Douzième et
dernier enfant de la famille Van Belle, François naît à Tilleur où ses
parents, travailleurs modestes, se sont établis, en provenance de Flandre
française (Bailleul). Jumeau de Charles, il épousera la sœur de la femme de
son frère. L’enfance des deux frères baigne dans le socialisme. À la maison
Van Belle, on entrepose des journaux, des armes et de la dynamite ; s’y
réunissent aussi des groupes de grévistes. D’ailleurs, cette maison sera le
siège du POB de 1886 à 1904 et fera l’objet de nombreuses perquisitions.
Élève studieux, François Van Belle comprend très vite que l’étude seule lui
permettra de s’élever dans la société et d’aider les ouvriers qui
l’entourent. Dès 1898, il s’engage dans la politique.
En 1908, lorsque
le père Van Belle quitte son siège de conseiller communal, c’est François,
menuisier de profession, qui le remplace. François Van Belle devient échevin
quand les socialistes acquièrent la majorité absolue au conseil communal, en
1912. Il faut cependant attendre 1921 pour qu’il occupe le mayorat. De 1913
à 1914, François Van Belle est le secrétaire fédéral du POB pour
l’arrondissement de Liège. Soucieux du bien-être de sa région, il crée de
nombreuses intercommunales, à partir de 1913 : intercommunale des Eaux, du
Démergement, d’Habitations à bon marché, Égouts, Hospitalisation. Au niveau
provincial, il entame sa carrière dès 1908, année durant laquelle il est élu
conseiller, en remplacement de son père.
Député suppléant
(2 juin 1912), il occupera un siège de député à la Chambre des Représentants
du 16 novembre 1919 jusqu’en 1958. Il sera d’ailleurs secrétaire de cette
assemblée du 6 décembre 1927 au 12 mai 1935. Le 23 juin 1936, il accède a la
vice-présidence de la Chambre, fonction qu’il exercera jusqu’au 1er juin
1958. Durant vingt-cinq ans, il présidera également la Commission des
Finances. Il sera enfin membre des
Commissions de la Santé publique, des Travaux publics, etc. Une telle
longévité politique aura dû conduire le maïeur de Tilleur à un poste de
ministre. Est-ce son engagement wallon qui l’écartera d’une telle fonction ?
La question
mérite d’être posée car son engagement wallon ne se dément pas.
En 1905 et en
1912, François Van Belle participe aux Congrès wallons, dont le second
donnera naissance à l’Assemblée wallonne. Critiquant cette dernière pour sa
modération excessive, François Van Belle perçoit un réel danger pour la
Wallonie au moment où les Frontistes entrent à la Chambre en 1925. Van Belle
se retrouve au Comité d’Action wallonne de Liège, puis préside la
Concentration wallonne de 1931 à début 1937. Cet organisme tiendra huit
congrès annuels de 1930 à 1938, que François Van Belle présidera, à
l’exception du premier (pour lequel il est membre du comité de patronage),
et du dernier (où il est président d’honneur). Membre de la commission créée
par le premier congrès de Concentration wallonne (septembre 1930), il tente
de définir une réforme institutionnelle qui, dans le cadre de la Belgique,
apporterait une solution au différend wallo-flamand. Après quelques mois de
travaux, le choix de la Commission se porte sur un projet fédéraliste qui
prévoit la reconnaissance de deux régions, la Wallonie et la Flandre, et du
territoire fédéral de Bruxelles ; séparée par la frontière linguistique,
chaque région est autonome et délègue au pouvoir central les seules
compétences de la politique étrangère, de la défense nationale, de
l’administration de la colonie et de l’établissement d’un système douanier ;
quant à l’accès aux plus hauts grades de la hiérarchie administrative, il
est permis avec la seule connaissance d’une des deux langues régionales.
Lors des congrès de la Concentration wallonne, François Van Belle défend la
Wallonie sur tous les plans : linguistique, économique, militaire. Ainsi, il
réclamera une union douanière et économique avec la France et se prononcera
contre la politique dite d’indépendance de même que contre tous les projets
qu’il considère comme étant susceptibles de nuire à la Wallonie, comme
l’Accord hollando-belge d’Ouchy. En 1932, au nom du conseil général de la
Concentration wallonne, il défend un statut pour Bruxelles, avec
l’Association wallonne du Personnel de l’État et la fédération des
socialistes de l’arrondissement de Bruxelles.

