Né dans un milieu de mineurs, Germain Capelleman entre au
charbonnage d’Amercœur en 1939 et, parallèlement à son travail,
entame une formation à l’École des Mines aux Aumôniers du
Travail. Hiercheur, ouvrier à veine, aide-niveleur, porion et
aide-géomètre, il devient permanent syndical des Francs-Mineurs,
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Permanent jociste
(1945), responsable de la section de La Docherie, il devient
secrétaire fédéral du Mouvement ouvrier chrétien de Charleroi,
suivant ainsi les traces paternelles. Entré en fonction en
janvier 1948, il y demeurera jusqu’au 31 mars 1990. Au moment de
la question scolaire, il devient secrétaire régional du Comité
de Défense des Libertés démocratiques ; de 1954 à 1958, ce
comité, où Capelleman représente officiellement le MOC de
Charleroi, rassemble toutes les forces catholiques hostiles aux
mesures prises par Léo Collard en matière scolaire.
Très tôt, Germain Capelleman prend connaissance des problèmes
wallons ; dans sa prime jeunesse, il a connu l’abbé Mahieu,
prêtre de son village, chez qui sa mère était servante. Mais ce
sont surtout Joseph Bercy et Élie Baussart qui influencent sa
pensée wallonne. Membre de Rénovation wallonne en 1947, Germain
Capelleman assiste, à ce titre, aux congrès du Congrès national
wallon de 1949 à 1959, mais c’est surtout lors des congrès de
Rénovation wallonne qu’il intervient. Respectant la discipline
du PSC, dont il est l’un des affiliés, il n’a pas pris de
position personnelle à l’occasion de la Question royale et des
grèves de soixante. Se sentant proche de Joseph Bercy, il se
montre critique à l’égard du PSC - il est membre de son bureau
-, à qui il reproche de ne pas s’impliquer dans la défense du
fédéralisme et de l’autonomie de la Wallonie. « Les grèves de
60-61 ont été pour moi un révélateur. (…) Assez paradoxalement,
c’est au travers de notre comportement global de l’époque que
j’ai perçu nettement la contradiction du système passé et la
nécessité de l’autonomisation nécessaire du mouvement ouvrier
par rapport aux partis et bien entendu l’urgente nécessité de
l’action wallonne ».
Membre de Wallonie libre, il n’hésite pas à adhérer au Mouvement
populaire wallon en 1962. Mandaté par Rénovation wallonne au
Congrès d’Action wallonne de Namur, en mars 1963, il privilégie
toujours son action à l’intérieur du mouvement wallon
catholique, dont il est vice-président (1963), ce qui n’enlève
rien à son esprit critique. À la veille du congrès du PSC
(décembre 1963), il fait partie de la centaine de cadres du MOC
qui rejettent à la fois le régionalisme discret du PSB et le
provincialisme étroit du PSC et réclament la mise en place de
véritables institutions wallonnes capables de développer
l’infrastructure, de définir une politique démographique, une
planification économique et une vie culturelle autonome. Membre
du Comité d’Action travailliste créé en 1964, il participe à la
tentative de rapprochement entre Rénovation wallonne et le
Mouvement populaire wallon, en 1964. La démarche n’aura
cependant pas de suite concrète immédiate.
En 1967, à l’occasion d’une réunion publique organisée par
Rénovation wallonne sur le thème La Wallonie et Bruxelles à
l’heure du choix, Germain Capelleman fait la synthèse des
positions du mouvement wallon catholique par rapport à la survie
de l’économie wallonne. Inscrivant le devenir de la Wallonie
dans une perspective européenne, il préconise une union de tous
les Wallons autour d’un plan d’ensemble permettant de sauver ce
qui peut encore être sauvé et visant la création de secteurs
porteurs. Entre autres revendications concrètes, il réclame le
développement des réseaux routiers, fluviaux et ferroviaires, la
création de raffineries et des investissements en Wallonie
équivalents à ceux réalisés en Flandre. Avec Louis Boulvin,
André Tilquin et Jean Verjans, il publie une lettre sur les
supports de la solidarité wallonne. Pour assurer la reconversion
de la Wallonie, les quatre secrétaires du MOC appellent de toute
urgence de leurs vœux à la reconnaissance d’une communauté
wallonne. Ne s’embarrassant pas de la forme de la structure
(fédéralisme, provincialisme…), ils réclament les moyens
(Communauté wallonne, parité dans l’État, solidarité
francophone) pour le bonheur des travailleurs wallons (janvier
1968). Lors du VIIe Congrès de Rénovation wallonne
(mars 1968), Germain Capelleman, rejetant l’unitarisme du PLP de
l’époque, développe trois thèmes qui, à ses yeux, sont les plus
importants : la reconnaissance de la personnalité de droit
public de la Flandre et de la Wallonie, le statut de
l’agglomération bruxelloise, la parité francophone -
néerlandophone dans l’État. Signataire du manifeste La Wallonie
dans l’Europe (mars 1968), il observe que le déclin économique
wallon mesuré à l’échelle européenne est considérable
(ralentissement de l’économie de plus de 30% en dix ans) et se
prononce en faveur d’une réforme institutionnelle profonde. S’il
considère légitime la volonté flamande de constituer un grand
ensemble avec le Limbourg hollandais et Rotterdam, il demande
que la Wallonie ne soit pas prisonnière de Benelux et qu’elle
puisse, librement, se chercher les alliances qui lui conviennent
le mieux, ainsi que le prévoient les traités européens.

