au processus de transfert technologique, et les industriels de ce que
le but de l'université n'est pas de fabriquer et de commercialiser à leur place.

5. Développement des
activités de l'ULB à Nivelles, l'action pour l'emploi de demain
La décision de créer
progressivement un campus de l'ULB à Nivelles est une décision politique du
Conseil d'Administration de l'ULB prise il y a environ dix ans, lorsqu'il est
devenu clair que la régionalisation de la Belgique était inéluctable. Du reste,
la loi autorise l'ULB non seulement à faire de la recherche à Nivelles, comme
partout ailleurs en Belgique, mais aussi de l'enseignement.
D'emblée, il a été
convenu que l'Université éviterait tout double emploi avec des activités
existant au sein de l'ULB ou dans d'autres universités. C'est la raison pour
laquelle la formule des enseignements à horaire décalé (cours du soir et du
samedi) a été choisie, créant ainsi l'université de la formation continuée,
puisqu'elle permet à des personnes qui ont déjà un emploi d'entamer ou de
poursuivre, moyennant un effort personnel considérable, des études
universitaires. C'est ainsi que la licence en informatique et sciences humaines
a été créée, avec le succès que l'on sait.
C'est dans cette même
optique que la décision d'implanter à Nivelles le hall d'essais pour prototypes
du Centre de Recherches industrielles a été prise. Rappelons que cet outil, dont
l'ULB peut être fière et qui impressionne tous les visiteurs n'a pu être réalisé
que suite à un long travail de préparation auprès des milieux politiques
nationaux, régionaux et aussi sous-régionaux (IBW) et locaux (Ville de
Nivelles), suivi d'interventions énergiques en vue d'arracher les décisions
finales. L'ULB possède ainsi à Nivelles un élément clé de sa politique
d'ouverture sur le monde industriel, par la voie de la recherche-développement.
C'est encore dans la même
optique que, s'inspirant de l'expérience américaine des "Business and Technology
Centers", l'ULB a implanté à Nivelles le Centre de Technologie et de Gestion des
Affaires (CTGA) dans un bâtiment qu'elle a acheté et mis à la disposition de
cette asbl. L'ULB possède donc ainsi à Nivelles un second élément clé de sa
politique d'ouverture sur le monde industriel, par la voie de l'aide à la
création d'entreprises.
C'est toujours dans la
même optique, que la Faculté des Sciences appliquées a créé à Nivelles un
enseignement à horaire décalé relatif à la robotique. C'est l'année
complémentaire en automatique-robotique dont tout le monde s'accorde à
reconnaître le succès, malgré un programme très lourd s'adressant à un public
restreint, fort spécialisé.
Parallèlement, afin de
sous-tendre l'enseignement par l'indispensable recherche qui en garantit la
qualité, le Centre de Recherches industrielles a constitué un Groupe Robotique,
qui réunit les Services intéressés. La section du Centre de Recherche de
l'Industrie des Fabrications métalliques (CRIF) associée à l'ULB et qui est
spécialisée en automatique-robotique est également venue se joindre à ce groupe.
L'ULB s'est ainsi dotée
d'un système intégré de transfert de technologie basé sur trois fonctions
principales: la recherche-développement, l'aide à la création d'entreprises, la
formation du personnel des entreprises.
La fonction
recherche-développement est assurée par le Centre de Recherches industrielles
(CRI) dont le but est d'aboutir à l'industrialisation de nouveaux procédés,
appareils ou produits, au départ d'idées émanant aussi bien de l'université que
de l'extérieur de celle-ci. Il détecte et évalue les projets sur les plans
technique et économique, réunit les moyens nécessaires, réalise et accompagne
les projets jusqu'à leur implantation en entreprise. Actuellement, le bâtiment
de Nivelles du CRI abrite une unité de génie génétique appliqué, une usine
pilote de d'élaboration du titane (Région wallonne-Cockerill Sambre), un service
de guidance technologique en traitement de surface et bientôt une installation
d'essai d'un nouveau procédé de galvanoplastie en continu à haute densité de
courant sur tôle d'acier au défilé. Un autre projet introduit par Cockerill
Mechanical Industries (CMI) et relatif à l'élaboration de matériaux réfractaires
poreux a été accepté depuis plusieurs mois et devrait s'y développer
prochainement.
La fonction d'assistance
à la création d'entreprises est assurée par le CTGA - Centre de Technologie et
de Gestion des Affaires - asbl liée à l'université. Son but est d'aider à la
création d'entreprises en s'appuyant sur toute l'université. Il met à la
disposition des créateurs d'entreprises des aides logistiques (locaux,
personnel, services), des conseils scientifiques, technologiques et de gestion,
et une aide technique. L'activité a démarré fin 1983. Depuis lors, deux projets
sont opérationnels et autonomes; une dizaine d'entreprises sont présentes dans
le bâtiment, en outre huit entreprises extérieures utilisent les services du
CTGA
Le CTGA assure également
la formation à la création d'entreprises. C'est ainsi que dans le cadre de
cycles de trois mois à temps plein, 170 chômeurs, venus avec leur idée de
création d'entreprises, ont suivi la formation; 110 ont présenté leur plan
d'affaires, et 60 ont décidé de créer leur entreprise, alors que 20 autres ont
trouvé un emploi sur la base de leur plan d'affaires. Cette activité a été
subsidiée par le Fonds social européen.
La fonction formation du
personnel est assurée par le CeFoRAE - Centre de formation et de recherche
appliquée à l'enseignement - son but est de former du personnel pour atteindre
un objectif spécifique en un temps court. Parmi les réalisations du CeFoRAE, on
peut citer: des séminaires de formation (initiations à l'informatique, relations
industrielles et commerciales avec la Chine, corrosion, fibres optiques,
méthodes de calculs par éléments finis); des stages de formation (transfert de
savoir-faire en métallurgie, formation de personnel des chemins de fer chinois
en informatique); la création de cours en enseignement assisté par ordinateur
(informatique, comptabilité, gestion d'entreprises,...).
L'université est très
attentive aux effets dus à la conjonction des trois fonctions
recherche-développement, création d'entreprises et formation. Dès à présent, ce
système a été pris comme projet de démonstration de la Communauté européenne
economique (CEE) et fait partie du réseau Eurotechnet.
Cet ensemble est situé à
la limite du Parc industriel de la Ville de Nivelles et du Parc industriel
scientifique de l'ULB à Nivelles (20ha.). Du fait des activités de la robotique,
le Centre de Service de Westinghouse nuclear international est venu s'implanter
dans ce zoning. Une autre petite entreprise, qui fait usage de machines à
commande numérique pour réaliser des moules pour injection de matières
plastiques ou de métaux est en cours d'installation.
On peut donc dire que les
résultats obtenus sont encourageants. Sans doute, tout cela ne s'est-il pas fait
en un jour, tout travail durable exige le temps de la réflexion et de la
ténacité dans la réalisation. Sans doute faudra-t-il encore des années avant de
mesurer l'action de ce développement sur l'emploi dans notre région. Ce sont les
emplois de demain qui sont en train de se créer. Puissions-nous ne pas avoir
commencé trop tard.

