Le logement en Wallonie
Cyrille
CRAPPE
Secrétaire général honoraire de
l'Institut national du Logement.
Une des
composantes importantes de la qualité de la vie et de l'avenir d'une
région est le logement : son architecture (formes, couleurs,
matériaux), son état, son équipement. C'est si vrai que toutes les
études ethnologiques y consacrent de larges chapitres.
Il se justifie dès lors
qu'un rapport relatif au logement en Wallonie ait été prévu par le Congrès de
l'Institut Jules Destrée.
L'évolution de la qualité
du logement est largement conditionnée par des aides publiques. A défaut, elle
ne peut manquer de se dégrader compte tenu notamment du changement de société
auquel on assiste depuis que l'auto a modifié profondément l'utilisation des
budgets familiaux, lesquels comportent d'importants débours pour la voiture au
détriment du logement.
Les aides publiques se
sont multipliées au cours des dernières décennies. On se trouve en présence d'un
véritable arsenal d'interventions des pouvoirs publics, invraisemblablement
diversifiées. Leur efficience est affaiblie par leur amoncellement même et par
la multiplicité des organes publics dispensateurs des aides.
Pour poser un diagnostic
quant au logement, il suffit de considérer son état, les activités qu'il connaît
et les médications appliquées actuellement. On observe ce qui suit:
-
En Wallonie, la
moitié des logements souffrent d'insalubrité ou de défauts graves.
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On est passé de
20.000 logements construits annuellement en Wallonie il y a 10 ans, à 5.000
actuellement.
-
L'amélioration des
logements insalubres et des logements notoirement insuffisants est très
nettement inférieure aux besoins.
-
Une majorité des
prêts hypothécaires aidés par les Régions intéresse des opérations ne
comportant pas ou que peu de travaux.
-
Les activités
relatives aux logements sociaux sont pratiquement nulles en Wallonie, aussi
bien pour l'amélioration que pour la construction.
-
La démolition et la
désaffection de logements insalubres non améliorables s'opèrent au
compte-gouttes.
-
L'emploi dans
l'industrie de la construction (bâtiment et génie civil) a connu une énorme
diminution. La perte d'emplois effectivement occupés est de 150.000 unités
pour le pays, dont la majorité est à imputer au logement.
-
Les effets
multiplicateurs de la construction de la construction portent à 240.000 le
nombre d'emplois perdus, dont au moins 180.000 masculins.
En conclusion, on peut
affirmer que la politique actuelle se solde par un échec flagrant.

Les cause de cette
situation sont:
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la crise économique.
-
une certaine pléthore
de logements.
-
les charges des prêts
hypothécaires, la diminution et la précarité des revenus de la population.
On sait que la politique
du logement est régionalisée. Les Régions ne disposent que de moyens financiers
nettement insuffisants. Du coup, elles n'ont pas de politique.
La Région wallonne a
budgétisé les crédits réservés au logement social, ce qui a eu pour conséquence
que leur montant est insignifiant, ceux relatifs aux primes à la réhabilitation
épuisant la masse disponibles pour de nombreuses années.
Devant l'impossibilité
pour les Régions de dégager des solutions de relance, l'Etat a essayé de prendre
la relève, en utilisant les leviers fiscaux. Les résultats de ses initiatives
sont décevants, avec comme conséquence une aggravation du chômage et une énorme
diminution de ses recettes fiscales.
En tout état de cause, on
ne peut que dénoncer l'impuissance du Gouvernement à dégager, en accord avec les
Régions, une politique cohérente efficiente. C'est une véritable faillite.
Une politique nouvelle
est à fixer, faisant table rase de l'actuelle, repensant complètement les aides
publiques et ne se contentant pas, comme on l'a fait depuis des décennies, de
retouches ici et là, qui ne sont que des emplâtres sur une jambe de bois.
L'objectif de la
politique nouvelle à adopter est d'arriver, dans un proche avenir, à une qualité
de logement qui ne prête plus à critique. Elle doit traduire dans la réalité le
droit au logement de la population en lui garantissant l'accès à des logements
décents.
Il convient que la
politique soit arrêtée de commun accord entre les Régions et l'Etat, dont le
rôle sur le plan fiscal est important, de même que sur le plan de son
intervention financière indispensable en faveur des régions.
Elle doit, du fait des
interventions de l'Etat, comporter un large dénominateur commun entre les
Régions.
L'accroissement des
activités que l'industrie de la construction devrait connaître aura pour
conséquence de réduire le chômage, contribuant ainsi à la relance de l'économie
tout en résolvant le dramatique problème social posé par la mauvaise qualité
actuelle du logement. D'un même coup, on rencontrera des préoccupations
économiques et sociales, sans se soucier de la préséance des unes et des autres.
Les principes de la
politique nouvelle sont les suivants:
-
Les modalités
d'octroi des aides publiques, lesquelles sont l'essentiel de la politique du
logement, doivent être de la plus grande simplicité. Elles intéressent tant
l'accession à la location qu'à la propriété, et aussi bien la désaffectation
et l'assainissement que l'amélioration et la construction.
-
Il convient de
recourir largement à la réglementation dite de police.
-
L'Etat doit alimenter
à fonds perdus les budgets des régions consacrés à promouvoir des activités
en matière de logement répondant aux besoins. L'application de ce principe
est le support de la politique proposée.
-
Le secteur public du
logement doit rester actif notamment pour ses effets régulateurs du marché
locatif et pour l'intérêt qu'il présente pour les ménages de condition
modeste.
-
Il y a lieu
d'associer activement le secteur privé aux activités en aidant les personnes
de revenus moyens.
-
Il faut attribuer
sélectivement l'aide publique aux seules activités qui, à défaut, ne
s'exerceraient pas et l'exclure pour tout ce qui n'entraîne pas un
enrichissement du patrimoine immobilier, toutes autres interventions
relevant de la compétence des organismes d'aide sociale.
-
Il faut également
accorder une priorité absolue à l'amélioration des logements sociaux, y
compris leur isolation thermique.
-
Une action vigoureuse
est à mener en vue de faire disparaître les taudis.

