La communication
audiovisuelle, le câble et les satellites
Robert
WANGERMEE
Professeur à l'ULB
Président du Conseil de la Musique de la Communauté française
1. Situation
actuelle dans la Communauté française
Une loi et un décret de
la Communauté française viennent en cette année 1987 de réorganiser
l'audiovisuel. La loi du 6 février règle la transmission des programmes sur les
réseaux de télédistribution (jusque là soumise à un arrêté royal de 1966);
surtout elle substitue à l'interdiction de publicité commerciale en radio et en
télévision un régime d'autorisation donnée par arrêté royal délibéré en Conseil
des Ministres; selon l'article 12, une seule personne morale, privée ou
publique, peut être autorisée à insérer de la publicité commerciale dans des
programmes de télévision destinés à toute une communauté. Le décret du 12
juillet organise les modalités de création, de fonctionnement et de
reconnaissance des télévisions privées d'audience communautaire. Dès le 19 juin,
un arrêté royal avait accordé l'unique autorisation de diffusion de la publicité
commerciale à la société anonyme TVI, constituée comme on sait à 66% par la CLT
et sa filiale de production TV Team et à 34% par Audiopresse, société regroupant
la majorité des quotidiens francophones.
En revisant certaines
dispositions antérieures, le décret fixe aussi les conditions de fonctionnement
des télévisions locales et communautaires, d'éventuelles télévisions régionales
privées, des services de télévision payants, des radios privées et des réseaux
de distribution. Toutes ces dispositions mettent un terme à ce qui a longtemps
paru être un monopole du service public. Dans les faits, cependant, ce monopole
était déjà battu en brèche. En télévision, le câble l'avait rendu caduc depuis
vingt ans en introduisant dans tous les foyers de multiples programmes
étrangers, ainsi que, depuis 1976, une douzaine de télévisions locales et
communautaires. Le câble avait permis aussi qu'une station commerciale
étrangère, RTL, se développe grâce à la publicité commerciale captée dans la
Communauté française. Des "radios libres" sont apparues vers 1978 sur la bande
de modulation de fréquences, d'abord dans l'illégalité, mais elles ont été
reconnues et légalisées. 0n assiste donc à la mise en ordre d'une situation
longtemps confuse. Il n'est pas certain pour autant que les débats souvent fort
vifs des dernières années doivent s'apaiser car les solutions adoptées n'ont pas
été élaborées en fonction d'un "pacte de l'audiovisuel" dont il a été longtemps
question; les interférences institutionnelles restent des matières à conflit en
fonction des majorités politiques futures. En attribuant au législateur national
la compétence en matière d'émissions de publicité commerciale,la loi spéciale de
réformes institutionnelles du 8 août 1980 (qui ne fait en cela que reprendre la
loi du 21 juillet 1971), a gravement entamé l'autonomie des communautés, alors
que la radio-télévision figure parmi les matières culturelles qui leur sont
dévolues. Il en est de même quant aux aspects techniques de l'audiovisuel:
l'attribution des fréquences et l'organisation du câble, pourraient amener à
l'avenir des difficultés importantes.

2. Evolution
technologique et institutionnelle en Europe
Dans la plupart des pays
d'Europe occidentale les stations purement commerciales (comme RTL) ont été
jusqu'à ces derniers temps exceptionnelles. Les services publics étaient très
dominants; ils ont le plus souvent bénéficié des ressources de la publicité
commerciale en complément aux recettes des redevances ou des subventions. Ils
donnaient à la programmation une orientation générale basée sur un équilibre
entre les fonctions principales: le divertissement, l'information et la culture
avec un souci de création originale dans divers domaines. La mise en concurrence
récente des services publics avec des stations commerciales n'est pas un
phénomène propre à la Communauté française; elle se manifeste dans la plupart
des pays d'Europe occidentale, soit de manière sauvage (création en Italie des
trois réseaux nationaux Berlusconi), soit à travers des transformations de la
législation (en France, privatisation de TFI, création de la Cinq, de M6 et de
Canal Plus), mais l'évolution est la même partout. En outre, l'évolution
technologique pose désormais les problèmes de la télévision à un niveau
supranational. Basée sur des émetteurs hertziens au sol, la télévision a
longtemps été limitée à un rayonnement national avec de faibles débordements.
