Après avoir fait ses études primaires en France
puis à l’École militaire à Bruxelles, Jacques Pohl est licencié en
philologie romane de l’Université libre de Bruxelles (1935), avant de
défendre une thèse de doctorat intitulée Témoignages sur les parlers
français de Belgique, en 1950. Cette thèse, il la prépare en
partie sous l’occupation allemande, tout en participant au réseau clandestin
de résistance Boucle. Professeur de français à l’Athénée d’Ath
(1937-1942), il est révoqué par les Allemands. Professeur à l’Athénée d’Ixelles
après la Libération, il devient ensuite professeur extraordinaire à l’Université
libre de Bruxelles (1960), professeur à l’Université officielle du Congo
(Élisabethville), professeur visiteur au Zaïre (Lumumbashi) et en Israël
(Jérusalem) et professeur à l’ISTI Jacques Pohl voyage beaucoup en
Angleterre, en Hollande et en France. Après Bruxelles (1925-1936), Anvers
(1936-1937), Ath (1937-1942 et 1944-1945) et Ixelles (1945-1962), il se fixe
à Bruxelles.
En 1937, il est le président du groupe athois
de la Renaissance wallonne. Il y défend l’idée d’une grande alliance
franco-belge plutôt que celle de la langue française en Wallonie. En 1939,
il publie une mince brochure Les Allemands par les Allemands.
Volontaire de guerre en mai 1940, il sert dans la 10e armée
française (retraite de Normandie). Auteur d’une étude sur La décrépitude
d’une ville wallonne. Étude démographique sur Ath de 1594 à nos jours
(1943), il remanie son texte et l’intitule Le Français, Langue
maternelle ? C’est par haine du nazisme et du “ germanisme ” que Jacques
Pohl se rapproche de la France. Il écrit d’ailleurs sous l’occupation une
Lettre à la France, d’un Wallon et Rhénan adressée au général de Gaulle,
où l’on peut notamment lire : Abandonner Bruxelles, c’est te trahir
France. Cette lettre sera rééditée en 1948. L’année précédente, il avait
réalisé une enquête dans la région lorraine sur la Frontière politique et
le français régional (1947). Pendant de nombreuses années, Jacques Pohl
va se consacrer à la défense des francophones de Flandre, prenant ensuite
conscience de la précarité de ce combat. C’est au lendemain de la guerre que
commence sa véritable activité militante : il publie régulièrement dans
Le Gaulois et dans le Bloc de la Liberté linguistique. En
1944-1945, il fait partie du comité de rédaction du journal athois
Gouyasse. Très actif collaborateur du Gaulois, il a maille à
partir avec Jo Gérard et la revue d’extrême droite Europe-Amérique.
Jo Gérard avait publié un article sur l’activisme wallingant où il qualifie
Joseph Merlot de “ Borms wallon ”. Impétueux, Jacques Pohl réplique avec
virulence (1950). S’ensuit un procès qui condamne Jo Gérard à 25.000 francs
de dommages et intérêts en faveur de Joseph Merlot, et Jacques Pohl (défendu
par Mes André Thomas et Arille Carlier) à 15.000 frs à l’égard de
Jo Gérard, pour avoir, estime le tribunal, dépassé les limites permises
dans sa réponse (1951). En fait, Jacques Pohl s’était interrogé sur ce
que faisait Jo Gérard durant l’occupation.

S’il se considère pendant longtemps
comme un immigré wallon à Bruxelles, Jacques Pohl défend la cause des
francophones bruxellois avec constance, tant dans la presse qu’au Sénat, où
il est élu en 1968 ; dans un numéro du journal Le Soir de 1962, il
annonce une Belgique ensanglantée pour 1965. Le combat pour le retour des
Fourons à la province de Liège est fondamental à ses yeux. Il le dira
publiquement lors du pèlerinage à Waterloo de 1963. Membre de l’association
Les Amis des Fourons, il soutient en outre l’idée du fédéralisme, voire même
du séparatisme, mais avec des garanties pour Bruxelles. La lutte engagée par
J. Pohl pour la défense de la langue française se réalise sur tous les
terrains. Membre du Bloc de la Liberté linguistique (1953), membre du comité
directeur du FDF (1964), candidat aux élections de 1965 sur les listes FDF,
sénateur FDF de l’arrondissement de Bruxelles (1968-1971), il se présente
comme un défenseur de la francité en Belgique. À ses yeux, les Bruxellois
francophones comprennent de mieux en mieux les graves problèmes économiques
de la Wallonie et les Wallons saisissent mieux que leur sort est
indissolublement lié à celui de toute la partie française de la Belgique ;
il défend l’idée d’une communauté française de Belgique (1971).
Membre du RDL (1970), membre de l’Avant-Garde wallonne (1972), il est aussi
membre de l’Académie salésienne, président de l’Institut de phonétique de l’Université
libre de Bruxelles, membre du Conseil international de la Langue française ;
il est l’auteur de nombreux ouvrages pédagogiques de philologie et
d’histoire. Auteur de Carnet d’orthographe, à l’usage des Athénées,
Collèges, Écoles moyennes et Écoles techniques, (1953), il est aussi
collaborateur à Vie et Langage, au Bloc de la Liberté
(1945-1956), au Rassemblement bruxellois contre la tyrannie linguistique, au
Français moderne, aux Dialectes belgo-romans, à la Revue
des langues vivantes, à Bruxelles-Français, au Pays de
Bruxelles, etc.
En 1974, Jacques Pohl publie, dans la Revue
de Psychologie des Peuples, une étude sur La Psychologie des
Francophones de Belgique, où il distingue trois oppositions dominantes,
trois tensions correspondant à trois formes extrêmement différentes de
bilinguisme : une forme ethnique (opposant ceux qui parlent français et
néerlandais), une forme sociale (opposant la langue de culture aux
dialectes) et une forme nationale voire culturelle (qui oppose le français
de Belgique à celui de France). En 1979, ce professeur de l’ULB publie une
étude consacrée aux Variétés régionales du français, en Belgique.
En juin 1976, Jacques Pohl figure parmi les
signataires de la Nouvelle Lettre au roi pour un vrai fédéralisme
rédigée à l’initiative de Fernand Dehousse, Jean Rey et Marcel Thiry,
notamment, et qui vise à dépasser la régionalisation pour instaurer un
fédéralisme véritable, fondé sur le respect des droits de l’homme et de
l’égalité des citoyens, fondé sur l’égalité politique des communautés et des
régions qui ont des pouvoirs véritables, un fédéralisme où Bruxelles est
reconnue comme région à part entière.
Paul Delforge