Les télévisions locales,
outils de communication pour la Wallonie
Patrick
MORIAU
Président du Conseil
d'administration de Télésambre
Chargé de mission des Relations publiques de la Province de Hainaut
Lors de la
rentrée académique de l'Université du Travail à Charleroi d'octobre
86, Jacques Dubois, professeur à l'Université de Liège dans "Une
société qui a peur de son ombre" analysait notre région, notre
Wallonie, "le problème d'un peuple dans sa région et dans sa
culture" disait-il et de préciser "non pas en termes
politiques mais plus volontiers moraux"... "et dans une
situation de culture globale".
Au cours de ce brillant
exposé, Jacques Dubois mit en évidence, entre autres, "le réflexe
d'attachement au pays natal, la fidélité au terroir qui paralysent dans une
civilisation de mobilité et freinent la fusion d'un peuple", citant "ce
gentil Hesbignon promu à Soignies "le bout du monde" et qui connaît sans doute
mieux St Idesbald"...
Il est vrai que la
Wallonie est une région diversifiée à de multiples égards: du point de vue de
l'Histoire de ses sous-régions ou des économies contractées des zones rurales ou
urbaines, des sensibilités différentes...
Pourtant, le sentiment
diffus d'appartenir à un même ensemble existe.
Ce sentiment qui, chez le
Wallon, réside à l'état latent mérite d'être revendiqué. C'est d'ailleurs le but
du Congrès d'aujourd'hui: "Penser en terme de Wallonie", un peu comme Jacques
Dubois le fit en ces mêmes lieux, il y a près d'un an.
Lors d'un voyage aux USA
dont j'étais responsable TEJ, un des participants fit la remarque suivante à Los
Angeles: "Hollywood boulevard représente plus ou moins la distance
Mons-Liège... comme si l'autoroute de Wallonie n'était que l'avenue principale
d'une grande ville composée de quartiers appelés Liège, Namur, Arlon, Charleroi,
Ath, Tournai, Mons... etc".
Cette vue un peu
simpliste a pourtant le mérite de ramener la problématique de nos différences
sous-régionales à des proportions qui permettent de ne pas sombrer dans la peur
engendrée par le localisme à tout crin parfois sciemment entretenu à des fins
partisanes.
Et si un peu plus de
communication permettait simplement de dépasser cette peur de l'autre, produit
de l'ignorance et frein à cette mobilité nécessaire à l'aube du 21e siècle,
précédemment évoquée.
Depuis 1976, les TV
communautaires existent dans notre région. Je me bornerai en tant que Président
de Télésambre de commenter l'expérience carolorégienne, mais dans la perspective
d'"une TV communautaire outil de communication en Wallonie".
Je ne ferai pas non plus
l'Histoire de TEAC-TELESAMBRE préférant au contraire expliquer l'expérience que
l'équipe de 15 personnes du Quai de la Prison vit aujourd'hui.
En effet, depuis cette
année, dans la grille TLS, deux grandes nouveautés:

1. La multidiffusion
Nous produisons chaque
jour une émission d'une demi-heure de l8h30 à l9h00. Cette émission composée
essentiellement d'un journal d'informations locales est rediffusée de demi-heure
en demi-heure jusque minuit. Ceci a pour effet de nous permettre une audience
maximale.
2. Les correspondants
locaux
Dans chaque entité autour
de Charleroi nous avons distribué une caméra vidéo 8, généralement aux foyers
culturels, qui jouent ainsi le rôle pour TLS des correspondants de presse pour
la presse écrite régionale.
Ainsi, quotidiennement,
T.L.S. donne non seulement la relation de ce qui s'est passé pendant 24 heures
dans l'arrondissement de Charleroi mais aussi et surtout donne la parole à ceux
qui sans cette nouvelle expérience de "caméra stylo" n'aurait aucune chance de
s'exprimer que ce soit par manque de relais, d'originalité, d'organisation..
etc.
T.L.S. veut donc créer
une "télévision de proximité", une télévision proche des gens, faite pour et par
ces mêmes gens...
Dans ce même ordre
d'idées, nous comptons d'ailleurs innover l'an prochain à l'occasion des
élections communales d'octobre. En effet, nous allons organiser dans chaque
commune desservie par notre canal des débats politiques sur chacune de ces
entités avec les responsables locaux. La TV communautaire sera désormais non
seulement un outil de communication mais aussi un outil de démocratie.
Voici, brièvement
peut-être, décrite une expérience importante, mais qui a le mérite d'exister
dans l'arrondissement de Charleroi. Maintenant, imaginons cette expérience
placée sur le plan de la région wallonne par les 10 TV communautaires
existantes.
Cette collaboration qui
eut pu paraître utopique il y a encore quelque temps a pris forme concrète cette
année à deux occasions:
-
un jeu inter écoles:
entre Charleroi, La Louvière, Tournai, Ottignies, Namur et Gembloux;
-
la couverture commune
de la Coupe des Villes Hennuyères de football par Télé MB (Mons), TLS
(Charleroi), Antenne Centre (La Louvière) et No Télé (Tournai).
Cette union des TV
communautaires ne doit pas amener à la création d'une "3e chaîne" dans la
communauté française mais le "réseau" d'échanges mis ainsi en place pourrait
permettre à la fédération de ces TV de se positionner dans des créneaux
audio-visuels que RTL-TVI ou la RTBF ne pourront jamais assumer, ne serait-ce
qu'à cause de la course à l'audience, entraînant l'uniformisation des
programmes.
Enseignement à distance,
TV de services, informations locales, culture, notamment dialectale, sont des
atouts pour demain dans un paysage audio-visuel quelque peu bousculé depuis
quelque temps.
La structure des TV
communautaires existe et peut être l'outil de cette communication si nécessaire
pour demain, et l'un des facteurs de la fusion du peuple wallon.
(Octobre 1987)

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