Le samedi 11 juin 1938, de 15h30 à 19 heures, sept militants
wallons se réunissent à l’hôtel Cosmopolite à Namur, sous la
présidence de l’abbé Jules Mahieu, président de la Concentration
wallonne. Il y a là le Liégeois Maurice Bologne, professeur de
latin et de grec à l’Athénée d’Ixelles, l’avocat carolorégien
Arille Carlier, vice-président de la Concentration wallonne, Max
Defleur, docteur en philologie romane et ancien président de la
Ligue wallonne de Namur, Albert (dit Francis) Dumont, ingénieur
civil des mines et en électricité, secrétaire de la Ligue
d’Action wallonne de Grivegnée, le Liégeois Robert Grafé,
docteur en philosophie et lettres et professeur d’athénées, et
le Namurois André Piron, docteur en droit de l’Université de
Liège et professeur à l’Athénée de Bruxelles.
L’objectif de ces personnalités est pragmatique. Sur base de
l’expérience de la campagne de deux ans que la Concentration
wallonne vient de mener pour le réveil de la Wallonie, il s’agit
de répondre aux arguments de type historique qui ont été opposés
aux militants wallons par des personnalités formées à l’école
de Pirenne. L’approche du cent cinquantième anniversaire de
la Révolution française et de sa commémoration ont servi de
catalyseur. Décision a donc été prise de créer une société
savante : la Société historique pour la Défense et
l’Illustration de la Wallonie. Le dynamisme de la nouvelle
association va être remarquable : cinq assemblées sont
organisées en moins de deux ans : trois à Liège, une à Namur,
une à Charleroi.
Dans l’allocution qu’il prononce à Namur le 11 juin 1938, l’abbé
Mahieu se veut solennel : Notre réunion de ce soir, ignorée
de la grande foule, de la presse et des associations savantes et
officielles, sera, si nous ne faillissons pas à la tâche que
nous nous assignons, un événement de marque dans l’histoire de
notre peuple. Puisse-t-il aussi précipiter son réveil ! Réunis
pour dégager les lignes du passé du peuple wallon, pour étudier
l’histoire de ses luttes, de ses réactions psychologiques, de
son évolution sociale, nous éclairerons mieux son destin et lui
fixerons, avec plus de sûreté, les chemins de son avenir. À une
époque où tout est remis en question et où un Monde nouveau se
crée, c’est là à mon sens, une tâche essentielle dévolue à notre
élite intellectuelle.

L’abbé Mahieu émet alors quelques considérations sur l’histoire,
telle qu’il la conçoit. Pour le nouveau président de la Société
historique, l’histoire d’un peuple est l’exposé scientifique,
c’est-à-dire logiquement ordonné des événements et des faits
qu’il a vécus ainsi que du développement qu’il a subi. Le
prêtre donne dès lors, à l’intention de ses auditeurs, une
véritable leçon de critique historique. Faisant référence aux
théoriciens de la nationalité, Jérôme Bonaparte et Pasquale
Stanislao Mancini, le président de la Concentration wallonne
établit les liens entre histoire et nationalité : vivre les
mêmes faits, dans un même état d’âme et d’esprit, c’est là à mon
sens, un critère extrêmement précieux et infaillible d’une même
nationalité. Si ce peuple, en outre, a la perception très claire
d’obéir à un même destin et le sentiment de former une très
large, mais très parfaite famille humaine, que faut-il de plus
pour qu’il recherche et exige une vie nationale distincte et
personnelle. Enfin, le président de la Concentration
wallonne en vient à l’objet même de l’association :
l’histoire des régions romanes de l’État est négligée au profit
de celle de la Flandre. Réparer ces impardonnables oublis ou ces
silences systématiques est là une raison de science pure et une
contribution méritée à la vérité. Dès lors, si la Société
engage son travail sous le patronage de la Concentration
wallonne et dans l’esprit de celle-ci, elle fait de la maxime de
Cicéron sa devise : Historia testis temporum, Lux veritatis !