Seuls quelques petits pays comme la Belgique ou la Suisse avaient accepté de se
laisser pénétrer, à partir d'émetteurs placés à leurs frontières, par des
faisceaux aboutissant à des réseaux de câbles. Les grands pays - la France,
l'Allemagne, la Grande-Bretagne - n'avaient pas encouragé un développement de la
télédistribution pour écarter de leur territoire les programmes étrangers.
Cette situation se
transforme. Dans les sociétés commerciales qui se créent dans de nombreux pays,
des intérêts financiers supranationaux sont souvent prédominants et entraînent à
l'extension des marchés. Partout le câblage se développe et les antennes
collectives se multiplient. Des satellites de communication comme ECS ou
Intelsat V qui exigent pour la réception de grandes antennes paraboliques trop
chères pour les particuliers peuvent, dès à présent, toucher un assez large
public en Europe, en se combinant avec les réseaux de télédistribution ou grâce
aux antennes collectives; il s'agit, le plus souvent, de programmes purement
commerciaux comme SKy Channel, mais parfois, aussi, d'orientation de service
public comme TV5. Des satellites de diffusion directe venant de France (4
canaux) et d'Allemagne (4 canaux) devraient être lancés dès le début de 1988;
équipés de répéteurs puissants ils pourraient arroser la plus grande partie de
l'Europe et atteindre directement les téléspectateurs équipés d'antennes plus
réduites et pas trop onéreuses. D'autres satellites de diffusion directe venant
de Suède et d'Angleterre pourraient s'ajouter dans les années suivantes. Mais
avant cela, seront lancés des satellites de type intermédiaire, relevant encore
des télé-communications, beaucoup plus économiques que les satellites de
diffusion directe et qui grâce aux progrès technologiques pourront atteindre
aussi les particuliers: un satellite de ce type, porteur de 16 programmes et
connu sous le nom d'ASTRA est en préparation au Luxembourg. Les pays câblés
seront, de toute manière, les premiers et les mieux desservis par tous les
programmes arrivant par satellite, quelle que soit la technique utilisée; la
plupart des réseaux installés en Wallonie et à Bruxelles seront aisément adaptés
pour transmettre une quarantaine de programmes au lieu des 20 à 25 actuels.

3. Des règles pour la
diffusion transnationale des programmes
Mais la généralisation de
la diffusion transnationale pose des problèmes nouveaux. Il appartenait jusqu'à
présent aux divers Etats de réglementer de manière souveraine les modalités de
diffusion des programmes autorisés par eux. A l'ère de la transnationalité une
certaine réglementation internationale paraît indispensable pour rendre moins
anarchique la circulation des programmes. La CEE s'en préoccupe, avant tout
semble-t-il et conformément à sa mission,pour des raisons économiques:en vue du
moment où devra exister le "marché unique", (1992) la CEE souhaite que soit
établie la liberté de circulation des programmes de télévision dans les Douze et
surtout de la publicité qu'ils véhiculent. Une proposition de directive a été
élaborée par la Commission visant à un rapprochement des législations: des Etats
membres ne pourront s'opposer à la réception et à la retransmission sur leur
territoire d'émissions en provenance d'autres Etats membres pour autant qu'elles
se conforment aux dispositions de la directive. Parallèlement le Conseil de
l'Europe élabore un projet de convention qui, sur les mêmes problèmes serait
proposé à l'approbation et à la ratification des pays membres (qui sont 21 et
non 12 comme dans la CEE). Dans les deux projets la coordination porte - avec
des variantes - sur des normes générales quant au contenu des programmes
(protection de la jeunesse, respect de la personne humaine) et quant à la
publicité (abordées de manière fort bienveillante). Les discussions sont encore
fort vives notamment sur les règles relatives au droit d'auteur et dans la
proposition CEE sur l'établissement d'un quota de production européenne dans la
diffusion. Ce n'est pas une crainte vaine de penser que la concurrence sévère
qui s'installe entre les organismes de télévision - au niveau national, d'abord,
au niveau transnational, ensuite - et le souci premier pour un certain nombre
d'entre eux de se rentabiliser par la publicité pourrait entraîner une réduction
de la production originale et - tout particulièrement dans le domaine de la
fiction - un recours accru à des produits tout faits, venant essentiellement des
Etats-Unis, parce qu'ils sont efficaces et qu'ils sont les moins chers (ayant
été largement amortis déjà sur le marché national américain et sur le marché
mondial).
