Étudiant à
l’Athénée de Charleroi (1955-1960), licencié en histoire de l’Université
libre de Bruxelles (1964), Hervé Hasquin est membre du Cercle des Étudiants
socialistes durant la seule année 1962 ; il est fortement sensibilisé aux
problèmes wallons et bruxellois lorsqu’il prépare son doctorat en
philosophie et lettres (Histoire-Temps modernes). L’Affaire de Louvain
l’encourage à participer à la création du Club Jules Destrée (1967), aux
options fédéralistes, libre-exaministes et favorables au dédoublement de
l’Université libre de Bruxelles. Dans son manifeste (27 juin 1968),
le Club Jules Destrée constate que les problèmes économiques et sociaux
vont de pair avec la question linguistique. Il souligne aussi que,
schématiquement, les revendications linguistiques des Flamands tendent à
établir la parité partout où ils sont minoritaires et à la refuser chaque
fois qu’ils détiennent une représentation numérique dans le pays. Avec
Philippe Moureaux et Michel Hanotiau, Hervé Hasquin est d’ailleurs l’auteur
d’un manifeste où il prône la création de deux universités libre-exaministes
et unilingues distinctes à Bruxelles afin, d’une part, de ne pas s’opposer
aux légitimes revendications des Flamands, d’autre part, de refuser la
contrainte linguistique basée sur le droit du sol ou sur la violation des
minorités, enfin, d’éviter la minorisation des francophones par le biais du
bilinguisme.
Agrégé de
l’enseignement secondaire (1965), stagiaire (1964-1965) et aspirant du FNRS
(1965-1970), docteur en histoire (1970), chargé de recherches (1970-1974) et
chercheur qualifié, Hervé Hasquin est nommé professeur extraordinaire en
histoire moderne (1971). Coordinateur principal des deux volumes de
l’encyclopédie La Wallonie, le pays et les hommes, consacrés à
Histoire, économies, sociétés, il prend l’initiative, sur proposition de
l’Institut Jules Destrée alors présidé par Jacques Hoyaux, de créer à
l’Université libre de Bruxelles un cours libre consacré à l’Histoire de
la Wallonie et du Mouvement wallon (6 février 1980). Président de la
faculté de philosophie et lettres (1979-1982), Hervé Hasquin donne lui-même
ce cours de 15 heures. Administrateur de la Fondation Plisnier,
collaborateur de la Revue du Conseil économique de la Région wallonne,
il reçoit le Prix de la Pensée wallonne (1981). Auteur de Historiographie
et politique Essai sur l’histoire de la Belgique et de la Wallonie
(deux éditions en 1981 et 1982, une troisième revue et augmentée en
1996), il est l’auteur d’un livre grand public, en 1999, intitulé La
Wallonie, son histoire. Spécialiste de l’histoire économique et sociale
du dix-huitième siècle, de l’histoire des religions et des problèmes de
nationalité à l’époque contemporaine, il est recteur de l’Université libre
de Bruxelles de 1982 à 1986, puis président de son Conseil d’administration
(depuis 1986). Secrétaire général de l’asbl La Pensée et les Hommes,
membre du Conseil d’administration de la RTBf (1982-1987), chef du réseau
Information scientifique et développement technologique y compris la
recherche, (désigné par le Comité du suivi du Sommet des Chefs d’État et de
Gouvernement ayant en commun l’usage du français – Paris, 1986-1987), Hervé
Hasquin est aussi, depuis 1987, le président de l’Institut d’Étude des
Religions et de la Laïcité.
Durant toute la
décennie 1970, Hervé Hasquin apporte son concours au journal carolorégien
Métro dont son père, René-Pierre Hasquin, est le rédacteur en chef. Au
travers d’éditoriaux réguliers qu’il signe du pseudonyme Olivier Deleval puis
Olivier Derival, il commente l’actualité politique belge en général, wallonne
en particulier (1971-1981). Si les questions liées au devenir des universités,
au statut et à l’indépendance de la RTB, à la dépénalisation de l’avortement,
etc., sont bien sûr abordées, c’est le devenir de la Wallonie qui préoccupe
surtout Hervé Hasquin. Très tôt, il affirme sa volonté de voir établir un
statut pour les communes de Fourons, il réclame la mise en application urgente
de l’article 107quater, la réalisation d’une réelle
décentralisation économique, ainsi que l’instauration du fédéralisme qui, à
ses yeux, est réclamé par un courant majoritaire de la population. Analyste
des relations et enjeux internes au Rassemblement wallon et FDF, il se montre
partisan d’une réelle autonomie de l’un par rapport à l’autre et, surtout, à
partir de 1977, dénoncera les tentatives de vassalisation du Rassemblement
wallon par le FDF.

