Au tout début du XXe
siècle, la Ligue wallonne de Liège et la Ligue wallonne du Brabant tentent
de rassembler toutes les sociétés wallonnes. En juin 1909, Hector Chainaye
lance un appel à la réunion des forces wallonnes et, en septembre, une
Fédération de la Ligue wallonne de Liège voit le jour ; elle est aussi
appelée Union des Sociétés de Wallonie (janvier 1910). Alors que la question
de la séparation administrative est à l’étude au sein du Mouvement wallon et
plus particulièrement au sein du Comité d’étude pour la Sauvegarde de
l’autonomie des provinces wallonnes, la Ligue wallonne de Liège entreprend
une campagne d’informations dans les principales villes wallonnes. Des
meetings sont organisés de janvier à mars 1911, à Liège, à Namur (plus d’un
millier de personnes), à Charleroi (300 personnes) et à Tournai alors que se
discute au Parlement la proposition de loi Franck-Seghers. La Fédération des
Ligues wallonnes ne verra jamais le jour mais des ligues locales sont
créées. C’est le cas à Namur où la Ligue est présidée par Jean Rosel (mars
1911). Cette Ligue devait contribuer à la formation de la Fédération des
Ligues wallonnes de Belgique dans le but de promouvoir l’idée de la
séparation administrative (Moniteur officiel du Mouvement wallon,
mars 1911, p. 2-3). Est-ce la même ligue qui existe encore en 1913 ou est-ce
une nouvelle qui est constituée ? Toujours est-il que, le 25 septembre 1913,
se réunit la Ligue wallonne de l’arrondissement de Namur, dont le tout
premier comité est formé de Paul Maréchal, Louis Bodart, Wartagne, Gilliard,
Daube et Hubert, mais où l’on ne retrouve pas Jean Rosel. Très vite,
cependant, la Ligue est confrontée à de nombreuses difficultés, certes
mineures, dues aux sensibilités politiques des uns et des autres. Grâce à la
Garde wallonne de Liège, en tournée de propagande à Namur, la Ligue
namuroise rassemblera cependant un demi millier de personnes pour son
premier meeting (automne 1913). Une conférence sur “ l’âme wallonne ”,
donnée par François Bovesse, assure l’envol de la Ligue (8 décembre 1913).
Elle déclare compter 400 membres lorsqu’elle participe au Congrès wallon de
Verviers (1914). La Première Guerre mondiale met cependant un terme aux
activités de la première Ligue wallonne de Namur. Elle renaît après l’Armistice
de 1918 puisque c’est en son nom que François Bovesse reçoit les membres de
l’Assemblée wallonne réunis à Namur, le 19 octobre 1919.
Cependant la
période la plus florissante de la Ligue se situe au début des années trente.
La Ligue wallonne de Namur est en effet recréée le 18 mars 1931. Une action
intense de propagande permet rapidement de faire adhérer pas loin de 800
membres. La Ligue wallonne de Namur ne naît cependant pas ex nihilo.
Elle a derrière elle l’action dynamique du Comité central de Wallonie,
réunissant en son sein des représentants de diverses opinions. Depuis
quelques années aussi (15 février 1924), existe la revue Le Guetteur
wallon dirigée par Fernand Danhaive et Émile Dave. En septembre 1930, la
revue s’est réorganisée et se proclame ouvertement organe de défense
wallonne. C’est à partir de juin 1931 que s’opèrent les transformations les
plus décisives : la revue publie le manifeste de la Ligue wallonne de Namur,
dont elle devient l’organe officiel le mois suivant.

Déjà fondateur du
Guetteur wallon, Fernand Danhaive est appelé à la présidence de la
Ligue lors de son assemblée générale du 28 juin 1931 ; Émile Dave en est le
secrétaire, Georges Close le secrétaire adjoint, Max Defleur le
vice-président et Louis Flagothier le trésorier. Léon Dandoy, Léon Évrard
(il démissionne en décembre 1931), Georges Frédéricq, Léon Trousse, Alexis
Colart, Pierre Recht, Adelin Dohet, Eugène Mignon, Alexis Wauthion, Gérard
et Florent Materne (il démissionne en décembre) font aussi partie du Comité
de la Ligue wallonne de Namur. Baudson, Henri Mathieu, Bournonville, Gillet,
Ronvaux, Laurent, Dubois et Hospel s’ajouteront par la suite.
Depuis le 29 mars
1931 déjà, la Ligue wallonne de Namur a rejoint ses consœurs de Verviers,
Liège, Dinant, Charleroi et Tournai, ainsi que l’Avant-Garde wallonne et l’Union
fédéraliste de La Louvière. La Ligue namuroise approuve d’ailleurs les
grandes lignes de leur programme. Précisant qu’elle n’entend pas s’immiscer
dans les affaires flamandes, l’association réclame une réforme du statut
politique de la Belgique : il convient de rectifier les limites
administratives permettant le retour aux provinces wallonnes des localités
de langue française égarées en territoire flamand. En Wallonie, il sera fait
uniquement et exclusivement usage de la langue française dans tous les actes
publics ; c’est l’homogénéisation linguistique de la Wallonie qui est
réclamée. Si l’enseignement d’une deuxième langue est obligatoire, le choix
de cette dernière doit être laissé libre. Le seul usage du français doit
permettre d’accéder aux plus hauts postes administratifs même si une
préférence pourra être accordée aux candidats maîtrisant le dialecte de la
région où ils sont affectés. Quant à la défense du territoire et aux
dépenses publiques, elles doivent être mieux réparties. Elle insiste tout
particulièrement pour réclamer une défense nationale efficace du
territoire belge dès la frontière de l’Est.