Aujourd'hui, la part de
production originale reste primordiale dans les organismes traditionnels de
télévision, mais ils achètent déjà plus de 30% de leurs programmes à l'étranger
(surtout aux Etats-Unis), alors que le volume des productions européennes
pénétrant aux Etats-Unis est nul ou quasi-nul. On constate dans les dernières
années un accroissement général des achats d'oeuvres de fiction (films et
téléfilms) aux Etats-Unis et dans certaines chaînes, aux heures de pointe,une
dominante à 60 où 80% de produits américains. Selon des déclarations au
Parlement européen, la multiplication des programmes en Europe devrait entraîner
automatiquement un appel accru à une production de fiction (1.500.000 heures en
1990, a-t-on dit) et susciter, dès lors, une production européenne
considérablement augmentée. Cela n'est nullement assuré, dans la mesure où il
est beaucoup plus aisé et plus économique de recourir à des produits
non-européens tout-faits. Dans ce domaine et dans quelques autres des
dispositions protectrices et incitatrices en faveur d'une production originale
sont souhaitables.

4. Les quotas de
diffusion
Pour répondre à ces
inquiétudes, la Commission européenne a introduit dans sa proposition de
directive un chapitre établissant l'obligation pour les organismes des pays de
la CEE de consacrer un pourcentage déterminé de leur temps d'antenne à la
diffusion d'oeuvres européennes (au sens CEE), l'obligation aussi de réserver
une partie de ce temps à des premières diffusions et de consacrer une partie du
budget de programmation à des émissions émanant de producteurs indépendants. Le
principe de quotas de programmation suscite des protestations assez vives de la
plupart des organismes existants qui jugent toute intervention extérieure dans
le contenu des programmes comme une atteinte à leur autonomie. L'adoption d'un
système de quotas a cependant révélé son efficacité pour la promotion d'une
production du cinéma en Europe, du cinéma et de la télévision au Canada; un tel
système est appliqué déjà en télévision dans divers pays en vertu de
dispositions législatives ou réglementaires. L'application généralisée de quotas
de diffusion aurait l'avantage de protéger les organismes actuels (publics ou
privés) de la concurrence sauvage que certains opérateurs nouveaux de la
télévision transnationale (ou nationale), soucieux essentiellement de gains
commerciaux seraient tentés de mener en recourant à des productions
non-européennes à prix réduits, déjà rentabilisés par d'autres marchés.
Bien entendu, les quotas
de diffusion ne représentent pas une solution suffisante à tous les problèmes.
Depuis quelques années la Communauté française a subordonné son accord à la
distribution par câble des programmes commerciaux étrangers,à l'engagement de
soutenir la production audiovisuelle de la Communauté, par des achats, des
commandes de productions nouvelles et des diffusions. Une telle pratique ne
serait plus conforme à la libre-circulation des services telle que l'entend la
CEE. Il importe cependant que des mesures protectrices complémentaires soient
prises, notamment pour permettre aux organismes des petits pays de résister à la
concurrence des puissants organismes transnationaux. En effet, alors que jusqu'à
présent les droits de diffusion pour les films, les feuilletons ou les
manifestations sportives étaient acquis pour une diffusion nationale, les
télévisions commerciales transnationales pourraient acquérir des droits
d'exclusivité ou de priorité sur de zones géographiques beaucoup plus larges.
