L'énergie nucléaire ou
la puissance du mythe - "Propos en marge du sensationnel..."
René
CONSTANT
Directeur général de l'Institut
National des Radioéléments (I.R.E.)
Il est devenu
banal de dire que l'homme se trouve à un tournant de son évolution:
pour la première fois il dispose, à travers l'exploitation et le
développement de certaines filières technologiques, des moyens de
détruire l'espèce. Autrement dit, il a acquis la capacité
d'autodestruction totale.
Mais, il l'est beaucoup
moins de constater que rares sont ceux qui connaissent exactement l'origine du
ou des risques, la tendance la plus générale étant de se fixer sur les chimères
qui relèvent, dans la plupart des cas, d'un phénomène touchant à la
superstition.
Un des meilleurs exemples
que l'on puisse trouver est sans doute celui de la psychose du nucléaire (ou
plus exactement des rayonnements) entretenue, voire attisée par les médias qui
trouvent là un merveilleux terrain du genre "serpent de mer perfectionné", qui
certes fixe les attentions mais malheureusement les oriente mal et camoufle les
véritables dangers (énormes et réels, ceux-là!) qui rodent autour de nous dans
un silence sinon complice au moins propice.
Après Seveso et Bhopal
qui se perdent déjà dans les brumes du passé de l'information et alors que les
Suisses prennent enfin conscience (après l'affaire de Bâle) que le risque
"chimique" peut être comparé au risque nucléaire, rares sont ceux qui
aujourd'hui s'inquiètent du développement des programmes d'armes chimiques dont
le stockage pourrait conduire à des catastrophes dont on imagine difficilement
les conséquences. Et pourtant les choses avancent vite en la matière. C'est
ainsi que les USA disposent d'une nouvelle génération de gaz innervants,
substances extrêmement toxiques à action transcutanée, (d'où, masque à gaz
inutile!), entraînant une paralysie musculaire totale.
Des doses inférieures au
microgramme suffisent à entraîner la mort; les dégâts pourraient donc être
impressionnants en cas d'accident aux installations de production, d'autant plus
que ces nouvelles armes viennent compléter des stocks importants déjà existants.
Mais il y a mieux,
beaucoup mieux même: des recherches avancées sont actuellement en cours pour
déterminer s'il serait possible de trouver un type d'armes chimiques ou
biologiques pouvant tuer les gens d'une certaine race en laissant les autres à
peu près indemnes. C'est ce qu'on appellera les armes ethniques qui tueront
spécifiquement. Il ne s'agit pas là de science-fiction car les techniques de la
génétique et de la biologie moléculaire permettent en principe d'accéder dès
aujourd'hui à de telles armes.

L'URSS s'est bien entendu
toujours déclarée contre ces armes monstrueuses mais en réalité les programmes
soviétiques de production de ces moyens de destruction massive sont eux aussi de
plus en plus vastes et sophistiqués et il est clairement établi que l'arme
chimique fut à plusieurs reprises récemment expérimentée en Afghanistan.
En tout cas, une simple
fuite se produisant à l'une ou l'autre de ces installations, qu'elles soient
implantées à l'Est ou à l'Ouest, risquerait de faire passer "Tchernobyl" pour
une regrettable péripétie! Et pendant ce temps-là on nous amuse avec des
incidents plus ou moins graves affectant le nucléaire sans le développement
duquel nous aurions vraisemblablement connu une véritable crise de civilisation.
Mais il est vrai que l'information dans le domaine que j'abordais à titre
d'exemple en ce début d'exposé est très difficile à obtenir et qu'il est plus
simple de créer, au départ d'incidents mineurs, une inquiétude sinon injustifiée
tout au moins dans la plupart des cas très largement exagérée.
Illustrons brièvement
notre affirmation par un exemple qui mérite d'être connu. On vient, il y a
quelques mois, d'annoncer que les autorités américaines avaient ordonné la
fermeture sine die de deux usines de fabrication de plutonium localisées à
Hanford (Etat de Washington), tout simplement parce que le risque d'explosion
nucléaire y était considéré comme trop élevé!
Voilà une information
tout simplement effarante et qui a fait en tout et pour tout l'objet
d'entrefilets dans la presse. Comprenne qui pourra!!
Venons-en maintenant à
l'accident de Tchernobyl. De ce catastrophique scandale, car c'est bien d'un
scandale qu'il s'agit, nous retiendrons au moins deux aspects positifs: il a
d'abord permis (et ce n'est jamais inutile) de tester nos moyens de contrôle en
"réel" mais aussi de mettre en évidence le manque de coordination de la
politique européenne en matière de sécurité. Ensuite, il a ramené à la raison
les "tout nucléaire" pathologiques, (je pense ici à certains fonctionnaires et
spécialistes à "géométrie variable" bien connus des milieux spécialisés), ceux
pour qui tout accident très grave était virtuellement impossible où que ce soit
mais aussi et surtout ceux qui feignent d'ignorer voire même qui ignorent
totalement le véritable danger provenant non pas des centrales nucléaires mais
d'un tout autre facteur dont on parle très peu: L'INEVITABLE IMBRICATION DES
PROGRAMMES CIVILS ET MILITAIRES.
