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Contrats, territoires et
développement régional
Actes de la Journée
d'étude du 11 mai 1999 au Château de Namur
Organisation :
Institut Jules Destrée
CEMAC (Centre de Management et de Créativité)
OGM (Organisation Gestion Marketing)
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Guy Vattier
Vice-président du Conseil régional de
Lorraine, Délégué au Plan et au Contrat de Plans
Introduction
Il m'est agréable de vous présenter aujourd'hui l'expérience
lorraine en matière de contractualisation, notre région étant actuellement en pleine
préparation de son prochain Plan et Contrat de Plan Etat-Région.
Le Conseil Régional de Lorraine a souhaité construire son Plan en
suivant une démarche principalement fondée sur une stratégie de développement. Elle a
choisi de définir ses orientations et sa stratégie avant de les confronter à celles de
ses partenaires. Le croisement de ces différentes logiques permettait d'élaborer un Plan
en privilégiant le partenariat et la notion de projet.
Dans cet esprit de partenariat et d'expression de la volonté
collective, le Conseil Régional de Lorraine et les quatre Départements lorrains ont
décidé de signer un protocole d'orientation commune, garantissant une solidarité des
acteurs locaux dans la définition d'un projet commun et dans la négociation du futur
contrat de Plan.
Je me propose de vous présenter dans un premier temps le contexte de
l'élaboration des contrats de plan en France et les questionnements qui se posent face à
son évolution, puis dans un deuxième temps la méthode que nous avons choisie de mettre
en place en Lorraine pour tenir compte de cette situation.

1. L'évolution des contrats de plan en France :
Les contrats de plan servent de support à la programmation d'actions
communes à l'Etat et aux régions, reprenant leurs objectifs déclinés en actions ainsi
que leurs financements. Leur durée a été calquée avec celle des fonds structurels
européens pour une meilleure concordance et un appui potentiellement plus important.
Il faut rappeler en préliminaire que la durée du Plan et du Contrat
de Plan s'est considérablement allongée, passant de 5 à 7 ans. Il est prévu de
contracter une programmation ferme et définitive sur les quatre premières années,
d'effectuer un premier bilan puis de réorienter ou d'ajuster si nécessaire les actions
pour les trois dernières années. Ce prochain plan se doit donc d'être évolutif, axé
sur des projets forts et consensuels, répondant au souci de développement durable du
territoire.
Les prochains contrats devront promouvoir un autre type de
développement inscrit dans la durée et qui s'attache à la fois à la création
d'emplois et à leur caractère durable. Telle est la position de l'Etat. Elle
rejoint sur ces points précis les préoccupations des régions. Ces contrats devront
porter une attention particulière à la réduction des inégalités sociales et mettre en
place une solidarité au profit des populations et des territoires plus fragiles ou
confrontés à des mutations profondes.
Le volet territorial de ces contrats portera sur les actions favorisant
le développement local et une meilleure organisation du territoire. Il donne le jour à
un nouveau type d'engagement de l'Etat avec les nouveaux contrats d'agglomération et de
pays. Ainsi, les contrats de plan pourront pour la première fois servir de cadre à des
contrats de pays et des contrats d'agglomération. Cette volonté d'appuyer la politique
d'aménagement du territoire sur des organisations territoriales présentant une plus
grande pertinence géographique, économique et sociale est une nouveauté.
Ce nouveau cadre pose de nombreuses questions. Tout d'abord, il faut
rappeler que les modalités d'application de cette volonté politique ne seront
précisées qu'à la promulgation de la loi pour l'aménagement et le développement
durable du territoires et de ses décrets d'application.
Cependant, ceci démontre bien que les territoires auront une plus
grande marge de manuvre qu'auparavant, et que l'on s'achemine vers un changement du
rôle de l'Etat. Il passerait d'un Etat organisateur et aménageur du territoire à un
Etat incitateur .
En effet, pris dans l'étau de la construction européenne, et face à
une réduction de ses moyens, il concentre son action sur les territoires les plus
dynamiques. Ne s'acheminerait-on pas petit à petit vers un nouveau modèle français ?
