Directeur de l’hôpital civil de La Louvière, pharmacien à
Wanfercée-Baulet, Oscar Gilbert est l’un des pionniers du
socialisme dans sa commune qui vit essentiellement de
l’exploitation minière. Forcé de quitter Baulet, il s’installe à
Châtelineau (1905), où il reprend une pharmacie située juste en
face des grilles d’un charbonnage.
Membre-fondateur, avec Arille Carlier et Eugène Allard, et
président de la Ligue wallonne et anti-flamingante de
l’arrondissement de Charleroi (octobre 1912), Oscar Gilbert est
l’initiateur de la première célébration de la Fête de la
Wallonie, à Charleroi, en 1913. À cette occasion, il affirme :
« Pour aimer son village, il faut aimer sa famille ; pour aimer
son pays, il faut aimer sa province et sa race ; et il faut
aimer tout cela pour aimer l’humanité ». La même année, il est
l’auteur d’une étude sur la Révolution de 1830 dans les
provinces wallonnes dans laquelle il montre que le Hainaut
manifesta un enthousiasme remarquable pour monter sur Bruxelles.
Lors du Congrès wallon qui se tient à Verviers le 1er
mars 1914, Oscar Gilbert conteste le leadership de l’Assemblée
wallonne sur le Mouvement wallon et surtout la prédominance des
mandataires politiques wallons qui siègent au sein de
l’Assemblée sur les militants de la première heure. C’est la
raison pour laquelle il prône la création d’une Fédération des
Ligues wallonnes et des organismes wallons dans chaque commune
qui lutterait également contre les infiltrations du
flamingantisme. La proposition de Gilbert n’est pas retenue.
Délégué de l’arrondissement de Charleroi à l’Assemblée wallonne,
il continue néanmoins à y siéger de 1912 à 1914 puis de 1919
jusqu’à sa mort en 1923.
Militant wallon de la première heure, surnommé l’Anti-flamingant
par ses amis, Gilbert ne peut accepter l’invasion allemande de
1914 ; il est alors dénoncé pour ses activités pro-françaises et
est obligé de fuir en Hollande d’abord, à Paris ensuite
(décembre 1914). Là, il participe à la création de l’Union
wallonne de France (1916-1918), dont il devient le président. Il
s’agit d’une « amicale » dont l’objectif principal est de
grouper les Wallons réfugiés en France et d’évoquer avec eux la
terre natale. Sur un plan plus politique, elle se propose,
prudemment, « d’examiner, au point de vue régional, les
questions d’ordre général que pourraient soulever les
pourparlers de paix et le statut futur de la Belgique » et veut
rechercher, dénoncer et combattre toute manœuvre ou toute
ingérence germanophile dans les domaines politique, économique
ou moral, pendant et après la guerre, tout en sauvegardant
l’indépendance absolue de la Belgique. L’Union s’inscrit dans la
droite ligne du programme politique de l’Assemblée wallonne. Par
des articles dans la presse française, Gilbert défendra l’idée
d’une réforme fédérale de la Belgique, à entreprendre en
collaboration avec les milieux flamands, après le recouvrement
de son indépendance par la Belgique.

Dès le début de l’année 1915, émerge dans les milieux du Havre
un courant national belge qui caresse le rêve d’une Grande
Belgique. Sous la plume de Pierre Nothomb, Fernand Neuray et
Maurice des Ombiaux, le journal catholique belge Le XXème
siècle se fait le héraut de l’âme belge et se demande
pourquoi la Belgique ne retrouverait pas, après la guerre, les
territoires perdus en 1839, voire davantage. Il ne lorgne pas
seulement sur le Luxembourg mais aussi sur des parties de la
Hollande et de l’Allemagne. La théorie des ‘frontières
naturelles’ permettrait même à la Belgique de s’étendre jusqu’au
Rhin et le long des bassins mosan et scaldien. À la suite de
Jean Bary et d’Émile Royer, Oscar Gilbert dénonce dans la presse
française cette politique annexionniste belge. À la tête d’une
petite délégation wallonne, Oscar Gilbert est même reçu en avril
1916 par le directeur des Services du Cabinet du ministre
français des Affaires étrangères. Cet entretien permet aux
Wallons d’exposer les griefs wallons et de poser la question de
l’influence française en Belgique. On ignore le contenu exact
des échanges mais il semble bien qu’ils ont sonné le glas des
espoirs annexionnistes belges.
À la tête de l’Union wallonne de France, Gilbert tentera
d’apporter une aide plus matérielle aux Wallons sinistrés et
réfugiés en France, et encouragera la constitution d’une
« Association des sinistrés wallons ». La publication, à partir
de janvier 1918, de La Nouvelle Revue wallonne, sous ses
auspices, confirme sa volonté de relative retenue dans le débat
politique et de respect de l’Union sacrée. La nouvelle revue,
fondée par Paul Magnette et dont Oscar Gilbert assure le
secrétariat, traite essentiellement des arts, de la littérature,
des sciences et du tourisme.
À Paris, Oscar Gilbert participe encore à la naissance de
L’Opinion wallonne, organe de l’Union des Wallons de France
et est l’un de signataires du projet fédéraliste qui en ressort
en 1917. Mais il garde ses distances vis-à-vis de Raymond
Colleye. Oscar Gilbert rentre au pays en 1918.
Contestant l’autorité que l’Assemblée wallonne exerce sur
l’ensemble du Mouvement wallon au lendemain de l’Armistice,
plusieurs dizaines de représentants de ligues et d’associations
wallonnes, dont Oscar Gilbert, se réunissent en congrès, à
Verviers, le 14 mai 1922, dans le but de constituer une
fédération apte à faire appliquer par les pouvoirs publics les
décisions de l’Assemblée wallonne en matières politique et
administrative. Pour ces militants wallons, il s’agit de
réaliser l’égalité parlementaire des peuples wallon et flamand
et de créer une décentralisation assurant à la Wallonie une
administration et un enseignement exclusivement français. À
l’issue du congrès, est créée une Confédération des Sociétés de
Wallonie. Oscar Gilbert fait partie de son comité. La
Confédération comme telle sera sans lendemain, mais sa création
ne manque pas d’ébranler l’Assemblée wallonne. Lorsque la Ligue
wallonne de Charleroi est réactivée en 1921, Oscar Gilbert est
confirmé dans ses fonctions de président mais, malade, ne peut
rendre à la Ligue l’importance qu’elle avait avant la guerre.
Paul Delforge
Jean-Pierre Delhaye
et Paul Delforge, Franz Foulon. La tentation inopportune,
Namur, Institut Destrée, 2008, coll. Écrits politiques wallons
n°9 - Paul Delforge,
La Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire
de la séparation administrative, Namur, Institut Destrée,
2008
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