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REMOUCHAMPS Jospeh-Maurice |
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Né à Liège le 24 octobre 1877,
décédé à Liège le
26 janvier 1939 |
Fils d’Édouard Remouchamps auteur de Tâti l’Pêriquî,
Joseph-Maurice Remouchamps est issu d’un milieu imprégné de littérature
dialectale. Son intérêt pour ce domaine se traduit d’ailleurs par sa
collaboration à la Société de Littérature wallonne ou par celle qu’il
apporte à la réalisation du Dictionnaire liégeois de Jean Haust
(1933), pour lequel il a dessiné les 735 figures d’illustration.
Après des études de droit qu’il réussit
brillamment en 1901 à l’Université de Liège, il s’inscrit au barreau de
cette même ville. Il quitte ses fonctions d’avocat en 1911 pour se consacrer
pleinement au Mouvement wallon. Ainsi en 1912, il participe à la fondation
de l’Assemblée wallonne dont il devient le secrétaire général le 14 décembre
1919, remplaçant Jules Destrée nommé ministre des Sciences et des Arts.
Juste avant la guerre, J-M. Remouchamps avait préparé un projet de réforme
parlementaire prévoyant la délimitation des régions wallonne et flamande
selon la langue usuelle la plus employée par leurs habitants, avec
adaptation lors des recensements.
Après l’Armistice, le rôle de Remouchamps au
sein de cette Assemblée sera de plus en plus déterminant. Conscient que les
problèmes wallo-flamands sont bien plus profonds qu’une simple querelle
linguistique, il préconise une solution permettant l’égalité politique des
Wallons et des Flamands au sein de l’État belge par le biais d’un vote
bilatéral. Ne
nécessitant pas de révision de la Constitution et garantissant le droit des
minorités, ce système imaginé par
Remouchamps prévoit qu’à côté de la majorité ordinaire nécessaire à
l’adoption de toute loi, on ajoute une majorité au sein de chaque groupe
linguistique. Ce type de vote qui permettrait à la Wallonie de se soustraire
à la volonté majoritaire de la Flandre est développé dans son livre Le
Vote bilatéral et le bilatéralisme. Essai d’organisation de l’Unité
nationale pour l’équilibre des partis et l’égalité des races (1919). La
proposition de révision constitutionnelle portant sur ce système est
présenté à la Constituante en 1921. Remouchamps, alors sénateur libéral
suppléant (1921-1925) participe aux débats.
Connu sous le nom de Vote
bilatéral, le projet est déposé comme proposition de loi au Sénat et est
rejeté par une unanimité flamande alors que les socialistes et les libéraux
wallons l’ont accepté (19 octobre 1921).

Si J-M. Remouchamps est un militant de la
première heure, il n’en est pas moins un Belge enraciné dans la Révolution
de 1830, s’accrochant sans faiblir au maintien de l’État Belgique de langue
française, langue qui est le véritable ciment de l’Unité, le seul lien
intellectuel qui tienne unis les Belges en nation. Il ne renoncera
jamais à la défense de la langue et de la culture françaises en Flandre.
Cette politique va d’ailleurs aboutir à des oppositions sérieuses au sein de
l’Assemblée wallonne et donner lieu à une série de démissions des
fédéralistes tels que Jules Destrée, Auguste Buisseret, Émile Jennissen ou
Jean Roger, entre autres, en juin 1923. Défenseur des francophones de
Flandre, Joseph-Maurice Remouchamps ne peut accepter l’idée même du
fédéralisme consacrant l’autonomie de la Wallonie, aboutissant selon lui à
la destruction de l’État Belgique. Les lois linguistiques qui consacrent l’unilinguisme
de la Flandre brisent déjà l’unité culturelle de la Belgique.
Après le départ des fédéralistes, l’Assemblée wallonne va peu à peu se
confondre avec son secrétaire général. Directeur, administrateur et
secrétaire général de La Défense wallonne (1920-1923), organe officieux de
l’Assemblée wallonne, il signe de nombreux articles démontrant
l’asservissement politique et économique de la Wallonie par une Flandre
majoritaire. J-M. Remouchamps ne cessera d’être le porte-parole de la
tendance unioniste. Mais son action ne se limite pas à sa participation à
l’Assemblée wallonne. Son œuvre, sa vie même, est la réalisation du Musée de
la Vie wallonne, aujourd’hui installé dans la très belle Cour des Mineurs, à
Liège.