Les futures lois sur l'intercommunalité et l'aménagement du territoire ne
renvoient-elles pas à l'initiative des territoires ?
Tous ces éléments poussent à croire que le principe d'égalité
serait remis en cause au profit du principe d'équité, ce qui aurait pour conséquence de
bouleverser l'équilibre actuel des territoires. Quid des territoires les moins à même
de définir leur propre politique d'aménagement et de développement ? L'Etat pourra-t-il
rester le garant de la cohésion nationale ? Voilà les questions que peuvent se poser les
régions, constituées pour la plupart de zones développées de façon hétérogène.
En outre, les contrats de plan semblent devoir participer à la mise en
uvre à la fois de la politique régionale communautaire, des schémas régionaux
d'aménagement et de développement du territoire et des schémas de services collectifs.
Or, nombre de ces éléments ne sont pas encore arrêtés. La vision du futur est encore
bien incertaine. La Lorraine, région en reconversion industrielle, a, par le passé,
fortement bénéficié des fonds structurels. Aujourd'hui, le zonage européen est en
redéfinition, et un certain désengagement semble se profiler. Ceci implique l'obligation
pour une région comme la nôtre d'inciter les acteurs locaux à changer d'optique et à
mettre en place une politique de projets plus volontariste afin de bénéficier d'un
soutien communautaire moins structurel.

2. Une nouvelle méthode
Face à ces questionnements et aux incertitudes législatives et
réglementaires, le Conseil régional de Lorraine a fait le choix d'une méthodologie
ouverte et évolutive, lui permettant de construire un projet fort pour son territoire.
Dans cette optique, les élus régionaux ont défini trois grands principes directeurs qui
allaient conduire l'ensemble des travaux afférant à l'élaboration du Plan lorrain, pour
apporter aux lorrains une réponse à leurs attentes, notamment en ce qui concerne
l'emploi, et pour s'assurer de l'exemplarité des politiques publiques proposées.
Ces principes sont les suivants :
Une exigence principale: la qualité. Nous avons voulu
démontrer la spécificité lorraine, l'apport de la Lorraine à la France. La qualité
est le dénominateur commun de toutes les propositions.
Finalité de l'action: Il faut replacer l'homme au cur
du projet. Principe qui garantit une plus grande adhésion, constitue la base de la
légitimité élective et répond aux attentes les plus fortes (telles que l'insertion
professionnelle, l'amélioration du cadre de vie, l'activité des entreprises).
Un choix de méthode: l'élaboration du projet régional,
puis la contractualisation, la territorialisation et pendant toute la durée du Contrat de
Plan la mise en place d'une commission de suivi et d'évaluation, dans le but de
contrôler l'application des programmes et de les réajuster en fonction de nouveaux
paramètres.
Pour préparer le Plan Lorrain et la négociation du Contrat de Plan,
la réflexion a été engagée en Lorraine dès juin 1998. La méthode privilégiée est
une méthode en deux phases.
Dans un premier temps, de septembre 1998 à mars 1999, la réflexion a
été animée par un Groupe stratégique de Planification, émanation de l'Assemblée régionale.
Composé de conseillers régionaux représentant toutes les tendances de l'assemblée
régionale, le groupe stratégique constitue l'instance de dialogue avec les acteurs
socio-économiques pour la préparation du quatrième Plan.
Le groupe stratégique rend compte au Conseil régional des demandes
exprimées sur le terrain.
Dès juin 1998, le Conseil Régional a fixé trois objectifs cadres
pour la réflexion qui sont :
l'insertion professionnelle des jeunes Lorrains;
la création d'entreprises et le développement de l'esprit entrepreneurial;
l'affirmation du rôle déterminant du carrefour européen d'échanges que
constitue la Lorraine.

Ce premier temps de l'élaboration du Plan lorrain a été consacré à
l'évaluation et à l'analyse des contraintes extérieures en Lorraine, économiques
en raison de la mondialisation, techniques avec les Nouvelles Technologies de
l'Information et de la Communication, sociétales avec l'évolution de la
démographie et la métropolisation, législatives et réglementaires avec
la mise en place du Schéma de Développement de l'Espace communautaire (SDEC), les lois
en préparation sur l'aménagement du territoire, l'intercommunalité et l'intervention
économique des collectivités.