Passant à la partie statutaire, les personnalités présentes
décident que l’association a pour objet l’étude de l’histoire
de Wallonie sous tous ses aspects. Après un débat sur les
mérites respectifs de différents sièges sociaux proposés, c’est
le domicile du président de la Concentration wallonne qui est
choisi. Un conseil d’administration provisoire est formé :
l’abbé Mahieu sera président, Maurice Bologne secrétaire et
Robert Grafé trésorier. En dehors des présents, quatre membres
sont admis sous réserve de leur adhésion écrite : Auguste-Henry
Rochefort, professeur d’Athénée à Bruxelles, l’instituteur
Georges Laurent, le dialectologue Marcel Fabry, Pierre Recht,
inspecteur des Bibliothèques publiques, auteur de 1789 en
Wallonie (publié chez Biblio-Liège en 1933). À l’unanimité
des assistants, Albert Mockel est désigné membre d’honneur.
Celui-ci déclinera cet honneur tout en encourageant les efforts
de la Société. Des projets de travaux sont évoqués par Maurice
Bologne : l’élaboration d’une carte de Wallonie et l’étude de la
période qui s’étend de la Révolution de 1789 à la bataille de
Waterloo, dans le cadre du 150e anniversaire de la
Révolution française, ainsi qu’une thèse sur le réunionisme en
1831.
La deuxième assemblée se tient à Liège, à la Maison wallonne, le
29 octobre 1938 également en fin d’après-midi. Sont réunis
autour de l’abbé Mahieu : Maurice Bologne, Arille Carlier,
Albert Dumont, Marcel Fabry, Robert Grafé, l’ingénieur André
Kaisin, les professeurs Aimée Lemaire, Marc Leclercq, Émile
Lempereur et Jean Pirotte. Arille Carlier a revu les statuts qui
peuvent donc être approuvés. Cinq membres ‑ Maurice Bologne,
Arille Carlier, Albert Dumont, Robert Grafé et Jules Mahieu –
signent l’acte constitutif de l’association qui a précisé son
objet : l’étude de l’histoire de la Wallonie et la
publication des travaux qui s’y rapportent. Le siège est
désormais fixé à Liège. Les statuts seront publiés au
Moniteur belge du 3 décembre 1938. Le Conseil
d’administration est constitué de trois membres : l’abbé Mahieu
(président), Maurice Bologne (secrétaire ou secrétaire général)
et Robert Grafé, administrateur. Louis Bertaux, licencié en
sciences économiques, et Aimée Lemaire, docteur en philosophie
et lettres, qui ne sont pas membres du Conseil, sont
respectivement désignés comme trésorier et secrétaire adjoint.
En dehors de cette partie administrative, l’assemblée de Liège
entend une communication d’Albert Dumont consacrée à
l’irrédentisme français de 1814 à 1831 et décide, sur base d’un
rapport de Maurice Bologne, d’Arille Carlier et de l’abbé Mahieu,
de publier le travail de Dumont dans la série A des Cahiers de
la Société. Cette série est destinée à réunir des études
inédites s’adressant à une élite intellectuelle. Une série B est
prévue pour des œuvres de bonne vulgarisation s’adressant au
grand public, une autre collection, la série C, doit
accueillir des documents divers, peu connus ou épuisés, mais
offrant un grand intérêt historique. Un projet d’édition
d’une Histoire du Peuple wallon, qui serait écrite par
André de Madi, est également évoqué.

Dès ce moment, la Société historique présente son but et son
programme à l’extérieur, en sollicitant des adhésions. Le
principe est coopératif et le restera, avec des nuances, pendant
toute l’histoire de l’institution : les membres en ordre de
cotisation reçoivent les ouvrages publiés. Les objectifs énoncés
par l’abbé Mahieu sont valorisés sur des documents de promotion,
en mettant en exergue le déficit de connaissance de l’histoire :
L’histoire de la région française de l’État belge est négligée
au profit de celle de la Flandre. (…) Un peuple qui ne
connaît pas son histoire est voué, plus facilement que tout
autre, à la servitude politique. La Société historique pour la
Défense et l’Illustration de la Wallonie se propose de rétablir,
en toute objectivité, la vérité intégrale en faisant connaître
l’Histoire du Peuple wallon, ses luttes héroïques, ses réactions
psychologiques, sa contribution remarquable à l’épanouissement
des arts et son évolution sociale et économique, qui en font un
des premiers peuples civilisés. Un certain élitisme
transparaît des documents d’adhésion qui interrogent les futurs
membres sur leurs titres scientifiques, académiques et
honorifiques, les travaux qu’ils ont publiés ou qui sont en
cours.
La première brochure éditée, c’est-à-dire le travail de Francis
(Albert) Dumont, paraît fin 1938 sous le titre L’Irrédentisme
français en Wallonie de 1814 à 1831, imprimé à Couillet.