Au congrès de la
Concentration wallonne de 1936, François Van Belle proclame qu’il faut
laisser la liberté aux Wallons réunis de choisir ce qu’ils veulent comme
régime politique. Lors du IXe Pèlerinage de Waterloo, au nom de
la Concentration wallonne, il proclame que la Wallonie est française et
le restera. Il réclame pour la Wallonie le droit de disposer de ses
finances, d’organiser son enseignement, de développer la politique
économique et militaire qu’elle entend, notamment avec la France. Il
souhaite une révision de la Constitution pour y inscrire l’unilinguisme de
la Wallonie ainsi que le droit à l’égalité entre les deux peuples. Dès 1938,
il est membre de la Société historique pour la Défense et l'Illustration de
la Wallonie.
Appliquant à tous
les degrés les formes de son action, François Van Belle fait inscrire, dès
1920, le fédéralisme au programme de l’Union socialiste de Tilleur dont il
s’occupera activement à partir de 1925. En février 1932, il met les Flamands
en garde contre les conséquences de leurs revendications. En suivant la
politique du bilinguisme, on finira par obliger les Wallons à se souvenir
qu’il existe, à côté d’eux, un grand pays qui parle leur langue (...)
Si on veut leur imposer le bilinguisme, les Wallons se tourneront résolument
vers la France. Ainsi en septembre 1935, dépose-t-il une proposition
d’amendement (Truffaut-Van Belle) sur l’emploi des langues à la frontière
linguistique. Dans cette lignée, il crée et préside un Groupe parlementaire
wallon (1936). Il est omniprésent dans les discussions qui intéressent les
socialistes et particulièrement les socialistes wallons. Les 8 et 9 janvier
1938, il participe au premier congrès des socialistes wallons. Il fait
d’ailleurs partie de son comité. Au deuxième congrès des socialistes
wallons, toujours en 1938, à Charleroi, François Van Belle est président et
rapporteur général de la section politique. Président du troisième congrès,
il y fait un exposé sur les rapports entre la Wallonie, la Flandre et
Bruxelles ; il donne à choisir entre deux solutions : la révolution ou le
fédéralisme.En tant que parlementaire, il signe et défend le projet de
fédéralisme élaboré par Georges Truffaut et Fernand Dehousse ; avec Joseph
Martel et Georges Truffaut, il dépose d’ailleurs une proposition de révision
de la Constitution, dont la prise en considération est repoussée par le
Parlement (2 février 1939).
Cependant,
François Van Belle n’accepte pas le projet de scission du POB. Il préfère en
effet passer un accord entre le parti et la Concentration wallonne, accord
auquel il arrivera, avec la fédération liégeoise, en tout cas. Socialiste ?
Assurément mais wallon au fond de l’âme également, François Van Belle est un
militant actif au sein du Mouvement wallon.
Durant la Seconde
Guerre mondiale, François Van Belle développe une activité considérable en
faveur du mouvement socialiste et du Mouvement wallon. Bourgmestre de
Tilleur, il est chassé par les Allemands soucieux de contrôler le Grand
Liège. À plusieurs reprises, il est inquiété par la Gestapo à laquelle il
parvient à échapper. Résistant, il devient le premier président de la
Wallonie libre clandestine puis, à la Libération, de Wallonie libre. Membre
du directoire (1941), il le préside jusqu’en 1958, année où il est nommé
président d’honneur. Entre décembre 1942 et octobre 1944, François Van Belle
assure aussi la présidence du Rassemblement démocratique et socialiste
wallon, dont il aurait voulu faire un Parti socialiste wallon. Membre du
comité directeur du RDSW, Van Belle y siège en tant que représentant de la
tendance socialiste sous le nom de code Cloche. Farouche défenseur de
la formule d’une intégration de la Wallonie dans la France, il ne parviendra
pas à éviter le départ des libéraux et des socialistes, à l’été 1943. Ses
idées s’étaient imposées aussi bien dans la Déclaration fondamentale de ce
groupe que dans les rapports des commissions financière et politique qu’il
préside.

