Étudiant à l’Athénée de Namur, Jules Wilmart
poursuit d’abord des études gréco-latines. Après avoir étudié la philosophie
à l’Université de Liège, il se rend à l’Université d’Édimbourg où il suit
les cours de chimie du professeur Brown et les leçons de chirurgie du
professeur Simpson. A son retour en Belgique, l’année suivante, il enseigne
la rhétorique au collège de Bouillon (1868). Esprit curieux et indépendant,
il entreprend des études de droit à Gand. Président de l’association des
étudiants comme il l’avait été à Liège, il remet en question les matières
qui lui sont enseignées ainsi que les méthodes. Malgré des ennuis sérieux
avec l’Université, il achève brillamment sa formation avec un titre de
docteur en droit de l’Université de Gand (1872). Il s’inscrit alors comme
avocat au barreau de Bruxelles (1876-1884) et sera professeur à l’Université
libre de Bruxelles. À nouveau en dispute avec les autorités académiques, il
renonce à son titre d’agrégé et se consacre exclusivement au journalisme.
Engagé en politique au sein du mouvement
ouvrier, dans la lutte en faveur du suffrage universel, il réclame aussi la
séparation absolue et immédiate de l’Église et de l’État. Il combat encore
le service militaire obligatoire, l’abolition de l’armée, la révision du
système des impôts, une réglementation du travail et s’attaque fortement à
la monarchie et à ses privilèges. Après une courte collaboration aux
Nouvelles du Jour et à La Chronique, Jules Wilmart fonde la
Tribune wallonne qui paraît durant dix-huit mois. Il lance ensuite
Les Guêpes progressistes, dont l’existence est éphémère. À raison de
trois numéros par semaine, il publie aussi les Guêpes gauloises de
Belgique, où, avec une verve intarissable, il fustige les principaux
hommes politiques belges et s’attaque aux flamingants. À cette époque, il
est surnommé le “ Rochefort belge ”.
C’est à l’occasion des débats de la Chambre,
lorsque les députés Delaet et Coremans revendiquent l’introduction du
flamand dans l’enseignement moyen que Jules Wilmart décide de constituer une
ligue à opposer au Mouvement flamand. (…) Il a rencontré partout
l’accueil le plus chaleureux et les listes de souscription se sont couvertes
de signatures ; président de la Ligue et rédacteur en chef de la
Tribune wallonne, organe hebdomadaire de la ligue, Jules Wilmart donne
aussi des conférences dans les villes wallonnes au cours desquelles il
décrit son programme politique.

Au moment des élections de 1884, Jules Wilmart
est rédacteur en chef du National belge. Dans ce journal démocratique
dirigé par G. Marchi, Wilmart laisse libre cours à son esprit de polémiste
et de pamphlétaire, contre le roi et en faveur de la république. Autour de
Jules Wilmart se regroupe une série de jeunes esprits qui deviendront
célèbres : Jean Volders, Blanvalet, Edmond Picard, Célestin Demblon, César
de Paepe, Van Caubergh, Ch. Delfosse, Morichar, Linus Lavier et Ch. Détré
(pour les questions politiques), Octave Maus et Émile Verhaeren (pour la
partie littéraire). Porte-drapeau de ce groupe, Wilmart publie, le 23
septembre 1884, un Manifeste républicain qui est suivi, à Bruxelles,
d’une importante manifestation place des Martyrs, dont les témoins
rapportent qu’elle fit chanceler le régime. En 1885, il publie, sous forme
de brochure, un Almanach républicain.
Conseiller provincial du Brabant, écrivain,
poète, helléniste réputé, journaliste, Jules Wilmart est le fondateur de la
Ligue wallonne de Bruxelles, dès 1882 (le 15 novembre ?), si l’on en croit
La Gazette de Charleroi (21 février 1883, p. 2) : Depuis quelques
mois seulement une ligue se formait à Bruxelles sous l’initiative et sous la
présidence de M. Jules Wilmart (…) Sous sa forme sarcastique et
plaisante, le jeune président de la ligue wallonne cache un but éminemment
respectable, la glorification et la revendication des droits de la Wallonie.
Ce but, il l’exposait déjà, en 1877, dans sa longue
Lettre-Préface au poète flamand Emmanuel Hiel, qui précède une idylle en
vers intitulée Mariage au pays wallon. Dans un style quelque peu
romantique, Jules Wilmart y clame son amour de la terre où il a grandi et
utilise le terme Wallonie pour la qualifier. Je ne vous ferai pas
l’éloge de ce pays là, écrit Wilmart, mais il ne me plaît pas non
plus qu’on en dise du mal, car c’est le plus beau pays du monde, tout plein
de montagnes et de rivières (Lettre-Préface…, p. 26). Jules
Wilmart confie aussi avoir une connaissance parfaite du wallon qui, sans
doute, n’est plus une langue complète aujourd’hui, mais dont le secours est
cependant indispensable à l’observateur des caractères et des mœurs de notre
Wallonie, car une langue, si déformée qu’elle soit, est toujours un
inventaire des idées du peuple qui la parle, et c’est souvent le mot que
j’ai découvert ou complété l’idée (p. 29). Établi à Bruxelles pour
raisons professionnelles, il ne cache pas qu’il se sent éloigné de sa
Wallonie (p. 40). En ce qui concerne la question flamande qu’il cite
nommément, il énumère les griefs avancés par le Mouvement flamand et réfute
chaque argument ; pour Jules Wilmart qui use de termes très directs, le
flamand n’est pas une langue, les Flamands ne forment pas un peuple et leur
culture n’est pas très riche. Dans ces conditions, il est normal que la
langue française soit imposée à la Flandre, estime toujours Jules Wilmart
qui demande aux Flamands d’arrêter de nous quereller (p. 50).
Défenseur de la langue wallonne, Jules Wilmart
n’envisage pas de lui attribuer un quelconque statut pour faire pièce au
flamand. Respectueux des parlers wallons et flamands, il défend l’idée que
la langue française doit être adoptée comme unique langue officielle. (…)
Flamands, Wallons, restons wallons et flamands, mais seulement comme les
félibres Provençaux en France. Ceux-là aussi, en tant que Provençaux,
luttent pour conserver pures les traditions de leur belle langue d’oc ; mais
en tant que Français, ils doivent se soumettre à la langue d’oïl
victorieuse. Les lois de société l’emportent sur les lois de famille, et la
famille ne peut avoir la prétention de dominer la société (…).
En 1950, Idès Lejour avait attribué à Jules
Wilmart la paternité du Mouvement wallon. Son mouvement, anti-flamingant et
défenseur acharné de la langue française, sombrera dans l’indifférence au
lendemain de la disparition de son animateur. Après sa mort est publié un
dernier pamphlet rimé, Grandeur et décadence du parti libéral,
composé de six chants, dont le retentissement fut considérable. Wilmart
l’avait achevé le 20 avril 1885 et dédié à Léon Defuisseaux.
Paul Delforge