André Cools est né et a grandi dans le monde ouvrier, plus précisément dans
la Maison du Peuple que géraient ses parents à Flémalle. Son grand-père
paternel, ouvrier à Marihaye, fut longtemps privé du droit de vote en raison
d’un lourd casier judiciaire pour fait syndical. Son père, Marcel, était
délégué syndical des métallurgistes de la province de Liège et échevin du
POB à Flémalle. La pensée d’André Cools restera imprégnée de ce milieu
rempli de solidarité et d’amitiés : ce sont les amis (Joseph Sevrin, Émile
Deloye, etc.) de son père, déporté et décapité à Mauthausen (1942), qui le
prendront en charge, lui permettant de terminer ses humanités gréco-latines.
Secrétaire-receveur de la Commission d’assistance publique (1947), André
Cools est membre du Parti socialiste belge depuis 1944 et devient député en
1958 ; il n’a que 31 ans. C’est le début d’une longue carrière politique qui
le portera de Flémalle à la Chambre des Représentants, puis au gouvernement
belge, à la tête du Parti socialiste, à la Région wallonne, avant de revenir
à la tête de sa commune de Flémalle, le 1er mai 1990 : il est
tour à tour conseiller communal (1949-1968), député (1958-1991), bourgmestre
de Flémalle-Haute (1964-1991), ministre du Budget (1968-1971), vice-Premier
ministre (1969-1972), président du Parti socialiste belge (1973-1978) puis
du Parti socialiste (1978-1981), ministre d’État (1983), président du
Conseil régional wallon (1982-1985), ministre de la Région wallonne, en
charge des Pouvoirs locaux, Travaux subsidiés et Eau (1988-1990).
André Cools prend pleinement conscience du problème wallon au moment où il
assiste au Congrès national wallon de Liège, en octobre 1945. Il n’a alors
que 18 ans. En 1971, il deviendra membre du Comité permanent du Congrès
national wallon. Les manifestations contre le retour de Léopold III (il
accomplit alors son service militaire) ainsi que les grèves de 1960 viennent
encore renforcer cette prise de conscience. Membre de Wallonie libre (1959),
considéré comme un renardiste, il adhère au Mouvement populaire wallon dès
sa création en 1961 ; il sera notamment le président de la section locale de
Flémalle-Haute du Mouvement populaire wallon, vice-président de la cantonale
de Flémalle et il entrera, avec Gilbert Mottard, au Conseil général du
mouvement (Bulletin de la Fondation André Renard, numéro spécial
André Renard, n°38, avril 1973, p. 24). Présent à tous les grands
rendez-vous wallons du début des années soixante, André Cools fait notamment
partie du comité de patronage du pétitionnement (1963).

Quand, avec Freddy Terwagne, Léon Hurez et Ernest Glinne, le nouveau
bourgmestre de Flémalle-Haute se retrouve à la lisière du Parti socialiste
belge, en décembre 1964, il choisit de défendre l’idée wallonne à
l’intérieur du PSB. Militant socialiste avant tout, André Cools dénonce
néanmoins l’accord PSB-PSC de janvier 1965. Considéré comme rebelle à ce
moment, il se retrouve sept ans plus tard à la tête du gouvernement qui
introduit dans la Constitution les principes de réformes institutionnelles
instaurant une forme de régionalisme en Belgique. Appelé par J-J. Merlot, il
avait accepté de participer à ce gouvernement pour pouvoir mettre en
application les conclusions des congrès des socialistes wallons de Tournai
et Verviers (1967), auxquels il avait apporté sa contribution au sein de la
Commission Infrastructures. Artisan des accords Klemskerke-Verviers, il
avait aussi contribué à une ébauche de fédéralisation des structures
internes du PSB (parité au bureau national, reconnaissance du Comité
permanent des fédérations wallonnes). Ministre du Budget (1968), il succède
à J-J. Merlot mort tragiquement en 1969, au poste de vice-Premier ministre
(23 janvier 1969). À la mort de Freddy Terwagne et suite à l’élection d’Edmond
Leburton à la coprésidence du PSB, André Cools abandonne le Budget pour les
Affaires économiques, où il attache son nom à la loi sur le contrôle des
prix.
