Deux enquêtes sur les
instruments de la communication en communauté urbaine
Jean
LECLERCQ
Université État Mons
Institut Affaires publiques Charleroi
Il s'agit de
l'exploitation des résultats de deux sondages d'opinion réalisés par
l'ICSOP.
Le premier, sur lequel
portera plus particulièrement notre attention, a été mené du 25 avril au 2 mai
1987 auprès d'un échantillon de 1.025 électeurs de la Ville de La Louvière âgés
de 18 ans et plus (procédure d'échantillonnage par quota d'âge, de sexe et de
milieu socio-professionnel). Le traitement des résultats a été effectué par
segmentation hiérarchique.
Le second sondage est
antérieur d'une année au précédent. Il a été réalisé dans des conditions
identiques. Il concerne la Ville de Charleroi. L'examen de ses résultats
constituera notre second axe de réflexion.
Les deux enquêtes ont
veillé à considérer les médias dans leurs dimensions régionales et locales.
1. RTBF et RTL
(télévision)
Q.1. Sur laquelle
des deux chaînes regardez-vous le plus souvent le Journal télévisé?
(tableau 1)
La position dominante de
la RTBF apparaît clairement. On ne doit pas par ailleurs négliger l'importance
des "décrochages" d'une chaîne à l'autre. Les chiffres plus récents de La
Louvière sont les plus éloquents à cet égard.
Q.2. Quelle est
la chaîne de télévision, qui à votre avis, donne le plus d'informations
régionales?
(tableau 2)
Il n'est pas sans intérêt
de noter que cette question était posée en réalité avant la précédente compte
tenu de l'objectif de l'enquête. Le très haut score obtenu par la RTBF à La
Louvière trouve sans doute son explication dans le fait qu'il y était également
demandé de s'interroger sur les informations "communales".

Q.3.
Regardez-vous les informations régionales à la TV?
(tableau 3)
La perception de la
télévision comme véhicule de l'information régionale apparaît comme
satisfaisante.
Une interprétation plus
fine des résultats a été poursuivie pour La Louvière selon la méthode de la
segmentation hiérarchique.
En ce qui concerne les
téléspectateurs fidèles de la RTBF, le premier discriminant est d'ordre
professionnel. Il fait ressortir deux points forts: les professions libérales et
les cadres (46,5 % d'entre eux représentent 19,2 % de l'ensemble) ainsi que les
ouvriers non qualifiés (42,5 % représentant 8%).
En deuxième position, la
discrimination par les revenus corrobore la première constatation. Le niveau du
diplôme ajoute une preuve supplémentaire en ce qui concerne les diplômés du
supérieur non universitaire (62,7 %) et des universités (55,5 %).
La segmentation
hiérarchique laisse entrevoir un autre profil pour le téléspectateur de RTL La
composition de la famille se révèle être le discriminant principal. Dans quatre
secteurs louviérois, le journal de RTL est regardé par les 3/4 des familles de 3
enfants et plus. L'âge intervient ensuite comme facteur de discrimination: le
public est jeune, 65,9 % se situant en-dessous de 45 ans dont 42,8 % pour la
tranche de 18 à 34 ans.
Le facteur "sexe"
n'intervient pas dans la segmentation louviéroise et son examen croisé ne
s'avère pas concluant. Ainsi, RTL est conforté par une majorité féminine (60 %)
à La Louvière tandis qu'à Charleroi on y relève une minorité de femmes (45,2 %).
Du côté des hommes, la RTBF est évidemment minoritaire à La Louvière (46,4 %) et
majoritaire à Charleroi (55,9 %).