On peut noter aussi que
la concurrence entre des chaînes de télévision ne fait pas baisser les prix,
bien au contraire; les produits susceptibles de toucher les publics les plus
larges (les grandes compétitions sportives, les feuilletons et les films en
première vision) sont uniques et très convoités. Le phénomène constaté en France
avec la commercialisation de certaines chaînes- la course à l'acquisition de
droits et à l'engagement de vedettes - réPète un mécanisme bien connu dans la
télévision américaine et qui pourrait devenir le modèle européen si la
libéralisation de l'audiovisuel ne s'accompagne pas à tous les niveaux
(national, transnational), de règles qui assurent le bon fonctionnement du
système. Il ne peut être question de s'opposer à une évolution largement
déterminée par la technologie. Mais dans le domaine culturel on ne peut faire
confiance au libre jeu économique, car il permettrait aux forts d'écraser les
faibles.

5. Services publics et
organismes privés
Les règles doivent, en
particulier, harmoniser les relations entre services publics et organismes
privés. La proposition a été faite, parfois, d'établir entre eux un partage de
fonctions, en vertu duquel les premiers limiteraient leurs programmes à des
émissions d'information, des émissions de service, des émissions destinées à des
minorités, (notamment à des émissions culturelles), abandonnant aux organismes
commerciaux les programmes de divertissement pour de larges audiences.Cette
division des tâches n'est pas souhaitable, car elle mettrait les services
publics dans des ghettos fermés sur eux-mêmes. Pour être efficace un service
public doit avoir une programmation diversifiée,où les émissions minoritaires et
culturelles (qui marquent sa spécificité) sont mêlées à des émissions populaires
de divertissement destinées à de larges audiences. Dans le contexte général de
crise budgétaire de l'Etat, un problème majeur peut résider dans l'insuffisance
de moyens mis à la disposition des services publics pour leur permettre
d'assurer leurs tâches; des garanties doivent leur être données à cet égard, en
particulier lorsque leur est refusé l'accès à la publicité commerciale.
Les objectifs des
organismes publics sont généralement fixés, au moins dans les grandes lignes,
par des textes légaux ou réglementaires. Les organismes privés, en compensation
des avantages dont ils bénéficient par la concession d'exploitation d'un service
commercial doivent se voir imposer des cahiers des charges. Cette disposition a
été adoptée en France à l'égard des nouvelles sociétés créées en 1987. Dans la
Communauté française, de même, une convention a été signée entre l'Exécutif et
TVI fixant la part minimale de production propre, les montants, affectés à des
achats de programmes, à des productions ou des coproductions dans la Communauté,
ainsi que le niveau de l'emploi. Les exigences énoncées paraissent modestes,
mais l'orientation est donnée. A l'avenir, des cahiers des charges devraient
être imposés aussi aux organismes transnationaux sur base de conventions à
établir au niveau de la CEE ou du Conseil de l'Europe.

