Après des humanités classiques et trois années consacrées à l’étude de la
musique et de la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Namur (1917-1920),
André Piron décroche un doctorat en droit à l’Université de Liège (1923). Il
s’inscrit au barreau de Namur (1923-1929) et fait son stage chez François
Bovesse. Sa prise de conscience politique wallonne remonte à cette époque.
Il reprend ensuite des études à l’Université libre de Bruxelles où il
obtient un deuxième doctorat, en philologie classique celui-ci (1934). Il se
tourne alors vers l’enseignement. Professeur à l’Athénée de Hannut
(1934-1937) puis de Bruxelles I (1937-1945), il devient préfet à l’Athénée
de Mons après la Libération (1945-1948), puis de Thuin (1948-1960). Préfet
honoraire, il s’inscrit pour la deuxième fois au barreau, de Liège cette
fois, pour une nouvelle carrière d’avocat. Tout au long de son parcours
professionnel, André Piron déménagera avec sa famille : Namur, Boitsfort,
Hannut, Boitsfort, Mons, Thuin et Liège. Il aura ainsi l’occasion de côtoyer
plusieurs réseaux politiques et personnalités du Mouvement wallon : François
Bovesse, Maurice Bologne, Robert Nemery, François Simon, etc.). Sur le plan
politique, André Piron a été membre du Parti communiste belge, avec Maurice
Bologne et Charles Plisnier, de 1925 à 1930, avant de rejoindre le POB.
Constatant le sort pénible des travailleurs indépendants, il devient membre
du PLB en 1958. Il participe ensuite à la création des partis wallons, avec
Maurice Bologne qu’il rencontra fréquemment au sein de la section de
Boitsfort du POB et où ils évoquaient surtout les griefs wallons.
Chroniqueur des expositions dans Le Rouge et le Noir, celui qui, à 15
ans, recevait à domicile les leçons du peintre-graveur Henri Bodart, devient
secrétaire adjoint de la section namuroise de la Société des Amis de l’Art
wallon (1924-1926), où il était entré sur la proposition... de Henri Bodart ;
il deviendra président des Amis de l’Art wallon et le fondateur du Cercle d’Art
namurois (1924-1929). Son action ne se limite à l’art wallon. Membre du
Front démocratique wallon (1936-1939), il a écrit dans La Bataille
wallonne (1931) et collabore à La Wallonie nouvelle (1935-1940).
Dès 1938, il est membre de la Société historique pour la Défense et l’Illustration
de la Wallonie. Mais il souhaite que le Mouvement wallon consacre davantage
d’attention à la dimension sociale. Après la naissance du Mouvement
populaire wallon, dont il se réjouit, il souhaitera, par contre, que les
réformes de structure ne prennent pas le dessus sur le fédéralisme. Tout au
long de sa vie de militant wallon, André Piron aura comme principe de
privilégier le rassemblement des forces wallonnes par delà les différences
philosophiques et politiques, tout en demeurant fidèle à une forme de
libéralisme wallon qu’incarnait François Bovesse.

Sous
l’occupation, André Piron figure parmi les fondateurs et membres du
directoire de Wallonie libre (1940-1941). Membre du comité de rédaction du
clandestin Wallonie libre (1940-1943), il démissionne du directoire
de Wallonie libre en juillet 1941, après des contestations nées en son sein
à propos de la fondation du Front wallon pour la Libération du Pays et pour
des raisons familiales. André Piron reste cependant membre du conseil
général et de la rédaction du journal ; il est remplacé au Directoire par
Fernand Schreurs. Membre du Front wallon, membre du bureau national du Front
de l’Indépendance (1942), André Piron est l’un des fondateurs du mouvement
La Wallonie indépendante, créé pour réaliser les buts du Front de l’Indépendance
tout en y faisant une place à la question wallonne. André Piron est le
responsable du journal La Wallonie indépendante qui paraît à partir
du mois d’août 1942. Il est aussi le délégué des trois organisations
wallonnes (Wallonie libre, Wallonie indépendante, Mouvement wallon
catholique) au comité central du Front de l’Indépendance (1942). La Wallonie
indépendante défend le principe du fédéralisme, prône l’union des forces
démocratiques flamandes et wallonnes pour bouter l’occupant hors du pays et
pour résoudre le problème de l’avenir de la Belgique. Ce n’est qu’après la
Libération qu’André Piron se rendra compte que l’un de ses contacts
clandestins, Monsieur Robert, était Théo Dejace.