Pas guéris d'ailleurs ces
irréductibles, car ils se sont empressés d'"oublier" de souligner que s'il n'y a
aucun rapport entre un réacteur du type de celui de Tchernobyl, originellement
conçu avant tout autre chose pour la production de plutonium, et une centrale de
type PWR comme celles installées dans nos pays pour la production d'électricité,
il n'en reste pas moins vrai que des réacteurs construits dans le même but
fonctionnent également à l'Ouest avec des risques moindres certes mais à un
niveau de sécurité qui n'est pas celui et de loin de nos centrales.
Comme on le voit et comme
j'essaye de le mettre en évidence, la confusion règne sur le sujet et les médias
ne manquent pas de l'entretenir.
Mais la vraie question
reste: FAUT-IL OUI OU NON AVOIR PEUR ? Pour moi la réponse est sans aucun doute:
oui, mais comme je vais essayer de le montrer, précisément pas de ce dont on
nous rabache les oreilles.
Cette crainte
irrationnelle que beaucoup ont en eux et que l'on entretient semble bien
provenir d'une tache originelle: Hiroshima et Nagasaki sont encore trop près de
nous et les complexités technico-scientifiques inhérentes au problèmes ne
simplifient rien.
Mais essayons de voir les
choses sérieusement et nous constaterons que la soi-disant peur du nucléaire est
avant tout celle du "rayonnement", donc de la radioactivité. Sans doute parce
qu'il s'agit de quelque chose d'invisible, de difficile à comprendre sans une
préparation adéquate.

Pour essayer d'expliquer
les choses, il ne faut pas -ce que l'on fait le plus souvent - bombarder les
gens de Becquerels, Curies, Rads, Rems et autre Sieverts, mais essayer avant
tout de les imprégner de l'idée que la radioactivité et les rayonnements sont
partout, que la planète Terre est naturellement radioactive et que nous sommes
bombardés en permanence par le rayonnement cosmique qui nous vient du ciel. Il
ne faut jamais perdre de vue que ces deux sources de rayonnement constituent le
principal vecteur d'irradiation naturelle des populations.
Il faut alors expliquer
que la seconde source de rayonnement en importance provient des applications
médicales et, si on ajoute à cela les écrans de télévision et les montres
lumineuses, il sera alors plus facile de montrer en valeur relative que l'impact
des centrales et même les retombées de l'accident de Tchernobyl en BELGIQUE par
rapport au niveau d'irradiation que reçoivent les populations en permanences de
façon naturelle, est dans la plupart des cas tout simplement négligeable mais
constitue encore pour certains un moyens merveilleux de faire du sensationnel
ou... de la politique. La vérité a ses droits: l'irradiation médicale
(radioscopie, radiographie, etc.) et le bien qu'elle apporte, reste de très loin
le principal vecteur d'apport de doses d'irradiation artificielle dans nos
sociétés.
QUAND CE PREMIER ASPECT
DES CHOSES, est bien acquis, il faut alors rappeler que, contrairement à ce qui
est dit trop souvent, les hauts lieux de la radioactivité ne se trouvent pas
dans l'environnement des centrales nucléaires mais dans le granit de Bretagne ou
encore dans le Massif Central, c'est-à-dire là où l'on se rend généralement pour
se refaire une santé. Les maisons de granit de ces régions (à cause du radon
émis par la pierre) "irradient", c'est-à-dire émettent 6 à 10 fois plus de
rayonnement que ne le font les nôtres. Or, aucune différence n'est
épidémiologiquement décelable au niveau des habitants qui vivent depuis des
générations dans de telles conditions. Même constatation pour les populations
d'endroits beaucoup plus radioactifs encore, comme certaines places du Brésil ou
des Indes où le sol ne contient pas loin de 10% de thorium.
Et pourtant, là non plus,
aucune dégénérescence ou d'indications d'affections somatiques qui mettraient en
évidence un danger mesurable ne peuvent être décelées.
Pensons aussi aux
stations et aux sources thermales qui ont fait leur renom en tout ou en partie
en vantant abondamment la radioactivité naturelle de leurs eaux dont on a bien
soin de ne plus parler aujourd'hui. Pensons aux produits de beauté (dont le nom
de certains est resté célèbre) qui contenaient des quantités non négligeables -
j'ai pu le mesurer moi-même - de radioactivité et dont nos compagnes
s'enduisaient la frimousse à qui mieux mieux... Ce n'est certes pas un exemple à
suivre, mais ceci démontre à quel point un mythe, cependant bien ancré, peut
être littéralement "retourné", à l'aide de purs éléments subjectifs.
En vérité, il nous faut
réaliser que la crainte des rayonnements est NOUVELLE ET RECENTE et de fait,
avant la guerre,le mythe était inverse et la radioactivité GENERALEMENT
CONSIDEREE COMME BIENFAISANTE.
Revenons un instant au
rayonnement "cosmique". Il augmente évidemment singulièrement avec l'altitude.
Donc, si nous voulons diminuer notre dose d'irradiation, il nous faut éviter les
sports d'hiver, les vacances en altitude et surtout renoncer aux voyages aériens
qui entraînent des doses d'irradiation non négligeables.
