Descendant de
Jean-François (1735-1838) qui participa à l’élaboration de la Constitution
belge et d’Alexandre qui fit partie du gouvernement provisoire, petit-fils
de Henry Carton de Wiart, Paul-Henry Gendebien perd son père tué sur le
front hollandais en 1944. Après l’école communale de Marbaix-la-Tour,
pensionnaire à l’École abbatiale de Maredsous, il y entame le cycle
latin-grec avant de faire sa rhétorique au Collège de Bonne Espérance, près
de Binche (1951-1957). Après six années aux Facultés Saint-Louis à Bruxelles
et à l’Université catholique de Louvain dont il sort docteur en droit (1962)
et licencié en sciences économiques (1964), il est chercheur au CRISP
(1964), puis séjourne en Afrique, comme assistant à l’Université de Kinshasa
(1965-1967). Il rédige alors un ouvrage sur l’action de l’ONU au Congo (L’intervention
des Nations Unies au Congo, 1960-1964).
Administrateur
d’Inter Sud (Association intercommunale pour le développement économique et
l’aménagement du territoire du sud Hainaut), directeur du Bureau d’étude
économique et sociale du Hainaut (1968-1971), les données économiques qu’il
a à traiter lui révèlent que plane sur la Wallonie une menace de plus en
plus perceptible d’un effondrement de l’appareil industriel, d’un
abaissement du niveau de l’emploi et tout simplement d’une anémie insidieuse
de la substance vitale de toute une région. En réaction et à la suite de
l’affaire de Louvain, il s’engage au Rassemblement wallon (1968), convaincu
de la nécessité de décentraliser l’État belge et de s’inscrire dans l’Europe
des Régions et des peuples. Dix ans après le début de la crise wallonne,
on donne les mêmes incitants à toutes les régions, tout en orientant la
majorité des investissements nouveaux vers les régions déjà favorisées
(novembre 1969). Lors d’une conférence devant la Jeune Chambre économique de
Charleroi (février 1970), il émet diverses suggestions en faveur d’un
redressement économique wallon, notamment l’encouragement à de nouveaux
investissements publics (infrastructures, équipements de logement, etc.)
comme privés, dans le tertiaire en particulier (chimie, pétrochimie,
électronique, aéronautique, etc.). Aux yeux de celui qui est alors inspiré
par des penseurs comme Edgar Pisani ou Denis de Rougemont, la seule méthode
à suivre est la décentralisation et la création de régions suffisamment
autonomes (1970).
Tête de liste de
Rénovation thudinienne, Paul-Henry Gendebien est élu conseiller communal de
Thuin (1970-1982) ; de plus en plus actif au sein du Rassemblement wallon,
il est élu député en 1971 et le restera jusqu’en 1981. Il participe alors à
la marée montante du parti wallon. À ses yeux, la Wallonie doit se donner,
elle-même, des objectifs de développement et des moyens d’action et pour
cela mettre en application l’article 107quater. En 1972,
Paul-Henry Gendebien propose de développer la route Charlemagne, reliant
Cologne à Paris, via Liège, Dinant, Couvin, en l’aménageant en routes à
quatre bandes. Sans concurrencer l’autoroute de Wallonie, ces travaux
draineraient des activités vers des parcs industriels vides. Toutefois,
c’est pour défendre l’agriculture wallonne qu’il intervient le plus souvent
au Parlement (protection contre l’impérialisme américain, statut des
agriculteurs, exploitation cohérente des forêts, etc.). Il intervient
également sur la politique économique, les relations extérieures, les
affaires énergétiques ou l’environnement (barrages sur la haute Meuse
demandés par la Flandre et les Pays-Bas).
Lors du congrès
du Rassemblement wallon placé sous le thème général de l’emploi (Namur 17 et
25 novembre 1973), P-H. Gendebien présente dans le détail comment il
appréhende la mise en place d’un plan régional d’aménagement du territoire
(alors inexistant), une restructuration des collectivités locales et une
décentralisation administrative dans l’intérêt des Wallons et des
Bruxellois. Il convient de développer de nouvelles lignes de force
économiques, politiques et culturelles autour d’un triangle reliant
Bruxelles, Charleroi et Liège, écrit-il alors (octobre 1973).