Mais si la question
des langues et ses répercussions (enseignement, emplois, armée, etc.)
préoccupent essentiellement la Ligue wallonne de Namur, celle-ci n’entend
pas résumer la question wallonne à cette seule dimension. Elle dénonce aussi
et notamment les avantages financiers que l’État belge octroie régulièrement
à la Flandre au détriment de la Wallonie. Elle observe qu’aucune politique
touristique n’est développée en Wallonie, que les dédommagements aux
victimes des inondations favorisent les Flamands, que la frontière de l’Est
est laissée sans protection pour ne protéger que la Flandre. Il apparaît
aussi clairement que la Ligue wallonne de Namur entend apporter son soutien,
au-delà des querelles de parti, au ministre wallon François Bovesse. Pour
populariser son programme, la Ligue donne des conférences dans le Namurois ;
elle s’occupe même de l’organisation d’un match de football (entre l’Association
Wallonie, club namurois, et le FC Liégeois).

En raison d’un
grand nombre d’adhésions (1.000, chiffre annoncé en août 1931), la Ligue
constitue deux sections : l’une, administrative, fournira tous les
renseignements nécessaires aux fonctionnaires et aux pères de famille ;
l’autre, universitaire, sera composée exclusivement de membres diplômés de
l’université : cette section informera les jeunes étudiants, aidera les
futurs spécialistes à se documenter, établira des relations entre
universitaires wallons, et organisera des conférences. Un secrétariat
permanent est ouvert. Lors des fêtes de Wallonie 1931, un drapeau est remis
à la Ligue.
Par ailleurs, afin
de rassembler tous les jeunes, la Ligue encourage la formation d’une Jeune
Garde wallonne de Namur. C’est chose faite en septembre 1931. Elle suscite
aussi la création de la Ligue wallonne de Gembloux et accueille dans ses
locaux les responsables de la Concentration wallonne à laquelle la Ligue
s’est affiliée (1931). Elle est partie prenante à la création de
Radio-Wallonie. Elle organise un cycle de conférences où prend notamment la
parole Léon Troclet. Elle diffuse aussi des affiches qu’elle a réalisées et
sur lesquelles elle précise qu’elle n’est ni fédéraliste ni antifédéraliste…
et où elle rappelle son programme et ses objectifs. La Ligue ne manque
aucune occasion de marquer son opposition à l’obligation de l’étude du
flamand dans l’enseignement moyen et sa profonde hostilité au bilinguisme.
Elle adresse de nombreux courriers aux ministres et administrations pour
dénoncer des nominations ou des applications du bilinguisme en Wallonie.
À l’approche des
élections, la Ligue wallonne de Namur encourage les électeurs à évaluer
l’action wallonne des candidats avant de voter. En les citant nommément, la
Ligue ira jusqu’à dénoncer les mandataires qui n’ont pas été assez wallons à
ses yeux, en montrant quels furent leurs votes sur des questions précises.
La Ligue participe au pèlerinage de Waterloo. Elle dénonce toute volonté
d’union hollando-belge qu’elle soit économique ou autre et s’oppose à toute
incorporation de la Wallonie dans un bloc nordique, son intérêt étant de
figurer dans un bloc latin.
Mais après un
démarrage aussi encourageant qu’impressionnant, la Ligue paraît rapidement
s’essouffler au lendemain des élections de 1932. À ce moment, François
Bovesse réclame le portefeuille de la Défense nationale. De Brocqueville lui
propose les Transports ; Bovesse refuse et devient la cible des attaques de
la presse flamande qui voit en lui le défenseur inconditionnel des accords
militaires franco-belges. Il ne s’en soucie guère : il multiplie les
conférences. Mais il semble que ce soit le Comité de Wallonie qui monopolise
le débat wallon à Namur. C’est d’ailleurs ce Comité qui organise à Namur un
congrès wallon, présidé par Bovesse, et qui soutient unanimement sa position
en matière de défense militaire (17 septembre 1933).
En novembre 1933,
la Ligue wallonne de Namur, dont le programme des activités ne paraît plus
depuis plusieurs mois dans la revue, décide de ne plus reconnaître Le
Guetteur wallon comme son organe officiel. Cette décision coïncide en
partie avec le départ de Joseph Calozet de la direction de la revue et de
son remplacement par l’abbé Hayot. En juin 1934, la Ligue fait paraître une
circulaire-programme dans laquelle elle revendique la révision du statut de
la Belgique suivant les principes déjà évoqués précédemment.
Si, en octobre
1932, le manifeste de la Jeune Garde wallonne de Namur pouvait se réjouir
qu’en six mois, la Ligue wallonne de Namur avait recruté 1.000 membres, les
informations dont dispose la Concentration wallonne par la suite sont moins
optimistes. La Ligue ne compterait plus que 501 membres en 1933, 101 en
1934, juste avant de disparaître peu de temps après son président fondateur
Fernand Danhaive (mars 1935), brièvement remplacé par Max Defleur. En
novembre 1933, la Ligue avait déjà été affectée par la disparition de son
trésorier Louis Flagothier.
Peu avant la Seconde
Guerre mondiale, il semble qu’une Ligue wallonne de Namur ait été reformée à
l’initiative de Gustave Guiot et Fernand Massart notamment. Cette Ligue
apparaît comme une section de la Concentration wallonne dont elle partage le
programme.
Paul Delforge