L'exemple de la chute du
réacteur d'un satellite russe il y a quelque temps dans le Nord-Ouest du Canada
est également amusant à considérer. Des patrouilles aériennes croyaient l'avoir
localisé et le taux de radioactivité mesuré lors des reconnaissances avait été
qualifié de critique, voire de dangereux. On se demandait comment on allait
résoudre le problème et on parlait de lourds "dommages et intérêts" à réclamer à
l'URSS. Quelle ne fut pas la surprise des techniciens envoyés sur place de
constater que la source de radioactivité en question était naturelle et qu'il
s'agissait d'un gisement radioactif particulièrement intéressant. Le mal
devenait ainsi subitement le bien et intéressait fortement les géologues et...
les financiers.
Comment expliquer de tels
revirements de la presse sans la moindre gêne? Comment ne pas réaliser à travers
de tels faits le grossissement anormal que l'on donne aux choses de l'atome?
Voilà jusqu'où peut
entraîner le mythe... Et nous pourrions ainsi multiplier les exemples, mais l'on
ne prêche pas contre l'aveuglement volontaire, le fanatisme et la mauvaise
foi...

Bien sûr, beaucoup
d'écologistes - ou de soi-disant tels - ont maintenant à reléguer à
l'arrière-plan le risque direct du rayonnement - dit risque somatique - pour
agiter le risque à long terme dit génétique.
Résumons brièvement le
problème en disant que ce risque affecte soit les gamètes (cellules
reproductrices sexuées) ou encore des individus déjà constitués, mais "in utero"
donc tout au début de leur développement.
Certes, le risque est
réel mais il faut admettre qu'il a été très largement surestimé comme le
montrent les résultats des rares expérimentations à échelle suffisante que nous
connaissons, c'est-à-dire les survivants des bombardements de Hiroshima et de
Nagasaki, les malades ayant été irradiés pour des affections bénignes et
quelques rares accidents de centrales.
La vérité est que
l'analyse de tous les résultats aujourd'hui disponibles ont permis de mettre en
évidence le degré de risque pour des doses SUPERIEURES à 100 Rems soit une
irradiation énorme reçue en une fois et représentant ce qu'un travailleur
PROFESSIONNELLEMENT exposé est autorisé à "prendre" au grand maximum par petites
doses sur une durée de 20 ans! Mais en dessous de ce niveau PERSONNE NE SAIT
RIEN DE PRECIS si ce n'est que les doses de tolérance sur lesquelles les
organismes internationaux se sont mis d'accord, aussi bien pour les travailleurs
que pour toute la population, sont très surévaluées.
Les monstres annoncés à
Hiroshima, à Nagasaki et, très comiquement, dans l'environnement des
installations nucléaires ne sont pas là. Après deux générations on ne constate
même pas, parmi les descendants des irradiés des lieux de bombardement au Japon
-hormis chez les sujets irradiés "in utero" - d'augmentation de fréquence des
anomalies congénitales.
Mais aux dires de
certains, c'est au niveau des faibles doses, reçues journellement que se
trouvait le problème. Malheureusement (ou heureusement...) ces doses
journalières peuvent varier considérablement suivant le lieu et la nature de
notre habitat, suivant notre mode de vie, nos voyages, etc.
Or, là c'est la bouteille
à encre et on discute ferme. La question primordiale reste : y a-t-il un seuil
en dessous duquel il y a peu d'effet ou pas?
La vérité est simple:
personne n'en sait rien. Il y a même mieux: plusieurs scientifiques et non des
moindres pensent que la vie serait impossible sans le rayonnement et qu'une dose
minimum de celui-ci est nécessaire à son développement.
Il ne manque pas
d'arguments. En voici quelques-uns. Nous ne devons jamais oublier que, depuis
l'origine, des organismes vivants baignent dans le rayonnement et que celui-ci
était bien supérieur dans les temps anciens à ce qu'il est aujourd'hui.
Peut-être même ont-ils utilisé cette énergie pour leur évolution tout en
développant des processus connus pour réparer - auto-réparer - les dégâts
provoqués au niveau cellulaire.
Mais au-delà de ce
phénomène on ignore quasi beaucoup trop souvent (pour ne pas dire toujours...)
qu'il existe un certain nombre D'EFFETS BENEFIQUES résultant des "faibles doses"
par stimulation de divers mécanismes de protection ou homéostatique (comme
HICKEY l'a mis en évidence dès 1983
(1)),
mécanismes qui ne sont pas encore bien compris. C'est ce qu'on appelle en jargon
la "radiation hormesis" (du grec hormein qui signifie s'élancer - aller de
l'avant).
Il parait en effet
aujourd'hui certain que la radiation de fond (le background) STIMULE la
prolifération cellulaire, ce qui confirme clairement son impact au niveau du
développement vital. C'est ainsi que des effets positifs de croissance végétale
ont été mis en évidence après application de faibles doses à certaines plantes
mais il est exact de souligner que la phénomène n'est pas toujours
reproductible.
Il est aussi patent que
les faibles doses accroissent la fertilité des souris mâles ainsi que celle de
la croissance des embryons de truites après exposition de la semence.
Ne serait-ce pas là une
explication possible des effets bienfaisants des sources radioactives dont on
parlait avant la dernière guerre? C'est en tout cas troublant.

