Durant les premiers jours du mois d’août 1914, alors
que les troupes allemandes progressent encore, les
quotidiens belges continuent de paraître tant bien
que mal avant de cesser complètement leur tirage.
Certains titres sont relancés à la demande
« insistante » voire « forcée » de l’occupant,
soucieux de faire connaître sous son contrôle des
informations relatives aux faits de guerre, à la vie
quotidienne dans le pays, mais surtout ses arrêtés
et directives. Les initiatives spontanées sont
rares.
Publier un journal sous contrôle allemand comporte
des risques politiques et déontologiques. Nul
n’ignore que toute l’activité de la presse du
territoire occupé est soumise au contrôle de la
Centrale de Presse du Département politique créée
par le gouverneur général, le 16 février 1915. Dans
un premier temps, ce service s’est efforcé de
« maintenir » des journaux de tendances politiques
différentes. Dans chaque chef-lieu de province, des
délégués spéciaux de presse surveillent, censurent
et alimentent l’activité de la presse écrite. Ils
renvoient aussi de l’information vers la Centrale.
Au cours de l’occupation, le service autorisera de
nouveaux titres, d’autres seront encouragés,
d’autres encore interdits…
La création de L’Avenir wallon résulte d’une
initiative personnelle de Franz Foulon. Dans le
premier numéro de L’Avenir wallon, paru le 9
novembre 1916, Foulon justifie sa décision de
publier un hebdomadaire de combat wallon, sous
censure allemande, par la nécessité de contrecarrer
les activistes flamands qui ont pris la
responsabilité de briser l’unité belge. Foulon
obtient, pour L’Avenir wallon, le soutien
d’Arille Carlier et la collaboration éphémère des
députés Émile Buisset (libéral) et René Branquart (POB).
Lucien Colson et surtout Oscar Colson envoient
régulièrement des articles à Foulon. L’Avenir
wallon, mais aussi L’Écho de Sambre et Meuse
éditent les articles d’Oscar Colson, sous son nom ou
sous le pseudonyme d’Henri de Dinant. Georges
Moulinas, membre du Comité de Défense de la Wallonie
et directeur au ministère wallon de la Justice
participe à la propagande activiste comme rédacteur
occasionnel de L’Avenir wallon.
Dans son éditorial hebdomadaire de L’Avenir
wallon, Foulon commente l’actualité politique,
attaque sans ménagements le gouvernement belge du
Havre, étudie l’évolution culturelle de la Flandre
et de la Wallonie, développe ses idées fédéralistes.
Dès novembre 1916, il aborde le problème crucial de
la réforme des institutions. Il dénonce le statut
réservé à Bruxelles, ville flamande depuis
l’ordonnance du 15 novembre 1916. En avril 1917,
quelques jours après la publication du décret
allemand de séparation administrative, il défend un
projet de réforme de l’État intitulé La Nouvelle
Belgique. Son système fédéral ne prévoit que huit
provinces : quatre pour la Flandre, quatre pour la
Wallonie. Namur devient la capitale de la région
wallonne. Dans un éditorial de L’Avenir wallon
du 22 au 28 septembre 1918, il affine son projet
fédéraliste :
– parlement régional, élu au suffrage universel ;
– maintien des conseils provinciaux ;
– création des conseils d’arrondissements pour la
gestion des intercommunales d’eau et d’électricité ;
– élection des bourgmestres par les conseils
communaux.
Comme le remarque Jeannine Lothe, L’Avenir wallon
insiste sur le thème d’une Wallonie libre
dans une Belgique indépendante et tous les articles
favorables à la séparation administrative publiés
par le journal sont des fragments de discours ou de
brochures antérieurs à 1914.
Foulon n’est pas un soudoyé de l’Allemagne, selon
l’expression cinglante de Henri Pirenne, mais
un idéaliste wallon qui subit, après l’Armistice de
1918, l’ostracisme des milieux officiels de la
presse, des partis politiques et des cercles
littéraires. Poursuivi comme activiste wallon, il
bénéficie d’un non-lieu, en octobre 1920.
Jean-Pierre Delhaye – Paul Delforge
Jean-Pierre
Delhaye
et Paul
Delforge, Franz Foulon. La tentation
inopportune, Namur, Institut Destrée, 2008,
coll. Écrits politiques wallons n°9 - Paul
Delforge,
La Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour
une histoire de la séparation administrative,
Namur, Institut Destrée, 2008 |