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Contrats, territoires et
développement régional
Actes de la Journée
d'étude du 11 mai 1999 au Château de Namur
Organisation :
Institut Jules Destrée
CEMAC (Centre de Management et de Créativité)
OGM (Organisation Gestion Marketing)
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un processus vers lévaluation et la contractualisation
(1)
Luc Maréchal
Inspecteur général de la division de
l'Aménagement du Territoire, Région wallonne
Le 27 mai 1999, le gouvernement wallon adopte définitivement le
Schéma de Développement de lEspace régional (SDER). Cette approbation fait suite,
selon le prescrit de la loi, à une information publique et à la demande davis,
sollicitée par le gouvernement, auprès des 262 communes wallonnes ainsi que
dinstances et organisations, particulièrement la Commission régionale
d'Aménagement du Territoire (CRAT) et le Conseil économique et social de la Région
wallonne (CESRW), ainsi que des autres régions belges et des régions limitrophes.
Par ailleurs, de nombreuses associations ou organismes ont communiqué
de leur propre initiative au Gouvernement leur position sur lavant-projet mis à
information publique.
Outre lapprobation du schéma, larrêté gouvernemental
prévoit en son article deux, la création dun groupe de travail afin den
assurer trimestriellement le suivi et lévaluation, précisant une disposition
inscrite dans le schéma : "Un suivi régulier de la mise en uvre du SDER est
[...] décidé, et une évaluation sera menée. Ici encore, la démarche est transversale.
Elle est axée également sur les besoins nouveaux, les logiques émergeant sur le
territoire, les dynamiques des opérateurs et les acteurs locaux."
Pour situer le SDER au regard de la question posée, le contrat, outil
de développement territorial; nous nous interrogeons dabord sur le développement
territorial pour ensuite présenter certains aspects du SDER vis-à-vis de la
contractualisation.

Le développement territorial
Laménagement du territoire est passé dune méthodologie
linéaire, positiviste, à une démarche de type systémique et politique. En effet,
les études développées dans les années 1950 et 1960 procédaient dune analyse
segmentée et exhaustive de la réalité (le survey), pour ensuite à partir
dune grille théorique des besoins à rencontrer, déterminer le déficit : déficit
en terme demplois, dinfrastructures, déquipements, etc. Le comblement
de ce déficit devenait lobjectif politique à atteindre, les mesures dactions
se coulaient dans ce moule.
Actuellement la démarche, même si elle comporte une dimension
sectorielle, met en relation dinterdépendance les secteurs au niveau du diagnostic
mais surtout dans les volets optionnels de la planification. Par ailleurs, la nature
profondément politique de la démarche (à savoir : faire des choix sociétaux) est
posée dès le départ dans lexpression dune série daxes qui orientent
le diagnostic lui-même. Celui-ci devient non exhaustif, plus léger et établi en vue de
la détermination denjeux pour laction. La technique dite AFOM (Atouts,
Faiblesses, Opportunités, Menaces), une démarche de réduction,
permet de dégager des enjeux en sappuyant sur le diagnostic. Le processus
délaboration incorpore ab initio la dimension politique. Plus
fondamentalement par rapport aux méthodes " linéaires " il laisse
l'espace indispensable pour les choix politiques. Dans le processus, laccent est mis
sur laction, par un aller-retour entre lanalyse de la réalité et les
stratégies daction des acteurs, et d'abord celle de l'autorité qui adopte le plan.
A côté dinstruments réglementaires, normatifs (on songe aux
plans de secteurs, aux politiques de financement de toutes natures tels que les travaux
subsidiés ou les aides en matière déconomie et demplois), on voit
apparaître des instruments non réglementaires appelés indicatifs : ils ne fixent pas
des normes qui simposent aux autorités et aux individus. Ils déterminent des
orientations, des objectifs à atteindre. Certains de ces plans indicatifs peuvent être
qualifiés de stratégiques. Sans cette distinction, on passe à côté de
lessentiel. La dimension stratégique va au delà de lindicatif, du
non-réglementaire. Elle signifie que le schéma est par essence, en amont, le fruit
dun processus de négociation pour aboutir à son élaboration et à son adoption
mais qu'il est, en aval, lui-même un processus de négociation des autorités
gouvernementales avec d'autres.
Ainsi le SDER a mis en uvre un processus de négociation pour
mettre en cohérence les projets sectoriels et territoriaux à travers une série
dobjectifs et une représentation de la Wallonie. Il est autre chose que la
sommation des différents projets : un discours qui, face à la réalité, articule les
projets et fixe les moyens et processus, donc définit une stratégie (2).
Au sein de ce processus domine la transversalité. C'est là que
réside sans doute lannonce ou lamorce de la contractualisation qui prend
source dans cette dynamique des projets transversaux.