Soyons en tout cas sûrs
d'une chose: tout ce qu'on a dit et raconté spécialement dans les médias sur un
accroissement du nombre de cancers détectés dans l'environnement des centrales
relève toujours de sollicitations peu scientifiques.
Il est entre autre chose
impossible de mesurer sérieusement l'incidence exprimée en nombre de cancers dus
aux retombées de Tchernobyl sur le territoire de la CEE et le faire est faire
preuve de peu de sérieux ou de peu de connaissance des problèmes fondamentaux,
spécialement dans le domaine du calcul d'erreurs et de la statistique.
S'il y a menace, il est
clair que la plus réelle de celle-ci dans le domaine des faibles doses résulte
de l'exposition au radon naturel et là, nous n'y pouvons rien. Pour montrer la
relativité des choses, disons que le risque radon sur le cancer du poumon est
estimé l'accroître de +0,10% (mais que veut dire un tel chiffre??) alors que
celui dû à la cigarette serait de 7%.
En un mot comme en cent,
les risques liés aux irradiations de "bas niveaux" restent donc extrêmement
faibles si on les compare à ceux résultant non seulement de l'usage du tabac
mais aussi de la simple pollution industrielle.
Alors pourquoi en faire
un tel bruit et une telle obsession?
Pour moi, il est clair
que l'industrie nucléaire doit être surveillée aux mêmes titres que d'autres
d'ailleurs, mais il est tout aussi clair que les bruits alarmants qui ne cessent
de circuler visent à la manipulation et à la désinformation d'un public beaucoup
trop crédule.
Devons-nous, sous
prétexte de prudence, refuser de nous rendre aux sports d'hiver, de séjourner
dans le Massif Central, d'habiter des maisons de granit, de faire des
déplacements en avion et de tout faire pour abaisser notre niveau d'irradiation
naturelle. Poser des questions, c'est évidemment y répondre.
Il n'en reste pas moins
que le vrai mythe consisterait à croire qu'il pourrait exister une énergie
suffisamment concentrée sans danger qu'elle soit nucléaire ou autre. Le tout est
de prendre des précautions appropriées.

ET DE FAIT, LE VRAI PROBLEME DU NUCLEAIRE NE SE TROUVE PAS A CE NIVEAU.
A notre avis, il
apparaîtra dans les décennies qui viennent sous trois aspects:
-
le stockage des
déchets radioactifs, si celui-ci ne fait pas l'objet de plus d'attention que
ce n'est le cas aujourd'hui;
-
l'approvisionnement
en combustibles, et;
-
question plus grave
que celle déjà citées: ce que l'on appelle la prolifération ou la
dissémination.
Examinons maintenant
chacun de ces aspects plus en détails:
1. En ce
qui concerne les déchets, il serait léger, quoi qu'en disent certains,
d'imaginer que le problème est résolu, ce qui ne signifie pas qu'il ne soit pas
soluble.
Je me suis toujours
étonné du manque d'efforts et du manque de moyens financiers que l'on a consacré
à ce problème. Examinons la ventilation des budgets des pays et instances
impliqués et nous serons renseignés à ce propos.
Les divers procédés de
vitrifications constituent peut-être la solution, bien que certains
scientifiques en contestent la validité à moyen terme (au-delà de quelques
décennies...)
Ils croient que tout cela
impliquerait, si cette solution était retenue, divers reconditionnements dans le
temps pour prévenir des dommages superficiels qui seraient selon eux
inévitables. Or, le stockage géologique qui doit normalement faire suite aux
opérations de vitrification rendrait d'évidence cette opération technique
difficile et en tout cas très coûteuse. Ceci venant se greffer sur le fait que
certains géologues estiment que les sites adéquats à de tels enfouissements dans
des conditions de sécurité satisfaisantes sont très peu nombreux, inquiète
beaucoup d'experts dont je suis. Je reste toutefois assuré que la grosse
majorité des problèmes quels qu'ils soient sont solubles si l'on y met les
moyens.
Encore faut-il qu'on les
y mettent et que la situation internationale permette de développer une
politique adéquate en la matière.

2. Le
second problème réel posé par l'énergie nucléaire est celui de
l'approvisionnement en uranium.
L'Europe n'en possède pas
assez. La Belgique pas du tout.
Je sais que l'on nous dit
actuellement qu'il n'y a pas de problème et qu'il existe des gisements
suffisants pour couvrir à moyen terme les besoins, aux USA, au Canada, en
Afrique, etc.
Je constate une chose:
nous sommes "dépendants" et à ceux qui me parlent d'alarmisme, je leur demande
de relire attentivement ce que l'on écrivait concernant la dépendance pétrolière
et la sécurité d'approvisionnement juste avant la première crise qui nous a
frappés. Là non plus il n'y avait pas de problèmes...
Il faut - nous en avons
le devoir - être méfiants!
Bon nombre de
spécialistes sont formels en la matière, un seul remède: le recyclage des
combustibles irradiés. En effet, disons de façon très simplifiée que le
traitement des dits combustibles permet d'obtenir du plutonium qui, lui-même,
peut alimenter une nouvelle filière de réacteurs appelés "surrégénérateurs"
parce que très curieusement ils produisent par leur fonctionnement plus de
combustibles qu'ils n'en consomment.