C’est un petit volume de 63 pages dont 500 exemplaires sont
vendus dans les mois qui suivent. Face à la difficulté de
diffuser un millier de brochures en un an, l’initiative a pu
bénéficier de la générosité financière du professeur à
l’Université de Liège et académicien Paul Fourmarier, membre
d’honneur de la Société, et de la sympathie agissante des
groupements affiliés à la Concentration wallonne. L’ouvrage
a un réel impact dans les milieux wallons de la presse, de la
culture ainsi que de l’histoire. Ce premier résultat incite
Francis Dumont à une certaine confiance pour l’avenir mais
celle-ci est conditionnée : c’est que nous nous appuyions sur
une documentation à jour et surtout complète, dans toute la
mesure où cet idéal peut être atteint. Agir autrement serait
aller à l’encontre de nos buts.
Au moment de dresser le bilan de la première année d’activités,
la Société rassemble plusieurs dizaines de membres parmi
lesquels des personnalités wallonnes de tout premier plan comme
l’ancien ministre Émile Jennissen, l’historien et inspecteur de
l’Enseignement moyen Joseph Chot, le professeur à l’Université
de Liège Jean Hubaux, l’archiviste et chargé de cours à
l’Université de Liège Félix Rousseau. L’historien de la Meuse et
du pays mosan écrit sur son bulletin d’adhésion la volonté qui
l’anime : il est nécessaire et grand temps que les Wallons
s’occupent davantage de leur histoire. Celle-ci ne cède en rien
en importance à l’histoire de la Flandre, bien au contraire.
Dans son premier rapport annuel, le secrétaire général revient
également sur l’objet de l’association : il s’agit d’écrire
l’histoire sans parti pris si ce n’est celui de respecter la
vérité même si elle a parfois des confidences désagréables à
nous faire.
Une troisième assemblée générale se tient le 19 mars 1939 à la
Maison wallonne à Charleroi, au 9 de la rue Charles Dupret, sous
la présidence d’Albert (Francis) Dumont, qualifié de
président ff, l’abbé Mahieu étant excusé. Il est d’ailleurs
décidé que Dumont s’occupera spécialement des éditions.
L’assemblée convient d’appuyer la position prise par la Société
des Sciences de Liège en ce qui concerne la création d’une
académie wallonne ainsi que la résolution prise par le Conseil
culturel français.

Le 2 juillet 1939, la Société historique tient séance à la
Maison Havart, quai de la Goffe à Liège sous la présidence de
l’abbé Mahieu. On a conservé une photo de cette rencontre, aux
visages souriants. Trois communications sont prononcées et
discutées. Elles portent sur les événements de 1789 et des
années qui ont suivi : Maurice Bologne s’attache à
l’historiographie belge de la Révolution liégeoise, Robert Grafé
met en évidence l’analyse des sources relatives à la réunion de
l’État liégeois à la République, tandis que Francis Dumont
analyse les réactions de l’opinion publique wallonne en présence
de la Révolution brabançonne. L’après-midi est consacrée à la
visite de l’exposition sur la Légende napoléonienne qui
se tient alors à Liège.
Le deuxième ouvrage de la Société historique paraît à l’été
1939. Il s’agit de La Révolution de 1789 en Wallonie de
Maurice Bologne, publiée dans la Série B et imprimée par Biblio
à Liège. Cette brochure de 62 pages se veut destinée à la
jeunesse wallonne et un avertissement précise que ce travail
n’offre qu’une brève esquisse des événements.
Une cinquième assemblée générale annuelle se tient le 18 février
1940, de nouveau à la Maison Havart à Liège, sous la présidence
d’Émile Jennissen. En effet, l’abbé Mahieu a rejoint la France
depuis le 29 octobre 1939 pour se mettre au service de la
République en guerre avec le Reich. L’ancien ministre libéral se
réjouit de la démarche entamée par la Société historique. Il
estime qu’un mouvement sérieux, restant dans le domaine
scientifique pour définir la conscience wallonne à travers le
temps, a manqué jusqu’à présent. À part quelques exceptions, les
intellectuels wallons n’ont pas rempli leur devoir vis-à-vis de
leur peuple. La Société historique peut devenir un centre de
ralliement dans le désarroi actuel de l’esprit wallon.