En 1973, P-H.
Gendebien apparaît comme un pionnier de l’écologie lorsqu’il publie, aux
éditions de l’Institut Jules Destrée, un ouvrage sur L’environnement… un
problème politique pour la Wallonie, pour l’Europe, pour le monde.
Dénonçant l’éparpillement des compétences en matière d’environnement, il
défend le concept de pollueur-payeur, rejette et démonte l’affirmation
suivant laquelle la lutte contre la pollution alourdirait les coûts de
production. Réclamant une politique cohérente de l’environnement (un grand
ministère), Paul-Henry Gendebien insiste sur une nécessaire coordination
européenne (normes identiques, coût équivalent…) et une socialisation du
problème de la lutte contre la pollution ; il explique enfin que le niveau
régional est le premier concerné par les problèmes d’environnement.
Lorsque Robert
Moreau devient ministre (octobre 1974), P-H. Gendebien lui succède à la
présidence du Rassemblement wallon. Il obtient 422 voix sur 489 votants lors
du congrès statutaire de Tournai (20 octobre). À l’occasion de son discours
inaugural, il confirme l’option fondamentale du parti – le fédéralisme –,
annonce des modifications internes, afin de le renforcer, et répète la
solidarité du Rassemblement wallon à l’égard de Bruxelles.
Président
(1974-1979) d’un parti qui est une des composantes du gouvernement, P-H.
Gendebien ne ménage pas ses critiques. Dénonçant, dès l’automne 1974, les
blocages du processus de régionalisation, il adresse notamment une lettre
ouverte au Premier ministre dans laquelle il exige l’accélération de la
création de trois administrations régionales (mai 1976). Soutenant la
position de Roger Nols dans l’affaire des guichets de Schaerbeek, P-H.
Gendebien reproche aussi au CVP de ne pas résoudre les problèmes du
personnel francophone de l’AGCD et de la CGER.
Très vite, les
rapports se tendent entre les ministres RW, d’une part, les parlementaires
et le président du parti d’autre part. L’achat des avions F16 (le choix du
gouvernement) ou de Mirage français (le choix de P-H. Gendebien et du
parti), le projet de réformes institutionnelles de François Perin, le
rapport politique de ce dernier (mars 1976), les options idéologiques des
uns et des autres sont quelques-unes des pierres d’achoppement.
Prêt à un
dialogue avec n’importe quel parti sur le devenir de la Wallonie, P-H.
Gendebien participe activement à la tentative de grand élargissement de la
majorité en direction du FDF et de la VU dans la perspective d’une
vraie réforme fédéraliste. L’opposition de Léo Tindemans et surtout de
Charles-Ferdinand Nothomb et François Perin à cette coalition la fait
échouer. Paul-Henry Gendebien précise qu’il est avant tout un fédéraliste
intégral dont la doctrine, riche en matière économique, sociale et
politique, repose sur les concepts d’autonomie et de responsabilité. L’État
bureaucratique et centralisateur doit être réformé (juillet 1976). À la
suite de la création du club de réflexion CRéER et des contacts étroits –
remontant à 1975 – entre Ch-F. Nothomb et Fr. Perin pour créer un parti de
centre-droit associant le PSC et l’aile dite modérée du RW, la tension
interne approche du point de rupture. Une petite phrase de François Perin
est révélatrice de cette situation : le parti est moins important que les
projets et nous devons croire en des partis instruments. Alors que
François Perin essuie un refus du comité directeur du PSC, la direction du
Rassemblement wallon publie un manifeste intitulé L’action wallonne par
le fédéralisme et les réformes de structure.
Lors du congrès
du 4 décembre 1976, la doctrine du parti wallon est précisée dans le sens du
manifeste et adoptée par ceux qui n’ont pas fusionné avec le PLP : obtention
rapide de la régionalisation définitive, rejet du centrisme et développement
d’une politique progressiste au niveau économique et social. Abandonnant une
forme de populisme, il n’opte pas pour le fédéraliste proudhonien inspiré
par Maurice Bologne mais imagine un fédéralisme social.

