Après des humanités gréco-latines à l’Athénée d’Anvers,
Lucien-Théophile-Jean Wauthier s’inscrit en droit à l’Université libre de
Bruxelles en 1935. Membre des Phalanges universitaires wallonnes, il
participe à la fusion des mouvements universitaires wallons et à la création
de l’Action universitaire wallonne (février 1937) et devient vice-président
du comité des Phalanges universitaires wallonnes (1937). Docteur en droit
(1940), il accomplit aussi un complément en droit maritime à l’Université
libre de Bruxelles (1940).
En
juillet 1940, d’anciens membres des Jeunesses wallonnes et des Phalanges
universitaires se retrouvent autour de Victor Van Michel. Parmi eux, on
retrouve Yves Bricteux, Jean Denis, René Moressée, Albert Regibeau et Jean
Wauthier. En septembre ce petit groupe se liera à une série de militants, la
plupart libéraux, appelés par Fernand Schreurs pour former le groupe Sambre
et Meuse (septembre 1940-avril 1941) qui s’occupe essentiellement de la
diffusion du clandestin Wallonie libre. À la mi-avril 1941, Sambre et
Meuse fusionne avec le Groupe W et Wallonie libre pour former la section
liégeoise de Wallonie libre clandestine. Celle-ci fait paraître son propre
clandestin (fin juillet 1941) sous le titre Sambre et Meuse. Jean
Wauthier en sera un rédacteur régulier.
À la
Libération, il exerce peu comme avocat et préfère entamer une carrière de
fonctionnaire au ministère des Classes moyennes, où il est engagé comme
conseiller juridique (notamment au ministère du rééquipement national et de
la Coordination économique 1948-1949). Par la suite, il donnera aussi des
cours de droit constitutionnel et fera profiter de ses talents de polyglotte
(il aurait connu 17 langues !) comme traducteur interprète. De 1974 à 1979,
il est d’ailleurs président de la Chambre belge des Traducteurs. À soixante
ans, admis à la retraite, il se passionne pour l’astrologie et rédige
plusieurs essais sur les religions (il est membre des Amis de l’Institut
d’histoire et du christianisme).
Au
sortir de la guerre, Jean Wauthier paraît avoir troqué son nom pour celui d’André
Wautier. On trouvera aussi l’orthographe André Wauthier et le prénom
Lucien-André. Il use par ailleurs des pseudonymes suivants : André Thierry
et Jean d’Hyver.
Conseiller juridique de l’Association wallonne du Personnel des Services
publics (1946), André Wautier est secrétaire adjoint des Équipes
fédéralistes wallonnes créées en avril 1949. Cette association où l’on
retrouve Jacques Toint, René-Octave Dupriez, Albert Regibeau et Charles
Becquet dans le comité de direction, est la branche wallonne des Équipes
fédéralistes de Belgique, elle-même affiliée à l’Union européenne des
fédéralistes. Fédéraliste, André Wautier est l’un des dix membres wallons du
Collège wallo-flamand qui se constitue officiellement le 17 octobre 1954. La
même année, il est parmi les membres fondateurs de la Fondation Plisnier.
Avec Charles Thomas, Charles Becquet et Georges Willame, André Wautier est
aussi l’un des promoteurs du Bulletin d’information et de presse de la
Fondation Charles Plisnier section de l’Association européenne de l’Ethnie
française (1961) dont le but est de présenter des études et de
vulgariser les problèmes culturels et sociaux qui se posent à l’ethnie
française en Belgique et en Europe. C’est aussi lui qui publie Réactions
wallonnes devant le Mouvement flamand (1960), dans la collection
Études et Documents de la Fondation.
Aux éditions de l’Institut Jules-Destrée,
André Wautier publie deux brochures qui témoignent de ses préoccupations :
La poésie française contemporaine en Wallonie (1964) et La
question linguistique en Belgique (1966), version augmentée de
La question linguistique : une affaire flamande ! Pour Wautier, seules
les régions flamande et bruxelloise sont bilingues et seule la Flandre est
concernée par le problème du bilinguisme qui, au XIXe siècle, a
provoqué le divorce entre la bourgeoisie et le peuple flamands.

