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Cette section propose la liste des notices contenues sur le cédérom de l'Encyclopédie du Mouvement wallon. Les notices accessibles en ligne sont datées : le carré jaune indique les mises à jour, le carré rouge signale les nouvelles notices.

Notices biographiques

Notices thématiques

Presse d’action wallonne

Congrès,associations et partis

   

YERNA Jacques

   

Né à Liège le 24 novembre 1923,
décédé à Liège le 11 août 2003

Dès son plus jeune âge, Jacques Yerna est trempé dans le milieu syndical. Son père, Robert Yerna, fut en effet secrétaire de la régionale de Liège du secteur Gazelco de la CGSP jusqu’en 1961. Après ses humanités gréco-latines à l’Athénée de Liège, Jacques Yerna poursuit des études en sciences économiques à l’Université de Liège (1947) tout en s’occupant déjà de la formation des Jeunesses syndicales FGTB (1944-1945). Employé au ministère du Travail où il crée et dirige le service d’études statistiques (1947-1948), il entre en désaccord avec les conceptions des responsables du département et démissionne. Engagé comme acheteur au Grand Bazar (1948), Jacques Yerna entre ensuite à la FGTB nationale dans le service Conseils d’entreprises, placé sous la direction d’André Renard (1949-1959). Il propose d’y créer une commission économique qui sera à l’origine des rapports Réformes de structure et Holdings et démocratie économique des congrès syndicaux de 1954 et 1956. Secrétaire national de Gazelco (1959-1962), il devient secrétaire de la régionale Liège-Huy-Waremme de la FGTB, à la suite de la disparition d’André Renard (1962), et ce jusqu’en 1988, année de son admission à la retraite. Une retraite active, très active même puisque Jacques Yerna continue à défendre les idéaux qui sont ceux de sa vie entière : démocratie, solidarité, droits de l’homme et droits des femmes, lutte contre la pauvreté, etc.

Militant de gauche engagé, Jacques Yerna n’a jamais caché ses opinions politiques et syndicales. Après un meeting d’opposition à la guerre de Corée, il perd son emploi au Grand Bazar. Suite aux grèves menées contre Léopold III, il est emprisonné pendant trois semaines. Néanmoins, il est déçu par le compromis qui a mis fin à la Question royale et, comme il n’apprécie pas non plus que les métallurgistes n’aient pas rejoint les mineurs du Borinage en 1959, il l’exprime dans les pages de La Gauche, hebdomadaire qu’il a contribué à créer avec Freddy Terwagne, Ernest Mandel, Ernest Glinne, François Perin et André Renard (1956). Ce dernier lui ferme alors les presses de La Wallonie où était imprimé La Gauche. Ces événements permettent de comprendre pourquoi Jacques Yerna ne suit pas André Renard lorsque celui-ci rompt avec la FGTB nationale et crée le Mouvement populaire wallon (1961). Lorsque le secrétaire national Gazelco décide d’adhérer au Mouvement populaire wallon, en 1962, c’est avec comme l’objectif de rendre la Wallonie maître de sa politique économique. L’analyse qu’il fait de la situation des années cinquante et de la crise de 1950 en elle-même, de même que le conflit qui opposa Renard avec le bureau national de la FGTB expliquent également son engagement. Néanmoins, le penseur rationnel et doctrinaire qu’est Jacques Yerna n’avait pas hésité à lancer le mot d’ordre de marche sur Bruxelles au moment de la Grande Grève (1er janvier 1961).

Partisan d’un fédéralisme lié à un projet socialiste pour la Wallonie, Jacques Yerna participe à l’ensemble des actions wallonnes de 1962 et 1963. Membre du Comité d’Action wallonne de Liège (1962-1964), membre du conseil général du MPW (1962), secrétaire de son comité d’arrondissement de Liège, Jacques Yerna participe à la Commission chargée de l’organisation du Congrès d’Action wallonne (Namur, 1963), d’où sortiront le Collège exécutif de Wallonie et le pétitionnement. Membre de la Commission politique et de la Commission des résolutions de ce congrès, Jacques Yerna, mandaté par la FGTB et le MPW, défend l’idée fédéraliste et l’établissement d’un nouveau pacte constitutionnel reconnaissant en Belgique l’existence de deux communautés égales en droit. Membre suppléant du Collège exécutif de Wallonie et membre du comité liégeois de patronage du pétitionnement, Jacques Yerna lutte en faveur de l’introduction du principe du referendum et de la constitution d’une assemblée wallonne ; il s’oppose à la fixation de la frontière linguistique et à l’adaptation des sièges parlementaires au chiffre de la population sans mesure compensatoire spécifique en faveur de la Wallonie.