À partir de mars
1941, François Van Belle prend part aux travaux du Conseil économique wallon
clandestin. En septembre 1944, le Conseil sort de la clandestinité avec,
officieusement, à sa tête Englebert Renier. À la mort de ce dernier,
François Van Belle devient le premier président provisoire du Conseil
économique wallon. Son discours inaugural, le 6 novembre 1944, en présence
du ministre des Travaux publics Herman Vos, aura un écho considérable et
donnera au Conseil économique wallon une crédibilité certaine. Bien
charpentée, détaillée et argumentée, son intervention met en lumière tous
les problèmes qui doivent être rencontrés, rapidement, tant à Liège qu’en
Wallonie (aménagement de la Meuse liégeoise, travaux de la commission
nationale d’électrification des chemins de fer, modernisation des voies
navigables du Hainaut, etc.). Le 15 décembre 1944, François Van Belle,
accompagné de Georges Thone, parvient à convaincre les industriels
Frankignoul, Lepage et Putzeys de l’intérêt du Conseil économique wallon.
Leur adhésion devait en encourager d’autres à s’y investir. Mais la présence
d’un homme politique à la présidence du Conseil économique wallon ne leur
plaît guère. Ils préféreraient un industriel. Sans tarder François Van Belle
accepte de laisser la présidence à Charles Baré (février 1945), tout en
continuant à s’occuper du Conseil économique wallon. Il s’intéresse au
Bouchon de Lanaye, ainsi qu’à tous les problèmes politiques, linguistiques
et économiques aux sujets desquels il publie de nombreux articles et
organise de multiples meetings dès la fin de la guerre.
Dans la
clandestinité, François Van Belle travaille encore à la préparation du premier
congrès national wallon, qui se tiendra finalement à Liège les 20 et 21
octobre 1945. Là, il défend la thèse de l’autonomie de la Wallonie : il
avait d’ailleurs développé ses arguments dans la brochure Les problèmes
wallons, publiée quelques jours avant le congrès. L’option
indépendantiste remportera, lors du premier vote, 154 voix sur 1.048
votants. Lors du deuxième vote, il se rallie au fédéralisme et défendra les
options du Congrès national wallon dont il fait partie du Comité permanent
(1945-1961). Néanmoins, les élections législatives de 1946 confortent, à ses
yeux, son option indépendantiste. La séparation existe, elle est réelle,
elle est flagrante. La séparation est dans la mentalité de chacun des deux
peuples. Après cette consultation, qui pourrait nier que Flamands et Wallons
sont aux antipodes les uns des autres ? En 1947, il soutient la
proposition de fédéralisme que Marcel-Hubert Grégoire dépose à la Chambre,
suite aux travaux du Groupe parlementaire wallon ; la proposition sera
rejetée. Avec Jean Rey, il contresigne une proposition de loi visant à créer
une radiodiffusion wallonne.
Le 7 avril 1949,
au nom du groupe parlementaire wallon qu’il préside, François Van Belle
dépose à la Chambre une proposition de loi tendant au rattachement de
certaines communes wallonnes et flamandes de la frontière linguistique à une
province ou à un arrondissement voisins. En vain : 20 jours plus tard, la
Chambre adopte le projet Vermeylen sur l’application du recensement ; la
Chambre comptera désormais 104 députés flamands (au lieu de 96), 32
bruxellois (au lieu de 30) et 76 wallons (statu quo) ; le 8 juin, le
ministre Vermeylen institue le Centre dit Harmel où ces questions seront
débattues. En 1952, François Van Belle prend l’initiative avec Joseph Merlot
de déposer une nouvelle proposition au Parlement, sans plus de succès. Lors
du congrès des socialistes wallons de 1959, il défend la notion de la
séparation pure et simple qui ne postule aucune révision constitutionnelle.

Particulièrement
actif lors de la Question royale, François Van Belle prend la parole lors de
nombreux meetings. Il paraît aussi avoir apporté son soutien à la formation
d’un gouvernement wallon provisoire (avec Simon Paque, André Renard, Fernand
Dehousse, Joseph Merlot, Georges Thone, Robert Lambion, Paul Gruselin et
Fernand Schreurs). Cet exécutif wallon provisoire aurait été chargé de
convoquer les États généraux de Wallonie.
Le septantième
anniversaire des frères Van Belle sera l’occasion pour les milieux wallons
et socialistes de rendre un hommage appuyé à ces militants.
Paul
Delforge - Irène Vrancken-Pirson – Sophie Jaminon