Conseiller juridique de la Fondation Plisnier dont il est administrateur
depuis sa création en 1954, membre du Mouvement libéral wallon (1963), André
Wautier est vice-président de sa section bruxelloise. Avec Joseph Piquint
toutefois, il refuse de suivre le Mouvement libéral francophone, entendant
lutter comme Wallon dans des organisations connues et non comme francophones
se mêlant aux Bruxellois.
Pour
étudier les résultats des travaux de la Table ronde instaurée par le
gouvernement en 1964, André Wautier participe aux travaux d’une commission
juridique créée au sein du Comité permanent du Congrès national wallon
(printemps 1965) ; aux côtés de Jean Deterville, Jean Penelle, André Piron,
Robert Regibeau, Fernand Schreurs et Freddy Terwagne, il affirme la
nécessité de créer une Société wallonne et en une Société flamande de
Développement régional.
Membre du comité directeur du Mouvement libéral wallon revigoré au lendemain
des élections législatives de 1968, André Wautier est resté longtemps
favorable à un fédéralisme à deux, formule qu’il avait notamment défendue
lorsqu’il participait aux contacts entre Wallons et Flamands (1952-1956).
Dans les années septante, il considère cependant qu’une formule à trois
s’impose. Depuis 1971, il est aussi administrateur de l’APWFSP. Séduit par
le programme de l’Union wallonne des Écrivains et Artistes de Wallonie, il
demande son adhésion mais celle-ci lui est refusée. Outré, Wautier décide de
quitter la Wallonie libre dont certains des dirigeants se retrouvent à l’UWEA.
En 1978, il est vice-président du Groupe d’action des Écrivains. Poète, il
est l’auteur de plusieurs recueils dont Lyre, Mystères,
Errances. Intéressé par la philosophie, il a publié plusieurs tomes de
Fondements rationnels de la métaphysique et de la morale.
En
septembre 1975, il pose la question de savoir s’il existe une nationalité
bruxelloise ; habitant la région de Bruxelles depuis la guerre, il se
considère comme un Wallon de Bruxelles, son père étant hutois d’origine et
lui-même ayant résidé à Anvers et en France. Il distingue les Wallons de
Bruxelles, les Flamands de Bruxelles, les étrangers, les Bruxellois de
longue date et les habitants de Bruxelles établis depuis tellement longtemps
qu’ils ne se souviennent plus de leurs origines wallonnes ou flamandes. Pour
Wautier, les Bruxellois francophones constituent au sein de l’ethnie
française une catégorie particulière, distincte des Wallons, ce qui lui
permet de dire qu’il y a trois nationalités en Belgique, outre les
germanophones, les Wallons, les Flamands et les Bruxellois. Il y a donc lieu
de créer trois régions distinctes.
Habitant la commune qu’il renomme “ Scarrebecq ”, il soutient Roger Nols
dans son combat en faveur des guichets séparés. Wautier traduit
régulièrement les articles des journaux flamands pour en informer le
Mouvement wallon. Partisan du fédéralisme, André Wautier abandonne cette
option au profit d’une réunion de la Wallonie à la France, dans les années
quatre-vingt. À ses yeux, c’est la seule solution possible depuis l’échec
des négociations d’Egmont. Quant à Bruxelles, il estime qu’elle doit devenir
un territoire européen. En 1991, alors que l’on parle de la troisième phase
de la réforme de l’État, il souligne que l’élection directe du Conseil de la
Communauté française n’est pas nécessaire, ni même celle des Sénateurs. En
limitant l’élection directe à la Chambre, il suffirait de déléguer une
partie de ces élus vers les deux autres assemblées.
Paul Delforge