Au gré de plus de
400 éditoriaux hebdomadaires, Hervé Hasquin a l’occasion d’exprimer ses
positions, ponctuellement et en toute indépendance. Ainsi, il regrette que
Bruxelles soit choisie comme siège du Conseil de la Communauté française
(1972) ; il soutient le projet de créer une seule Société de Développement
régional (et non une par province) ; il se prononce en faveur d’un pouvoir
législatif et d’un pouvoir exécutif wallons disposant de réelles compétences,
notamment en matière de fiscalité ; il réclame l’élection directe des
représentants des Conseils régionaux ; il souhaite la disparition des
provinces ; il dénonce le décret de septembre, vexatoire, xénophobe et
répugnant (1973) ; il fustige le régime imposé aux Parlementaires (les
élus sont noyés sous les dossiers et appelés à voter des lois dont ils n’ont
pas pu prendre connaissance) ; il suit avec beaucoup d’attention les
négociations gouvernementales ; il dénonce tous les projets qui ne vont pas
dans le sens du fédéralisme, que ces projets émanent des milieux politiques de
gauche ou de droite. Il dénonce les projets Leburton, la signature de l’accord
dit de La Hulpe (1973) ; il déplore la particratie qui empêche la révision
de la Constitution que réclame un courant d’opinion majoritaire (1974).
Dès lors, il ne cache pas sa satisfaction à l’égard du dialogue de communauté
à communauté qui a été lancé grâce à François Perin, dont il suit toutes les
initiatives avec beaucoup de sympathie : Ce mois de juillet 1974 sera sans
doute l’un des plus fastes de l’histoire de la Wallonie puisque simultanément
sera mis en place, un Exécutif wallon – trois ministres et de un à trois
secrétaires d’État – et sera créée une Assemblée régionale tandis que la
Société de Développement régional sera vraisemblablement rendue opérationnelle.
Faisant preuve de pragmatisme politique, il considère que, malgré ses défauts,
la régionalisation provisoire présente de nombreux mérites. Il estime que la
méthode Perin est certainement la plus efficace (avril 1976). S’interrogeant
sur la pertinence de maintenir le bicaméralisme, il suggère de spécialiser les
deux chambres et s’insurge contre l’absentéisme parlementaire. Partisan de la
fusion des communes, il se montre aussi favorable aux avions Mirage, si du
moins l’achat de ces avions est vraiment inévitable au moment où les
universités ont besoin de nouveaux moyens financiers. Condamnant l’attitude
anti-française des partis flamands, il met en évidence l’importance des
compensations économiques qu’offrirait à la Wallonie le choix des avions
français. Il dénonce le négativisme du PSB et surtout l’immobilisme du PSC.
Hervé Hasquin ne cache pas qu’une solution au déblocage de la situation belge
est le rejet du PSC dans l’opposition (1976).
Opposé à
l’autonomie fiscale de la Wallonie (avril 1976), il est sensible à l’idée de
François Perin de constituer un parti du centre pluraliste. En juillet,
Hasquin figure parmi les fondateurs du groupe CRéER et rejoint ainsi le père
de la régionalisation provisoire avec lequel il partage notamment l’idée d’insérer
le régionalisme wallon dans un ensemble plus vaste que l’État belge, à savoir
l’Europe, qui est le seul susceptible d’apporter des solutions aux grands
problèmes économiques et sociaux qui tourmentent nos gouvernements et nos
populations. Défenseur de Bruxelles région à part entière, défenseur d’une
fête de la Communauté française le 27 septembre de chaque année, il est invité
à donner une conférence lors de la rentrée académique de l’Université du
Troisième Âge à Charleroi et il y expose la genèse de la Wallonie (septembre).
Hervé Hasquin figure aussi parmi les signataires de la Nouvelle Lettre au
roi pour un vrai fédéralisme rédigée à l’initiative de Fernand Dehousse,
Jean Rey et Marcel Thiry, notamment, et qui vise à dépasser la régionalisation
pour instaurer un fédéralisme véritable, fondé sur le respect des droits de
l’homme et de l’égalité des citoyens, fondé sur l’égalité politique des
communautés et des régions qui ont des pouvoirs véritables, un fédéralisme où
Bruxelles est reconnue comme région à part entière.