Mais attention! La
technologie est sophistiquée, très nouvelle et très coûteuse. Seule la France
s'est jusqu'ici engagée à fond dans cette voie. L'avenir montrera si elle a
raison, mais dès à présent, on peut supposer que ses impératifs militaires n'y
sont pas entièrement étrangers et c'est bien là le problème!
Nos contraintes ne sont
pas - et de loin - de même nature et l'on peut s'étonner que la Belgique se soit
finalement engagée dans une telle opération par partenaires interposés.
Aujourd'hui on se rend compte un peu tard que l'opération représente un
véritable gouffre à milliards, pour des avantages fort relatifs.
En ce qui me concerne,
j'ai toujours estimé que ce n'est pas à un mini-pays comme le nôtre, qui ne
parvient même pas à résoudre les problèmes avec lesquels il est confronté tous
les jours, à vouloir dépasser les superpuissances dans un domaine aussi risqué.
Mais ces problèmes,
sérieux certes, sont comparativement bien moins graves que ne l'est le troisième
cité, celui dont les spécialistes ne parlent qu'entre eux à l'abri des oreilles
profanes.

3. Je
pense ici aux dangers liés à la "prolifération" et à la dissémination.
De quoi s'agit-il?
Le problème n'est pas
nouveau et est lié aux recherches ayant conduit pendant la guerre à la mise au
point de l'arme atomique aux USA. Ces recherches connues sous le nom de
"Manhattan project" furent conduites dans le plus grand secret, les responsables
politiques et scientifiques impliqués étant dès le départ bien conscients d'un
avenir lourd de dangers. D'ailleurs, pendant la guerre déjà, les Etats-Unis et
les alliés impliqués (Grande-Bretagne et dans une moindre mesure le Canada)
avaient pratiqué un secret rigoureux et avaient conclu le premier accord de non
prolifération des armes nucléaires dès 1943 à la conférence au sommet de Québec.
Cette "préservation" de
l'information couvrait outre l'arme elle-même:
-
l'enrichissement de
l'uranium, et;
-
le retraitement du
combustible irradié permettant de récupérer le plutonium, ce fameux
retraitement que d'aucuns croyent pouvoir aujourd'hui traiter comme simple
opération industrielle....
On voulait protéger ainsi
les deux voies d'accès à la bombe bien que l'on considère encore aujourd'hui que
la voie du Pu soit la plus simple surtout pour les pays ou les groupes
terroristes qui voudraient disposer rapidement d'une arme.
En effet, si les
meilleurs experts s'accordent pour déclarer que le risque d'affrontement
nucléaire entre "grands" est nul ou en tout cas très faible, il n'en est pas de
même pour certains pays "instables" dont le but déclaré est l'agression pure et
simple et la destruction d'autres nations sans parler du potentiel d'actions
terroristes sur lequel nous reviendrons.
Première remarque à ce
sujet:
Il est bien évident qu'un
pays parvenant à "récupérer" directement du plutonium pourrait faire l'économie
des phases qui constituent le cycle complet du combustible nucléaire au moins
pour deux des étapes essentielles; l'installation d'un réacteur et la mise en
place -fort visible et fort sensible- d'une usine de retraitement. Toujours
est-il qu'il ne faut jamais en la matière trop simplifier les choses, et bien
garder à l'esprit que le plutonium est un matériau radioactif, extrêmement
radio-toxique et surtout particulièrement surveillé.
Reste l'autre voie qui
est celle de l'uranium fortement enrichi, ou uranium 235.
Bien moins pratiquée pour
des raisons déjà citées, nous devons cependant savoir que selon les services de
renseignements occidentaux, certains pays du Tiers Monde pourront, avant 1990,
fabriquer des engins nucléaires à l'aide d'uranium enrichi plutôt que de
plutonium.
Mais que la filière
choisie soit celle du plutonium ou celle de l'uranium enrichi, le dispositif
devrait comporter, pour être opérationnel, des systèmes permettant de lancer
efficacement les ogives nucléaires sur les objectifs visés. Et c'est là qu'entre
en jeu la distinction fondamentale entre "avoir la capacité nucléaire" et
"posséder une force de frappe", mais bien entendu la capacité nucléaire est
suffisante pour des actes de chantage et de terrorisme.

Dès mars 1946 -il y a
donc plus de 40 ans- le Comité "Echeson-Lilienthal" mit le monde violemment en
garde en des termes que nous reprenons partiellement tant ils sont encore
d'actualité: "Les développements de l'énergie nucléaire à des fins
pacifiques ou à des fins militaires sont fortement interdépendants et
interchangeables. La seule assurance que nous puissions avoir que des nations ou
des groupes ne développent pas l'arme réside dans la parole donnée et la bonne
foi du concerné. Nous sommes convaincus que si la protection de matériaux
fissiles est permise (et elle l'est dans des faits aujourd'hui ...) aucun
système de protection ne pourra être efficace".
Comme d'une part,
l'action d'une autorité internationale mettant toutes les activités stratégiques
sous contrôle était aussi impensable hier qu'aujourd'hui et que, d'autre part,
la loi Mac Mahon vit le jour en 1946 prolongeant l'esprit du secret, les pays
qui en étaient capables lancèrent leur propre développement.