Maurice Bologne, qui fait alors le bilan de l’action menée par
les quarante membres – des intellectuels dont plusieurs
occupent une place de choix dans la hiérarchie de la pensée
–, rappelle que la Société historique entend se placer sur le
terrain de l’objectivité la plus rigoureuse. La séance se
termine par un exposé d’Adrien Ledent, docteur en philosophie,
sur l’influence de la philosophie française en Wallonie au
xviiie
siècle. Enfin, le nombre d’administrateurs est porté à cinq.
Louis Bertaux, Maurice Bologne, Albert (Francis) Dumont, l’abbé
Jules Mahieu et Jean Pirotte sont appelés à ces fonctions pour
l’année 1940.
Le troisième bulletin de la Société historique, stencilé à cent
exemplaires, paraît à la mi-1940. Il marque une certaine
maturité et une ouverture de l’association. Non seulement les
publications extérieures des membres sont valorisées, mais il
est aussi question d’entamer le débat avec les historiens de
l’Université. La publication du texte La Wallonie devant
l’histoire de Léon-E. Halkin – contribution de l’historien
liégeois au Congrès culturel wallon qui s’était tenu à Charleroi
en novembre 1938 et repris dans La Cité chrétienne de mai
1939 consacrée à l’étude des problèmes wallons – va permettre à
Francis Dumont de préciser ses propres conceptions de
l’enseignement de l’histoire de la Wallonie. Dans son texte,
Léon-E. Halkin a fixé le cadre, les potentialités, les dangers
et les contraintes d’une écriture et d’un enseignement de
l’histoire en Wallonie ; il les conçoit basés sur l’histoire des
anciens États qui constituaient le territoire actuel, cherchant
en vain dans cette histoire des facteurs décisifs d’unité de la
“ communauté wallonne ”. La Wallonie n’en existe pas moins pour
Léon-E. Halkin, qui souligne que celle-ci désigne désormais, par
soustraction de la Belgique, ce qui n’est pas ou n’est plus
flamand ; malgré les aspirations des Wallons de la capitale,
Bruxelles évidemment reste hors-cadre, tout comme,
ajoute-t-il, la petite région allemande. De surcroît, il
rappelle que cette acception de la Wallonie est passée dans le
droit, puisque le législateur a inscrit la région wallonne
dans la loi du 14 juillet 1932.
Pour Francis Dumont qui veut répondre à ce texte, rien ne
paraît permettre de nier que l’histoire de Wallonie puisse et
doive être écrite. Ses propres préférences vont à une
histoire générale, ou du moins européenne, où les événements
qui nous touchent particulièrement feraient l’objet d’une
attention spéciale, bref une histoire telle que les
contemporains durent la connaître et la vivre. Toutefois,
l’introduction de l’histoire de Wallonie dans les programmes des
écoles moyennes et des athénées n’apparaît, à Francis Dumont,
ni comme une impossibilité, ni comme un mal à éviter à tout
prix.

À l’aube de la guerre, la Société pouvait dresser un bilan
flatteur : nombre de membres, d’activités et de publications,
effets sur la presse et sur le public. L’approche à la fois
militante et scientifique, chaleureuse et rigoureuse qui a été
la sienne correspond bien à la formule d’Émile de Laveleye que
Maurice Bologne place en exergue de ses imprimés de promotion :
C’est en s’éclairant que l’homme prend conscience de lui-même
et arrive à vouloir se diriger librement. Il en est de même pour
les peuples. Pourtant, alors que la Société a marqué
fermement son intention de sacrifier aux méthodes critiques et
exigeantes des historiens, alors que ses travaux relèvent d’une
qualité certaine, particulièrement celui de Dumont, elle a réagi
à des analyses qui ne sont pas bien éloignées des siennes et n’a
pas été capable d’établir la jonction ferme et nécessaire avec
l’Université dans le domaine qu’elle s’est assigné. Cette
situation va se poursuivre longtemps encore.
