Historien des sciences, ingénieur des Mines, ingénieur
électricien, assistant (1920-1924), chef de travaux (1924-1926),
professeur à l’Université de Liège (1926-1961), Albert Schlag
est admis à l’éméritat en 1961. Il n’en continue pas moins de
professer à l’International Course in Hydraulic Engineering
et à l’International Course in Sanitary Engineering de
Delft (1960-1967), ainsi qu’à l’Université de Nancy (1963-1966),
tout en étant conseiller scientifique au Centre scientifique et
technique de la construction (1965-1981). Parallèlement à cette
brillante carrière universitaire, Albert Schlag est un militant
wallon particulièrement engagé. Membre du comité de la section
de Liège des Amitiés françaises (1937-1940), il entend prendre
une part active dans l’organisation de nombreuses manifestations
visant à défendre l’influence de la France en Belgique. Il est
aussi un sympathisant de la Ligue d’Action wallonne.
En mai ‘40, ce scientifique fuit devant l’offensive militaire
allemande et, réfugié à Toulouse, il répond à l’appel au
regroupement des Wallons lancé le 6 juin dans La Meuse de
Paris par Georges Thone, président de la Ligue d’Action
wallonne. Rentré à Liège, ce professeur d’hydraulique et
directeur de la Revue universelle des Mines fournit de la
dynamite à certains groupes de résistants et est un des chefs de
la lutte clandestine contre l’occupant. A partir de la fin
décembre 1941, il prend une part active dans la diffusion de
La Libre Belgique clandestine, édition de Bruxelles, jusqu’à
la Libération, puis à la diffusion de l’édition liégeoise du
début 1942 à la Libération, à concurrence de 75 exemplaires par
mois. Il fournit aussi une quinzaine d’articles qui sont tous
publiés. De décembre 1942 jusqu’à la Libération, avec Georges
Delgoffe et Sébastien Rossius, il s’occupera de la continuation
du journal La Meuse, organe de la section liégeoise du
Front de l’Indépendance. Il en assure la diffusion jusqu’à la
Libération. La Meuse paraît plus ou moins régulièrement
avec un tirage moyen de 10.000 exemplaires. Recruté par Paul
Michot, il fait partie, dès le début 1943, du Comité régional de
la Fédération liégeoise du Front de l’Indépendance. Au début
1944, Michot lui propose de le remplacer au Comité exécutif de
la dite Fédération en qualité de « Responsable Presse et
Propagande », aux côtés de Lallemand et J. Pirlet. En juillet
1944, il reçoit l’ordre du FI de passer dans la clandestinité ;
il rentre à Liège un mois plus tard, au moment où Delgoffe
imprime La Meuse de la Libération, tirée à 50.000
exemplaires et vendue dans les rues de Liège alors que les nazis
n’ont pas encore évacué. D’abord rédacteur occasionnel (avril à
juin 1944), Albert Schlag s’occupa de la gestion de La Meuse
à partir d’avril 1944, avec Paul Michot. En tant que responsable
de la propagande du Front de l’Indépendance (juin 1944), Schlag
assure la publication de La Meuse en tant que
directeur-rédacteur en chef jusqu’à la Libération. Il est encore
membre des Milices patriotiques du 1er avril 1944 au
14 octobre 1944.
Après la guerre, il est reconnu Résistant armé par la commission
de contrôle de Waremme en 1947 pour la période du 1er
avril 1944 au 14 octobre 1944 et Résistant par la Presse
clandestine pour la période 31 décembre 1941 au 8 septembre
1944.
Membre de Wallonie libre clandestine, membre-fondateur du
Conseil économique wallon et de l’Association pour le Progrès
intellectuel et artistique de la Wallonie pendant la guerre, il
est désigné par le gouvernement, en novembre 1944, comme
résistant wallon chargé de représenter la Résistance à Londres
où il tient à montrer que des actions ont été menées dans une
perspective de longue durée. À la Libération, il donne de
nombreuses conférences pour expliquer la doctrine, les buts et
le fonctionnement de Wallonie libre. Administrateur de
l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la
Wallonie (février 1945), membre du comité organisateur du
congrès national wallon qui se tient à Liège les 20 et 21
octobre 1945, il est chargé par les congressistes de présider la
commission des griefs. Il s’est entouré immédiatement de
collaborateurs choisis dans toutes les régions wallonnes et a
créé huit sous-commissions : culturelle (président Lucien
Godeaux), économique (Jules Dumont), démographique (Léopold
Levaux, assisté d’Englebert Renier junior), administrative
(Eugène Duchesne), agricole (Maurice Godbille), politique
étrangère (Jean Rey), politique sociale (Leburton), jeunesse
(Jacques Remouchamps).