Les députés RW
s’étant abstenu au moment du vote du budget du ministère des Affaires
économiques, le Premier ministre révoque, en pleine Chambre, et de manière
clairement anti-constitutionnelle, les deux ministres RW (4 mars 1977). Léo
Tindemans prétend refuser de céder à “ l’impatience régionaliste ” de
Gendebien. Ce dernier réplique qu’il attend depuis 1970 la concrétisation de
l’article 107quater de la Constitution… La fin d’un RW puissant
et pressant est proche. La participation gouvernementale et l’éclatement du
parti wallon s’avèrent déterminants. Cinq députés sont élus en 1977, quatre
en 1978 ; ils ne seront plus que deux députés en 1981.
Échevin de Thuin,
chargé des Affaires économiques, de l’Environnement et de l’Aménagement du
territoire à l’issue des élections du 10 octobre 1976 (1977-1982), P-H.
Gendebien se présente sur les listes FDF-RW aux élections européennes.
Député européen (1979-1984), il proclame qu’il siégera non pas comme un élu
belge mais comme un élu wallon ; une de ses premières interventions en
atteste, puisqu’il réplique à certains députés flamands qui dénoncent la
violation des droits de l’homme en Corse en leur demandant de méditer sur
les méfaits des flamingants à Fourons et à Bruxelles ; sa candidature à
l’Europe nécessite son remplacement à la présidence du RW. En février, Henri
Mordant lui succède. La différence entre les deux hommes est manifeste ;
Mordant reste alors attaché à l’idée d’autonomie alors que Gendebien défend
à plusieurs reprises l’idée de l’indépendance de la Wallonie. Par ailleurs
Mordant accepte l’idée d’une intégration poussée du FDF et du RW, voulue par
la direction du parti bruxellois.
En 1980, P-H.
Gendebien partage le refus du RW et du FDF de participer aux fêtes du 150e
anniversaire de la Belgique. Il refuse une décoration officielle proposée
par le palais royal à un certain nombre de parlementaires. Il participe
aussi au premier congrès des Indépendantistes wallons, organisé à Liège, le
15 juin 1980, par Wallonie libre. Il y déclare qu’il n’y a plus de Belgique.
Comme le fédéralisme est dépassé, il convient, estime-t-il, de défendre
le principe de l’autodétermination pour choisir l’indépendance. Les Wallons
ne doivent plus participer à un gouvernement belge et refuser toute forme de
régionalisation (Wallonie libre, 1er juillet 1980, n°
13, p. 2).
En octobre 1981,
il n’accepte pas de se présenter sur une liste commune FDF-RW en raison
de la mainmise ouverte du FDF sur la direction du RW et de son orientation
“ communautariste ”. Il quitte le RW avec les quatre
vice-présidents ainsi que le secrétaire général. Déjà réunis au sein du
mouvement Indépendance et Progrès, tendance interne au RW, ils constituent
le Rassemblement populaire wallon à la veille des élections du 8 novembre
1981. Sur le terrain, les forces s’éparpillent. Le RPW propose alors de
former des cartels. P-H. Gendebien, Yves de Wasseige et Paul Nopère font
alliance avec le Front pour l’Indépendance de la Wallonie d’Étienne
Duvieusart. Ensemble, ils se présentent sur la liste intitulée Wallon, dans
tout le Hainaut ; Wallon recueille 5% des voix mais aucun élu. Le 11 mars
1983, le RW propose un rapprochement au RPW, sous forme d’une fédération.
Quelques jours plus tard, P-H. Gendebien annonce qu’il rentre au
Rassemblement wallon considérant qu’il n’y a plus d’obstacle sur la question
de l’indépendantisme du parti présidé par Henri Mordant. Le RW offre le
meilleur poste de travail pour œuvrer à l’unification de toutes les forces
séparatistes.