6. Les soutiens à la
production audiovisuelle
En France, des cahiers
des charges imposent aux sociétés privées comme aux sociétés publiques des
mesures de protection à l'égard du cinéma (le nombre maximum de films à diffuser
par chaque chaîne, l'obligation de diffuser une majorité de films en version
originale française et de films émanant des Etats de la CEE, les délais à
respecter après la sortie en salle) et des contributions au développement de
l'industrie; les chaînes sont tenues
6.1. de participer à un
fonds de soutien à l'industrie du cinéma en versant une contribution forfaitaire
par film diffusé; (cette contribution vient s'ajouter aux ressources qui
proviennent d'une taxe additionnelle sur les entrées dans les salles de cinéma,
compensées pour les spectateurs par une réduction de la TVA);
6.2. de verser à un
compte de soutien à l'industrie de l'audiovisuel, une taxe de 1,5% sur
l'ensemble de leurs ressources (redevances, publicité, abonnements pour les
télévisions à péage). L'intérêt du système réside dans le mécanisme qui assure
le réinvestissement automatique dans la production d'une partie des recettes
générées dans le secteur. En effet, les prélèvements aux sociétés de télévision
ne peuvent être débloqués que pour la production de nouveaux programmes de
fiction ou de documentaires de création. En Belgique les faiblesses de la
production cinématographique et audiovisuelle sont flagrantes dans le domaine de
la fiction. L'existence de la production audiovisuelle dans la Communauté
française dépend essentiellement d'aides publiques. Les aides automatiques
accordées par le Ministère des Affaires économiques sont très modiques et
dispersées dans des secteurs divers; les subventions de la Communauté française
(l00 à 120 millions) ne contribuent à la réalisation que de cinq à six films par
an qui ne peuvent évidemment être rentabilisés par le marché intérieur et qui
sont trop peu nombreux pour assurer le démarrage d'une véritable industrie. La
RTBF, en difficulté financière, ne réalise qu'un nombre limité de films de
fiction et ne participe qu'à quelques co-productions en liaison avec le
Ministère. Pour atteindre une dimension nouvelle, il faudrait dans la Communauté
française la mise en place d'un "Fonds d'aide au développement de
l'audiovisuel", semblable à celui qui existe en France et alimenté de la même
manière non par des subventions toujours hypothétiques, mais par un prélèvement
sur les flux économiques générés par le secteur de l'audiovisuel. Il serait
nécessaire aussi de mettre en place un système de "Tax shelter" (abri fiscal),
en faveur de ceux qui acceptent d'investir dans l'industrie à risques qu'est
l'audiovisuel. La diminution des recettes fiscales ne pourrait manquer d'être
compensée par le développement de l'industrie concernée et par ses retombées
économiques et sociales qui seraient sensibles dans l'emploi, dans le
développement industriel (par la création de studios, de laboratoires etc..) et
par voie de conséquence au niveau fiscal. Il faut noter, cependant, qu'un
certain nombre des mesures ne pourraient être prises qu'au niveau national. Les
difficultés institutionnelles déjà mentionnées plus haut en rendent la mise en
oeuvre plus hypothétique.

7. La production
audiovisuelle au niveau européen
La prolifération des
entreprises privées de télévision à côté des services publics et la
libre-circulation des émissions à travers l'Europe ne créeront un marché
rentable pour l'industrie audiovisuelle européenne que si une politique de
relance de la production est mise en oeuvre parallèlement à la rupture des
monopoles traditionnels et à l'ouverture des frontières. En octobre 1985 le
Parlement européen a approuvé un projet de règlement élaboré par la Commission
relatif à un régime de soutien communautaire par avance sur recettes aux
coproductions cinématographiques et télévisuelles de fiction entre des pays
différents de la CEE. "Il faut - disait le Parlement - procurer aux
Européens davantage d'occasions de voir des programmes où se reflètent non
seulement la culture, mais encore le modèle de vie de leurs peuples et mettre la
Communauté en mesure d'exploiter les chances d'expansion que l'essor des médias
audiovisuels lui offre au point de vue économique et social"; il estimait qu'il
convenait "de produire dans la Communauté un plus grand nombre de programmes qui
soient susceptibles de remplacer une partie raisonnable des importations et
d'être eux-mêmes exportés".
Malheureusement, ce
projet qui n'est guère que le prélude à une politique structurée de production
n'a pas été mis en oeuvre. Au Conseil des ministres certains gouvernements ont
jugé que la création d'un fonds d'aide à l'audiovisuel relevait du domaine
culturel et, dès lors, n'était pas susceptible d'être agréé par la CEE
A défaut, la Commission
européenne a proposé en 1986 des "Mesures d'encouragement pour le développement
de l'Industrie audiovisuelle" dans un programme "MEDIA" qui vise à rassembler
des idées et des ressources pour des projets élaborés dans les milieux
professionnels concernés: écriture de scénarios, rationalisation des méthodes de
fabrication, élaboration des " nouvelles images". Le programme MEDIA vise aussi
à harmoniser les mesures d'incitation financière et fiscale adoptées dans divers
pays et à préparer la collecte du capital à risques transfrontières en faveur
des industries de l'audiovisuel.