Rapporteur principal du congrès que le Mouvement populaire wallon tient le 1er mars 1964 à Namur, André Genot lance l’idée d’un rapprochement des travaillistes de Wallonie. Il s’agissait de créer, avec Rénovation wallonne, un organe d’action commune, un Comité d’Action travailliste. Après une première réunion destinée à préciser les positions respectives des deux mouvements sur des questions culturelles, économiques et linguistiques, Jacques Yerna (MPW) et Jacques Laurent (RéW) sont chargés d’établir un canevas des positions économiques. Ce projet n’aboutira pas, du moins en 1964.

Dans les relations de plus en plus tendues qu’entretiennent le Mouvement populaire wallon et le Parti socialiste belge, Jacques Yerna devient une des principales cibles du parti socialiste. Après avoir répété qu’il accordait un attachement inconditionnel à la cause des travailleurs – et non à celle des structures d’organisations –, et à la cause wallonne – parce qu’elle est la cause des travailleurs –, Jacques Yerna est dénoncé par Le Monde du Travail pour avoir collé des affiches pro-wallonnes à Chaudfontaine. Pris comme cible dans “ l’affaire de Chaudfontaine ”, il subit la double excommunication du comité national du Parti socialiste belge, qui rend incompatible des mandats au parti d’une part, au Mouvement populaire wallon et/ou de rédacteur à La Gauche, d’autre part (décembre 1964). Jacques Yerna “ choisit ” alors d’abandonner ses responsabilités au journal La Gauche et de quitter le Parti socialiste belge pour se consacrer essentiellement au Mouvement populaire wallon et à l’action syndicale.

Fin 1964, se constitue une Délégation des quatre Mouvements wallons. Jacques Yerna y représente le MPW. Le 30 juin 1965, la Délégation adopte un Memorandum qui sera, en quelque sorte, sa référence doctrinale. Cette référence sera utilisée pour juger de la pertinence des propositions émises par le congrès des socialistes wallons de 1967 et d’autres projets fleurissant à l’époque.

L’écart entre le MPW d’une part, la FGTB et le PSB d’autre part, se résorbe fin 1966, début 1967. Cheville ouvrière du rapprochement des régionales wallonnes de la FGTB (congrès de La Louvière, 26 février 1967), Jacques Yerna est l’un des membres fondateurs du Comité permanent des régionales wallonnes de la FGTB (qui deviendra par la suite, l’Interrégionale wallonne de la FGTB) ; il participe aussi au rapprochement des fédérations wallonnes du PSB et de la FGTB (1967), en collaborant, notamment à la rédaction du texte du congrès de Verviers des socialistes wallons. Après l’adoption par ce congrès (Verviers, 25 et 26 novembre 1967) d’un programme de sauvetage de la Wallonie, programme qu’il estime correspondre, dans les grandes lignes, aux aspirations des pétitionnaires wallons de l’automne 1963, Jacques Yerna décide de reprendre son action militante au sein des fédérations wallonnes du PSB en 1968, juste avant les élections du 31 mars. Il demeure critique cependant au moment des accords Kleenskerke-Verviers (1968), qui, selon lui, atténuent toutes les avancées fédéralistes acquises à Verviers.

Signataire du manifeste La Wallonie dans l’Europe (mars 1968), Jacques Yerna observe que le déclin économique wallon mesuré à l’échelle européenne est considérable (ralentissement de l’économie de plus de 30% en dix ans) et se prononce en faveur d’une réforme institutionnelle profonde. S’il considère légitime la volonté flamande de constituer un grand ensemble avec le Limbourg hollandais et Rotterdam, il demande que la Wallonie ne soit pas prisonnière de Benelux et qu’elle puisse, librement, se chercher les alliances qui lui conviennent le mieux, ainsi que le prévoient les traités européens.

Élu en juin 1968 en remplacement d’André Genot, Jacques Yerna devient le dernier président du Mouvement populaire wallon ; il incarne une ligne politique résolument renardiste qui ne cessera de susciter des réactions d’hostilité de la part des “ orthodoxes ” du Parti socialiste belge. Ces tensions en créent d’autres au sein de la Délégation des quatre Mouvements wallons ; néanmoins Yerna fait le maximum pour éviter son éclatement. Tout en n’oubliant pas le sort des Fourons, il rappelle que le but à atteindre est un transfert de larges compétences culturelles et économiques vers les régions (1968). Cinq ans plus tard, toujours en tant que président du Mouvement populaire wallon, il adresse au roi une lettre ouverte insistant sur la nécessité d’une mise en œuvre accélérée de la régionalisation que le peuple de Wallonie attend depuis 12 ans.