Cette étape a permis de définir le contexte et l'environnement dans
lequel le projet lorrain devrait s'inscrire. Les attentes des acteurs socio-économiques
ont été mesurées par l'exploitation d'un questionnaire envoyé à 4500 décideurs
lorrains, ce qui a permis d'obtenir un éclairage sur les grands enjeux et attentes des Lorrains.
Cette phase de planification s'est achevée par l'adoption par
l'Assemblée régionale le 19 mars 1999 des Orientations stratégiques du IVème
Planlorrain.
La deuxième phase de planification a été lancée en avril 1999 et se
déroulera jusqu'en juillet 1999. Elle consiste à organiser une large concertation avec
les lorrains et les partenaires du Conseil régional, sur la base des Orientations stratégiques.
Pour ce faire, 20 Groupes spécialisés de Planification ont été mis
en place, reprenant les thématiques principales mises en avant dans les orientations.
Cette phase permet de présenter les Orientations stratégiques à l'ensemble des
partenaires de la Région, de solliciter leur avis et leurs contributions.
Cette étape devrait voir émerger les partenariats possibles et les
projets des différents territoires. Son objectif principal est la définition des
priorités d'action et des modes opératoires les mieux adaptés.
Un deuxième temps dans cette deuxième phase nous est apparu
nécessaire pour présenter le projet lorrain. De septembre à novembre 1999, onze Forums
territoriaux prendront place sur l'ensemble du territoire lorrain. Ils seront animés par
le Président du Conseil régional de Lorraine, afin de rencontrer la population lorraine
pour échanger avec elle sur le projet lorrain, territoire par territoire, et recueillir
ses attentes.
Enfin, le Conseil régional délibérera en fin d'année sur son Plan
et finalisera la négociation du Contrat de Plan avec l'Etat.
Cette nouvelle démarche nous est apparue nécessaire pour mieux
prendre en compte des paramètres nouveaux tels que la mondialisation, le développement
durable, la construction européenne, le développement des nouvelles technologies
d'information et de communication (NTIC) d'une part et l'évolution préoccupante de la
démographie et de l'emploi caractéristiques de notre territoire en Lorraine d'autre
part.

Conclusion
Les attentes et les demandes sont toujours aussi nombreuses que
variées lors de l'élaboration d'un Contrat de Plan. Toute la difficulté de l'exercice
consiste à définir ce qu'il est possible de réaliser réellement en fonction des moyens
mis à disposition et d'effectuer des choix stratégiques révélateurs de projets que
l'ensemble des partenaires (Conseil régional et Etat) auront définis comme prioritaires.
Dans ce contexte un Contrat de Plan ne peut qu'être controversé et ne
pas pouvoir prendre en compte des projets pourtant importants mais hors de proportion avec
les enveloppes budgétaires qui y sont affectées.
Par ailleurs, autre écueil de cet exercice délicat, nous définissons
les impératifs en fonction des données présentes. Il ne fait aucun doute que bien des
événements imprévus viendront modifier nos orientations au fil des années. Nul ne peut
prédire l'avenir. Qui aurait prévu au cours du IIIème Plan par exemple que
surviendraient des affaissements miniers dans plusieurs communes de Lorraine ?
Autre paramètre ingérable par la Région: le versement des crédits
prévus par l'Etat. Nous avons vu combien ces virements pouvaient être retardés, voire
remis en cause au cours du précédent Plan, puisqu'il nous a fallu l'allonger d'une
année pour espérer boucler les programmes, ce qui n'est d'ailleurs pas encore certain.
C'est pour toutes ces raisons que nous avons envisagé là encore une
nouvelle méthode. Après le groupe stratégique de planification, nous comptons mettre en
place au lendemain de la signature du Contrat de Plan, un comité de suivi et
d'évaluation de celui-ci, afin, dossier par dossier, de vérifier l'application des
décisions, ou le cas échéant de réajuster les programmes, en un mot de réduire les
dysfonctionnements.