Les
relations internationales de la Wallonie (2/3)
Partie
1 -
Partie
3
Philippe
Suinen
Directeur général de la
Direction générale des Relations extérieures de la Région wallonne
III. L'évolution
juridique des relations internationales de la Région
Dès sa création, la
Région wallonne a tenté de se donner une action internationale, ainsi que
l'indique déjà la déclaration commune signée avec le Québec à Namur le 13
décembre 1980. L'intitulé de ce texte indique bien les difficultés qu'il y avait
à l'époque à avancer au niveau régional l'idée d'accord et encore moins de
traité international...
Mais l'octroi aux régions
de compétences exclusives par la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8
août 1980 introduisait logiquement, ainsi que le réclamait la Région wallonne,
les notions d'indivisibilité des compétences et d'absence de tutelle pour ce qui
concerne l'expression internationale. Ces principes n'ont pas toujours été
perçus avec autant de netteté par les autorités centrales belges et il est
arrivé que certaines initiatives régionales soient tuées dans l'oeuf ou juste
avant leur aboutissement par le département central des Affaires étrangères.
Ainsi, sans entrer dans
l'anecdote, on peut signaler qu'un ministère technique du Sud- Est asiatique
avait, au début des années quatre-vingts, exprimé à la Région wallonne le
souhait de la voir réaliser un projet de plan d'industrialisation d'une zone de
ce pays, en liaison bien entendu avec les capacités d'entreprises et de centres
de recherche wallons. Alors que l'on préparait un projet d'accord technique de
collaboration entre le Ministère concerné et la Région wallonne, le département
belge des Affaires étrangères se mit à convoquer l'Ambassadeur du pays asiatique
pour lui signifier que les Régions ne disposaient pas de la capacité
internationale et qu'il était dès lors impossible qu'un accord soit signé : on
comprendra qu'à l'époque - c'était en 1985 - la Région ait fermé le dossier.
En fait, les possibilités
d'action extérieure de la Région ont, jusqu'au 5 mai 1993, été fonction de
l'interprétation donnée à l'article 68 de la Constitution, disposition qui
n'avait pas fait l'objet du moindre réaménagement depuis 1831. Selon ce texte,
le Roi fait les traités de paix, d'alliance et de commerce et doit en donner
connaissance aux Chambres dès que l'intérêt et la sûreté de l'Etat le
permettent, en y joignant les communications convenables. Une précision est
donnée par le même article pour les traités de commerce et les traités pouvant
grever l'Etat ou lier individuellement des Belges : ils ne peuvent avoir d'effet
qu'après avoir reçu l'assentiment des Chambres.

Deux éléments ont
toutefois tempéré l'interprétation trop stricte qui aurait pu être donnée au
détriment de la Région à cet article :
-
l'association des
Régions aux négociations d'accords internationaux par l'Etat central a été
rendue possible dans les matières relevant de leurs compétences internes
(article 81 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août
1980);
-
dans une
lettre-circulaire qu'il adressait le 25 septembre 1984 aux ambassades,
consulats en matière et représentations permanentes de la Belgique auprès
d'organismes internationaux, L. Tindemans, Ministre belge des Affaires
étrangères, a indiqué que "les pleins pouvoirs nécessaires peuvent être
délivrés par le Roi, le cas échéant, aux représentants des Exécutifs
régionaux". Tel a été le cas pour la déclaration commune pour un Pôle
européen de développement, accord de base entre la France, le Grand-Duché de
Luxembourg et la Belgique pour le développement de l'espace trinational
Athus (Wallonie) - Rodange (Luxembourg) - Longwy (France), notamment par la
création d'un parc international d'activités. Par lettre du 17 juillet 1985,
le Premier Ministre belge a invité le Président de l'Exécutif régional,
Jean-Maurice Dehousse, à signer le document "vu les compétences propres de
la Région wallonne", ce qui a été fait le 19 juillet 1985.