L’idée de constituer un “ Musée de Folklore ”
remonte à 1891 et, plus précisément à l’Exposition d’Ethnographie congolaise
qui s’est tenue au Conservatoire de Liège. Néanmoins, ce n’est qu’en 1912
que Joseph-Maurice Remouchamps en pose les premiers fondements. Le but de ce
Musée est de créer le reflet le plus réaliste et fidèle possible de la vie
populaire en Wallonie. Il s’agit donc d’une véritable mémoire collective
populaire. Son créateur et directeur jusqu’à la fin de sa vie y a rassemblé
les objets les plus divers, des documents écrits ou iconographiques. On y
trouve donc, non seulement, des aspects folkloriques (anciens métiers et
techniques) mais aussi des documents historiques, ce qui fait de ce musée un
des modèles du genre.
Dans son souci de rassembler le maximum d'objets de toute nature,
Remouchamps met sur pied un Service des enquêtes qui publie le Bulletin
des enquêtes à partir de 1924. Son activité de rédacteur d'ouvrages
scientifiques complète le portrait du personnage. On lui doit notamment une
Carte systématique de la Wallonie, précédée d'une note sur la
frontière linguistique. La fixation de la frontière linguistique telle que
l'envisage Remouchamps se révélera être très proche de celle qui sera
adoptée officiellement en 1962. IL publie également en 1936 un ouvrage sur
La Francisation des arrondissements de Bruxelles, Arlon et Verviers au
cours d'un demi-siècle (1880-1930), témoignant de l'intérêt qu'il porte
aux recensements linguistiques décennaux. On retrouve d'ailleurs de nombreux
articles sur ce sujet dans La Défense wallonne. Joseph-Maurice
Remouchamps a consacré sa vie au Mouvement wallon, en caractérisant son
action par un refus obstiné et constant des principes du fédéralisme, et
considérant que seule la liberté, notamment linguistique, suffisait. Le 15
mars 1937, il démissionne du secrétariat général de l'Assemblée wallonne,
tout en conservant son poste au sein de la Commission de Contrôle
linguistique du ministère de l'Intérieur. Cette décision est due d'après son
propre aveu, à son découragement face à l'inertie du Mouvement wallon. On
peut cependant se demander si cette démission n'a pas été aussi influencée
par les attaques de L'Action wallonne sur l'attitude de l'Assemblée
wallonne et surtout sur celle de son secrétaire général à l'égard du
rexisme. En effet, lors de la campagne électorale de 1936, l'Assemblée
wallonne se montre favorable aux idées de Rex notamment dans ses
revendications linguistiques (libre choix du père de famille, respect de
l'autonomie communale, recours éventuel au referendum populaire) et
sur son programme de décentralisation régionale, avec, pour Bruxelles,
l'installation d'un bilinguisme des fonctions et non un bilinguisme
personnel. Il faut remarquer que des rexistes font partie de l'Assemblée
wallonne, tels Paul Collet et Joseph Mignolet. Si le premier n'a en rien
collaboré avec l'occupant, on ne peut pas en dire autant pour le second.
Quant à J-M. Remouchamps, L’Action wallonne
lui reproche ses entrevues avec Léon Degrelle, entrevues qu’il ne nie
pas mais qu’il replace dans le cadre des contacts qu’il a toujours eus avec
les responsables des différents partis politiques. Le manque d’informations
plus précises empêche donc de faire la lumière sur ce point. Il est à
espérer qu’un jour, les archives de Henri Putanier – secrétaire
administratif de l’Assemblée wallonne et principal rédacteur de La
Défense wallonne –, aujourd’hui propriété privée des descendants de J-M.
Remouchamps, seront enfin consultables et permettront de mieux appréhender
la réalité.
Sophie Jaminon
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