Pour les téléspectateurs
nomades (RTL + RTBF), la segmentation hiérarchique de La Louvière nous met
d'emblée sur la voie des familles sans enfant ou de 1 et 2 enfants. L'analyse
des croisements peut compléter l'image: 42,2% de la tranche 18-24 ans, les
scores les plus élevés pour les diplômés du technique supérieur (43,7 %) et de
l'unieritaire (38,5 %), idem pour les employés (38,3 %) ainsi que les
professions libérales et les cadres (38,1 %). Pour ce troisième segment, la
répartition égale selon le sexe n'est pas significative tant à La Louvière qu'à
Charleroi.
Serait-il possible de
tracer le portrait robot des trois catégories de téléspectateurs? Sans négliger
une part non négligeable de public populaire habitué à la RTBF, le profil du
téléspectateur préférant celle-ci paraît celui d'une personne appartenant à un
milieu aisé et cultivé. RTL adopte une allure plus familiale et plus jeune. La
catégorie regroupant les "nomades" se révèle moins typique.
En ce qui concerne
l'appréciation de la "bonne tenue" régionale des deux chaînes (cfr question 2),
les revenus interviennent comme discriminant essentiel. Pour le téléspectateur
privilégiant à cet égard RTL, les tranches de revenus de 50 à 69.000 et de
80.000 et +. Pour la RTBF, les tranches de 40 à 49.000 et de 60.000 et +.
Exceptionnellement, le
facteur "sexe" peut être retenu comme discriminant toutefois accessoire. A La
Louvière, 60,3 % de femmes se prononcent en faveur de RTL. Une majorité plus
faible (51,9 %) se dégage à Charleroi.
Il en est de même pour
les réponses relatives aux taux d'écoute (cfr question 3). Mais il convient de
noter que si les femmes sont les plus nombreuses à regarder les informations
régionales à la TV, elles le sont aussi dans la catégorie de ceux qui ne les
regardent jamais.
CHARLEROI
(tableau 4)
LA LOUVIERE
(tableau 5)
Ajoutons qu'on découvre
le taux d'écoute le plus bas parmi les professions libérales et les cadres (43,1
% chaque jour et 13 % jamais) et étrangement dans la tranche 25-34 ans (36 %
chaque jour et 14,6 % jamais).

2. Les médias locaux
2.1. Les télévisions
L'enquête carolorégienne
mesure pour Télé Sambre un impact relativement satisfaisant (31,9% de
consommation quotidienne contre 33 % de non-consommation). Les résultats sont
moins positifs pour Antenne Centre qui est crédité de 10,5 % seulement contre
45,4 %.
Dans les deux cas,
l'explication par le facteur "sexe" se révèle déterminante. 37 % des femmes ne
regardent jamais Télé Sambre et 50,8 % Antenne Centre. On ne relève que 28,4 %
et 39,1% du côté des hommes. L'âge intervient également, les plus mauvais scores
se situant au-delà de 45 ans. Par contre, du point de vue socio-professionnel,
le public apparaît fort hétérogène. Il comprend des ouvriers qualifiés, des
professions libérales et des cadres, des diplômés de niveau supérieur et
inférieur.
2.2. RFM
Seule l'enquête
louviéroise a posé la question "Écoutez-vous RFM ?" (tableau 6). De la même
façon que pour la TV, les femmes expliquent mieux que les hommes le déficit
d'audience et l'inverse. RFM a surtout la faveur des ouvriers qualifiés (19,9 %
d'entre eux formant 47,5 % de l'ensemble) et des commerçants/artisans (15,9 %
formant 9,2 %) ainsi que des diplômés du secondaire inférieur (30,1 % de
ceux-ci).
Comme pour la TV, la
tranche 25-34 ans forme assez bizarrement le noyau le plus réfractaire (15,8%
formant seulement 16,6 % de l'ensemble des personnes écoutant chaque jour RFM).
Par ailleurs, la segmentation hiérarchique indique un déficit d'audience chez
les personnes âgées de plus de 65 ans.
