Conseiller communal socialiste de Liège (1904),
échevin (1933), conseiller provincial (juillet 1900), député de Liège (27
mai 1900-1904 ; 12 novembre 1907-1936 ; 21 octobre 1945-1946), questeur de
la Chambre (28 novembre 1918-24 mai 1936), échevin encore (1938), Léon
Troclet accomplit la totalité de sa carrière politique au service du Parti
ouvrier belge mais aussi de la Wallonie. À l’occasion de tous les débats
parlementaires intéressant le devenir de la Wallonie qui jalonnent son
parcours politique, Léon Troclet montera à la tribune ou interviendra dans
des débats parfois houleux pour faire entendre la voix des Wallons.
Ardennais d’origine, autodidacte amoureux de son pays, Léon Troclet adhère
très vite aux idées fédéralistes tout en gardant une grande préoccupation
pour les questions ouvrières. On peut affirmer qu’il est l’un des rares
socialistes de son époque à mener parallèlement et en symbiose la lutte pour
la Wallonie et le monde ouvrier.
Le premier exemple en est donné en 1903,
lorsque Léon Troclet lance un quotidien intitulé La Wallonie, qui est
l’organe de la fédération liégeoise du POB. Même si le quotidien ne vécut
que dix jours, il symbolise parfaitement la double préoccupation de celui
qui se présente volontiers comme un régionaliste et un fédéraliste,
défenseur de l’usage de la langue française par les ouvriers wallons ou
flamands parce que, avec le flamand, on fait le tour de Tongres, avec le
français, on fait le tour du monde (...) ; le français est un outil
plus puissant (Enquête de L’Action wallonne, 1909, meeting du 29
janvier 1911). Interrogé en 1911 sur la solution à apporter au problème de
la Belgique (Souhaitez-vous l’annexion de la Wallonie à la France ?
Êtes-vous partisan de la séparation administrative ?), il répond qu’il
suffit de laisser chacun faire son ménage à sa manière, c’est-à-dire
accorder l’autonomie à la Wallonie et à la Flandre, formule qui permettrait
un plus grand progrès social tant en Flandre qu’en Wallonie, par la force de
l’exemple que ne manquerait pas de donner cette dernière. La séparation
administrative et politique offrirait la possibilité d’un développement
optimal pour les Wallons et les Flamands. En avril 1911, il prend la parole
lors d’un meeting anti-flamingant organisé à Bruxelles sur l’initiative des
ligues wallonnes. Très écouté, il déplore, à titre personnel, les
exagérations flamingantes. Se voulant respectueux d’un certain nombre de
revendications exprimées par le Mouvement wallon, il en déplore ce qu’il
appelle les excès et cite comme exemple les nominations à Liège de
magistrats dont la langue maternelle est le flamand. Observant d’importantes
inégalités entre la Wallonie, Bruxelles et la Flandre dans les charges
contributives à l’État, ainsi que dans la répartition du budget des travaux
publics (82 millions accordés à la Flandre, 32 à Bruxelles et 7 à la
Wallonie), Léon Troclet considère que l’impudence des flamingants conduit à
la séparation administrative (1911).

Auteur d’une étude sur le système fédéraliste
publiée dans Wallonia (1911), Léon Troclet participe à la seule
réunion de travail du comité d’études pour la sauvegarde de l’autonomie des
provinces wallonnes, à Bruxelles le 27 janvier 1911. Il y collabore avec
Émile Buisset et Charles Magnette. Ce comité avait été constitué sur
l’initiative de la Ligue wallonne de Liège en vue d’étudier la question de
la séparation administrative. En quelque sorte, ce comité préfigurait l’Assemblée
wallonne qui sera créée en 1912 à l’issue du Congrès wallon (7 juillet
1912). Lors de ce Congrès wallon, quatre projets d’une séparation plus ou
moins nette entre Wallons et Flamands sont proposés aux congressistes ; Léon
Troclet est l’un de ceux qui, avec Jules Destrée, Émile Jennissen et Albert
Mockel, défendent vigoureusement l’idée de la séparation administrative.
Dans un vif débat qui l’oppose à Maurice De Miomandre, Léon Troclet dénonce
les carences du gouvernement belge à l’égard des provinces de Namur et de
Luxembourg alors que des dépenses, à son avis inutiles, sont réalisées en
Flandre, notamment l’aménagement des ports d’Ostende et de Zeebrugge. Le
député de Liège souligne que les impôts indirects frappent davantage le
peuple de Wallonie que le peuple des Flandres.
Le 20 octobre 1912, Léon Troclet participe à la
création de l’Assemblée wallonne où il est l’un des rares socialistes
liégeois. Membre assidu, il est l’un des délégués de Neufchâteau-Virton
(1912-1914, 1919-1940) et l’un des conseillers de son bureau permanent
(1925-1940). En 1913, l’Assemblée wallonne devant choisir un jour de fête
nationale, il propose la date du 20 octobre comme jour de fête de la
Wallonie afin de commémorer la fondation de l’Assemblée wallonne. Léon
Troclet participe aussi au congrès de la Ligue wallonne de Liège, en 1913,
parallèle à l’Assemblée wallonne ; il y présente un projet fédéraliste, plus
modéré que celui d’Émile Jennissen et de Julien Delaite. Troclet est
partisan de la reconnaissance de trois régions, la Flandre, la Wallonie et
l’agglomération bruxelloise. Il prévoit, notamment, pour certaines
questions, une autonomie absolue pour les régions.