Lorsqu’il participe aux divers gouvernements qui se succèdent entre 1971 et
1974, André Cools fait montre de très peu d’empressement pour appliquer les
nouveaux principes constitutionnels. Partisan d’une régionalisation très
modérée, André Cools paraît alors vouloir avant tout combattre les tendances
fédéralistes nées en dehors du PSB et tenter de maintenir à tout prix
l’unité ouvrière. Le PSB est en effet le dernier parti dit traditionnel à se
scinder en une aile wallonne et une aile flamande. Au lendemain des
élections du 10 mars 1974, il refuse de participer aux discussions de
Steenokkerzeel et accepte de facto de se retrouver dans l’opposition,
devenant un farouche adversaire des institutions wallonnes nées de la
régionalisation provisoire.
En juin 1976, alors que les socialistes wallons réunis en congrès à Jolimont
approuvent le projet de régionalisation définitive élaboré par le bureau du
PSB, André Cools reprend l’initiative et propose aux autres partis (au
pouvoir) de discuter de son plan. En accord avec les souhaits de la FGTB, ce
projet de révision constitutionnelle servira de référence durant toute la
période de négociations conduisant à la réforme de 1980 ; il prévoit la
suppression des provinces, des conseils culturels et du Sénat ; il crée
trois régions (Wallonie, Flandre, Bruxelles) dotées de réels pouvoirs
politiques (exécutif et législatif distincts du national) et financiers. Les
compétences des trois régions recouvrent la politique d’expansion
économique, l’emploi, la législation industrielle, la politique foncière, le
logement, l’agriculture, l’infrastructure touristique, la politique
familiale et démographique, l’hygiène, la chasse, la pêche, l’urbanisme, la
restructuration et le renforcement des pouvoirs locaux. De 1976 à 1980, le
président du PSB devient le porte-parole du front des francophones
(PSB-FDF-PSC) et négocie pas à pas le processus de mise en application de
l’article 107quater, qu’il avait contribué à faire inscrire dans
la Constitution (1970), passant du Pacte d’Egmont (1977) au Stuyvenberg
(1978) avant que la loi de régionalisation soit enfin votée durant l’été
1980. Ses choix communautaires et sa manière de négocier seront diversement
appréciés tant au sein de son parti qu’au sein du Mouvement wallon. En 1980,
les journalistes politiques le désigne comme l’homme politique de l’année.
C’est sous sa présidence que le PSB devient le Parti socialiste. Après avoir
défendu pendant des années le plus petit commun multiple entre les
socialistes wallons, flamands et bruxellois, André Cools a ainsi décidé de
partir à la recherche du plus grand commun dénominateur entre socialistes
wallons et bruxellois. Le 27 janvier 1979, la séparation PS/SP est
consacrée. Dans une Lettre ouverte à des citoyens désemparés, André
Cools fait du “ communautaire ” la question essentielle à résoudre : sans
régionalisation de l’État, aucun problème (économique, social ou autres) ne
peut être réglé (Le Peuple, 10 février 1979).
Coprésident du PSB et premier président du PS, André Cools cède son poste à
Guy Spitaels dont il soutenait la candidature en 1981. L’année 1982 marque
un changement encore plus radical dans sa perception de la problématique
wallonne. Il constate amèrement que les efforts qu’il a déployés pendant
vingt ans pour maintenir la Belgique, en étant conscient des spécificités
régionales, ont échoué. Se rapprochant des conclusions de François Perin
suivant lesquelles la Belgique va éclater en deux ou en trois, il se dit
favorable à un régionalisme radical proche d’une forme de co-fédéralisme
(Le Soir, 29 avril 1982). Dénonçant l’insupportable domination de
l’État CVP même sur la Wallonie, il œuvre en faveur d’un
approfondissement de la deuxième réforme de l’État qui a créé des
Communautés et des Régions disposant d’un Exécutif et d’une Assemblée
légiférant par décret.
Président du Parlement wallon qu’il avait appelé de ses vœux, il réclame
l’installation à Namur de l’Exécutif régional wallon. Sans la présence de
l’Exécutif en Wallonie, auprès de l’Assemblée, la régionalisation risque de
n’être qu’une idée et non un fait établi (Le Soir, 21 octobre
1982). Ministre de la Région wallonne (1988-1990), il attache notamment son
nom au décret sur l’eau avant de se retirer de la vie politique, le 1er
mai 1990. À la tête d’un véritable réseau économique qu’il avait tissé, il
entendait continuer à œuvrer pour le développement économique de la région
liégeoise, lorsque, le 18 juillet 1991, un bras meurtrier met violemment un
terme à sa vie. Le procès visant à élucider cet assassinat s’est ouvert à
Liège le 17 octobre 2003. Fin décembre, la sentence était rendue : les
tueurs et commanditaires immédiats étaient condamnés.
Paul Delforge