Yves de Wasseige est âgé de 19 ans à la
Libération. C’est à ce moment qu’il s’engage comme volontaire dans les
Brigades d’Irlande de l’Armée belge. À son retour, il s’inscrit à l’Université
catholique de Louvain où il poursuit des études d’ingénieur civil des mines
(1950). Il sera aussi licencié en sciences économiques de la même université
(1951). À la fin de ses études, il fait figure d’isolé en s’opposant, à
Louvain, au retour de Léopold III.
D’abord engagé comme animateur à la formation
des futurs délégués d’entreprises au sein du Mouvement ouvrier chrétien,
Yves de Wasseige fait partie d’un groupe d’universitaires, lié au MOC, qui a
véritablement pris conscience des problèmes wallons. Sa prise de conscience
des problèmes économiques de la Wallonie est aiguë : charbonnages,
infrastructures, etc. Élie Baussart marque aussi la pensée de de Wasseige
qui rencontre fréquemment François Perin au sein du groupe Esprit.
Toujours dans le cadre du MOC, Yves de Wasseige participe à des sessions de
formation, à des Journées d’études, ainsi qu’aux semaines sociales
wallonnes.
Membre de la régionale de Charleroi de
Rénovation wallonne (1952), membre du comité directeur de celle-ci (1961),
il s’intéresse particulièrement aux problèmes économiques et, de ce fait,
participe aux travaux des Commissions de Rénovation wallonne traitant des
questions économiques. En 1960, cet ingénieur de Hainaut-Sambre, par
ailleurs professeur à la FOPES, soutient dans son service les grévistes
opposés à la loi unique. À Charleroi, au début du Walen buiten
(1958), au sein du Comité d’anciens de Louvain dont l’objectif était, à
l’origine, de maintenir la section francophone de l’université, il défend et
finalement provoque un tournant fédéraliste. À partir de ce moment, le
comité s’est notamment battu pour obtenir le transfert de l’université à
Charleroi.
Membre de l’Institut Jules Destrée, il est
invité par la jeune asbl à présenter une conférence à Charleroi sur Les
solutions wallonnes aux points de vue économique et social (23 novembre
1962). En 1963, il fait la rencontre de Robert Moreau au moment où un groupe
de travail prépare les statuts du Front wallon. Membre du MPW, membre du
bureau régional du MOC, il facilite la création du Parti wallon en
organisant la rencontre de François Perin et de Robert Moreau (1964).
Membre-fondateur de Rénovation pour l’union des progressistes (1970), membre
du conseil général de Rénovation wallonne (1968-1980), membre du Groupe de
réflexion Bastin-Yerna, créé en 1968, il répond à l’appel au rassemblement
des progressistes lancé par Léo Collard en participant à la publication du
livre Quelle Wallonie ? Quel socialisme ? (1971). Favorable à une
ouverture à gauche du Rassemblement wallon auquel il adhère en décembre
1976, il opte pour la ligne politique de Paul-Henry Gendebien au sein du
parti wallon.
Ingénieur aux usines Hainaut-Sambre
(1958-1975), il fait le choix de quitter l’industrie pour la politique dans
le but déclaré d’œuvrer en faveur de la Wallonie ; il est alors chef de
Cabinet du ministre des Affaires économiques André Oleffe puis, à la mort du
ministre, chez son remplaçant, Fernand Herman (1975-1976). Ce changement
d’homme et surtout de politique ne lui plaît guère et il devient ingénieur
délégué général au Commissariat de l’Énergie atomique (1977-1979), laissant
le poste à Jean-Luc Dehaene. Hostile aux positions unitaristes défendues par
les partis traditionnels, délégué du Rassemblement wallon au Conseil
régional wallon (1979-1981), il est élu sénateur RW,
coopté par la province de Namur (1979-1981).

Se revendiquant de la famille
démocrate-chrétienne, il ne cache pas sa sympathie pour l’option
indépendantiste, considérant que le fédéralisme comme processus de
transformation de l’État a échoué (juin 1981). Élu secrétaire général du
Rassemblement wallon (28 juin 1981), membre du groupe Indépendance et
Progrès, il contribue au basculement de son parti vers l’indépendance.
