Discours
Claude
DURIEUX
Député permanent -
Vice-Président de l'Université du Travail
Monsieur le
Président, Monsieur le Bourgmestre, Messieurs les Représentants des
Ministres, Messieurs les Parlementaires, Mesdames, Mesdemoiselles,
Messieurs,
Je salue chacune et
chacun d'entre vous en ses titres et qualités et vous souhaite, en temps que
Président des Enseignements du Hainaut, la bienvenue dans les locaux de
l'Université du Travail Paul Pastur, qui constitue, comme l'a rappelé Monsieur
le Bourgmestre, l'un des fleurons du réseau provincial.
A cet égard, je tiens à
excuser l'absence de mon collègue Richard Carlier, Président de cette
institution, retenu ailleurs pour des motifs impérieux et qui m'a fait l'honneur
de me demander de le remplacer à cette tribune.
Par la même occasion, je
me réjouis, comme Député permanent, que ce colloque, essentiellement tourné vers
la Wallonie au futur, se déroule en Hainaut, province qui se cherche une
nouvelle image, un nouveau devenir. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'un effet
du hasard. De toute la Wallonie, le Hainaut est sans doute la province qui a
souffert le plus tôt du vieillissement de ses structures industrielles. Elle est
peut-être aussi la première à avoir touché le fond.
L'Institut Jules Destrée,
en organisant ces journées de réflexions, a, sans préjuger de l'originalité de
leurs conclusions, le premier, le mérite de faire la synthèse d'une série de
rencontres: colloques, journées d'études et autres symposiums qui ont eu pour
points communs la volonté d'analyser les données du présent pour mieux préparer
l'avenir.
Le colloque des régions européennes de tradition industrielle que nous avions
organisé en mars-avril derniers à Mons n'avait d'autre but: simplement il
privilégiait un aspect de cette dualité présent-futur dans sa dimension
régionale, à savoir l'articulation économie-culture. Nous avions d'ailleurs, et
cela non plus n'est pas un effet du hasard, Michel Quévit pour rapporteur
général, qui s'est fait une spécialité de cette réflexion sur les rapports
dialectiques entre l'économique et le mental dans une société donnée. C'est
assez dire combien cette problématique préoccupe tous ceux qui, à des titres
divers et degrés divers, veulent sensibiliser leurs contemporains à leur cadre
de vie et les informer des attitudes, individuelles ou collectives, à prendre
pour se forger, pour eux-mêmes et pour les autres, une image plus valorisante.
Etant à la province de
Hainaut en charge des Affaires économiques, je m'interroge, comme s'interrogent
certainement ceux qui, aujourd'hui, c'est-à-dire vous, par votre présence,
veulent marquer leur intérêt au devenir de la Wallonie.
A l'heure qu'il est, nous
avons véritablement le nez collé à la réalité de 92, celle du grand marché
européen, avec la libre circulation des biens et des personnes: le tunnel sous
la Manche et le T.G.V. Il est grand temps de nous préparer à ce formidable
bouleversement de notre paysage quotidien. On n'a que trop constaté jusqu'à
présent que les sociétés de vieille industrialisation sont davantage enclines à
se tourner vers le culte d'un passé idyllique que vers l'imagination et
l'édification d'un avenir différent. Comment nos sociétés abordent-elles le
changement? Leur réponse est fonction de leur héritage culturel pris au sens
très général d'enracinement mental de leur schéma de pensée. Ainsi est-il
pertinent de se demander si la technologie est à l'origine de la crise comme le
pensent certains ou si, comme l'affirment d'autres, nous pouvons compter sur
elle pour nous en sortir. Il est certain qu'elle ne mérite ni cet excès
d'honneur ni cette indignité et qu'elle n'est pas plus la source unique de nos
difficultés que le remède miracle.
On pourrait alors
reformuler la question en ces termes: de quels besoins la crise est-elle le
révélateur et comment, entre autres éléments, la technologie peut-elle
contribuer à les satisfaire? Ou mieux encore: comment réorienter l'économie de
manière à mieux servir à la fois les besoins humains et l'évolution du système
social? Le marché est considérable et les besoins d'éducation comme de santé, de
communications, d'activités de loisirs sont encore loin d'être satisfaits.
L'éducation et la culture peuvent, je serais même tenté de dire doivent, être
les moteurs des mutations en cours car la formation des hommes et la naissance
de nouvelles mentalités sont de nature à susciter la réceptivité aux
changements.
Et ce problème
fondamental concerne indistinctement tous les acteurs économiques et sociaux,
c'est-à-dire, les pouvoirs publics, le patronat, les organisations syndicales et
les individus eux-mêmes.
La prise en compte des
réalités et des objectifs à atteindre ne peut échapper à aucun de ces acteurs.
Toute politique de redéploiement doit traduire un projet précis et partagé. Une
telle stratégie repose, pensons-nous, sur la responsabilité dans la solidarité
et la mise en place d'une politique contractuelle de développement.
Le cadre général de la
réflexion doit donc être la définition ou la redéfinition de l'espace
économique, social et culturel. Il suppose indéniablement une rupture avec
celles des méthodes du passé qui ne font plus recette aujourd'hui.
Et pourtant, ce passé,
c'est aussi notre atout. Il fait l'objet de toutes les envies de ceux qui
tiennent les rênes mondiales de l'économie. Il n'y a qu'à voir les flots
d'Américains et de Japonais qui se déversent dans toutes les villes d'Europe au
passé culturel prestigieux. Mais serons-nous capables de maîtriser nos racines
et notre culture, de préserver nos avances et nos savoir-faire et de muer nos
handicaps en armes de combat pour éviter l'asservissement? Si nos vieilles
pierres font la prospérité des Tours operators internationaux, à nous de montrer
qu'elles recèlent autre chose qu'un intérêt d'ordre muséologique. Je
m'emploierai tout à l'heure, lors du travail en commission, à détailler quelques
actions que nous avons pu entreprendre en ce sens avec les moyens
institutionnels ou informels dont nous disposons.
En terminant, qu'il me
soit encore permis d'exprimer publiquement mon plus vif souhait qu'au prononcé
des exposés qui seront faits aujourd'hui et demain, tous se sentent interpellés;
qu'il s'agisse de la classe politique, du patronat, des représentants des
travailleurs, des chercheurs, des responsables du monde culturel, bref, tous
ceux que l'avenir de notre région intéresse. Agir sur cet avenir: il ne s'agit
plus d'une prévision mais d'une incitation, mieux ,d'une urgence.
Je vous remercie de votre
bonne attention.
(Octobre 1987)

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