Après des études secondaires au petit séminaire
de Bastogne, Achille Englebert entre au noviciat des Franciscains de Tielt
(1909). C’est là qu’il débute des études de philosophie et de théologie
qu’il poursuivra dans d’autres établissements flamands, à Reckheim, à
Turnhout et à Saint-Trond. Il conserve un très mauvais souvenir de ce séjour
en pays flamand où il côtoie quelques-uns des futurs meneurs du Mouvement
flamand. En 1924, il est ordonné prêtre libre par le cardinal
Mercier, à Bruxelles ; deux ans plus tard, il entre au couvent des
Franciscains de Montignies-sur-Sambre, où d’ailleurs une association
flamande active est animée par le père Geysen. Dans cette forteresse du
Broederbond, ainsi que l’appelait Arille Carlier, Omer Englebert affiche
haut et clair ses sentiments wallons, bénéficiant de l’aile protectrice du
cardinal Mercier. L’abbé Englebert n’hésite pas dans son apostolat à vénérer
les saints wallons et à prêcher explicitement pour le salut de l’âme
wallonne de ses auditeurs. Après la mort du cardinal Mercier, les
vexations que suscite son engagement wallon contribueront à ce qu’il quitte
le froc religieux.
Beau-frère d’Ivan Paul, directeur du journal
La Défense wallonne, l’organe de l’Assemblée wallonne, Omer Englebert
qui était entré à l’Assemblée wallonne en 1923, avec le blanc seing du
cardinal Mercier, y représente l’arrondissement d’Arlon-Marche-Bastogne.
Tant l’abbé Englebert que le cardinal Mercier et l’Assemblée wallonne
partagent les mêmes vues : maintien de la Belgique et de la reconnaissance,
en son sein, de la spécificité et de l’authenticité de la Wallonie. Dans les
articles qu’il signera sous le nom d’Un catholique wallon dans la
Défense wallonne, Omer Englebert démontre son attachement à une Belgique
de langue française et s’oppose au bilinguisme. Membre du bureau permanent
de l’Assemblée wallonne, le précepteur qu’il devient en 1923 apporte de
nombreuses contributions aux publications wallonnes.
Membre de l’équipe de rédaction de La Terre
wallonne, dont il est un des fondateurs avec Élie Baussart et le père
Hughes Lecocq, opposé à la flamandisation de l’Université de Gand, Omer
Englebert attire l’attention des catholiques wallons sur l’importance des
questions wallonnes et notamment sur la problématique démographique et le
danger de la présence du Boerenbond en Wallonie. Il réclame des
statistiques décentralisées pour mieux appréhender la réalité wallonne ; il
encourage les Wallons à faire davantage d’enfants. Dieu est un peu plus
dans le peuple wallon que dans les autres peuples. Comme les pauvres
“ temporels ”, la Wallonie mérite une spéciale compassion et une aide
particulière pour sa grande misère spirituelle et l’indigence de Dieu où
vivent tant de ses enfants. Si elle n’est heureusement pas encore une nation
“ assistée ” dans l’Église, si au contraire elle envoie toujours des
missionnaires aux peuplades des infidèles, elle n’en exige pas moins
l’effort décuple de tous ceux de ses fils qui n’ont pas rompu la tradition
religieuse des aïeux. (…) Que ce soit le Wallon qui devienne notre
plus grand amour, comme aussi le premier bénéficiaire de notre prosélytisme
chrétien. Constatant que les catholiques flamands tendent à se séparer
des Wallons, il appartient à ces derniers de trouver les moyens de sauver la
foi en Wallonie (1920).
Collaborateur de l’Almanach wallon
(1923), de la Revue catholiques des idées et des faits, notamment,
chroniqueur sous divers pseudonymes (Un catholique wallon ou
Bertomert dans La Défense wallonne), il livre un petit billet
humoristique quotidien au xxe
siècle à partir de 1927, aux côtés de l’abbé Wallez et de l’abbé Van den
Hout. La réunion de tous ces billets donne naissance à l’ouvrage qui fera sa
renommée et lui permettra de vivre, La sagesse du Curé Pecquet
(1928). Trois autres ouvrages écrits entre 1928 et 1953 prolongeront les
aventures de ce curé ardennais.
En 1930, Englebert participe à une réunion de
l’Action wallonne à Charleroi. Son discours sage et posé montre l’attitude
respectueuse à l’égard de la Flandre qu’a le plus souvent observé le
Mouvement wallon, malgré les événements : Guerre 14-18, Université de Gand,
etc. Opposé au bilinguisme en Wallonie, Englebert dénonce les ravages que
causerait, selon lui, l’imposition du flamand en terre wallonne : Les
braconniers wallons seront traqués par des gardes flamands. Et vous verrez
ce que sera une telle lutte ! Favorable à l’accueil des Flamands, il
souligne que leur assimilation s’est toujours bien passée parce qu’ils ont
fait l’effort d’apprendre le français. Opposé à la présence du Boerenbond
dans l’agriculture wallonne, il défend les prêtres du Luxembourg qui font
obstacle à la pénétration de l’organisme flamand en terre wallonne.
Au début des années trente, l’abbé paraît
cesser ses activités wallonnes. Pourtant, il figure toujours parmi les
membres de l’Assemblée wallonne, fait partie du comité de patronage du
deuxième congrès de la Concentration wallonne et, en 1938, il est membre du
comité d’honneur du premier Congrès culturel wallon qui se tient à
Charleroi. En mai 1940, il propose ses services au Quai d’Orsay pour faire
face à l’attaque allemande. Il s’est alors établi en France, où il est
aumônier et a acquis la nationalité française. Fréquentant les cercles
littéraires, il publie une biographie du Père Damien, une Vie de saint
François d’Assise et La fleur des saints. Le prêtre-prédicateur
de l’ordre des Franciscains du couvent de Bastogne est devenu aumônier des
Dames de Sion à Évry, puis à
Grand-Bourg, en Seine-et-Oise. Dans une interview accordée à un journaliste
de Vers l’Avenir, à l’aube de ses 95 ans, il expliquera que,
souffrant de très fortes migraines, il lui avait été conseillé de changer de
pays et de voyager. Dans les années cinquante, il séjourne en Californie,
puis à New York avant de vivre au Mexique. Il écrit alors un ouvrage sur
Junipero Serra qui fonda les premières missions en Californie (1956).
Poursuivi par ses migraines, Englebert part au Pérou puis en Argentine avant
d’arriver à Jérusalem où il va vivre au Carmel du Pater à partir de 1960.
Paul Delforge