Membre de la Commission économico-sociale de Rénovation wallonne
(1968), Germain Capelleman représente ce mouvement au sein de la
Délégation permanente des quatre Mouvements wallons. Pendant
plus d’un an, il travaille avec des représentants du Mouvement
populaire wallon essentiellement à la préparation du premier
congrès de la Délégation permanente des quatre Mouvements
wallons. Il s’occupe principalement des aspects de politique
intérieure. Il prépare aussi activement la journée du 19 avril
1969 au cours de laquelle une grande manifestation d’Action
wallonne mobilise les travailleurs des provinces wallonnes
(arrêt de travail, cortège de voitures, etc.). En fait, avec
Robert Royer, Germain Capelleman est le principal représentant
de Rénovation wallonne au sein de la Délégation permanente et,
avec Jacques Yerna, il suit de très près l’évolution des travaux
de réformes institutionnelles (1969 - début 1970). Ensemble, ils
interviennent régulièrement pour souligner les aspects positifs
et négatifs des travaux ministériels. Mais des dissensions
internes à la Délégation permanente, notamment sur le projet de
fédéralisme commun aux quatre Mouvements wallons, met un terme à
l’initiative.
Parallèlement, à la fin des années soixante toujours, Germain
Capelleman collabore aux travaux du groupe B-Y et apporte ainsi
sa participation au rassemblement des progressistes : Quelle
Wallonie ? Quel socialisme ? et Priorité : 100.000
emplois, un objectif pour le Rassemblement des progressistes.
Il poursuivra dans cette voie en présidant le mouvement Objectif
72, rassemblement progressiste qui veut assurer la rencontre des
démocrates et préparer leur action pour une étude précise des
réformes nécessaires. En 1970, il figure parmi les fondateurs de
l’hebdomadaire Rénovation pour l’union des progressistes
et, en 1971, prononce un exposé remarquable sur le devenir de la
société wallonne au lendemain de la réforme de l’État. Sa
conclusion du moment est que seul le Rassemblement wallon est en
mesure de répondre aux aspirations progressistes et fédéralistes
des Wallons.
Président de la régionale du MOC de Charleroi, membre de son
conseil général (1967) et secrétaire général à partir de 1973,
démocrate-chrétien, cheville ouvrière du PSC dans la région de
Charleroi, Germain Capelleman avait amorcé l’opération
anti-Vanden Boeynants au sein du conseil général du PSC wallon.
En 1970, il quitte le PSC pour le Rassemblement wallon et il est
choisi comme vice-président de la régionale du RW de Charleroi.
En juin, il démissionne de ses fonctions d’échevin du Collège de
l’agglomération de Charleroi dans la mesure où le PSC (qui lui
avait demandé de siéger pour représenter la démocratie
chrétienne) est incapable de mener une politique wallonne claire
et décidée. Avec Robert Moreau et André Boland, il lance
l’Alliance pour le Renouveau wallon qui présente des listes aux
élections communales du 11 octobre. Sur ces listes figurent, à
la fois, des membres du Rassemblement wallon et des membres du
MOC.
Membre du comité de la section de Monceau-sur-Sambre du
Rassemblement wallon (1972), Germain Capelleman répond
favorablement à l’appel du président du Rassemblement wallon,
Paul-Henry Gendebien, lancé en octobre 1976, mais à la condition
de pouvoir insérer dans le programme du Rassemblement wallon les
objectifs de Rénovation wallonne. Lors du Congrès doctrinal du
Rassemblement wallon (4 décembre 1976), Germain Capelleman se
dit favorable à la création d’un État wallon mais se défend de
vouloir transformer la Wallonie en un champ d’expérience pour le
gauchisme le plus débridé. Le Manifeste Gendebien constitue, dès
lors, une réalisation conjointe du Rassemblement wallon et de
Rénovation wallonne. Par cette redéfinition du programme du RW,
Germain Capelleman espère constituer une majorité de progrès,
une confédération de la gauche. Qualifiant de primordiale la
solidarité Wallonie-Bruxelles, il soutient les relations
privilégiées du Rassemblement wallon avec le FDF. Fédéraliste,
il est favorable à une coordination de régions sur le plan
européen. Lors du congrès constitutif de Wallonie Région
d’Europe, il apporte sa caution à la naissance du nouveau
mouvement wallon (Namur, 25 septembre 1986). Membre de
Wallonie-Région d’Europe, soucieux de voir les Wallons imposer
leur rythme à la réforme de l’État au lieu de subir celui qui
est imposé par les Flamands, il est aussi le fondateur du club
« Priorité à gauche » en avril 1987.
Secrétaire régional du MOC Charleroi jusqu’en 1990, Germain
Capelleman a été une figure marquante des milieux
sociopolitiques carolorégiens.
Paul Delforge |