Docteur en philologie romane de l’Université
catholique de Louvain, Fernand Desonay enseigne d’abord le français dans
divers athénées (1923-1929) avant d’être chargé de cours à l’Université de
Liège (1929-1936), où il devient rapidement professeur (1936-1940). Suspendu
de sa charge par les autorités allemandes, il reprend sa chaire après la
guerre (1945-1960). Son enseignement et ses travaux de chercheur et
d’écrivain étaient et sont encore fort appréciés. Choisi par deux fois comme
doyen de la faculté de philosophie et lettres, il est fait docteur honoris
causa des Universités de Montpellier (1955) et de Bordeaux (1962) et nommé
membre de l’Académie de Langue et de Littérature françaises (1950). Il fut
aussi journaliste à ses heures.
Prisonnier de guerre lors du premier conflit
mondial (jeune rhétoricien, il tenta à deux reprises de rejoindre l’armée
belge sur le front de l’Yser et par deux fois fut jeté en prison par les
Allemands), il croit, pendant quelques années, que l’Italie de 1929
continuerait à défendre les valeurs d’une antique civilisation latine.
Détrompé, il s’insurge contre la soif d’un pouvoir fort qui n’est qu’une
abdication. Auteur d’ouvrages assez incisifs (Clartés sur le français
d’aujourd’hui, notamment), il se laisse séduire par le rexisme et écrit
régulièrement des articles dans Rex (1936-1937) avant d’interrompre
brutalement cette collaboration et de participer à quelques meetings
organisés par la Légion nationale de Paul Hoornaert (1938). Collaborateur de
la revue Le Guetteur wallon, il a participé au premier Congrès
culturel wallon, en 1938, organisé par l’Assemblée wallonne, et présenté un
rapport consacré au Type wallon. Ses prises de position contre l’Allemagne
durant l’Entre-deux-Guerres ont eu pour effet que l’occupant l’a suspendu
dans ses fonctions de professeur dès 1940. Durant cette période, son
activité scientifique reste grande ; par ailleurs, il aide aussi des
étudiants juifs, apporte sa contribution à la presse clandestine et
participe à des opérations du maquis.
Membre du Congrès culturel wallon (1955),
directeur de l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique
(1955-1973), membre de la Société des Amis de l’Art wallon (1965) – il est
président de sa section littéraire –, président de la Commission littérature
française du Centre culturel wallon (1956), il publie un livre intitulé
L’Âme wallonne, qui reprend et amplifie son intervention du Congrès
wallon de 1938. Pour Desonay, le type wallon existe. Au physique,
écrit-il, le Wallon est courtaud, bas sur jambes, sec et noir comme
écouvillon. Il se risque également à tracer un portrait moral. Sa
méditation n’est pas concentrée (…). Les nuances, bien plus que le
cristal, le retiennent penché sur le prisme. (…) Il ne manque pas de
faconde (…) il est frondeur et narquois et (…) aime par dessus
tout la liberté. (…) Le peuple wallon est un peuple qui chante.
(…) On oppose souvent la riche palette du peintre flamand aux tonalités
expressives de la musique de Wallonie. (…) Mais l’âme wallonne est
une et diverse à la fois, poursuit encore Fernand Desonay. (…) Ce
n’est pas seulement affaire d’accent, ni de coutume, c’est aussi une
question de traditions folkloriques (…). Le Wallon aime s’amuser et
bien vivre. Décrivant le sillon industriel et les vallons de l’Ardenne,
Desonay voudrait que les gens de Wallonie partagent son amour de
notre petit coin de sol.
En 1968, Fernand Desonay s’engage en politique
et accepte de figurer sur la liste électorale que le FDF présente au Sénat,
en mai 1968. Figurant en 14e position, le professeur émérite de
l’Université de Liège ne brigue évidemment aucun mandat mais apporte ainsi
son soutien à un combat qu’il lui tient à cœur, la défense de la langue
française à Bruxelles.
Fernand Desonay perdra la vie tragiquement, en
se noyant accidentellement dans l’Ourthe, en 1973, treize années après sa
mise à la retraite officielle du monde universitaire où il jouait pourtant
encore un rôle important. Il était aussi resté directeur de l’Académie de
Langue et de Littérature françaises, ainsi que membre du Conseil
international de la Langue française, entre autres activités.
Paul Delforge