Membre du Comité permanent du Congrès national wallon dès sa
création (1945-1971), Albert Schlag attache beaucoup
d’importance à tout ce qui a trait à l’économie wallonne. Ainsi,
dans un important article sur l’effort à accomplir en cette
matière, il dénonce d’emblée le principe selon lequel le
déplacement des entreprises vers des lieux plus prospères et
voisins de moyens de communication serait une loi naturelle.
Albert Schlag s’insurge contre le fait que la politique
économique soit avant tout inspirée par les intérêts de la
Flandre et de Bruxelles. Réclamant la réalisation de grands
travaux d’infrastructure pour la Wallonie, il dénonce encore la
concentration économique à Bruxelles et le fait que l’industrie
ne possède plus de patrie. Il exige que les Wallons soient
maîtres chez eux, que la Wallonie définisse elle-même sa
politique commerciale, sa politique de travaux publics, qu’elle
utilise son savoir-faire, sa main-d’œuvre et ses cerveaux ; que
l’industrie wallonne, maîtresse d’elle-même, s’oriente vers la
fabrication de produits de qualité et spécialisés. Il insiste
aussi sur l’importance et l’intérêt de développer une université
de Wallonie, tant pour Liège que pour sa région et la Belgique.
Lors du congrès national wallon qui se tient à Charleroi en mai
1946, Albert Schlag présente un rapport provisoire. Les griefs
wallons y sont répartis en quatre catégories : griefs
administratifs, culturels, économiques et agricoles. De son
exposé sur les griefs économiques, il ressort que les Wallons
sont tout à fait exclus des leviers de commande nationaux et
que, dans le secteur privé surtout, les sociétés centralisent
leurs services à Bruxelles et ne recrutent que du personnel
bilingue, donc majoritairement des Flamands.
En février 1952, à l’occasion d’une journée d’études du Congrès
national wallon consacrée à l’emploi des langues modernes dans
l’enseignement moyen de l’État, Albert Schlag évoque une étude
qu’il a réalisée sur l’aide que les langues modernes peuvent
apporter à un travail de recherche scientifique et tire une
conclusion qui servira longtemps de référence aux adversaires de
l’apprentissage obligatoire du néerlandais comme deuxième
langue : « (...) pour nous Wallons, dont le français est la
langue maternelle, la connaissance de l’anglais nous permettra
d’avoir accès aux 3/4 de la documentation scientifique ; la
connaissance en plus de l’allemand mettra à notre portée 85% des
études publiées. Le néerlandais n’intervient dans la statistique
que pour la proportion infime de 1%. C’est pour le moins une
erreur grave que d’imposer à nos enfants l’étude du néerlandais,
qui ne peut se faire qu’au détriment de la connaissance d’autres
langues d’une utilité infiniment supérieure ».
À propos de l’électrification des chemins de fer, - la ligne
Bruxelles - Gand est achevée alors que les travaux sur la
dorsale wallonne et sur la ligne Bruxelles - Liège n’ont pas
encore débuté -, Albert Schlag regrette vivement le non-respect
du programme décidé par la direction de la SNCB et qu’une fois
encore, en Belgique unitaire, toute question importante se
résout d’abord en fonction des intérêts bruxellois et anversois
et que (les Wallons) n’ont le droit d’être servis qu’après que
la Flandre l’a été.
Figurant parmi les cinquante signataires wallons du Manifeste
des Intellectuels wallons et flamands, aussi appelé Accord
Schreurs-Couvreur (3 décembre 1952), membre du comité général du
deuxième Congrès culturel wallon (Liège-1955), Albert Schlag
demeure une personnalité éminente du Mouvement wallon. Son
accession à l’éméritat de l’Université de Liège semble lui
accorder davantage de temps encore pour s’occuper des problèmes
wallons. Interpellé par la grève de l’hiver ‘60-’61 et par les
problèmes de plus en plus graves que connaît la Wallonie à la
fin des années cinquante, il fonde, avec Fernand Schreurs, le
Mouvement libéral wallon. Il réagit à la nouvelle orientation
donnée au Parti libéral par Omer Vanaudenhove. Premier président
du Mouvement libéral wallon d’avril à octobre 1962, Albert
Schlag laisse ensuite la place aux jeunes libéraux wallons, tout
en acceptant de devenir membre du bureau national du Mouvement
libéral wallon (1963). Membre du Comité permanent du Comité
d’Action wallonne (1962-1964), Albert Schlag a été membre du
comité liégeois de patronage au pétitionnement (1963) et membre
de Wallonie libre (1963).
Paul Delforge |