Le territoire dans sa réalité dynamique mais aussi dans ses
définitions conceptuelles a profondément varié. En Wallonie, en 1977, une analyse
de toutes les hiérarchies urbaines dressées depuis la Seconde Guerre mondiale a montré
que le schéma des zones dinfluences semboîtant a progressivement disparu du
fait des localisations des entreprises, des services et des commerces ainsi que de la
mobilité généralisée avec lautomobile. Inutile de dire que cette évolution
sest accentuée depuis cette époque.
La mondialisation économique, la multiplication des aires
dinterventions dopérateurs privés et publics aboutissent à une géographie
complexe et stratifiée des territoires. Pour reprendre une expression maintenant
courante, cest le temps de la recomposition. L'exprimant dune façon brutale,
on pourrait dire que cest la fin du monopole des territoires généralistes (des
territoires bons à tout faire). Lenjeu important des années à venir est
dallier dune part des territoires " éphémères " et des
territoires " stables ". Il y a dun côté des aires et des
opérateurs fonctionnels à durée de vie limitée car les uns et les autres pertinents à
un moment donné. Dun autre, la réflexion sur lorganisation territoriale de
la société montre que pour qu'émerge un véritable espace public au sens politique du
terme, il est nécessaire quil y ait des aires politiques stables qui soient
lenceinte visible et inscrite dans le temps du lieu du débat politique.
Cest donc sur fond de ces interrogations que se posent les
questions de contrat et de développement territorial.

Le Schéma de Développement de lEspace régional
Ce nest pas le lieu pour décrire lensemble du document.
Précisons seulement quil sagit dun document stratégique de
développement territorial. Le SDER nénonce pas la politique durbanisme,
celle du logement, de l'économique, du social, etc. Il est un fil rouge qui traverse
toutes les politiques pour les mettre en relation, en cohérence, pour les intégrer à
partir dun critère : le territoire. L'introduction du SDER le décrit comme un instrument
d'aménagement et de développement,
de planification stratégique,
transversal,
d'organisation du territoire,
d'insertion dans l'espace suprarégional.
Document de plus de 210 pages (3), il se compose de trois parties :
une analyse de la situation et les tendances pour l'avenir, le projet de développement
spatial, la mise en uvre du projet.
Trois "principes philosophiques" sont posés dès le départ
:
le territoire wallon comme patrimoine de ses habitants,
le développement durable,
la cohésion économique et sociale.
Les deuxième et troisième parties constituent le cur du
document : elles forment sa véritable dimension optionnelle et stratégique. Elles
comportent, d'une part le projet de structure spatiale pour la Wallonie (une
représentation cartographique du territoire wallon voulu) et huit objectifs (4) qui se déclinent, d'autre part, en
options, au nombre de 32, et en mesures d'exécution.