Minorisé lors d’un bureau fédéral du RW par les partisans d’une alliance
étroite entre le FDF et le Rassemblement wallon (3 octobre 1981), il prend
l’initiative, avec Gendebien, de soustraire Indépendance et progrès du
Rassemblement wallon et de former un nouvel instrument politique, le
Rassemblement populaire wallon. Yves de Wasseige préside ce nouveau parti
qui, aux élections du 8 novembre 1981, se présente en cartel avec le PS à
Liège, Verviers et dans le Brabant wallon. Dans le Hainaut, de Wasseige ne
parvient pas à faire cartel avec le PS bien qu’il réponde favorablement à un
appel de Guy Spitaels au rassemblement des francophones face à l’agressivité
des Flamands dans un certain nombre de dossiers touchant la Wallonie et
Bruxelles (sidérurgie, aéronautique, commerce extérieur, périphérie
bruxelloise). Le PS ayant gagné deux sièges en province de Liège, Yves de
Wasseige est choisi par le Parti socialiste comme sénateur provincial, par
apparentement (1981-1984).
Le président du Rassemblement populaire wallon
n’en demeure pas moins attaché à son parti dont il précise la doctrine à
l’occasion d’un conseil général (Namur - 13 mars 1982) : rassemblement de la
gauche wallonne et conquête de l’indépendance. Partisan de l’indépendance de
la Wallonie, le RPW fait surtout des propositions pour rénover l’économie :
se servir du service public pour rendre un souffle aux entreprises
wallonnes, mener une politique financière vraiment propice aux
investissements, améliorer la sécurité vitale des citoyens sans casser
l’appareil économique, concentrer les moyens destinés à la percée de
l’innovation technologique, revitaliser le tissu social en stimulant les
initiatives de base et adapter la distribution du crédit aux nécessités de
la Wallonie. Si la Wallonie reste dans l’État belge, elle disparaîtra de
la carte économique.
Après quelques années d’existence (1981-1984),
le RPW perd petit à petit des membres importants. En septembre 1984, en même
temps que José Happart, Yves de Wasseige adhère au PS ; ils veulent ainsi
rassembler tous les Wallons au sein d’une même force politique progressiste,
capable de développer une politique économique et sociale pour la Wallonie.
Il se représente, comme septième candidat à la Chambre, sur les listes du PS
de Charleroi, le 13 octobre 1985. Sénateur coopté de 1985 à 1991, il siège
au sein du groupe PS du Sénat sous l’étiquette RPW. Atteint par la limite
d’âge fixée par les statuts du PS (1991), il met un terme à sa carrière
politique active.
Auteur de nombreux articles dans la Revue
nouvelle et dans la revue Esprit (sur les grèves de 60), auteur
d’un ouvrage sur les mécanismes de l’économie et sur le nucléaire, Yves de
Wasseige a également participé à l’ouvrage Priorité : 100.000 emplois. Un
objectif pour le rassemblement des progressistes. Mais c’est surtout son
plan pour la mise en place d’une entité sidérurgique wallonne qui nourrira
les réflexions au moment où la sidérurgie wallonne est en crise. Il aura
l’occasion de l’exposer lors du congrès du RW du 11 mars 1978 : pour lui, il
convient de créer une seule société wallonne de sidérurgie à capitaux
mixtes, publics et privés, chargée notamment de commercialiser tous les
produits, de la gestion financière des capitaux, des filiales étrangères de
production d’acier et de l’achat des matières premières. En termes d’emploi,
de Wasseige prévoit le maintien du niveau atteint le 31 décembre 1977,
exceptés les pensionnés, les pré-pensionnés et les travailleurs transférés
vers les sociétés de reconversion. Ce plan implique une régionalisation des
subsides. Lors du congrès constitutif de Wallonie Région d’Europe, il
apporte sa caution à la naissance du nouveau mouvement wallon (Namur, 25
septembre 1986) et prend la direction du groupe de travail consacré à
l’économie.
De juillet 1992 à fin décembre 1994, date de sa
démission, Yves de Wasseige exerce les fonctions de juge à la Cour
d’Arbitrage. Il n’en continue pas moins de signer des articles dans Le
Journal-Le Peuple, sous le pseudonyme de Martin et dans République,
sous celui de Necker. Depuis 1990, il est notamment administrateur de la
Fondation Bologne et de l’Institut Jules-Destrée.
Paul Delforge