Les mesures d'application
de ces principes sont multiples. En ordre principal, elle comportent la
suppression, à quelques exceptions près, de toutes les aides actuelles. Elles
prévoient notamment les interventions ci-après de la Région:
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Le financement des
investissements des sociétés d'habitations sociales tant pour ce qui est de
l'amélioration que pour ce qui concerne la construction.
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L'octroi d'une
aide-accession à la propriété au propriétaire occupant consistant dans une
intervention dans les charges du prêt hypothécaire contracté en cas de
construction ou d'acquisition d'un logement neuf (normalisé techniquement et
financièrement).
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L'octroi d'une
aide-amélioration au propriétaire-occupant qui procède à l'amélioration de
son logement (insalubre ou souffrant d'insuffisances graves) ou qui acquiert
un logement amélioré, l'aide étant similaire à celle accordée pour les
logements nouveaux.
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Une assurance-perte
de revenus en faveur des propriétaires-occupants d'un logement neuf ou
amélioré.
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L'octroi d'une
allocation-loyer aux locataires d'un logement nouveau ou amélioré selon des
critères de revenus et de composition des ménages.
-
La promulgation d'un
décret de la Région imposant l'obligation pour les propriétaires
non-occupants de supprimer l'insalubrité de leurs logements.
-
La promulgation par
les régions d'un décret imposant l'entretien des logements et de leurs
abords.
Le programme d'activité
est le suivant:
-
Construction: 50.000
logements par an pour le pays, dont 17.000 en Région wallonne.
-
Amélioration:
respectivement 135.000 et 50.000
-
Désaffectation:
respectivement 29.500 et 10.500
Conclusions: Il existe
dans le pays près d'un million et demi de logements notoirement insuffisants
dont 850.000 sont insalubres. Parmi ceux-ci, plus de 300.000 sont
irrécupérables. On compte 500.000 chômeurs inscrits auxquels il faut ajouter
200.000 non inscrits. Toutes proportions gardées, la situation est plus grave en
Wallonie.
La recension des
activités relatives au logement et spécialement la construction de nouveaux
logements qui est passée de 80.000 il y a quelques années à 25.000 actuellement
(respectivement 20.000 et 5.000 en Wallonie), a provoqué une diminution des
recettes de l'Etat de plus de 200 milliards et la perte de 240.000 emplois dont
180.000 masculins (pour l'ensemble de l'industrie de la construction).
En fait, les activités
logement ont été tuées par la régionalisation telle qu'elle a été opérée par l'Etat.
Les régions étant dans
l'impossibilité de fixer une quelconque politique de logement, l'Etat se
substitue à elles en s'appliquant maladroitement à essayer de relancer la
construction par des déduction fiscales qui s'avèrent d'ailleurs inopérantes, si
ce n'est qu'elles avantagent outrancièrement les bien nantis.
La politique proposée
fait table rase de la politique actuelle. Elle apporte une solution non
seulement au problème du logement,ce qui est son objectif,mais également, par
voie de conséquence, une solution partielle à celui des finances de l'Etat et
des régions et à celui du chômage.
En effet, l'Etat
enregistrerait un boni annuel de 135 Milliards, et le chômage diminuerait de
130.000 unités dont 110.000 hommes.
La politique nouvelle
présentée postule des décisions synchroniques de l'Etat (lois et arrêtés) et des
régions (décrets et arrêtés).
Toutes les conditions
sont remplies pour l'adoption de la politique proposée. Il ne manque,c'est
déterminant, que la volonté des responsables politiques. Sa réalisation exigera
la mobilisation de toutes les forces à mettre en oeuvre à cet effet.

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