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Cette section propose la liste des notices contenues sur le cédérom de l'Encyclopédie du Mouvement wallon. Les notices accessibles en ligne sont datées : le carré jaune indique les mises à jour, le carré rouge signale les nouvelles notices.

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 ASSOCIATION POUR LE PROGRÈS INTELLECTUEL ET ARTISTIQUE DE LA WALLONIE (1943)

En 1943, alors que dans la clandestinité, le Mouvement wallon prépare l’Après-guerre, quelques très jeunes scientifiques liégeois, dont Fredi Darimont et Jean Leclercq, proposent à leurs aînés militant au sein du mouvement de résistance clandestin la Wallonie libre, la création d’un organisme qui regrouperait en son sein scientifiques et artistes de toutes disciplines. Cette nouvelle association s’adresserait à tous les Wallons, y compris à ceux de Bruxelles, et constituerait une sorte de pendant culturel du Conseil économique wallon en projet.

Cette entreprise intéresse un groupe, composé essentiellement de professeurs de l’Université de Liège. Sous l’Occupation déjà, se tiennent plusieurs réunions préparatoires clandestines et des contacts sont pris avec Charleroi où, sous la présidence de Maurice Bologne, une section du Conseil économique wallon de l’ouest wallon se réunit à plusieurs reprises, et avec Bruxelles, où des contacts sont pris par l’intermédiaire du botaniste Paul Duvigneaud.

Dès la Libération, le groupe de Liège est prêt à entrer en action. Sans concertation avec les groupes qui ont œuvré clandestinement, les statuts de l’association, qui prend pour nom Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, en abrégé APIAW, sont publiés au Moniteur. L’APIAW se veut prestigieuse ; elle se choisit pour président le professeur Lucien Godeaux, – une sommité en mathématiques –, et expose son programme dans une brochure intitulée Pour Renaître diffusée dès mars 1945. L’APIAW entame immédiatement la prospection des autres villes, souhaitant, conformément aux vœux de ses créateurs, essaimer dans la Wallonie entière.

Pour Renaître et les manifestes de l’APIAW qui lui sont contemporains dressent un constat sévère de la situation culturelle et scientifique de la Wallonie : nous vivons ou plutôt (…) nous étouffons en vase clos. Pour sortir de cette situation, l’accent doit être mis sur l’intégration de la Wallonie dans les grands courants internationaux de pensée et de création. L’effort doit porter sur l’art vivant, afin que la Wallonie puisse jouer dans le monde moderne un rôle de premier plan. Le rôle qu’elle s’assigne est de former des élites wallonnes ouvertes au monde moderne et non d’élever le niveau culturel et scientifique du peuple ou des classes moyennes. Le but est ambitieux et bien éloigné de celui de la plupart des associations culturelles wallonnes qui visaient plutôt à mettre l’accent sur une meilleure connaissance du passé local ou sur la mise en valeur des spécificités régionales.

Comme le Conseil économique wallon, l’Association se veut indépendante du mouvement politique wallon. Toutefois, certains membres, plus “ politiques ”, estiment pouvoir atteindre par ce biais des milieux restés jusqu’alors assez fermés à la cause wallonne et les y amener progressivement. Les statuts et le règlement d’ordre intérieur prévoient une forte centralisation des pouvoirs aux mains du Conseil d’administration. C’est lui qui coopte les membres associés, crée les sections locales et Commissions générales. C’est à lui de définir la ligne de l’association et de coordonner l’activité des sections, – du moins en théorie. Pour remplir cette mission, il perçoit un fort pourcentage (entre 25 et 75%) des rentrées financières et des cotisations perçues par les sections régionales. Avec des succès divers, celles-ci sont fondées à Liège, Bruxelles, Charleroi, Namur, Mons, mais aussi à Verviers, à Dinant, à La Louvière et même dans de plus petites villes comme Gembloux, Dour, Jodoigne ou Nivelles. Les sections régionales comportent diverses Commissions spécialisées (arts plastiques, musique, littérature, histoire, sciences naturelles, etc.). Outre les Commissions de travail (Commission de propagande, des finances, de la revue, etc.), le Conseil d’administration envisage aussi la mise sur pied de nombreuses Commissions générales ou Commissions centrales. Seules quelques-unes auront une existence effective : Commissions générales d’histoire (ou de l’enseignement de l’histoire), de l’enseignement du français et de l’enseignement de la seconde langue. L’existence de ces Commissions générales, – à l’exception de la Commission générale d’histoire placée sous la présidence de Léon-E. Halkin –, sera éphémère et leur action se limitera à l’élaboration d’un rapport. Quant à la Commission générale des beaux-arts, elle sera créée ultérieurement : son rôle sera d’organiser et de financer, grâce au mécénat du collectionneur Fernand C. Graindorge, des expositions d’artistes surtout étrangers.

