Après des humanités au Collège des Pères jésuites, une licence
en philologie classique à l’Université de Liège perturbée par la
guerre (1942) et un diplôme de l’Institut de langue russe à
Bruxelles, André Patris devient docteur en philosophie et
lettres après avoir réussi les épreuves devant le Jury central
en 1945. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, il entre
comme journaliste au quotidien Vers l’Avenir, où il
développe des positions progressistes et wallonnes. Ainsi, alors
que de vifs débats contradictoires internes opposent les
journalistes sur la question du retour de Léopold III, André
Patris n’hésite pas à affirmer nettement son opposition au
retour d’un roi qui n’est plus celui des Wallons.
Journaliste à Vers l’Avenir (1947-1953), membre du comité
de rédaction de La Revue nouvelle (1952-1954), il prend
progressivement conscience de la problématique wallonne depuis
les observatoires que constituent le journal Vers l’Avenir
et les responsabilités qu’il prend dans l’information pour la
Belgique aux Communautés européennes. C’est là qu’il rencontre
André Renard, premier président du Conseil consultatif de la
CECA. Cette rencontre (1959) déterminera son entrée dans
l’action wallonne.
Fonctionnaire à la Commission des Communautés européennes
(1954-1973), André Patris est tenu par un devoir de réserve ;
cela ne l’empêche pas de s’interroger sur Ce que veulent les
Wallons ? (La Revue nouvelle, 1961), ni de
participer, avec Hubert Dewez, à la création et à la rédaction
de la revue Forces nouvelles (1960-1961) qui eut le
défaut de venir trop tôt. Discrètement, le fonctionnaire
européen apporte son soutien au fédéralisme et aux réformes de
structure, tant au sein du Mouvement populaire wallon qu’au sein
de Rénovation wallonne. Ses éditoriaux dans Combat, sous
le pseudonyme de Coq, ainsi que certains écrits d’André
Genot toujours dans Combat, attestent de son engagement
wallon. Il exhorte alors les Bruxellois à soutenir les Wallons
dans leur combat, notamment au sujet des communes de Fourons. Au
lendemain de la réforme de l’État de 1970, il convie les Wallons
à être attentifs au sort de Bruxelles sous peine de voir
celle-ci devenir un nouveau Fourons.
Cofondateur du club namurois Convergences (1967), signataire du
manifeste La Wallonie dans l’Europe (mars 1968), André
Patris observe que le déclin économique wallon mesuré à
l’échelle européenne est considérable (ralentissement de
l’économie de plus de 30% en dix ans) et se prononce en faveur
d’une réforme institutionnelle profonde. S’il considère légitime
la volonté flamande de constituer un grand ensemble avec le
Limbourg hollandais et Rotterdam, il demande que la Wallonie ne
soit pas prisonnière du Benelux et qu’elle puisse, librement, se
chercher les alliances qui lui conviennent le mieux, ainsi que
le prévoient les traités européens. Dans Vers l’Avenir,
il rédige deux éditoriaux réclamant la convocation d’États
généraux de la Wallonie (1967). Influencé par les personnalités
de Charles Baré et d’André Genot, André Patris apporte souvent
son soutien à ce dernier. Ce fut notamment le cas lorsque les
quatre mouvements wallons sollicitent Jean Rey afin que la
Communauté économique européenne entreprenne une étude sur
l’économie wallonne. Des dizaines de bourgmestres de Wallonie
signeront une pétition en ce sens.
Auteur d’articles nombreux sous les pseudonymes de CoQ et de J. Chavanne,
c’est sous celui de Gallus qu’il publie un ouvrage majeur contre
les tendances “ bénéluxiennes ”, Benelux 20 millions de
Néerlandais ? Il ne sortira de son anonymat volontaire qu’en
1970, lors de la création de l’hebdomadaire Rénovation pour
l’Union des progressistes. Il dirige cette publication et
signe de nombreux éditoriaux qui reflètent la pensée du groupe
Objectif 72. Auteur d’articles dans La Wallonie, il
écrira aussi dans Quatre Millions Quatre. En 1970, il
publie Wallonie ’70. Naissance d’un peuple, dans lequel
il examine les relations entre Wallons et Flamands. Il fait le
constat de l’existence, depuis très longtemps, d’un peuple
flamand qui forme une nation dans l’État belge alors que la
Wallonie naît seulement en tant que peuple. Préconisant des
mesures pour hâter la prise de conscience wallonne, André Patris
propose notamment d’accentuer les relations entre la Wallonie et
la France : face à l’expansion économique et culturelle thioise,
l’avenir de la Wallonie passe par la reconnaissance de son
autonomie, soutenue par un puissant contrefort méridional.
Auteur de L’Étape décisive (1973), il pose la question de
l’avenir de la Belgique, sous l’angle wallon : la Wallonie de
demain sera-t-elle un appendice francophone du Benelux ou bien
aura-t-elle une place à part entière dans l’Europe qui se
construit ? En choisissant la deuxième option, il considère que
l’aide de la France sera indispensable à une Wallonie qui doit,
dès lors, obtenir une autonomie suffisante dans le cadre belge,
pour posséder le contrôle de sa politique extérieure. Appelant
de ses vœux la transformation de la Belgique en une
confédération de trois États, André Patris considère que le
Rassemblement wallon sera l’accoucheur du futur État wallon.
Influencé par des personnalités socialistes, il reste attaché au
monde chrétien et garde ses distances par rapport aux positions
du FDF. Membre du Groupe de réflexion Bastin-Yerna créé en 1968,
il répond à l’appel au rassemblement des progressistes lancé par
Léo Collard, en participant à la publication du livre Quelle
Wallonie ? Quel socialisme ? (1971). Fonctionnaire à la
Commission française de la Culture de l’Agglomération de
Bruxelles (1974-1986), il contribue à la création de la Maison
de la Francité dont il devient le directeur (1978-1999) et
participe à la création de l’Atelier de vocabulaire (1983).
Directeur de la revue Questions de Français vivant,
(1984-1992), André Patris est attaché à la langue et à la
culture françaises qu’il considère comme les fondements du
peuple wallon. Très attaché à la francophonie, il estime
l’enseignement de l’histoire des Wallons comme un enjeu
prioritaire de l’autonomie culturelle ; il affirme en outre que
la fédéralisation de la Communauté française est le complément
obligatoire de la régionalisation. Poursuivant sans cesse sa
réflexion sur le devenir de la Wallonie, André Patris interroge
ses compatriotes wallons en publiant l’ouvrage Wallon, qui
es-tu ? (1990), et nourrit leur réflexion dans
plusieurs articles parus dans des revues wallonnes, dont
notamment Wallonie-France, République, Wallonie
française.
Paul Delforge |