2.3. Les autres radios
locales
A la question générale "Ecoutez-vous
une radio libre ?", le public de Charleroi a fourni un nombre assez considérable
de non-réponses (36,2 %). D'autre part, on dénombre 20,4 % de réponses
négatives. Le nombre d'auditeurs se situe donc en-dessous de la barre des 50 %,
l'écoute régulière se fixant à 22,9 %.
Le résultat paraît
néanmoins satisfaisant (cf. RFM, ci-dessus). Il peut s'expliquer par la vitalité
du réseau carolorégien des radios locales.
Il n'en est pas de même à
La Louvière. Trois questions précises ont été posées:
Q 1 "Ecoutez-vous
radio - La Louvière"?
Q 2 "Ecoutez-vous
radio Canal du Centre"?
Q 3 "Ecoutez-vous
Horizon 2000"?

Si le taux de
non-réponses varie aux alentours de 5 %, les Louviérois répondent massivement
par la négative (respectivement 60,5 %; 66,7 % et 80,2%). Par ailleurs, l'écoute
quotidienne se révèle excessivement peu répandue (5,3 %; 3,1 % et 1,9%). En y
ajoutant l'écoute irrégulière (1 ou 2 fois par semaine), on n'atteint que des
scores peu élevés: 12,5 %; 7,8 % et 5,2 %). Il semble incontestable que
l'incarnation sociale des radios locales rencontre des difficultés sur le
terrain louviérois.
L'allergie aux radios
locales s'avère plus grande dans - le segment féminin de la population: 62,6%
pour radio La Louvière; 75,1 % pour radio Canal du Centre et 84,8 % pour Horizon
2000. Une telle constatation doit être nuancée du fait que les écoutes les plus
régulières sont légèrement moins satisfaisantes chez les hommes.
Compte tenu des
non-réponses, on peut aboutir à des conclusions similaires pour Charleroi. Mais
revenons à La Louvière où la segmentation hiérarchique laisse entrevoir
l'influence du facteur "âge" pour les zones les plus réceptives aux radios
locales. Au-delà de 55 sinon 45 ans, le taux d'écoute baisse sensiblement. Dans
le public "jeune" la tranche 25-34 ans continue de nous questionner (voir plus
haut) en ce sens qu'elle marque un intérêt moins grand à l'égard des médias. Du
point de vue socio-professionnel, les ouvriers qualifiés constituent la
meilleure zone d'accueil des émissions locales, les professions libérales et les
commerçants forment le noyau de la plus forte résistance (correspondant à la non
réceptivité des diplômés des enseignements supérieurs universitaires et non
universitaires).
2.3. Le journal lumineux
L'enquête a porté
uniquement sur la ville de Charleroi. Les personnes interrogées étaient invitées
à répondre à la question suivante: "Quelle est la dernière information lue sur
le journal lumineux électronique ?" L'audience de ce nouveau medium est
incontestablement faible (13,4 %). Elle se répartit en parts quasi égales entre
les femmes et les hommes. Les jeunes sont plus attirés que les personnes âgées:
59,8 % des interrogés ne dépassent pas 34 ans et 84,8 % se situent en-dessous de
44 ans. Le public est populaire. A raison de 70 %, il est composé d'ouvriers et
d'employés. Toutefois, 38,5 % des universitaires et 31,6 % des diplômés du
supérieur non universitaire peuvent répondre à la question.
3. En guise de
conclusion
Cette contribution
permettrait-elle, malgré ses dimensions modestes, d'aider au repérage des pistes
d'action?
La raison de son
comportement devait être recherchée dans un investissement professionnel (cours
du soir et familial) (construction du logement) plus massif.
Il serait fort désabusé
de conclure, avec BAUDRILLARD, "qu'un écran ne représente rien, ni celui de la
télévision ni celui des sondages".
C'est au-delà de l'ordre
de la représentation qu'on découvre les voies de l'avenir. Mais pourrons-nous
éviter la réfraction de notre ligne de réflexion à travers la table de nos
valeurs et la grille de nos interprétations idéologiques ?
(Octobre 1987)

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