Mais très tôt, de multiples tensions vont miner l’action de l’APIAW. Entre sections régionales, tout d’abord, pour la mainmise sur le Conseil d’administration, soupçonné d’être phagocyté par la Commission des beaux-arts de la section liégeoise. Entre le Conseil d’administration et les sections locales, ensuite ; elles trouvent leur origine dans les problèmes de trésorerie : l’impécuniosité permanente du Conseil d’administration, non seulement ne lui permet pas de soutenir l’action des sections, comme il s’y était engagé, mais apparaît comme une entrave au développement de leurs activités. En dehors de la section de Liège, elle aussi en désaccord avec le Conseil d’administration, la volonté centralisatrice du Conseil d’administration est perçue comme une marque indéniable de l’impérialisme liégeois. À cela, s’ajoutent des différences de conceptions d’ordre esthétique ou scientifique, – plus aiguës que les divergences politiques, puisqu’aucun compromis n’y est possible. Elles aboutissent elles aussi à des conflits entre sections, – opposition de la section de Liège, plus ouverte à l’avant-garde, à celle de Bruxelles, plus conservatrice, ou, dans le Hainaut, entre celle de Charleroi, qui continue la ligne des Amis de l’Art wallon et souhaite fédérer les sociétés existantes, et celle de La Louvière, qui travaille dans un esprit plus proche de celui de Liège. Défendant avec fermeté des conceptions tranchées sur des questions scientifiques ou artistiques, certaines sections s’opposent à l’action des pouvoirs publics, l’exemple le plus frappant étant le combat mené par la Commission liégeoise de la protection de la nature contre le projet d’urbanisation du Sart Tilman soutenu par le gouverneur de la province de Liège, Joseph Leclercq. En outre, alors que l’APIAW se veut étrangère à la politique, même wallonne, certaines sections ont beaucoup de difficultés à se démarquer du Congrès national wallon ou de Wallonie libre, soit en raison de la personnalité de leurs dirigeants (Maurice Bologne à Charleroi), soit parce qu’elles sont forcées, dans les plus petites villes, de s’appuyer sur les sections locales de Wallonie libre pour recruter des membres ou assurer leur intendance. Tenter de résoudre ces conflits sans cesse renaissants sera l’occupation quasi unique du Conseil d’administration sous la présidence de Lucien Godeaux et de son successeur, Jean Firket. Englué dans des questions statutaires, il se verra condamné à la paralysie.

En fait, les sections et les Commissions, – du moins celles qui vont survivre –, s’accommodent de cette situation et acquièrent progressivement, entre 1947 et 1950, une indépendance bien éloignée de l’organigramme fortement centralisé prévu à l’origine. Les deux opérations de relance de l’APIAW viseront plutôt à renforcer la ligne élitiste exposée dans Pour renaître, quitte à rétrécir le public visé, plutôt qu’à ranimer des sections moribondes ou à renforcer le pouvoir central. Certaines sections disparaissent ; d’autres n’ont plus qu’une existence théorique. L’activité de celles qui subsistent dépend fortement des personnalités qui en sont l’âme, ainsi que des moyens financiers dont elles peuvent disposer, quitte à recentrer leur activité sur un seul objet. L’exemple le plus frappant est celui de la section de Namur qui se consacre à la littérature avec l’attribution du prix Engelmann. À Charleroi, aux Caves d’Artois, la section propose des programmes annuels de conférences et débats consacrés à l’art, à la littérature et à la philosophie. Au début des années ’60, elle soutient la création de l’Institut Jules Destrée. À Liège, sous l’impulsion de deux administrateurs-fondateurs, Marcel Florkin, président de la section liégeoise, puis de l’APIAW, et Fernand C. Graindorge, président de la Commission des beaux-arts de la section liégeoise, puis de la Commission générale des beaux-arts, l’APIAW va connaître un remarquable développement. Réalisant le programme fixé dès la naissance de l’association, ils vont, grâce aux liens qu’ils entretiennent avec les grandes galeries parisiennes (essentiellement la Galerie Denise René), les conservateurs des musées étrangers et les collectionneurs, faire de Liège un relais du marché de l’art. Non seulement des expositions d’artistes contemporains, tels Picasso, Matisse, Fernand Léger ou Kandinsky, sont organisées plusieurs fois par an, mais encore, afin de découvrir de jeunes talents et d’encourager leur carrière, ils vont créer à Liège un climat favorable aux contacts et aux échanges entre artistes de valeur, qu’ils soient de Flandre ou de Wallonie.

Dans le domaine de la musique, la section liégeoise, qui groupe de jeunes musiciens expérimentaux autour de Pierre Froidebise, va s’attacher à diffuser la création contemporaine dans les milieux musicaux et y sensibiliser un public averti. Moins connue du grand public, mais tout aussi importante, est l’action de la Commission liégeoise de la protection de la nature, présidée par le professeur Omer Tulippe, qui, poursuivant les projets des jeunes scientifiques de 1943, jette les bases d’une recherche pluridisciplinaire en écologie.

Marcel Florkin et Fernand Graindorge ont été l’âme de l’APIAW. Lorsqu’ils se retirent après vingt ans d’activités, Ernest Schoffeniels qui accède à la présidence de l’APIAW, s’ouvre aux courants venus d’outre-Atlantique. L’association connaît encore plusieurs belles années avant que des difficultés financières aiguës n’entravent et ne réduisent son action à partir de 1970, sans jamais la faire renoncer au programme fixé. En sommeil depuis plusieurs années, malgré la mort de son président en 1995, elle n’est pas officiellement dissoute.

 

 Corinne Godefroid

 

 

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