SDER et territoires
Dans le vocabulaire des représentations spatiales, le SDER fait
référence à pôles, lieux, couloirs, axes et aires. Cest à travers
lensemble de ces concepts que lon peut voir la forme de recomposition
territoriale en germe dans le SDER.
Sinscrivant délibérément dans une politique stratégique, le
SDER dégage des territoires dintervention et de projet, dénommés aires de
coopération.
Dans une Belgique profondément remaniée par la fusion des communes,
au mitan des années 70, et malgré les 262 communes wallonnes avec en moyenne 12.000
habitants et 62 km², apparaît la nécessité de mettre en place un processus
dassociation autour dobjectifs de développement territorial.
Le SDER dégage trois types daires de coopération :
les aires de coopération transrégionales, aires articulées
sur des pôles urbains majeurs limitrophes au territoire wallon. Ces aires sont au nombre
de quatre et sorganisent autour de Bruxelles, de lagglomération Lilloise, de
Luxembourg et de la structure urbaine de la "grande région" (espace
Saar-Lor-Lux), et du réseau MHAL (Maastricht, Hasselt, Aachen, Liège);
les aires de coopération autour des villes où
lagglomération fonctionnelle dépasse les frontières communales. Le SDER ne
détermine pas les agglomérations en tant que telles mais pour quatre des pôles
sélectionnés, il est signalé quun schéma dagglomération devrait être
établi : Charleroi, Liège, Namur et Mons ;
les aires de coopération en milieu rural, appelé pays.
Le SDER ne détermine pas des limites géographiques; la seule
orientation qui est fournie est celle concernant les aires transrégionales. Il propose
quune réflexion soit menée sur la dimension territoriale de ces aires, les
missions et compétences ainsi que les formes juridiques.
Notons à ce propos que, lors de linformation publique et lors
des remises davis, on a vu apparaître des volontés de travailler ensemble et
démettre des projets. A titre dexemple : le Centre Ardennes, le Pays de
Gembloux, à travers des aires mais aussi à travers des réseaux comme la déclaration
commune des villes de Marche, Rochefort et Ciney. Enfin, le SDER dans son adoption finale
a repris le principe de la péréquation financière entre communes, reprenant ainsi un
avis émis par le Conseil supérieur des villes et provinces wallonnes.

La démarche contractuelle territoriale ... à expérimenter dans la
mise en uvre du SDER
Les agglomérations, les pays, les mécanismes de péréquation peuvent
être mis en uvre par diverses voies. Parmi celles-ci, posons l'hypothèse nouvelle,
exploratoire et riche qu'est la contractualisation.
La détermination de ces aires pourrait être le fruit d'un double
processus qui lie association politique volontaire des collectivités locales autour d'un
projet stratégique comportant des objectifs évaluables et la régulation du processus de
formation au niveau régional. Pour ces aires, on peut également ouvrir de nouvelles
voies : une tutelle sur les résultats à atteindre et sur la qualité des systèmes de
gestion et de décision internes (normes de qualité, ISO, etc).
Cette nouvelle forme de tutelle nécessite, par sa nature même, une
démarche d'évaluation.
Voilà les vastes "chantiers" ouvert par le SDER !
Notes
(1) Ce texte est une version actualisée de
l'intervention, qui se veut être exploratoire. On n'y présentera pas le SDER en tant que
tel. A ce sujet, voir : Luc Maréchal, Le SDER et le logement, dans Les
Echos du logement, avril 1999, p. 51-54. D'autres articles de présentation sont
prévus ainsi qu'un résumé (pour renseignement : sder@mrw.wallonie.be
).
(2) Un axe de réflexion pourrait être le lien entre
dimension sectorielle et schéma stratégique de développement territorial. Pour que
celui-ci atteigne sa véritable dimension, il importe que la dimension sectorielle ne
sexprime pas seulement dans une programmation, dans des normes mais également dans
une stratégie.
(3) Le SDER est consultable sur le site : http://www.wallonie.be
(4) Structurer l'espace
wallon, intégrer la dimension suprarégionale dans le développement spatial de la
Wallonie, mettre en place des collaborations transversales, répondre aux besoins
primordiaux, contribuer à la création d'emplois et de richesses, améliorer
l'accessibilité du territoire wallon et gérer la mobilité, valoriser le patrimoine et
protéger les ressources, sensibiliser et responsabiliser l'ensemble des acteurs.
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