
Comme nombre de jeunes de sa génération, Jean Mal voit ses
études perturbées par le déclenchement de la Seconde Guerre
mondiale. Obligé d’interrompre ses études en chimie à
l’Université du Travail à Charleroi, il décide, en 1942, de fuir
la Belgique occupée. Fait prisonnier à Alicante (1942-1943), il
parvient à gagner l’Angleterre où il s’engage comme volontaire
de guerre. Parachutiste SAS, il participe à la mission NOAH dans
l’Ardenne franco-wallonne à partir du 15 août 1944 et accomplira
la campagne des Ardennes durant l’hiver 1944-1945 avant de
contribuer à l’avancée des Alliés aux Pays-Bas et en Allemagne.
La paix revenue, Jean Mal connaît plusieurs expériences
professionnelles dans le secteur de la vente de produits,
d’import-export en matériel agricole en Europe, ainsi qu’en
Afrique du Nord et en Afrique noire. Délégué d’une
multinationale en Espagne où il réside de 1978 à 1984, Jean Mal
conserve des contacts constants avec le pays wallon. Celui qui
avait écouté l’abbé Mahieu lors de meetings dans le pays de
Charleroi (1937-1938) s’engage dans le Mouvement wallon en 1969,
en adhérant au Rassemblement wallon.
En 1971, au moment de l’affaire de Zeebrugge, et alors que les
parlementaires renâclent à mettre en application l’article 107
quater de la Constitution qu’ils viennent de réviser,
Jean Mal décide avec Norbert Brassinne de tenter quelques
actions d’éclat pour réveiller la conscience des Wallons.
Ensemble, ils se présentent d’abord devant le Parlement, à
Bruxelles, avec des pancartes arborant le coq wallon (29 juin).
La gendarmerie confisque leur matériel. Ils se rendent ensuite à
Colombey-lez-deux-Églises (2 juillet). Jean Mal porte le béret
rouge des anciens parachutistes de Londres. Ils se présentent
comme les ambassadeurs de la Wallonie libre et européenne,
expliquant que la Belgique est morte et que la Wallonie veut
disposer des outils nécessaires, notamment sur le plan
économique, pour faire sa place en Europe. Après un hommage au
monument Jules Destrée à Charleroi où ils se postent avec de
grands panneaux de revendications, Jean Mal et Norbert Brassinne
se rendent sur la Grand Place de Bruxelles (6 juillet). Ils sont
immédiatement arrêtés et détenus au commissariat. Quelques jours
plus tard, avec des pancartes surmontées d’un coq et d’une main
ensanglantée, ils déambulent dans les rues de Bruxelles avant de
remettre des messages aux parlementaires François Perin et
Pierre Ruelle. Ils sont interpellés et interrogés par la Sûreté
(8 juillet). Pugnaces, ils rendent une nouvelle visite au
Parlement (16 juillet), où ils remettent des messages à tous les
mandataires wallons et francophones bruxellois qu’ils supplient
de ne pas trahir la Wallonie. Ils seront arrêtés. Cela ne les
empêche pas de distribuer encore des tracts, dans la rue cette
fois, tracts qui reprennent des extraits de
La
Wallonie terre romane de Félix Rousseau. Menant par la suite
des actions moins spectaculaires, Jean Mal reste opiniâtrement
motivé par la mise en place d’un
état wallon.
En décembre 1976, Jean Mal participe à l’Assemblée commune des
trois Mouvements wallons (Liège 18 décembre 1976), mais ses
séjours à l’étranger entravent son activité au sein du Mouvement
wallon, même s’il conserve un contact régulier avec lui. Se
revendiquant d’ailleurs comme un Wallon travaillant à l’étranger
(il est à Madrid en 1979), il ne cesse de suivre l’évolution de
la question wallonne. Membre de Wallonie libre, il menace de ne
pas poursuivre son abonnement au journal si le mouvement
n’arrête pas de tergiverser dans la définition de son programme.
La solution c’est le divorce par consentement mutuel,
écrit-il en juin 1979.
En avril 1980, alors que la Belgique entame les célébrations de
son 150e anniversaire, Jean Mal démissionne de tout
organisme belge, considérant que la seule solution réside dans
une Wallonie indépendante, proche de la France. Quant au statut
de Bruxelles, Jean Mal considère que la région bruxelloise doit
devenir un district européen financé par la Communauté
européenne et n’appartenant ni à la Flandre ni à la Wallonie. À
ses yeux, la Belgique est morte après 150 ans d’un mariage
contre nature.
Membre du directoire de Wallonie libre (1983-1987), où il
représente les Wallons de l’extérieur, il participe aux réunions
de l’ARFE, de l’Assemblée des Régions d’Europe, du Comité des
Régions d’Europe, du Comité de Travail des Pyrénées, du Conseil
des Pouvoirs locaux et régionaux, du Centre européen des
Cultures régionales. Il a aussi participé à la mise en pratique
de projets européens CEDRE (devenu PACTE), tels que recyclage de
pneus, de plastiques, etc.
Fin 1996, suite à l’élection de Luc Van den Brande à la
présidence de l’Association des Régions d’Europe, il prend
l’initiative d’organiser des rencontres-débats sur le devenir de
la Wallonie. À Namur, avec l’aide de Christian Bouvier, il
organise des dîners-causeries au cours desquels les sujets
d’actualité concernant la Wallonie sont abordés. En 1998, Jean
Mal prend une part active dans la création de l’Association
France-Wallonie-Bruxelles.
Depuis le sud de la France où il avait choisi de vivre les
dernières années de sa vie, Jean Mal restait en contacts
constants avec ses amis wallons, venant régulièrement leur
rendre visite et leur donner conseils pour davantage d’autonomie
politique, rêvant sans doute d’un jour où plus aucune frontière
ne séparerait son lieu de résidence de sa terre natale.
Paul Delforge |