C'est ainsi que l'URSS et
la Grande-Bretagne, puis la France et par la suite la Chine, rompirent le
monopole américain bouleversant du même coup le rapport des forces
géopolitiques.
Il apparaissait ainsi
clairement que le vrai secret de l'énergie atomique était qu'il pouvait être
très violé!
Constatant qu'ils
n'empêchaient rien, les Etats-Unis décidèrent alors de tenter de contrôler le
mouvement en libéralisant les applications pacifiques de l'atome.
C'est ainsi que le fameux
programme "Atom for peace" vit le jour en 1953, programme par lequel les USA
offraient de fournir des réacteurs de recherche et leur assistance technique en
échange du droit de regard.
C'est la France qui la
première a fait scandale en 1955 en mettant sur l'agora ses résultats sur le
retraitement pour continuer lors de la conférence de Genève en 1968 par ceux sur
l'enrichissement.
En fait, il faut
sincèrement admettre qu'il y avait dans tout cela du secret de polichinelle et
que tout pays capable d'aligner des équipes et surtout les capitaux nécessaires
atteindrait sans trop de mal la technicité indispensable pour lancer ce genre
d'entreprise. Fut alors conclu en 1968 et mis en application en 1970 le
Traité de non prolifération (TNP) par lequel les 5 puissances nucléaires
(USA, URSS, Royaume-Uni, France et Chine) s'engageaient à n'aider aucun autre
pays à fabriquer un dispositif explosif, les autres signataires renonçant
unilatéralement à cette fabrication et acceptant les contrôles des inspecteurs
de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique de Vienne.
Une vingtaine de
puissances ont refusé d'y adhérer parmi lesquelles, Israël, l'Inde et bien
d'autres.
Où en sommes-nous
aujourd'hui?
Dès 1974, on pouvait
assister à l'explosion souterraine de la bombe indienne dans le désert du
Rajasthan, tandis que les pays industrialisés se lançaient dans des contrats de
fourniture d'évidence "proliférants" du genre de ceux qu'ont signés la France et
le Pakistan pour une usine de retraitement et de l'Allemagne et le Brésil pour
un ensemble de réacteur à une installation couvrant le cycle complet de
combustible avec enrichissement et retraitement. C'était tellement énorme que
plusieurs experts (dont je suis...) ont pensé que l'Allemagne avait ainsi (à
travers des accords secrets) trouvé le moyen de fabriquer sa bombe par Brésil
interposé.
En tout cas la chaîne
était lancée et les candidats à l'arme nucléaire se sont pressés au portique.
Après l'Inde, puis le
Brésil dont nous venons de parler, vinrent l'Argentine, le Pakistan,l'Irak,
l'Iran, la Corée du Sud, Taïwan, l'Afrique du Sud et évidemment la Lybie sans
oublier bien sûr Israël qui constitue un cas très particulier.

En vérité, la compétition
et l'affairisme international ont toujours existé en la matière et les barrières
et contraintes du TNP régulièrement violées, malgré les risques encourus.
C'est la raison pour
laquelle les principaux fournisseurs de matières et d'équipements nucléaires de
l'Est comme de l'Ouest ont alors constitué "le Club de Londres" avec son code
d'exportation.
Mais soyons clair: le
compromis est pratiquement impossible dans un domaine où les moindres
transactions se chiffrent en milliards de francs quand ce n'est pas en milliards
de dollars. Le croire serait naïf.
Et de fait, les Etats ne
se privent pas de ce genre d'opération et les coopérations sont souvent
inattendues.
Chacun sait que c'est à
la livraison du réacteur CANDU canadien que l'Inde doit d'avoir réalisé sa
bombe.
Mais le Canada n'a pas
vendu ce matériel uniquement à l'Inde mais aussi au Pakistan, à l'Argentine et à
la Corée du Sud. Et oui! Au Canada aussi il faut protéger l'emploi
(2)
sans être sûr en plus en cas de renoncement volontaire de ne pas être
immédiatement remplacé par la France ou la République fédérale d'Allemagne.
Prenons le cas de
l'Argentine: ce pays a négocié depuis 1955 des accords avec l'Allemagne mais
aussi dès 1981 avec l'Afrique du Sud qui a ainsi pu fabriquer sa bombe avec
l'assistance de savants allemands. Il est connu que l'URSS lui a fourni de
l'uranium enrichi et de l'eau lourde tandis que l'on est certain d'appuis
français et italiens.
La Chine populaire est
également sur la liste des fournisseurs d'uranium et d'eau lourde.
Dans un tel contexte on
comprendra sans doute mieux l'avertissement du Président argentin pendant la
guerre des Malouines: "Celui qui nous attaque - disait-il - ne
brise pas seulement la paix sur le continent américain mais MET EN DANGER LA
SECURITE DE L'HUMANITE TOUTE ENTIERE".
Quant à l'Afrique du Sud,
elle n'a pu disposer d'uranium enrichi que grâce aux USA, mais là aussi la
France et l'Allemagne fédérale portent une lourde responsabilité.
En fait, la stratégie
répond toujours au même mécanisme: elle consiste à vendre du "retraitement" pour
décrocher des centrales clés en mains et à la fois s'assurer des marchés
atteignant plusieurs dizaines de milliards de francs belges.
