Lors du troisième congrès wallon (1892), Julien
Delaite lance déjà l’idée d’une Fédération wallonne rassemblant les Cercles
wallons. Bien que formulée avec précision, l’idée est abandonnée en même
temps que s’achève le cycle des premiers congrès wallons. Cependant, en
réaction aux revendications flamandes, et dans le but de pouvoir appuyer
puissamment, devant les pouvoirs publics, l’exposé de leurs griefs généraux
et particuliers, les Cercles wallons de la province de Liège relancent
l’idée en 1895 et décident de s’affilier en une Fédération régionale. Les
Sociétés namuroises émettent le vœu d’imiter cet exemple et la Société de la
Propagande wallonne de Bruxelles décide de créer une Fédération
wallonne-brabançonne permettant de rallier toutes les sociétés wallonnes
éparses en pays flamand. La création ultérieure d’une Fédération
similaire des Cercles hennuyers complèterait cette formation d’une Ligue
générale des forces wallonnes dans le pays tout entier, constate le
journal La Meuse des 30 et 31 mars 1895. Il faut cependant
attendre deux ans encore avant qu’une Ligue nationale wallonne ne
voie le jour, à Liège.
Au lendemain du vote par le Parlement de la loi
dite Coremans-De Vriendt, la Ligue wallonne de Liège (née seulement quelques
mois plus tôt, le 7 mai 1897) contacte les sociétés culturelles wallonnes
dans le but de fonder une Ligue nationale wallonne. Son objectif est de
réaliser une coordination de toutes les forces wallonnes. Celle-ci voit le
jour le 8 mai 1898. Sa première action consiste à adresser un questionnaire
aux candidats aux élections législatives (10 mai 1898) portant sur l’égalité
entre Wallons et Flamands. En réalité, la Ligue wallonne de Liège étant
nettement en avance sur le plan politique sur les autres groupements, c’est
sous son égide que naît la Fédération, son bureau étant intégralement
transposé, simplement étoffé de deux délégués par cercle associé. De fait,
durant les quelques années d’existence de cette entente, c’est la Ligue
wallonne de Liège qui tient les rênes, se prolongeant dans des groupements
n’ayant ni son ampleur ni son organisation, et auxquels elle fournit les
outils d’un énergique combat wallon. Il semble d’ailleurs y avoir une
confusion totale entre la Ligue wallonne de Liège et la Ligue nationale
wallonne.
Au lendemain du Congrès wallon qui se tient
avec succès, en 1905, à Liège, à l’initiative de la ligue wallonne locale,
le mouvement d’affirmation politique de la Wallonie tente à nouveau de se
structurer. Les deux principales ligues, celle de Liège et celle du Brabant,
tentent de créer des consœurs à Charleroi, Tournai, Namur, Verviers, etc. Un
congrès est organisé à Bruxelles (1906), un autre est envisagé à Verviers
puis à Tournai (1908), sans succès. La Ligue wallonne du Brabant suscite la
création de ligues tandis que la Ligue wallonne de Liège aspire à la
constitution d’une fédération des Ligues wallonnes. La parution des journaux
Le Réveil wallon et L’Action wallonne incite les Liégeois à
créer une fédération qui fonderait l’unité d’action qui semble faire
défaut à nos amis de Bruxelles (Bovy, décembre 1907). La Ligue wallonne
de Liège souhaite créer un lien moral qui unirait toutes les sociétés
littéraires et autres de Wallonie et qui parlerait au nom de tous les
Wallons. Lorsque la Ligue wallonne du Brabant invite la liégeoise à mener
une campagne électorale liégeoise en 1908, cette dernière se montre prudente
lors d’une réunion générale de toutes les ligues (Bruxelles 26 avril 1908).
Cette fédération ne se réalisera pas malgré la volonté de Julien Delaite de
transformer la Ligue wallonne de Liège en une Ligue générale d’Action
wallonne qui agirait au nom de tous les groupes wallons.

Une circulaire en ce sens est envoyée à toutes
les sociétés wallonnes en avril 1909. La Wallonne et la Légia sont les
premières à répondre positivement. En juin, Hector Chainaye lance un appel à
la réunion des forces wallonnes. Une Fédération de la Ligue wallonne de
Liège voit ainsi le jour (septembre 1909). Elle est aussi appelée Union des
Sociétés de Wallonie (janvier 1910). Les Liégeois se plaignent cependant
régulièrement du radicalisme des actions menées par les Bruxellois. Cela
n’empêche pas d’organiser une série de meetings de janvier à mars 1911.
Après le succès de Liège et de Namur (plus d’un millier de personnes), le
meeting de Charleroi ne rassemble que 300 personnes alors qu’à Tournai
l’assistance est très nombreuse.
La fédération des Ligues wallonnes ne verra
jamais le jour. Les Ligues unies parviendront à créer l’Assemblée wallonne
mais, dans le même temps, en région liégeoise, apparaîtra un nouveau projet
de rassemblement des forces wallonnes au sein du Comité d’Action wallonne
puis, à Verviers, au sein d’une Fédération wallonne ; enfin, Joseph-Maurice
Remouchamps propose de créer une Fédération provinciale des Ligues wallonnes
(avril 1914).
En février 1914, la Ligue wallonne de Verviers
demande en effet à toutes les ligues wallonnes anti-flamingantes de s’unir
et de coordonner leur action. Sans empiéter sur les plates-bandes de l’Assemblée
wallonne qui doit définir la doctrine du Mouvement wallon, la Ligue wallonne
de Verviers demande aux autres ligues de faire un effort pour centraliser la
communication de tous les problèmes qui leur sont soumis et provoque une
réunion, dans la cité lainière, le 1er mars. Jules Keybets
s’occupe de la coordination. Elle aboutira au congrès wallon de Verviers de
1914 mais la Première Guerre mondiale rendra ses efforts inutiles. En 1919,
le projet renaît ; on parle d’une Union wallonne, d’une Fédération de l’Union
wallonne.
En 1922, à l’initiative de la Ligue wallonne de
Verviers dont certains de ses membres remettent en cause l’autorité de l’Assemblée
wallonne, un congrès des ligues et sociétés wallonnes se tient le 14 mai.
L’ordre du jour rédigé par Sasserath, Delanne, Buisseret et Franckson est
adopté à l’unanimité. Le Congrès de Verviers décide notamment qu’il
convient d’organiser sans tarder les forces wallonnes pour faire appliquer
par les pouvoirs publics les décisions de l’Assemblée wallonne en matières
politique et administrative et procède à la création d’une fédération
des ligues et sociétés wallonnes qui prend le titre de Confédération des
Sociétés de Wallonie et dont le comité est formé de Marcel Franckson
(Bruxelles), Joseph Closset (Liège), Oscar Gilbert ou Léon Suain
(Charleroi), Paul Gahide (Tournai) et Gui Kaiser (Verviers). Cette
confédération semble toutefois être restée sans lendemain. Avec le départ
des fédéralistes de l’Assemblée wallonne (1923), se constituent des ligues
wallonnes puissantes surtout à Liège et à Charleroi. Les contacts entre
mouvements wallons existent mais chacun paraît vouloir jouer dans sa ville
même si, comme à Verviers, la Ligue adresse plusieurs appels à l’Assemblée
wallonne pour qu’elle fédère les mouvements. Il faudra attendre 1930 pour
que l’ensemble des mouvements wallons accepte de se rassembler au sein de la
Concentration wallonne. Cette démarche se réalise sous l’égide de la Ligue
d’Action wallonne.
Paul Delforge