6. Parcs industriels des
universités
En 1970, sur base du
rapport de la mission effectuée en décembre 1969 au USA par M. J.M. Dubois,
attaché de recherche aux services de programmation de la politique scientifique,
Monsieur Th. Lefevre, Ministre, décide de doter les universités de parcs
industriels scientifiques. A côté des zonings industriels à vocation générale
qui existent à ce moment dans le pays, il s'agit de créer des parcs réservés à
des industries dont le développement est plus directement ou principalement lié
à la recherche-développement, y compris les procédés de production exigeant un
contrôle scientifique permanent et la production de prototypes. Les entreprises
qui s'y fixent jouissent de façon optimale d'un régime financier de faveur.
L'objectif est défini
plus précisément par J. M. Dubois dans les conclusions de sa mission (décembre
1969). "Le développement des parcs industriels où se fait de la
recherche-développement, ne peut être apprécié uniquement en termes de proximité
géographique des universités et de la disponibilité d'emplacements quelconques.
Il exige une attitude générale active et volontariste de la part de l'université
et une valorisation des préoccupations économiques, industrielles et sociales au
sein des milieux universitaires.
Cette ouverture de
l'université aux problèmes du développement doit conduire concrètement à rendre,
le cas échéant, des services précis à un industriel, même pour résoudre des
problèmes surgissant au cours d'un processus d'innovation et de production. En
fait l'industriel ne viendra s'installer auprès d'une université que s'il sait
pouvoir en tirer un avantage décisif. L'industriel ne sera attiré que si
l'université présente dans son domaine, un point fort, une compétence
particulière. Cela suppose donc que l'université accepte de faire des choix
entre les domaines ouverts à une collaboration, développe sélectivement ses
laboratoires de recherche et les dote en conséquence des moyens nécessaires.
L'université doit être
prête à appliquer une politique plus souple en matière de personnel:
-
le personnel doit
pouvoir quitter et éventuellement réintégrer l'université sans dommages
matériels et de carrière importants.
-
l'université doit
être en mesure d'engager du personnel venant de l'industrie, même à un
niveau élevé.
-
l'université doit
être disposée à confier des enseignements et des responsabilités académiques
ou de recherche à des personnes consacrant une partie seulement de leur
temps à l'université.
-
mais surtout, le
système de "consulting " doit être facilité: les avantages intellectuels et
matériels qui peuvent être retirés de ce type de fonction devraient être de
nature à susciter un intérêt du corps académique pour les problèmes
industriels. On peut penser que ceci est en contradiction avec une certaine
indépendance du corps professoral, et pourrait créer des frictions au sein
de l'université. Toutefois, ce système des consultants a joué un rôle moteur
évident dans le développement technologique aux USA : un choix doit être
fait chez nous entre le respect intégral des principes qui ont largement
régi jusqu'ici nos institutions académiques et la recherche de nouveaux "incentives"
susceptibles de faciliter notre insertion dans une compétition économique et
industrielle de plus en plus difficile."
Quinze années ont passé.
Les parcs industriels scientifiques ont accueilli des entreprises, des
collaborations se sont développées, les universités ont structuré une politique
d'ouverture aux problèmes économiques. Les problèmes liés aux échanges de
personnel n'ont pas été résolus. Les zones d'emploi créées avec l'accord de la
Communauté européenne constituent une redoutable concurrence du seul point de
vue financier.
Le statut des parcs
industriels scientifiques mérite d'être revu après avoir évalué le rôle que
ceux-ci ont joué en tant qu'outil de la prise de conscience par l'université de
la fonction socio-économique qu'elle doit assumer et en tant qu'outil de
l'adaptation des types de collaboration entre l'industrie et l'université