Au Parlement
européen, P-H. Gendebien intervient pour suggérer que les électeurs
fouronnais puissent choisir de voter entre une liste wallonne et une liste
flamande lors des élections européennes de 1984. Il fait aussi observer que
si la Wallonie était indépendante, elle pourrait se faire entendre au sein
de la Communauté européenne : la situation du moment la condamne à être
représentée par un ministre qui ne parle pas pour elle (Conseil des
Ministres) et à ne compter que 5 eurodéputés (contre 13 Flamands et 6
Bruxellois) alors que le Luxembourg (350.000 habitants) en compte 6 et
l’Irlande (3.000.000 habitants) en compte 15. Toujours dans la perspective
des élections européennes du 17 juin 1984, P-H. Gendebien constitue des
listes sous le sigle PWE (Présence wallonne en Europe). Partisan du maintien
d’une vraie solidarité Wallonie-Bruxelles, il appelle de ses vœux la
création d’États-Unis d’Europe, souhaite faire de Bruxelles un district
européen libre, de statut international, et inscrire la Wallonie dans
l’Europe. Le PWE n’aura pas d’élu : la présence de Wallons sur la liste du
FDF-CFE affaiblit les listes wallonnes dont le succès électoral de José
Happart, sur la liste du PS, sonne le glas.
Accompagné de
plusieurs amis politiques, Gendebien conclut alors une association avec le
PSC, au sein duquel il forme l’Alliance démocratique wallonne, dont il est
le président (1985-1988). Accueilli par un Gérard Deprez sensible à la
problématique wallonne, Gendebien figure en deuxième position sur les listes
namuroises du PSC et est élu à la Chambre (1985-1987), tandis que le docteur
Pierre Falize est élu sénateur. Paul-Henry Gendebien surprend d’emblée ses
collègues parlementaires en s’opposant aux pouvoirs spéciaux, proposés une
seconde fois par le gouvernement bleu-romain de Wilfried Martens (1985).
Chef de groupe PSC au Parlement wallon, P-H. Gendebien n’hésite pas à
déclarer, après la décision d’annulation du Conseil d’État, que José Happart
doit être bourgmestre et que les Fourons doivent retourner à la Wallonie
(septembre 1986). Au Parlement wallon, Gendebien détient le siège qui
départage la majorité PSC-PRL de l’opposition. Sans lui, la majorité
s’effondre. Gendebien profite au maximum de cet espace de liberté. Il
réussit à empêcher que le gouvernement Martens ne destitue José Happart de
son poste de bourgmestre. En effet, il a clairement fait entendre au PSC
que, dans ce cas, le gouvernement Wathelet à Namur serait renversé. Il est
encore le seul élu de la majorité à s’opposer au compromis que réserve le
gouvernement à Fourons, le 1er juin 1987. Lorsque la Volksunie
propose à la Chambre d’imposer le bilinguisme des principaux mandataires
publics régionaux et locaux dans l’arrondissement de Bruxelles-Capitale, il
se démarque à nouveau de la majorité gouvernementale (avec Cécile Goor et
André Tilquin - 18 juin). Quelques jours plus tard, il devient membre de
Wallonie Région d’Europe (22 juin 1987). Député ADW-PSC de Namur, il est
réélu dans l’arrondissement de Liège (1987-1988), avant d’exercer la
fonction de Délégué général de la Communauté française à Paris de 1988 à
1996, où il remplace Lucien Outers.
Hostile, au
lendemain de mai ’68, à l’État bureaucratique et centralisateur, P-H.
Gendebien est devenu, à la fin des années nonante, le défenseur de la notion
d’État républicain, vieille tradition romane et wallonne. Sa
réflexion qu’il développe notamment dans Splendeur de la liberté le
conduit à partager les options fondamentales d’un Jean-Pierre Chevènement ou
d’un Philippe Seghin.
Aux élections de
juin 1999, il présente des listes WALLON dans tous les arrondissements du
Hainaut (moyenne de 2,6% des suffrages). Il opte alors clairement pour la
réunion de la Wallonie et de Bruxelles à la France. En novembre, il
contribue à la fondation du Rassemblement Wallonie France dont il est le
président. Le RWF se présente aux élections fédérales de mai 2003, ainsi
qu’aux scrutins régional et européen du 13 juin 2004 : il récolte une
moyenne d’un pour cent des suffrages exprimés.
Paul Delforge