La culture en Wallonie, état et perspectives
Réflexion synthétique et sélective au sujet des rencontres intitulées
Jardins de Wallonie, tenues à Floreffe du 4 au 6 septembre 1998
Philippe Destatte
Directeur de lInstitut Jules Destrée
22 juin 1999La question initiale posée par Jacques Bauduin était provocatrice dans sa formulation mais aussi dans son contenu : La Wallonie, enfer, purgatoire ou paradis culturel ? Des trois jours de réflexions, des heures déchanges et de débats, des idées qui me sont venues à lesprit, jai voulu à titre personnel - retenir sept constats et sept propositions dactions.
Sept constats :
1. Les régions sont des lieux opératoires pour le développement culturel. Le niveau régional est le lieu politique densemble capable de poser démocratiquement la question dun projet culturel pour sa propre société (Alain de Wasseige).
2. Limage de désert culturel wallon ne correspond plus à une réalité désormais caractérisée par la multiplication des équipements, le redéploiement de nombreuses institutions, la richesse et la diversité de loffre et des pratiques culturelles (Jacques Bauduin).
3. Les approches monoculturelles basées sur une langue unificatrice ou sur un peuple homogène sont devenues marginales au profit dune dynamique de territorialisation ouverte à la pluralité des cultures et à leurs métissages.
4. Les cultures ne se mélangent pas toutes seules, elles peuvent coexister sans se rencontrer. Seule lacceptation de notre propre pluralité, nous permettra la rencontre de lautre.
5. Les enjeux liés à la culture sont souvent sous-estimés. Les politiques culturelles sont cloisonnées alors que la culture devrait jouer un rôle de levier dans léducation, permettre une prise de conscience sociétale et participer à la création dun espace de développement économique.
6. Le fait que la culture constitue un enjeu, notamment pour les régions, nimplique pas quelle soit instrumentalisée. Les politiques culturelles pertinentes sont celles qui favorisent lautodétermination des projets et le recul critique indispensable de la culture par rapport à la société et à ses institutions.
7. Lexigence dune reconnaissance culturelle de la Wallonie trouve son origine dans lincapacité structurelle du Ministère de la Communauté française de reconnaître ses propres ressources et de miser dessus. Ainsi, la Communauté française nest pas parvenue à se débarrasser des modèles universalistes et des valeurs que même la bourgeoisie ne partage plus (Alain de Wasseige). Que lon soit Bruxellois ou Wallons, la Communauté française ne nous renvoie aucune image de nous-même. Dès lors, si on ne peut plus parler de désert, en termes dinfrastructures, il y a toujours une sorte de désert culturel dans lesprit (Thierry Haumont).
Sept propositions
1. Affirmer lautonomie de la sphère culturelle par rapport aux autres champs dactions des pouvoirs publics et refuser la subordination de la culture à des enjeux périphériques à elle-même avec pour effet direct un frein mis au processus de son autonomisation progressive (Alain de Wasseige). Ainsi, on peut parler de la régionalisation de la politique culturelle, non de la régionalisation de la culture.
2. Désamorcer le débat culturel dans les termes dans lequel il ne devrait plus se poser car on prend chaque fois la culture en otage quand on lassimile à dautres fins quelle-même : quand on justifie la Communauté française par la solidarité entre la Wallonie et Bruxelles, quand on réduit le projet culturel à la langue quelle soit française ou wallonne -, quand on instrumentalise la culture.
3. Recréer un ministère de la Culture, avec un ministre de la Culture, qui suscite la construction démocratique dun projet culturel et de politiques culturelles qui irriguent les territoires de la Wallonie et/ou de Bruxelles afin de reconnaître et valoriser nos propres ressources (bande dessinée, jazz, photographie etc.).
4. Construire un espace public de création qui articule enracinement et modernité, ces deux atouts indispensables constituant la garantie contre, dune part, le prêt à penser universel et, dautre part, lincapacité à reconnaître lautre comme particulier.
5. Réfléchir ensemble pour inventer (Bernadette Wynants), entre Bruxellois et Wallons, un schéma de développement culturel en intégrant les données suivantes :
- en Wallonie et à Bruxelles, il ny a pas un centre mais deux. La décentralisation doit donc se faire à partir de deux centres ;
- la lisibilité institutionnelle est indispensable ;
- la dynamique des villes doit être prise en compte car les politiques culturelles sont avant tout urbaines.
6. Ouvrir la culture aux citoyens. Une offre de qualité ne suffit pas pour garantir une qualité daccès (Jacques Bauduin). Démocratie culturelle et démocratisation culturelle (Marcel Hicter et Majo Hansotte) restent des ambitions à lordre du jour mais la première idée est plus ambitieuse car elle implique la capacité pour les citoyens dexprimer leurs positions.
7. Casser, par des efforts culturels importants, la vision négative de région en déclin qui a été donnée de la Wallonie, en substituant au capital symbolique centralisé (sur les lieux du capitalisme financier) un capital culturel décentralisé, aux contenus de qualité et une image internationale respectueuse de la région.
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Page mise à jour le 23-08-2004 |
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