Malgré ces éléments, le
développement de l'action régionale a fait apparaître de plus en plus nettement
la distorsion entre les compétences interne et externe. Finalement, un nouveau
régime juridique, institué par la révision constitutionnelle de 1993 - qui a
modifié l'article 68 - et les lois du 5 mai 1993 octroie aux Régions le droit de
régler, pour leurs matières la coopération internationale - y compris la
conclusion des traités. On mesure ainsi tant le chemin parcouru que le caractère
novateur du système par rapport aux autres Etats : aux termes de l'article 68, §
3, de la Constitution, les Gouvernements des Communautés et des Régions
concluent, chacun pour ce qui le concerne, les traités portant sur les matières
relevant de leurs compétences. Ils négocient les traités, les paraphent ou les
signent, les ratifient ou y adhérent, les suspendent ou les dénoncent
(3).
Séparation des pouvoirs
obligeant, le traité conclu par un Gouvernement régional n'a d'effet qu'après
avoir reçu l'assentiment de son Conseil régional.
Ce n'est donc plus avec
l'Etat belge que doit traiter un Etat étranger lorsqu'il s'agit des compétences
régionales, par exemple, l'aménagement du territoire, la politique économique,
l'infrastructure, l'emploi, le tourisme. L'Etat fédéral belge ne détient en
effet pas de pouvoirs de décision ou de négociation dans ces matières.
Mais il importait de
maintenir la cohérence entre les différents niveaux de pouvoir en Belgique en
maintenant une politique étrangère du pays. C'est pourquoi plusieurs
dispositions ont été prévues dans ce sens :
-
la mise en place de
la Conférence interministérielle de politique étrangère, organe de
concertation et de co-décision entre le pouvoir fédéral et les entités
fédérées;
-
l'obligation pour les
Gouvernements régionaux d'informer le Roi de leur intention d'entamer des
négociations en vue de la conclusion d'un traité;
-
la possibilité pour
le Roi de suspendre la conclusion d'un traité sur base d'au moins l'un des
quatre critères objectifs suivants :
- la partie cocontractante n'est pas reconnue par la Belgique;
- la Belgique n'entretient pas de relations diplomatiques avec elle
- les relations entre la Belgique et celle-ci sont rompues, suspendues
ou gravement compromises;
- le traité envisagé est contraire à des obligations internationales de
la Belgique;
-
un accord de
coopération est nécessaire pour régler les modalités de conclusion des
traités mixtes ( qui couvrent des matières touchant aux compétences à la
fois de l'Etat et des Régions). Cet accord a été passé le 8 mars 1994 et
prévoit que la qualification de traité mixte est à donner par la Conférence
interministérielle de politique étrangère. Ces traités sont à négocier et à
signer à la fois par le Ministre belge des Affaires étrangères et les
Ministres régionaux;
-
il fallait également
régler la problématique de la mise en cause de la responsabilité
internationale de l'Etat du fait de non-respect d'obligations
internationales par une ou des Régions.

Le pouvoir fédéral peut
ainsi se substituer temporairement à une Région si celle-ci a été condamnée par
une juridiction internationale ou européenne pour non-respect d'une obligation
relevant du droit international. La Constitution ne prévoit cette possibilité
que trois mois après la mise en demeure de la Région par arrêté royal motivé,
délibéré en Conseil des Ministres. On doit reconnaître la logique de cette
disposition, puisque la responsabilité de l'Etat central peut être mise en cause
en droit international du fait des Régions : il peut donc intervenir si
celles-ci ne le font pas, étant entendu qu'une décision est automatiquement
remplacée par les mesures que prennent ultérieurement les Régions pour se mettre
en conformité avec le droit international. Tout aussi logiquement, cette
possibilité d'intervention n'existe pour l'Etat que si la Région a été associée
à l'ensemble de la procédure de règlement du différend.
Les principes ainsi
retenus pour les compétences des Régions en matière de relations bilatérales ont
été appliqués mutatis mutandis aux domaines relevant de l'Union
européenne et du multilatéralisme. Cela a été facilité par la formulation donnée
par l'article 146 du Traité de Maastricht sur l'Union européenne. Il prévoit en
effet que le Conseil des Ministres de l'Union européenne est composé d'un
représentant de chaque Etat membre au niveau ministériel.