Complication
supplémentaire: ce genre de relation s'inscrit fort souvent - comme ce fut le
cas avec l'Irak - dans un contexte à forte dominante militaire, c'est-à-dire de
ventes d'armes et aussi de pétrole. Rappelons que dans le cas en question, la
France avait fort imprudemment vendu à l'Irak un réacteur fort évolué - OSIRAK-
très proliférant et présentant la caractéristique de fonctionner avec de
l'uranium extrêmement enrichi dit de qualité militaire.

Il faut admettre
qu'implanter un tel engin en Irak relève d'un cynisme voire d'une inconscience
difficilement explicable! Logiques avec eux-mêmes, les Irakiens se sont
d'ailleurs immédiatement mis à la recherche d'équipements leur permettant de
retraiter le combustible irradié.
Depuis, nous savons
comment Israël a mis fin à ce programme.
La Belgique se défendant
comme elle peut n'est pas absente de ce "crazy game":
-
Dans les années 70,
une société belge a assisté les Pakistanais dans l'installation à Pinstech
d'une chaîne pilote de retraitement d'une capacité d'1 kg par jour. Tout
récemment encore (en mars 1986), une "mission" prévoyait de s'engager dans
un contrat les entraînant à recevoir des stagiaires pakistanais à la cadence
de 36 hommes par mois.
Il s'agit certes, sur le
papier, de programme civils, mais nous savons à quel point les technologies
s'interpénètrent et sont en fait indissociables.
D'ailleurs, nous savons
de source sûre que plusieurs des personnes rencontrées au Pakistan par la
mission belge dont il est question ci-dessus étaient directement impliquées dans
les programmes militaires pakistano-libyens. Parmi eux, le haut responsable du
groupe "armes" et le directeur technique du projet de séparation du plutonium
pour applications militaires ce qui, on en conviendra, paraît curieux lorsqu'il
s'agit de discuter de programmes civils.

ET TOUT CELA, ALORS QUE
LES SPECIALISTES SAVENT QUE LA BOMBE PAKISTANO-LYBIENNE REPRESENTE AUJOURD'HUI
UN DES DANGERS MAJEURS POUR LE MONDE!
C'est d'ailleurs pour
tenter de parer à cette dissémination catastrophique que le Président Carter a
renoncé aussi ingénument qu'unilatéralement au programme de développement et de
commercialisation des réacteurs rapides et surtout au retraitement des
combustibles irradiés. Bien entendu, à ce jour, cette démarche n'a
malheureusement débouché sur rien si ce n'est à accroître l'hypocrisie des
tractations dont nous venons de parler.
Et pendant ce temps,
Israël devenait la 6ème puissance nucléaire mondiale. En fait, elle fut quasi
certainement la 5ème de celles-ci (avant la Chine) car nous sommes persuadés
qu'elle fabrique des armes depuis 20 ans et a actuellement atteint la phase
ultime: la fabrication de l'arme thermonucléaire.
Les choses ont commencé
dans les années cinquante, période pendant laquelle la France a transmis à
Isarël les secrets de la fabrication de la bombe et une assistance technique
comme l'a lui-même déclaré Francis PERRIN, ancien haut Commissaire à l'Energie
Atomique.
C'est aussi la France qui
a prêté son concours à la construction d'un réacteur et des installations
nécessaires in situ et, aujourd'hui, Israël dispose à Dimona (dans le Négev)
d'une force de frappe complète constituant un formidable arsenal exemple
flagrant de prolifération organisée. C'est d'autant plus vrai qu'il y a tout
lieu de supposer que la bombe sud-africaine est elle-même issue de la filière
israélienne. Le double "flash" caractéristique détecté le 22 septembre 1979 par
un satellite de surveillance américain résultait vraisemblablement d'une
expérience conjointe Israël-Afrique du Sud, fruit d'une collaboration ancienne
et bien connue qui s'est peut-être d'ailleurs étendue à Taiwan.
C'est donc à juste titre
que le journal "Le Monde" du 21 décembre écrivait que "pour la plupart des
spécialistes; le doute sur la capacité nucléaire militaire de Prétoria n'est
plus permis depuis longtemps".
Résumons-nous - à part
des 5 grands - 4 pays disposent d'armes plus ou moins sophistiquées, à savoir:
l'Inde, Israël, l'Afrique du Sud et l'Argentine.
D'autres pays l'on
peut-être mais, en ce qui me concerne, je ne puis dire qu'une chose: nous
disposons pour chacun des pays dits "sensibles" précédemment cités,
d'informations plus qu'inquiétantes qui montrent qu'il suffirait d'une étincelle
pour déclencher un feu nucléaire à côté duquel Tchernobyl et son réacteur RBMK
ressemblerait à un feu d'artifice de kermesse.
D'autre part, parmi ces
pays, c'est le Pakistan qui paraît le plus avancé même sur la voie de l'uranium
enrichi. De sources sûres, tant française que pakistanaise, nous savons que plus
de 200 techniciens travaillent au Centre de Pinstech (près d'Islamabad) dirigé
par un physicien de classe internationale et selon certaines informations ils
auraient déjà produit largement plus d'une masse critique.