Membre du comité de patronage de la grande mobilisation wallonne du 19 avril 1969, Jacques Yerna apporte ainsi son soutien à l’action lancée en 1968 par les quatre mouvements wallons, sur base du Memorandum réalisé par le Conseil économique wallon (1968) : il s’agit de mobiliser l’ensemble des Wallons pour obtenir au minimum une réelle décentralisation économique. S’il exprime son scepticisme quant aux chances de succès du Rassemblement des progressistes lancé par Léo Collard (1er mai 1969), c’est surtout en raison de la personnalité du promoteur de l’idée car il ne refuse pas de rencontrer les démocrates-chrétiens d’Objectif 72. Il n’est donc pas étonnant qu’il accepte de collaborer à la fondation de Rénovation pour l’Union des Progressistes, en février 1970, asbl qui rassemble des progressistes de Wallonie et de Bruxelles. Ancien participant au groupe Esprit (1954) avec Jean Ladrière, François Perin, Jules Gérard-Libois, Yves de Wasseige, Marcel Liebman, Ernest Glinne, groupe qui donnera naissance au CRISP, cofondateur de la Fondation André Renard, cofondateur et coordinateur, avec Max Bastin, du groupe de réflexion B-Y, il réunit ici les gauches chrétienne et socialiste afin de construire une vision commune de l’avenir de la Wallonie et ce indépendamment des rivalités de partis (1971).

Président actif du Mouvement populaire wallon, Jacques Yerna accomplit personnellement de nombreuses tournées d’information dans les régionales, rédige les multiples rapports de réunion, analyse régulièrement la situation politique, économique et sociale du moment, dynamise la réflexion du Mouvement en étant en contact constant tant avec les syndicats qu’avec le PSB et les autres mouvements wallons. Favorable à l’application du 107 quater tel que défini par la FGTB en 1972, convaincu que le rassemblement des progressistes et les réformes de structure ne sont possibles qu’en Wallonie, Jacques Yerna ne cesse d’appeler de ses vœux la concrétisation des principes constitutionnels et des lois adoptés en 1970 (notamment la loi Terwagne). Répétant sans cesse que seul le fédéralisme permettra à la Wallonie de se reconvertir, il se prononce en faveur de l’initiative industrielle publique, du contrôle ouvrier, réclame la régionalisation du crédit, la régionalisation de l’énergie et l’établissement des instruments (Société de Développement régional, Conseil économique de la Région wallonne) indispensables au sauvetage de l’économie wallonne.

Avec Ernest Glinne, Jacques Yerna publie un manifeste en 1978 dans lequel il affirme à la fois son orientation plus à gauche et sa volonté de rassembler l’ensemble des progressistes de Wallonie et lance le journal Tribunes socialistes. Il participe au premier congrès des Indépendantistes wallons, organisé à Liège, le 15 juin 1980, par Wallonie libre. En tant que président du MPW, il déclare qu’il faut que l’action des travailleurs provoque la volonté d’aller vers l’indépendance de la Wallonie. Il faudra profiter d’une très prochaine explosion de colère ouvrière pour prendre tout le pouvoir et accepter éventuellement d’en céder ce que l’on voudra à une forme ou une autre d’autorité centrale. En 1990, il exprime l’idée que la réforme de l’État de 1980 a été réalisée aux conditions des Flamands ; si le fédéralisme avait été instauré dans les années soixante, il aurait été plus équilibré : le souvenir de l’effort wallon en faveur de l’industrialisation de la Flandre aurait été plus présent.
 

Il contribue ainsi à rapprocher des familles philosophiques différentes, de même que, par ses conférences tant en Wallonie, qu’à Bruxelles et en Flandre, à jeter des ponts entre régions et communautés. Ce travail de l’ombre, J. Yerna a la satisfaction de voir qu’il porte ses fruits, surtout depuis 1993, année des réformes de l’État surnommées Saint-Michel et Saint-Quentin. Demeure une dernière étape, rendre possible la liaison Wallonie-Europe. C’est sans doute pour cela qu’il a accepté de cautionner la naissance du mouvement Wallonie Région d’Europe, le 25 septembre 1986.
 

 Paul Delforge

 

 

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