La Grande Guerre ne modifie pas les options
fédéralistes de Troclet. Il résume d’ailleurs sa pensée dans un projet de
réorganisation politique et administrative de la Belgique (publié à
Bruxelles en 1919). Après l’Armistice, il fait partie du bureau permanent de
l’Union nationale wallonne ; il en préside le premier et seul congrès (2
octobre 1921). Attentif aux travaux de l’Assemblée wallonne, il est un
collaborateur occasionnel de La Barricade (organe de la Garde
wallonne autonomiste), puis de L’Action wallonne. C’est néanmoins
dans La Barricade de janvier 1924 que Troclet présente un projet
d’autonomie régionale fondée sur trois provinces agrandies et où les grandes
communes bénéficient d’une autonomie étendue en matière financière,
d’enseignement, des services publics, des travaux communaux et de nomination
des emplois communaux. La province wallonne est séparée de la province
flamande par la frontière linguistique et la province brabançonne comprend
l’arrondissement de Bruxelles. Préservant ainsi l’intégrité française de la
Wallonie, Léon Troclet prévoit six niveaux de pouvoir législatif : communal,
cantonal, d’arrondissement, provincial, la Chambre et le Sénat. Les trois
provinces bénéficient de larges compétences alors que l’État central ne
conserve que les finances d’ordre général, la poste, les télégraphes et
chemin de fer. Quant à l’armée, Troclet préconise la création de régiments
régionaux. En juillet 1924, il participe activement au premier congrès de la
Ligue d’Action wallonne dont il partage alors les vues autonomistes. Lors du
deuxième congrès, il présente un rapport consacré au recrutement régional à
l’armée (Liège, 1925).

Entre-temps, s’inspirant des résolutions prises
par le POB, sur proposition de Paul Pastur, en matière de décentralisation,
Léon Troclet dépose à la Chambre une proposition de loi tendant à une
décentralisation provinciale (juin 1924) : il s’agit en fait de revoir
profondément la loi provinciale du 30 avril 1836. Rendue caduque par la
dissolution des Chambres, sa proposition de révision de la loi établissant
une plus large autonomie des provinces est présentée une nouvelle fois le 19
juillet 1925, avec les signatures de Louis Bertrand, Eugène Van Walleghem,
Joseph Dejardin, Hippolyte Vandemeulebroecke et Franz Fischer. Sans suite
concrète. Si ce n’est qu’en 1928, Léon Troclet fait partie d’une commission
d’études formée par le POB pour étudier la question linguistique. Les
conclusions de cette commission contiendront plusieurs idées auxquelles
Troclet était attaché.
À la suite du Compromis des Belges
élaboré sur l’initiative de Jules Destrée et de Camille Huysmans et signé
notamment par Léon Troclet, le POB crée une commission d’étude de la
question de l’autonomie culturelle et de l’emploi des langues en matière
administrative, judiciaire et militaire. Chargé du rapport de la
commission, Léon Troclet y déclare notamment que, pour l’application du
principe général et de toutes les dispositions qui en découlent sur le
terrain scolaire, administratif, judiciaire et militaire, il est
indispensable qu’une fois pour toutes, on procède à l’établissement légal de
la frontière linguistique. L’ensemble de son rapport sera approuvé par
le POB en 1930.
À l’occasion du septième et dernier congrès de
la Ligue d’Action wallonne (1930), Léon Troclet fait observer que Le
malheur du mouvement wallon, c’est de se laisser entraîner dans un
belgicisme périmé et de manquer d’idéal. Quant au rattachement à la
France N’en parlons jamais, mais pensons-y toujours. Présent au
congrès de Concentration wallonne de 1934, Léon Troclet démontre qu’il n’est
pas l’homme d’un seul mouvement. On le rencontre d’ailleurs aussi au premier
Congrès culturel wallon de 1938 organisé à Charleroi par l’Assemblée
wallonne : il est membre du comité d’honneur et présente un exposé sur
l’action wallonne au sein des conseils communaux. D’ailleurs, en tant que
président de la fédération liégeoise du POB, il est le responsable de
l’organisation du premier congrès des socialistes wallons, en 1938 aussi. À
la tribune, il souligne que le problème wallon et flamand en Belgique
dépasse largement la question des langues. Dans le domaine militaire, comme
dans celui de l’administration ou de l’enseignement, les différences de
sensibilité entre les deux communautés s’accentuent. Il invite le POB
à se saisir de la question, à l’étudier sérieusement car, précise-t-il,
la vie est différente d’il y a 100 ans (...) Rien ne s’oppose plus
à ce qu’on établisse trois provinces au lieu de neuf.