Néanmoins, des modalités
d'organisation doivent être mises au point pour le processus de définition de la
position belge et pour la représentation de la Belgique au sein des Conseils :
les compétences de l'Etat fédéral et des Régions y sont assez souvent concernées
en même temps et il faut de toute façon un président de délégation qui exprime
les positions. Un accord de coopération conclu le 8 mars 1994 a arrêté les
principes suivants :
-
la coordination
administrative entre l'Etat et les entités fédérées est assurée au sein du
Ministère fédéral des Affaires étrangères, qui exerce le secrétariat des
réunions et la présidence de celles-ci;
-
si un désaccord
persiste en coordination administrative quant à la définition de la position
à prendre par la Belgique, la Conférence interministérielle de la Politique
étrangère est saisie du problème et tranche;
-
la position belge est
communiquée par le Ministre des Affaires étrangères à la représentation
permanente belge auprès de l'Union européenne;
-
la composition des
délégations belges aux différentes formations du Conseil doit faire l'objet
d'une décision de la Conférence interministérielle de la Politique
étrangère, étant entendu que quatre hypothèses ont été prévues avec leur
mode d'organisation : compétence fédérale exclusive; compétence fédérale
prépondérante avec implication des compétences régionales; compétence
régionale prépondérante avec implication des compétences fédérales;
compétence régionale exclusive.
Représentation de la
Belgique au Conseil des Ministres européens en application de l'article 146 du
traité de Maastricht
Cas 1 Cas 2 Cas 3 Cas 4
Représentation Représentation Habilitation Habilitation fédérale exclusive
fédérale avec un des entités fédérées exclusive des ministre assesseur avec
assesseur entités fédérées des entités fédérées fédéral - affaires générales -
agriculture-pêche - industrie - culture - écofin - marché intérieur - recherche
- éducation - budget - santé - tourisme - justice - énergie - jeunesse -
télécommunication - environnement - logement - consommateur - transports -
aménagement - développement - affaires sociales du territoire
Comme on peut le
constater, il s'agit là d'une grille d'analyse intéressante. Un de ses
principaux mérites est de pouvoir valoriser correctement les compétences
régionales dans le cadre communautaire sans porter atteinte au fonctionnement
des institutions européennes. Cela a été prouvé à l'occasion de l'exercice par
la Belgique de la Présidence du Conseil, durant le second semestre 1993 : le
Ministre-Président du Gouvernement wallon, Guy Spitaels, a représenté la
Belgique au Conseil Industrie et en a présidé, avec son collègue Robert
Collignon - à l'époque Ministre wallon de l'aménagement du territoire - un
Conseil informel sur la politique régionale et l'aménagement du territoire.
C'était là donner à l'Europe la preuve que la régionalisation fonctionnait bien
en Belgique, y compris dans sa dimension internationale et que la Wallonie
entendait bien y faire preuve de dynamisme.

IV. Les relations
bilatérales de la Région
Décrire les relations
internationales de la Wallonie revient à procéder par cercles concentriques en
partant des coopérations transfrontalières, sorte de mode d'emploi du bon
voisinage, pour évoquer ensuite les Régions et Etats de l'Union européenne et de
l'Espace économique européen, les pays d'Europe centrale et orientale, la
ceinture méditerranéenne, l'Amérique du Nord, l'Asie et la zone A.C.P. (Afrique,
Caraïbes, Pacifique).
Avant d'aborder ces
relations et afin de leur donner un éclairage supplémentaire, il est intéressant
de donner un aperçu des exportations wallonnes et de leur répartition aux
niveaux tant sectoriel que géographique. Ces chiffres, qui concernent l'année
1992, interpellent dans le sens d'un soutien; nécessaire aux produits les moins
banalisés ainsi que d'une diversification géographique vers des zones
connaissant depuis plus de dix ans un taux de croissance significatif, comme
l'Asie. On voit en effet que quelque 60 % des exportations (terme désormais
impropre dans le cadre du marché intérieur européen) se font vers les pays
voisins.
Répartition
sectorielle des exportations wallonnes (en %)
Sidérurgie 20 Chimie 18
Construction mécanique 10 Agro-alimentaire 10 Transformations métalliques 9
Ciment, verre 8 Papier 6 Matériel de transport 5 Construction électrique 4
Plastique, caoutchouc 4 Textile, cuir, confection 4 Autres 2
Répartition
géographique des exportations wallonnes (en %)
Allemagne 24 France 21
Pays-Bas 14 Royaume-Uni 8 Italie 7 Autres pays UE 7 AELE 6 Pays en développement
7 USA 3 Autres 3
La coopération
transfrontalière
La Wallonie compte des
frontières avec quatre Etats, à savoir la France, le Grand- Duché de Luxembourg,
l'Allemagne fédérale et les Pays-Bas. On ne connaît pas de région de l'Union
européenne comptant autant d'Etats voisins. Cela indique à souhait l'opportunité
dans une Europe en lent processus d'unification, de réduire et ensuite de
supprimer les limitations au développement résultant de la frontière.
