Discours
Jean-Claude
VAN CAUWENBERGHE
Bourgmestre de Charleroi
Monsieur le
Président, Mesdames, Messieurs,
Je suis fier et heureux
de vous accueillir dans la ville de Charleroi à l'occasion de ce Congrès ayant
pour thème La Wallonie au futur
et, dans la ville de Charleroi, de vous accueillir dans cette institution
provinciale, l'Université du Travail, véritable fleuron voué à l'enseignement et
au progrès social.
Mesdames, Messieurs, à
l'heure où la Wallonie semble décidée à ne plus être l'instrument ni l'otage de
ceux qui voudraient refaire ce pays, à l'image de leurs idéaux politiques et
linguistiques, il est, me semble-t-il, réconfortant de constater qu'un mouvement
volontariste s'est dessiné rapidement pour repenser, dans un contexte réaliste
et précis, le devenir de notre région.
On n'a pas oublié que,
dans le prolongement de l'exposition industrielle de 1911, où toutes les
techniques les plus avancées de l'époque avaient révélé la richesse productive
de nos régions et les capacités exceptionnelles de notre main d'oeuvre et le
haut savoir des cadres de direction et de nos ingénieurs, l'Assemblée wallonne,
voulue par Jules Destrée, s'était déroulée à Charleroi, précisément deux mois
après la publication de la retentissante Lettre au Roi.
Cette prise de conscience
de l'identité wallonne et de l'affirmation qu'elle entendait donner à une
volonté de combat pour un meilleur avenir des provinces francophones et pour une
plus équitable reconnaissance des droits entre les Wallons et les Flamands,
cette Assemblée wallonne, en 1911, allait le confirmer solennellement. Tout cela
date déjà, mais pourtant, aujourd'hui, les problèmes demeurent posés avec une
acuité peut-être plus grande encore, devant des revendications flamandes qui ont
pris le ton des exigences et des allures de chantage devant lesquelles, si l'on
garde un tant soit peu de dignité, Mesdames, Messieurs, il est clair qu'on ne
peut plus se soumettre, ni s'incliner.
Il y a trop de
potentialités dans tous les secteurs wallons de créativité et de production. Il
y a trop de virtualités dans les centres de recherche et d'étude, qu'ils soient
technologiques, culturels, sociaux, institutionnels. En un mot, il y a trop de
forces vives en réserve d'une dynamique fondamentalement wallonne pour tolérer
encore des écarts de langage et des menaces d'un partenaire avec lequel le
dialogue doit s'entretenir d'égal à égal.
Permettez-moi, à ce
propos, de reprendre un des thèmes que j'ai développé au cours des cérémonies
marquant les Fêtes de Wallonie. Faute de moyens suffisants consentis par l'Etat
central, d'une part, et par les compétences régionales, d'autre part, il est
temps, maintenant, si on ne veut pas rester à la traîne, de réaliser le
transfert de nouvelles compétences et l'extension des compétences existantes
pour notre région.
Nombreux sont ceux qui
considèrent que les compétences transférées doivent représenter au moins
cinquante pourcent du budget total de l'Etat au lieu des treize ou quinze
pourcent actuels. Il faut surtout que les retombées positives des politiques
menées en Wallonie nous reviennent totalement. Nous devons donc nous atteler à
la reconversion industrielle de notre région qui requiert une vitalité nouvelle
dans tous les domaines. Ainsi, il faut reconnaître, une cohésion entre tous:
pouvoirs politiques wallons, pouvoirs provinciaux, pouvoirs communaux,
entreprises, organisations sociales et professionnelles, mouvements culturels et
sportifs et surtout l'école et la formation.
Il faut donc redoubler
d'efforts, intensifier nos actions, mobiliser nos complémentarités pour
redresser la situation. Nos entreprises doivent adapter leurs produits aux
exigences des marchés d'aujourd'hui et doivent surtout moderniser leur gestion.
Nous ne pouvons plus négliger l'importance qu'il faut attribuer à la recherche
et à l'innovation dans les entreprises et aux aides qu'elles doivent recevoir,
en particulier, des universités. La coopération entre les entreprises, entre nos
entreprises wallonnes et nos universités doit être étroitement développée pour
susciter des courants d'intérêts débouchant sur de nouvelles perspectives
scientifiques ou technologiques dont la Région doit retirer des avantages
profitables.
Pour la Wallonie, il ne
faut pas considérer l'avenir comme une simple amélioration du présent: ce doit
être autre chose, ce sera ce que nous voulons qu'il soit. Mais ce serait tout à
la fois, une profonde erreur que de considérer que l'on peut se lancer à
l'aventure sans disposer d'un inventaire précis des éléments d'appréciation
objectifs, grâce auxquels une telle démarche collective peut être entreprise
avec quelques chances de succès.
Et c'est le mérite de
l'Institut Jules Destrée d'avoir osé provoquer cette concentration de plus de
deux cents personnalités de formation, de philosophie, d'origine les plus
diverses, mais toutes indistinctement braquées sur un sujet qui touche à la
Wallonie de demain, qui toutes, indistinctement peuvent apporter, avec la
richesse de leur érudition, de leur expérience, de leur savoir-faire, les
enseignements à partir desquels de nouveaux programmes, de nouvelles idées
peuvent être tracés.
De la synthèse
d'aujourd'hui aux projections de demain, des réalités et des aspirations de
notre temps aux appréhensions et aux espérances d'un siècle nouveau, le destin
de la Wallonie se forgera selon la conscience que les jeunes générations auront
de leur propre devenir.
C'est notre rôle de les
initier à cette tâche, de les fortifier en vue des affrontements à venir, de les
préparer aux responsabilités de la gestion d'une nouvelle société.
Le Congrès auquel vous
voulez bien apporter le poids de vos connaissances doit être l'élément majeur
que l'on attendait, le catalyseur de nouvelles énergies, le détonateur de
nouvelles impulsions. "La Wallonie, unie et forte, une fois en marche, saura
habilement éviter les écueils et plus rien ne l'arrêtera", prophétisait Jules
Destrée.
A un demi-siècle de
distance passé, Destrée, le visionnaire, est resté plus actuel que jamais et
c'est le mérite des organisateurs de ces deux journées, plus que symboliques, de
si magistralement nous le rappeler et, au-delà de nous, de le rappeler à tous
les Wallons.
(Octobre 1987)

|