Instituteur, Ernest Houba semble avoir été un membre actif de la
Ligue wallonne du Brabant à partir de 1905. Cependant, on ignore
tout de ses activités wallonnes lorsqu’on le retrouve en
compagnie de Désiré de Peron, en 1917, en train d’essayer de
convaincre des personnalités wallonnes de s’engager dans la
séparation administrative mise en place par l’occupant depuis le
mois de mars. Ils se prétendent les représentants du Mouvement
wallon. Ils sont persuadés que le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, dont ils affirment qu’il est officiellement reconnu
par l’Allemagne, sera respecté à la signature de la paix : en
conséquence, ils sont convaincus que le moment est venu de
travailler à l’émancipation de la Wallonie. Houba et de Peron
ont eu la promesse des autorités allemandes de pouvoir faire
librement une propagande wallonne et de pouvoir disposer de
passeports afin de se rendre en Suisse et en France. À Genève,
les deux compères devaient rechercher les militants wallons
dispersés ; à Paris, se mettre en contact avec L’Opinion
wallonne.
Depuis janvier 1915, les Allemands développent en Belgique une
Flamenpolitik destinée à asseoir leur présence et à
déstabiliser la Belgique en favorisant les revendications
flamandes. En octobre 1916, une université flamande est ouverte
à Gand. En mars 1917, un décret impose la séparation
administrative. Les ministères belges sont alors scindés, les
départements flamands restant à Bruxelles, les administrations
wallonnes étant transférées à Namur. Cette Flamenpolitik
est soutenue par le Raad van Vlaanderen, sorte de
Parlement flamand au sein duquel les éléments les plus radicaux,
majoritaires, réclament l’indépendance de la Flandre. À la fin
de l’été 1917, les Allemands accordent de l’intérêt à la
situation de la Wallonie et tentent d’y créer un Conseil wallon,
homologue du Raad flamand. Houba et de Peron sont
recrutés pour favoriser ce projet.
Soutenus par les Allemands, les deux hommes prétendent parler au
nom de la Ligue wallonne du Brabant qui, elle-même, soutient
leur nouveau groupement, les Jeunes Wallons. En septembre 1917,
ils ont démarché le Raad van Vlaanderen et, en décembre,
ils en obtiennent un soutien financier, à savoir un subside
mensuel de 1000 francs pour l’édition de leur futur journal !
Tentant de rallier à eux tous les chefs wallons, en Wallonie
comme à l’étranger, ils essuient le même refus tant de
parlementaires du Hainaut connus pour leur engagement
wallon (René Branquart, François André, Désiré Maroille, etc.),
qu’à Liège, où ils ne rencontrent pas plus de succès. Ils se
heurtent notamment à l’opposition d’Oscar Colson qui leur
reproche de vouloir imiter le programme des « Jeunes Flamands »,
dans leur volonté de diviser la Belgique en deux États séparés
et fédérés. Malgré les avertissements et les mises en garde de
militants wallons d’avant-guerre, Houba suit Désiré de Peron
dans l’édition, à Bruxelles, du journal Le Peuple wallon,
sous censure allemande. « Il faut profiter des circonstances
pour délivrer la Wallonie de l’étreinte cléricale et flamande »
auraient affirmé Houba et de Peron à Branquart.
Codirecteur du journal, Ernest Houba paraît embarqué dans une
aventure qui le dépasse. Les rares articles qu’il rédige au
début du journal ne sont pas d’un grand intérêt. Wallon exalté,
Houba ne semble pas du tout conscient des enjeux qui
l’entourent. Partisan d’un rapprochement de la Wallonie et de la
France, il n’est pas accepté au sein du Comité de Défense de la
Wallonie, étant considéré comme trop extrémiste. Il est
l’animateur du groupe Les Jeunes Wallons mais n’occupe pas
encore de fonction dans les ministères wallons.
Critiqué par les principaux représentants du Mouvement wallon
d’avant-guerre qui refusent de se compromettre avec les
Allemands, Houba quitte la direction du Peuple wallon fin
juillet 1918, en désaccord avec de Peron. Conseillé par les
Allemands, de Peron entendait donner un ton plus modéré, plus
insidieux aux articles du journal alors que Houba voulait lui
conserver prioritairement le côté « revendication wallonne » qui
le rendait parfois fort vindicatif. Sa signature disparaît du
Peuple wallon et il entre au ministère wallon de
l’Agriculture. En octobre 1918, la guerre n’est donc pas encore
finie, quand des membres du comité de la Ligue du Brabant
convoquent une assemblée générale afin de dénoncer et réprouver
L’Appel aux Wallons ainsi que le programme diffusé par de
Peron dans Le Peuple wallon. Ernest Houba se trouve à
leurs côtés.
Craignant les représailles de la Justice, Ernest Houba quitte
précipitamment le pays en novembre 1918 et se réfugie en
Hollande puis en Allemagne. Lors du procès de Namur dit « des
ministères wallons » (décembre 1919), Ernest Houba ne figure pas
parmi les inculpés. Par contre, en juin 1921, un procès est
ouvert contre lui en tant que rédacteur et responsable du
journal Le Peuple wallon. En vertu des articles 118
bis et 115 du code pénal, il est alors condamné par
contumace à huit ans de prison. Fugitif, il décide de rentrer à
Liège, en avril 1923, moment où il est appréhendé. Défendant de
façon sûre et pertinente ses choix wallons, Houba impressionne
le juge d’instruction qui demande à faire examiner l’état mental
de l’inculpé. Défendu par Me Collignon, Houba
maintient ses positions, appuie sa charge contre le gouvernement
du Havre, défend l’utilité des ministères wallons et de la
séparation administrative. Son défenseur revient aussi sur le
procès de Namur pour le « déjuger ».
Jugé de façon expéditive par la Cour d’Assises de Liège en mai
1923, l’ancien rédacteur du Peuple wallon obtient un
non-lieu. Le procureur du roi n’a pas requis contre Houba, se
contentant de le trouver judiciairement irresponsable… En
conséquence, sa révocation de l’administration devenait nulle et
il pouvait reprendre son métier d’instituteur.
On ne retrouve plus le nom d’Ernest Houba dans le mouvement
wallon de l’après-Grande Guerre.
Dès septembre 1923, il est parti vivre à Paris où il a trouvé un
emploi de buraliste.
Paul Delforge
Paul Delforge,
La Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire de
la séparation administrative, Namur, Institut Destrée, 2008 |