Au moment de
l’implosion du Rassemblement wallon dont il avait jusque-là observé les
réalisations avec sympathie, il ne partage pas du tout la nouvelle orientation
que lui donne P-H. Gendebien, notamment en matière d’autogestion qu’il
qualifie de démagogue. Il propose par contre la cogestion, afin d’harmoniser
les rapports sociaux et de permettre un meilleur épanouissement des
travailleurs et des cadres des grandes entreprises. D’autre part, en raison de
l’opposition unanime des partis flamands, il ne croit pas pertinent pour le
Rassemblement wallon de s’aligner sur les positions du FDF. Hervé Hasquin
demande une solidarité réelle entre la Wallonie et Bruxelles mais veut lui
assigner des limites. Il exhorte Wallons et francophones à former un front uni
face aux revendications des associations flamandes : si celles-ci revendiquent
un fédéralisme à deux, il convient d’obtenir au moins un fédéralisme à deux et
demi : seul un front des francophones peut y arriver.

Déplorant l’égoïsme
du FDF qui n’a d’yeux que pour Bruxelles et se désintéresse du sort de la
Wallonie, il accueille la naissance du PRLw avec faveur aux conditions que le
nouveau parti se distancie du PLP à la sauce Vanaudenhove et rende au
libéralisme wallon le centre gauche qu’il avait perdu dans les années
soixante. Regrettant la suppression par les socialistes de la régionalisation
provisoire, il défend le pacte d’Egmont dans la mesure où il pourrait apporter
la paix communautaire. En janvier 1978, il regrette tant les conditions qui
ont conduit à l’accord du Stuyvenberg que le contenu du pacte : il craint un
éloignement et un désintérêt de plus en plus grands de la part du citoyen tant
en raison de la complexité des structures imaginées qu’en raison de la manière
de procéder choisie par le gouvernement
À propos des
Fourons, l’opposition des Flamands rend impossible le retour des six communes
à la province de Liège ; il préconise l’organisation, tant à Bruxelles qu’en
Wallonie, d’une solidarité financière qui permette de maintenir dans les
Fourons la présence de la culture française.
C’est en avril
1978, à l’occasion du congrès régional du PRLw que Hervé Hasquin fait son
entrée sur la scène politique, en présentant un rapport sur les besoins en
infrastructure culturelle et scientifique du pays de Charleroi :
réorganisation et promotion des musées existants, développement de
l’archéologie industrielle, établissement d’un centre de la documentation
dialectologique romane de la Wallonie, création d’une bibliothèque
scientifique ainsi que d’une université ouverte. Membre du PRLw dès sa
création, il refuse de se présenter aux élections de décembre 1978, préférant
tenter d’œuvrer à la réunification des forces libérales que ce soit à
Charleroi ou ailleurs (PRLw, PLW et autres).
Conseiller communal
de Charleroi (1982-1985), il devient ensuite membre de la fédération
bruxelloise du PRL qu’il fera se rallier aux idées fédéralistes qu’il défend
depuis les années soixante. Vice-président du PRL (1986-1989), Hervé Hasquin
siège comme sénateur provincial de 1987 à 1991, et est élu conseiller communal
de Woluwé-Saint-Lambert (1989-1991). Député du Conseil régional de Bruxelles à
la suite des premières élections régionales de 1989, il est vice-président du
groupe linguistique français de la Commission communautaire française
(1989-1991). Sénateur (depuis 1991), président du groupe PRL au Parlement
bruxellois (1991-1995), premier vice-président de l’Assemblée de la Commission
communautaire française (1989-1990), président du Collège de la Commission
communautaire française (1995-1999), il est ministre de l’Aménagement du
Territoire, des Travaux publics et des Communications en Région de
Bruxelles-Capitale (1995-1999), puis ministre-président de la Communauté
française, chargé des Relations internationales (13 juillet 1999-14 juillet
2004). Depuis janvier 2001, Hervé Hasquin siège en tant que conseiller
communal à Silly. Le 2 avril 2001, il a par ailleurs été élu Président du
Conseil de l'Aide sociale à Silly, fonction qu’il remplit effectivement à
partir de juillet 2004. Président de la Fédération PRL de la Province du
Hainaut de janvier 2000 à juin 2002, il a ensuite été élu Président de la
Fédération MR de la Province du Hainaut. Élu député fédéral en 2003 mais
empêché par ses fonctions ministérielles, Hervé Hasquin siège à la Chambre des
Représentants depuis juillet 2004.
Paul Delforge