D'autre part, les
meilleurs experts s'inquiètent de la production du plutonium assurée en
permanence par le réacteur installé près de Karachi alors que le régime
pakistanais refuse évidemment tout contrôle. Les progrès sur les deux filières
sont devenus tels que le Président REAGAN s'est décidé à intervenir auprès de
son homologue pakistanais pour tenter de retarder l'explosion d'un premier
prototype. De son côté, Moscou faisait délivrer par son ambassadeur à Islamabad
un avertissement d'une sévérité inhabituelle pour les mettre en garde (Le
Monde du 17 juillet 1986).
Pour compléter le
tableau, ajoutons qu'une partie de ces activités est financée par la Lybie d'où
le nom de bombe pakistano-lybienne.
Tout ceci étant dit,
rappelons-nous qu'il n'existe pas d'exemple connu d'arme efficace qui ne fut un
jour ou l'autre utilisée. Rappelons-nous aussi que tout ceci, c'est le connu, le
quasi officiel, ce que savent les techniciens de haut niveau, bien informés.

Mais que dire de l'hydre
de notre époque? Que dire des actions terroristes toujours possibles?
Que de possibilités de
détournement le matériel nucléaire n'offre-t-il pas et quelle tentation pour les
grands responsables du terrorisme international: par une simple action
ponctuelle de haut niveau lors d'un quelconque transport de matériel sensible,
il pourrait disposer d'une arme même tout à fait rustique, leur permettant de
faire "chanter" n'importe quel chef d'Etat.
Les scénarii existent et
ne sont que trop connus des spécialistes. C'est d'ailleurs pourquoi, les
services secrets occidentaux (et notamment la CIA) donnaient dès 1976 l'ordre à
leurs agents de prendre des mesures pour empêcher que des organisations
terroristes se procurent des armes nucléaires.
Dans un numéro de "Stern"
de mai 1978, un ex-membre de la bande à Baader, Michel BAUMANN, annonçait des
opérations inquiétantes: "Comme l'Etat s'était montré inflexible, il leur
fallait trouver quelque chose qui marche de façon infaillible. Or, disait
BAUMANN, nous vivons à l'époque de la bombe atomique et des centrales
nucléaires. Ils (les réseaux terroristes) ont donc fatalement pensé à ce "truc"
ultime... et il est évident que celui qui disposera d'une telle arme pourra
contraindre un chef d'Etat à danser sur une table devant les caméras de
télévision et d'autres responsables avec lui".
La très sérieuse
Revue de la Défense nationale française de juillet 1982, évoquait le
terrorisme nucléaire en ces termes: "Un certain nombre de pays ont
effectivement la possibilité, à plus ou moins bref délai, d'avoir quelques
charges nucléaires, mais il leur serait par contre facile de concevoir une
stratégie de terrorisme nucléaire, en mettant ces charges non dans des valises,
ce qui supposerait une miniaturisation dont ils seraient incapables, mais dans
des avions cargos ou dans des navires, qu'ils enverraient sur les aérodromes ou
dans les ports des grandes villes. Dès lors, si un groupe terroriste peut
exercer un chantage nucléaire, la menace est encore bien plus grande de la part
des Etats qui financent ces terroristes..."
Si l'on croit une étude
réalisée en 1985 par les experts nucléaires pour le Sénat américain, cette
menace est encore plus réelle aujourd'hui. A la rigueur, la bombe n'est
d'ailleurs même pas nécessaire et une masse sous-critique (beaucoup plus facile
à manipuler et à mettre en oeuvre) pourrait être utilisée. La dispersion, ou si
la masse de plutonium s'approche de la masse critique, la "petite" explosion
provoquerait certes beaucoup moins de dégâts mais serait un instrument
redoutable de mort lente pour les populations touchées.
Il semblerait bien que la
Syrie se soit intéressée à un sinistre projet de ce type, Syrie qui s'est
d'ailleurs déjà fait prendre début des années 80 alors qu'elle tentait d'acheter
plusieurs bombes atomiques à un groupe de marchands d'armes internationaux.
En fait, le principal
obstacle à la généralisation de la menace reste de prix estimé de l'engin: on
parle de quelque 400 millions de $ (soit au cours actuel, plus ou moins 20
milliards FB), pour une puissance de 20 mégatonnes TNT étant entendu que le prix
au marché noir doit être sensiblement plus élevé...
Pour conclure,
réexaminons maintenant le tableau d'ensemble tel qu'il vient d'être dressé et
comparons-le à ce que nous dispensent les médias et nous verrons à quel point
l'information est loin de ce qu'elle devrait être, mettant en évidence le détail
c'est-à-dire l'arbre qui nous cache la forêt des vrais dangers. Pourquoi cette
situation? Peut-être parce que les journalistes écrivent surtout pour le
lendemain et aussi parce qu'ils sont informés par des gens ou des groupes qui
désirent avant tout qu'on ne divulgue pas ce genre de problème.
Voilà en tout cas où nous
en sommes et voilà ce que j'appelle les VRAIS PROBLEMES DU NUCLEAIRE, que
j'espère avoir replacés dans un contexte plus réel et mieux compréhensible pour
tous.
(Octobre 1987)
Notes
(1)
R.J. HICKEY et coll., Health Physics,24, p.207-219, 1983.
(2) Dans ce cas-ci, plus ou moins 135.000 emplois directs et
indirects concernés.

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