Réflexions concernant le
chômage
Edgard
BERGER
Ingénieur industriel
1.
Au point de vue de l'emploi, la politique suivie par le Gouvernement
Martens est un échec; l'austérité entraîne notamment un chômage réel
accru, la sous-consommation des ménages, une extension de la misère
comme l'a montré particulièrement l'hiver 1984-1985, sans compter la
réduction à francs constants, des recettes de l'Etat.
La compétitivité des
entreprises, malgré l'écrasement des salaires est toujours remise en cause, la
concurrence des autres pays se faisant également de plus en plus âpre. La
situation de l'emploi risque encore d'empirer au cours des prochaines années.
2. Il
est paradoxal de constater qu'il existe, d'une part, des importants besoins
insatisfaits et, d'autre part, une main-d'oeuvre inemployée
quoique coûteuse pour la communauté. (Le coût macro-économique d'un chômeur a
été en 1983 de 527.109 Frs., chiffre cité en réponse à une question
parlementaire).
Est-ce rompre au
principe de solidarité de remettre au travail, avec leur accord, certains
chômeurs, notamment les jeunes, pour des objectifs valables et respectant leur
personnalité dans les domaines où ils ne feraient pas concurrence aux
entreprises existantes?
La dureté de ce travail
devrait être proportionnelle à la rémunération allouée, par exemple travail à
mi-temps. On peut imaginer des incitations à leur engagement: complément de
rémunération, priorités, etc... La télévision française a signalé fin septembre
1985 que 150.000 jeunes chômeurs avaient accepté un régime semblable.

3. Les besoins sont énormes en Wallonie:
3.1. 45% des bâtiments
ont été construits avant 1919 et 14% entre 1919 et 1945; ils posent des
problèmes urgents de rénovation, en particulier pour éviter les gaspillages
d'énergie de chauffage. Beaucoup de bâtiments publics se dégradent par
insuffisance d'entretien.
3.2. des besoins sérieux
importants ne sont pas satisfaits, par exemple:
-
manque de crèches
pour les jeunes enfants, si utiles si l'on veut enrayer la dénatalité;
-
manque d'équipements
sociaux pour les enfants handicapés et les vieillards;
-
alimentation
insuffisante en eau potable dans certaines régions, avec pertes d'eau
importantes;
-
amélioration de la
sécurité des citoyens; les travaux administratifs freinant la surveillance
sur le terrain par la police;
-
large insuffisance
des pistes cyclables, lieux de sports ou de détente.
3.3. moyens insuffisants
dans la recherche où l'expérimentation est souvent freinée par manque de
personnel d'exécution.
3.4. insuffisance des
aides aux entreprises nouvelles ou sous-développées en Wallonie (bois,
agroalimentaire, biotechnique,...).
3.5. insuffisance de
l'aide au Tiers-Monde sans laquelle la crise mondiale ne pourra être surmontée.
Cette nomenclature n'est
destinée qu'à attirer l'attention, à titre d'exemple, sur l'énormité des besoins
insatisfaits en Wallonie, cela pour des raisons économiques qui ne seraient plus
valables avec la proposition ci-dessus.
Des mesures de lutte
contre le chômage existent (Cadre spécial temporaire, troisième circuit de
travail, ateliers régionaux, aides diverses) mais le relativement petit nombre
de personnes engagées, les objectifs et les moyens poursuivis, font que l'impact
de ces mesures reste limité.
4. On ne
peut répartir entre les groupes sociaux que les richesses produites, matérielles
ou autres. Dans ce sens, l'accroissement général de la richesse, avec cette
remise au travail, peut avoir un effet d'entraînement de l'activité
industrielle, contrairement à l'effet négatif de la politique d'austérité telle
qu'elle est pratiquée. On peut espérer ainsi tendre progressivement au plein
emploi.
La coexistence de
besoins énormes insatisfaits et de main-d'oeuvre inemployée est problème de
société qui heurte le bon sens. Ce phénomène est bien compris de
groupements tels "Alternatives wallonnes " mais leurs activités se heurtent à un
environnement financier hostile et se réalisent sans l'aide suffisante que l'on
devrait pouvoir attendre des Pouvoirs publics.
Utilisant au maximum ce
qui existe (bâtiments inoccupés, organismes déjà créés,...) les dépenses de
démarrage ne devraient pas être hors de portée de notre communauté, étant donné
la valorisation d'une partie des fonds actuellement affectés au chômage.
Une telle proposition
n'est réalisable que si la Wallonie est maîtresse de son destin. Elle heurterait
en effet les monopoles de fait que détient la Flandre, majoritaire dans le pays
et guidée par un nationalisme régional puissant (agroalimentaire, bois, marchés
de l'Etat, main mise sur les administrations, etc).
Ne préconisant que des
activités économiquement irréalisables dans le système actuel, cette proposition
ne porte pas atteinte à l'économie de marché et comporte au contraire des
avantages pour l'ensemble de notre Communauté.
Elle a aussi l'avantage
de combattre la dégradation des valeurs morales qu'entraîne l'oisiveté.
(Octobre 1987)

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