Membre de la commission du choix de la deuxième
langue de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la
Wallonie, André Piron participe à ses réunions et partage les conclusions
qui sont présentées au ministre de l’Instruction publique et publiées, sous
forme de brochure, en 1947 : pour l’école primaire, la commission propose
notamment la suppression de l’enseignement de toute langue étrangère,
l’interdiction du bilinguisme obligatoire (du flamand) tant à Bruxelles
qu’en Wallonie. Pour l’enseignement secondaire, la commission prône une
réelle liberté du choix de la deuxième langue par le père de famille et la
possibilité, partout en Wallonie, de pouvoir choisir entre l’anglais, le
flamand et l’allemand. Se préoccupant aussi de la formation des maîtres, la
commission propose aussi plusieurs mesures diverses mesures pour
l’enseignement supérieur et met l’accent sur l’amélioration de la maîtrise
de la langue française dans la formation des enseignants.
Membre du Cercle Les Gaulois (1945), André Piron n’aura pas d’activité
wallonne durant sa carrière professionnelle dans l’enseignement de l’État.
Il s’efforcera néanmoins de défendre la liberté du père de famille dans le
choix de la deuxième langue des étudiants qui fréquentent son établissement
scolaire. Indépendantiste de raison et par conviction intime, défenseur
acharné de la Francité, membre du Parti libéral (1958), André Piron
rejoindra le Mouvement wallon dans les années soixante. Membre du Comité
permanent du Congrès national wallon (1960-1971), il est parmi les
fondateurs du Mouvement libéral wallon (1962). Il en assumera la présidence
dans les moments difficiles (1963, 1966, 1968). Ainsi, membre du comité
directeur, il succède à Jean Van Crombrugge lorsque celui-ci démissionne en
mars 1966 ; deux mois plus tard, Van Crombrugge est réélu.

Pour
étudier les résultats des travaux de la Table ronde, André Piron participe
aux travaux d’une commission juridique créée au sein du Comité permanent du
Congrès national wallon (printemps 1965) ; aux côtés de Jean Deterville,
Jean Penelle, Robert Regibeau, Fernand Schreurs, Freddy Terwagne et André
Wautier, il insiste sur la nécessité de créer une Société wallonne et une
Société flamande de développement régional. Il participe aux travaux de la
Délégation permanente des quatre Mouvements wallons et est proche du Parti
wallon. C’est donc tout naturellement qu’il participe à la création du
Rassemblement wallon. Aux élections du 31 mars 1968, il occupe la troisième
place sur la liste du parti à la Chambre dans l’arrondissement de
Huy-Waremme, mais sans aucune ambition personnelle. Une semaine après les
législatives qui consacrent le premier succès du parti, André Piron réactive
le Mouvement libéral wallon ; il préside son nouvel exécutif. Dans le même
temps, il fait partie du Front de Libération de la Wallonie ainsi que de
divers autres petits mouvements qui se développent pour promouvoir
l’indépendance de la Wallonie. En 1970, André Piron figure en 33e
position sur les listes de l’alliance Rassemblement wallon-Démocratie
chrétienne-Centre Gauche wallon aux élections communales de Liège. Les
élections seront annulées et Piron ne se représente plus le 6 juin 1971.
Membre du Rassemblement wallon sans y exercer de fonction dirigeante, André
Piron accompagne la tendance Perin-Gol lors de l’implosion du parti à
l’automne 1976, et figure parmi les membres fondateurs du PRLw (janvier
1977). Surtout attaché au caractère wallon du nouveau parti, il ne supporte
pas la suppression du w dans le sigle du PRL et, surtout, lorsque Jean Rey
est contraint par son parti de laisser son siège de député européen à Luc
Beyer de Rijcke (1980), André Piron envoie sa démission en guise de
protestation.
Fondateur de cercles d’art, André Piron est aussi peintre, graveur et poète.
En 1945, le succès remporté par son exposition à la galerie Apollo
(Bruxelles) s’estompera cependant en raison d’une activité professionnelle
exigeante. En compensation, la poésie et l’écriture en général lui serviront
d’exutoire : après les recueils (1958), Les sons de l’heure (1966),
L’apesanteur syncopée (1970), il contribue à la connaissance de La
peinture wallonne ancienne (1963), de Lucas d’Heere (1966), de
Jean Gossart (1965) ainsi que de Joachim le Patinier, Henri Blès,
leurs vrais visages (1970). En 1965, il relance l’Association des Amis
de l’Art wallon ; c’est d’ailleurs sous sa présidence que la Société des
Amis de l’Art wallon adoptera une motion très politique en 1971, estimant
indispensable que tous les citoyens belges soient tenus de choisir entre
l’une des deux nationalités : flamande (ou néerlandaise) ou wallonne (ou
romane). La Société des Amis de l’Art wallon deviendra la commission
artistique de la Fondation Plisnier dont André Piron devient vice-président.
Il est encore membre de l’Association des Écrivains belges de Langue
française et de l’Association des Écrivains wallons dialectaux et
francophones. Il collabore à La Nouvelle Revue wallonne, à
Wallonie libre et à l’Ethnie française. Au début des années ’70,
il relance activement sa passion pour la peinture et plusieurs expositions
sont organisées permettant de voir ses œuvres.
Paul Delforge