7. La dimension
européenne
La Wallonie dans l'espace
scientifique et technologique européen.
La Wallonie ne peut pas
considérer son avenir sans prendre en compte la dimension européenne de l'enjeu
en cours. Elle doit se situer dans l'espace scientifique et technologique
européen, y prendre sa part de responsabilités et d'initiatives, et tenter d'en
tirer le meilleur parti pour son développement.
7.1. L'enjeu
Il y a tout d'abord la
mutation économique avec ses corollaires, l'inflation et le chômage (14 millions
de personnes, plus de 10% de la population active).
Il y a aussi la capacité
concurrentielle de la Communauté européenne qui va déclinant si on la compare à
celle de nos principaux partenaires économiques. Ceci est vrai dans le domaine
de l'agriculture (la balance commerciale est déficitaire) et aussi dans le
domaine industriel: non seulement dans le domaine des technologies avancées (
l'informatique, la biotechnologie) mais aussi dans des secteurs plus
traditionnels comme ceux de l'industrie chimique ou du textile.
Il y a enfin que la
Communauté européenne est particulièrement dépendante des autres pays pour son
approvisionnement en matières premières qu'il s'agisse de pétrole, de gaz
naturel ou de ressources minérales.
Simultanément, l'Europe a
l'ambition de contribuer à relever le défi du développement des pays du
Tiers-Monde; elle doit donc prendre en compte les intérêts de ces pays.
La transition vers un
nouveau système énergétique, la lutte contre le chômage, l'adaptation au
changement, relèvent autant de l'innovation sociale que de l'innovation
technologique. Pour innover afin d'assurer un meilleur développement, il ne
suffit pas de produire des technologies, il faut également préparer leur
introduction dans la société (les entreprises, les bureaux, les écoles, les
ménages). Cet enjeu interpelle aussi les universités.

7.2 Le potentiel
européen de recherche-développement
L'Europe est riche en
matière grise, sa capacité d'invention et d'innovation est sans conteste
considérable et de qualité.
Ainsi environ 20% du
potentiel mondial de recherche-développement sont concentrés dans les douze
Etats membres de la Communauté européenne alors que ceux-ci ne représentent que
6% de la population du globe. Plus de 1 million de scientifiques et de
techniciens, dont environ 350.000. chercheurs et ingénieurs de recherche, ont
disposé en Europe, en 1982, de crédits s'élevant à plus de 52 milliards d'Ecus.
Comparativement, la capacité de recherche-développement de la Communauté n'est
inférieure que de 27% à celle des USA, si l'on ne considère que les recherches
civiles, elle est environ le double de celle du Japon. Malheureusement, et de
façon quelque peu paradoxale, la Communauté européenne apparaît mal préparée
pour tirer pleinement parti de ce potentiel considérable et de haut niveau
qualitatif.
Ainsi les structures
actuelles souffrent d'un manque de flexibilité conduisant à amoindrir la
capacité de mobilisation rapide des hommes et des ressources, à freiner la
réunion de compétences pluridisciplinaires face à une problématique
supranationale, à limiter les possibilités d'utilisation des jeunes talents.
Autre handicap de la
recherche-développement européenne: une certaine faiblesse des facteurs de
mobilité. Alors que chacun reconnaît généralement que les différentes formes de
mobilité sont favorables à la diffusion des connaissances, à la
pluridisciplinarité, à la création de besoins de remplacement conduisant à
l'embauche de jeunes diplômés, les chercheurs comme les ingénieurs, sont, en
Europe, peu mobiles. Face à la fragmentation et au cloisonnement actuels, il
s'agit d'oeuvrer à la constitution d'un large espace universitaire européen.
La Wallonie est
maintenant responsable de l'utilisation d'une petite partie de ce potentiel
européen de recherche-développement. Sa capacité d'agir à un niveau
supra-régional justifiera aussi sa revendication d'une responsabilité accrue et
d'une augmentation importante de ses moyens.
(Octobre 1987)

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