L’attaque allemande, l’exode, l’occupation emportent l’élan de
la Société historique. L’histoire de la Wallonie n’est plus à
l’ordre du jour par son écriture mais par le nécessaire combat
amorcé contre l’occupant. On le sait, l’abbé Mahieu resté en
France, Arille Carlier, Aimée Lemaire et Maurice Bologne sont au
premier rang. Lorsque naît le journal clandestin La Wallonie
libre, fin août 1940, Maurice Bologne, qui en a pris
l’initiative, en assure la rédaction. Dès ce moment, la Société
historique fait partie de son premier cercle de diffusion :
(...) Je tirai le premier numéro à une centaine de numéros
avec l’aide de ma femme et de M. Becquet, (...). Nous le
distribuâmes aux militants wallons de Bruxelles que MM. Simon et
Harcq étaient parvenus à regrouper et je l’envoyai également aux
membres de la Société historique dont j’étais le secrétaire. Le
succès de ce premier numéro fut tel que les Wallons décidèrent
d’appeler leur groupement clandestin La Wallonie libre et
que le journal de ce nom devint l’organe du mouvement (...).
En fait, parmi les quarante-six membres de la Société historique
identifiés en 1940, on peut en compter au moins dix-huit qui ont
été membres actifs de la Wallonie libre clandestine.
La Société elle-même va se mettre en veilleuse. Une réunion se
tient toutefois encore le 5 avril 1941. Il y est décidé
d’attendre la Libération pour poursuivre les publications en
préparation : une étude sur la période celtique par Maurice
Bologne, une autre relative aux gallo-romains par Louis Bertaux,
une troisième au sujet des encyclopédistes en Wallonie par
Adrien Ledent, etc.

À la Libération, les fondateurs de la Société historique ne
semblent pas être en mesure de reprendre leurs activités, malgré
une intention première et, semble-t-il, quelques essais peu
fructueux. Il est vrai que l’Association pour le Progrès
intellectuel et artistique de la Wallonie, née dans la
clandestinité, apparaît à ce moment le lieu d’action privilégié
des militants et des personnalités culturelles et scientifiques
wallonnes. Son objet est, du reste, plus large que celui de la
Société historique mais fait également porter ses préoccupations
sur l’histoire de la Wallonie. On retrouve en effet dans la
section carolorégienne de l’APIAW, présidée par Maurice Bologne
et chargée de se préoccuper de l’enseignement de la seconde
langue en Wallonie ainsi que de l’enseignement de l’histoire, de
nombreux membres de la Société historique. Ainsi, fin 1943, une
trentaine de personnalités sont invitées à se réunir au domicile
des Bologne à Charleroi parmi lesquelles Louis Bertaux, Suzanne
Bocquet, Albert Dumont, Émile Lempereur et André Piron.
Toutefois, l’asbl APIAW, qui se constitue le 7 novembre 1944 à
l’initiative de la section liégeoise, débouche sur un Conseil
d’administration essentiellement liégeois qui ne laisse aucune
place aux anciens de la Société historique qui sont pourtant
particulièrement actifs sur le terrain. Ceux-ci sont cependant
bien présents dans la Commission d’histoire de l’APIAW, présidée
par le professeur Léon-E. Halkin, qui doit rendre un avis au
ministre de l’Instruction publique Herman Vos. Cette commission
s’est complétée par cooptation de nouveaux membres
représentant toutes les régions de la Wallonie. Sur
vingt-quatre membres qui se réunissent de février 1947 à avril
1948, on en retrouve en effet six, soit Louis Bertaux, Aimée
Bologne-Lemaire, Maurice Bologne, Francis Dumont, Jean Pirotte
et Félix Rousseau, qui étaient des membres actifs voire des
chevilles ouvrières de la Société historique. Il faut noter par
ailleurs que lorsque Maurice Bologne publie, anonymement, la
brochure L’Histoire racontée aux Wallons, ainsi que La
querelle des Wallons et des Flamands, en 1945, il le fait
sous le couvert de la Wallonie libre, dont il est le secrétaire
général.
Si, pendant cette période, la Société historique n’a
pratiquement plus d’activité, ses préoccupations à l’égard de
l’écriture et de l’enseignement de l’histoire restent au-devant
de la scène : au Centre Harmel – de 1948 à 1955 – d’abord, au
deuxième Congrès culturel wallon de 1955, ensuite, au Centre
culturel wallon qui en est né, enfin, et dont Aimée Lemaire est
administratrice. Cet outil fermera ses portes en 1957.
On le voit, l’effort de la Société historique avait été limité.
Par les circonstances de la guerre, bien sûr, mais aussi par
l’élan du Mouvement wallon qui avait suivi le conflit. Il n’en
demeure pas moins que le travail qu’elle avait fourni
représente, comme l’a écrit plus tard Guy Galand, la première
tentative organisée de restitution à la Wallonie de son histoire
et de son patrimoine.
Philippe Destatte |