C’est
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que Jacques Hoyaux
embrasse la cause wallonne. À l’Athénée d’Uccle où il effectue
ses humanités et où le préfet n’est autre qu’Albert Peeters, il
s’occupe du Cercle d’études wallonnes, dont il est
successivement trésorier et président (1945-1948). Quand il
entame des études de Droit à l’Université libre de Bruxelles, il
découvre le Cercle des Étudiants wallons, encore fortement
marqué par l’Occupation et la Résistance et en dévient le
président en 1953. Docteur en Droit de l’Université libre de
Bruxelles (1954), Jacques Hoyaux exerce diverses fonctions avant
de s’occuper d’aménagement du territoire et de devenir
secrétaire de la Fédération belge de l’Urbanisme et de
l’Habitation (1957-1960). En 1960, il regroupe ses activités
professionnelles et militantes à Charleroi. Professeur à
l’Université du Travail Paul Pastur (1960) puis, plus tard, à
l’Institut provincial des Sciences appliquées (IPSSA), il est
actif dans les sections socialistes depuis son affiliation en
1952.
Dans le mouvement wallon, on milite
à l’Association touristique de Wallonie, à la Fédération de
Charleroi de Wallonie libre, il participe aux congrès du Congrès
national wallon et, après la grève de l’hiver ’60-’61, est
membre de la section de Charleroi-ville du Mouvement populaire
wallon, du directoire de Wallonie libre, et de la Délégation
permanente des Quatre Mouvements wallons. Au sein de la CGSP et
de la FGTB, il plaide en faveur d’une ouverture des syndicats à
la dimension wallonne. En tant que membre de la sous-commission
culturelle du Comité permanent d’études et d’action des
socialistes wallons (1961-1962), Jacques Hoyaux exige une
véritable autonomie culturelle au profit de la Wallonie, ainsi
que la reconnaissance d’une communauté wallonne et de son
intégrité française. Partisan d’une fédéralisation de la
Belgique, il suggère d’attribuer les compétences culturelles à
chacune des trois chambres régionales (bruxelloise, flamande et
wallonne) et réclame l’établissement d’un ministère unique de
l’Éducation et de la Culture placé sous la direction d’un
ministre wallon, compétent en matière culturelle, d’enseignement
et d’emploi des langues.
Devenu président de la section PSB
de Lambusart – il le sera pendant vingt ans – J. Hoyaux est
l’auteur, en septembre 1963, d’un rapport où il revendique la
fédéralisation du parti « (…) un impératif absolu ». Il est
l’objet de vives critiques de la part de la Fédération
socialiste de Charleroi. Pendant quelques semaines, il est même
interdit de parole devant les sections. En 1969, Lucien
Harmegnies, ministre de l’Intérieur, propose à Jacques Hoyaux
d’être candidat à la Commission permanente de Contrôle
linguistique. Dès le mois d’août et jusqu’en 1974, il préside la
section française de la CPCL et rend cohérence à la
représentation de la Wallonie et de Bruxelles. En 1972, Jacques
Hoyaux devient conseiller au Cabinet de Lucien Harmegnies,
désormais ministre de la Coopération au Développement dans le
dernier gouvernement de Gaston Eyskens. Cet intérêt pour la
coopération sera constant. En 1973, il est encore chargé de
mission auprès de la députation permanente du Hainaut et
spécialement auprès de Richard Carlier.

Candidat au Sénat aux élections de
mars 1974, Jacques Hoyaux (2.681 vp.) entame son parcours
parlementaire comme sénateur provincial du Hainaut. Il a fait
campagne en affichant ses couleurs wallonnes face à un
Rassemblement wallon où militent nombre de ses amis. Dans le
gouvernement de Leo Tindemans, le Rassemblement wallon essaye de
mettre en application l’article 107 quater introduit
dans la Constitution en 1970. Ne disposant pas de la majorité
des deux tiers, la majorité de Leo Tindemans adopte une loi
ordinaire de régionalisation provisoire préparée par le duo
Perin-Vandekerckhove. La loi du 1er août 1974 définit
notamment les limites de la Wallonie, la dote d’un budget, de
compétences, d’un Comité ministériel et d’un Conseil régional au
rôle consultatif. Fortement tenté de soutenir et de participer à
ses toutes premières institutions régionales wallonnes, Jacques
Hoyaux se plie à la stratégie du PSB et, solidaire avec ses
collègues socialistes wallons, boycotte les travaux d’un Conseil
wallon, dont il est membre de droit (novembre 1974-mars 1977).
Dans l’opposition, le PSB d’A. Cools va prendre la question de
la régionalisation à bras le corps, poussé par ses fédérations
wallonnes. Par le biais du mouvement wallon, Jacques Hoyaux
multiplie les prises de position en faveur de l’implantation
d’un Parlement wallon à Namur, en faveur de la régionalisation
de l’administration et par conséquent pour que les grandes
villes wallonnes accueillent des administrations compétentes
pour toute la Wallonie. Progressivement un accord se réalise
tant au sein du PSB, entre les ailes flamande, wallonne et
bruxelloise, qu’avec la FGTB (juin 1976). Le 19 juin, le congrès
de Jolimont dote les socialistes wallons d’un projet de
régionalisation qui reçoit l’aval de la FGTB. Le 27 juin, à
Bruxelles, le PSB-BSP quasi unanime adopte dans
l’enthousiasme son plan de régionalisation définitive qui a fait
l’objet d’un compromis entre les membres du bureau. Ce projet
servira de référence durant la période de négociations qui
s’ouvre ; il prévoit la suppression des provinces, des conseils
culturels et du Sénat ; il crée trois régions (Wallonie,
Flandre, Bruxelles) dotées de réels pouvoirs politiques
(exécutif et législatif distincts du national) et financiers.