Divers projets ont été
lancés aussi dans la perspective de l'Année européenne du cinéma et de la
télévision. La Communauté française a notamment pris en charge une réflexion sur
le cinéma d'animation; elle a répondu favorablement à la proposition lancée par
la France de rechercher les modalités de mise en oeuvre d'un "régime
multilatéral de soutien à la production cinématographique et aux industries de
programmes", auquel s'intéressent neuf pays. On sent une volonté nouvelle de
développer l'industrie de l'audiovisuel; mais il serait temps de passer au stade
de la réalisation de certains projets.

8. Utilisation optimale
des réseaux de câbles
Actuellement, le réseau
public du téléphone ne peut assurer la transmission généralisée de grandes
quantités d'informations à l'ensemble du public. Pour qu'il y parvienne, il
faudrait qu'il remplace ses centres de commutation et ses appareils terminaux,
c'est-à-dire la totalité de son infrastructure. Cette transformation doit
connaître sa réalisation idéale dans ce qu'on appelle le RNIS (Réseau numérique
à intégration de services) de préférence à large bande; qui permettra d'unifier
sur un même support - la fibre optique - de très nombreux services (télévision,
vidéotex, téléphone à images, télégestion, interactivité, exploitation de
banques de données en images ou non). Mais le passage à la fibre optique se
révèle extrêmement coûteux; dès lors, les équipements ne se développent que très
lentement (les perspectives sont à plus d'un quart de siècle).
Pendant cette période il
serait possible d'exploiter de manière plus complète les réseaux de câble
coaxiaux particulièrement développés dans la Communauté française qui peuvent
servir à autres choses qu'à transporter des programmes de télévision. Ces
réseaux sont, en effet, à large bande et dès lors, à grande capacité. Ils
pourraient transmettre des programmes thématiques divers, gratuits ou à
péage,des services didactiques, des programmes de formation et d'enseignement
assistés par ordinateur ainsi que de services interactifs. Un service "avec voie
de retour" sur le câble se distinguerait du système de vidéotex déjà mis en
exploitation par la R.T.T. selon la norme Prestel. Les deux techniques
permettent d'exploiter un stocK quasi illimité de pages dans des banques de
données avec transmission immédiate répondant à la demande de l'usager, mais le
câble avec voie de retour ne réalise qu'une interactivité dissymétrique dans le
débit (un trafic peu dense de messages brefs, remontant des utilisateurs vers la
tête de réseau) et n'assure pas la communication de personne à personne que
permet le vidéotex. Mais, grâce à sa large bande, il peut transmettre des
informations plus riches que le vidéotex: non seulement des textes et des
graphiques, mais des images. Il permet le télétexte plein canal bidirectionnel,
la télésurveillance des réseaux, du trafic routier, de systèmes d'alarme, des
communications entre un ordinateur central fournisseur de banques de données. La
France qui n'était pas câblée en coaxial a eu l'ambition de se câbler
directement en fibre optique; compte tenu des coûts elle a dû faire marche
arrière, et recourir au coaxial et à réservé a fibre optique à des
expérimentations exceptionnelles.
En Wallonie et à
Bruxelles il serait sage d'utiliser au maximum les capacités des réseaux en
coaxial. Il faudrait que la répartition institutionnelle des compétences dans le
souci de protéger les prérogatives de la R.T.T. ne limite pas les possibilités
de développement du câble. On voit ainsi que les développements de l'audiovisuel
en Wallonie et à Bruxelles sont liés à des potentialités technologiques, des
possibilités industrielles, mais aussi à un complexe institutionnel à multiples
niveaux (Communauté française, Belgique, CEE, Europe).
(Octobre 1987)

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