Lorsque le PSB revient aux affaires
(printemps 1977), il impose à ses partenaires une négociation
institutionnelle et les accords d’Egmont et du Stuyvenberg
témoignent des fermes intentions du parti de J. Hoyaux.
Reconduit directement au Sénat par les seuls électeurs (10.136
vp. en 1977), J. Hoyaux est choisi comme Secrétaire d’État aux
Réformes institutionnelles dans le nouveau gouvernement de Leo
Tindemans (3 juin 1977-20 octobre 1978). La nouvelle majorité
supprime le Conseil régional wallon provisoire, mais conserve au
sein de l’exécutif national le Comité ministériel des Affaires
wallonnes, présidé cette fois par Guy Mathot et Jacques Hoyaux
en fait partie (3 juin 1977-20 décembre 1978). Pendant de longs
mois, il va s’attacher à transcrire en projets de loi les
dispositions du Pacte d’Egmont et à préparer les textes mettant
en place la régionalisation définitive ainsi que les statuts de
la future Cour d’arbitrage. Achevant sa mission le 15 décembre
1977, aidé par un Cabinet composé notamment de Jean-Claude
Damseaux, Philippe Quertaimont et Philippe Suinen, le ministre
Hoyaux souligne que l’adoption rapide des textes permettra, dès
l’année suivante, aux Conseils régionaux wallon, flamand et
bruxellois de prendre des ordonnances ayant force de loi dans
toute une série de matières reconnues en tant que compétences
exclusives. Aucune ingérence du Parlement national ne sera
possible dans les décisions régionales. Pour le régionaliste
wallon, l’humeur est à l’optimisme ; mais le CVP renâcle.
Les discussions s’éternisent. Un Comité des XXII est mis en
place, de nouvelles dispositions sont prises au Stuyvenberg
nécessitant une adaptation des textes à laquelle J. Hoyaux se
plie de bonne grâce, quand, en octobre 1978, Leo Tindemans cède
à la pression des groupements flamands et remet, d’initiative,
la démission de son gouvernement. Le Pacte d’Egmont-Stuyvenberg
est mort-né. Tout le travail préparatoire fourni par J. Hoyaux
devient obsolète quand Leo Tindemans renie les engagements du
CVP. Dans le gouvernement de transition de P. Vanden
Boeynants (20 octobre 1978-3 avril 1979), J. Hoyaux reste
Secrétaire d’État.

Reconduit comme sénateur en
décembre 1978 (13.883 vp.), il est à nouveau choisi pour siéger
dans le gouvernement de Martens I. Cette fois, il est ministre
de l’Éducation nationale (F) et, de facto, membre du
premier Exécutif de la Communauté française intégré dans le
gouvernement national et présidé par Michel Hansenne (3 avril
1979-16 janvier 1980). Avec les partis de la majorité, Jacques
Hoyaux adopte la loi du 5 juillet 1979 coordonnée par la loi du
20 juillet 1979, créant des exécutifs régionaux et
communautaires provisoires au sein du gouvernement national,
tout en supprimant les dispositions de la loi ordinaire du 1er
août 1974. De courte durée, sa fonction ministérielle est
marquée par une circulaire fixant la prise de présence des
enseignants et par une série d’incidents à Comines, en septembre
1979, lorsque le ministre refuse d’y ouvrir une école flamande.
Un an plus tard, un accord communautaire tombera, l’Éducation,
toujours nationale mais française, acceptera de subsidier
l’école bien que le nombre d’élèves soit insuffisant et, en
échange, la Flandre s’engagera à faire avancer les travaux de
liaison routière Pecq-Armentières. Cette route figurera dans un
autre paquet de négociations en 1988 et les travaux ne seront
finalement achevés qu’en 1998…
En janvier 1980, lorsque le CVP
décide de débarquer le FDF du gouvernement, Jacques Hoyaux perd
lui aussi ses attributions ministérielles. Néanmoins, l’accord
institutionnel est proche. Si Martens II trébuche encore
(avril), la majorité des deux tiers est acquise avec l’apport
des libéraux durant l’été. Le sénateur Hoyaux peut ainsi voter
la loi spéciale du 8 août 1980 et la loi ordinaire du 9 août,
donnant naissance notamment à la Région wallonne, à son exécutif
et à son assemblée législative propres. Dès le 15 octobre, il
participe à la toute première séance du nouveau Conseil régional
wallon établi provisoirement à Wépion et, après avoir réglé les
querelles de procédure, il est élu vice-président du bureau (6
novembre 1980). Il conservera cette fonction après le scrutin du
21 novembre 1981 (14.411 vp.), jusqu’au 26 janvier 1983. En
octobre 1985, il achève ses mandats de sénateur (1974-1985), de
membre du Conseil régional wallon (1974-1977, 1980-1985) et de
membre du Conseil de la Communauté française (1974-1985).
Délégué de la Communauté française de Belgique à l’Agence de
Coopération culturelle et technique à Paris (ACCT) en qualité de
contrôleur financier (1983-1986), J. Hoyaux a été pendant
plusieurs années le dynamique président de l’Institut Jules
Destrée (1975-1985) ; il a donné à l’ancienne Société historique
pour la Défense et l’Illustration de la Wallonie une impulsion
nouvelle, en l’orientant notamment vers la francophonie. Il en
est président honoraire.
Paul Delforge
Extrait de l’Encyclopédie du
Mouvement wallon, Parlementaires et ministres de la
Wallonie (1974-2009), t. IV, Namur, Institut Destrée, 2010 |