Il s'agissait donc de
s'éloigner de l'idée de "frontière-coupure", où les politiques respectives
d'aménagement du territoire se contredisent et où le développement économique se
fait à 180 %.
La Région wallonne s'est
dès lors résolument inscrite dans le scénario de la "frontière- couture", où des
attitudes constructives sont adoptées afin de pouvoir mener des actions
concertées à l'intérieur d'un espace limité aux zones directement frontalières.
Le scénario ultérieur de la "frontière-commutation" est également recherché en
ce qu'il permet par exemple à des entreprises de compléter par des accords
croisés de distribution, leurs gammes de produits sur leurs sous-marchés
nationaux et d'ensuite développer de nouveaux produits en mettant en commun
leurs relations de partenariat avec des centres universitaires ainsi que les
antennes commerciales dont elles disposent à l'étranger.
Cet exemple n'est pas
imaginaire, mais vécu et les prolongements normaux en sont notamment la
participation à des programmes technologiques européens insérant dans le réseau
ainsi créé des partenaires installés dans d'autres régions européennes. La
Commission européenne, par son initiative Interreg, contribue financièrement à
des programmes conjoints de régions frontalières, et ce dans le cadre de la
politique régionale.
La conclusion par la
Wallonie d'une relation de partenariat avec la Région française du
Nord-Pas-de-Calais a ainsi pris prioritairement en considération la contiguïté
géographique et la relative homogénéité de l'espace transfrontalier constitué
par les deux Régions.

Une déclaration commune
de coopération a été signée le 1er octobre 1985 par les Présidents Josephe et
Dehousse avec création d'une commission mixte permanente. Priorité a été donnée
à deux thèmes particulièrement stratégiques :
-
l'aménagement du
territoire et le tracé des voies de communication ferroviaires,
particulièrement le TGV, ses liaisons avec le lien fixe Transmanche et les
dessertes sous- régionales ;
-
la problématique du
développement transfrontalier et ses implications par rapport aux programmes
européens.
On peut dire que cette dernière piste
a été jonchée de succès en raison du programme Pacte (Programme d'Action et
de Coopération transfrontalière européen), lancé par une seconde déclaration
commune du 20 mai 1989, impliquant également les autorités centrales et
départementales françaises et visant un espace géographique ainsi
préalablement défini : du côté français, les arrondissements d'Avesnes,
Valenciennes, Cambrai et Lille; du côté wallon, le Hainaut occidental, Mons,
le Borinage, le Centre et la vallée de la Sambre jusqu'à Charleroi.
Afin d'oeuvrer avec un
maximum d'efficacité, huit axes de coopération ont été définis en 1991 par la
Commission permanente de Pacte et concrétisés par des projets :
-
soutien à la création
et au développement économique et technologique des PME (fonds de capital à
risque transfrontalier pour les entreprises, bureau de rapprochement des
entreprises);
-
développement du
potentiel de recherche et de développement technologique (installation d'une
connexion par fibre optique entre Mons et Valenciennes, atelier européen
multimédia, centre européen du bois);
-
image de marque
(émissions radio et T.V. communes);
-
développement des
ressources humaines et du marché transfrontalier de l'emploi (formations
professionnelles franco-belges);
-
valorisation
transfrontalière de l'environnement et des pôles touristiques existants
(parc naturel Scarpe-Escaut, projet Brunehaut, développement touristique de
l'Avesnois - Sud Hainaut - notamment des infrastructures de barrages et
lacs, comme l'Eau d'Heure, Val Joly et Virelles);
-
valorisation de
l'agriculture et du monde rural (filière de viande bovine Blanc-Bleu, lutte
intégrée au verger, accueil à la ferme);
-
définition
transfrontalière de politiques sociales communes;
-
structure
transfrontalière permanente de coordination.
Pour la période
1991-1993, un financement communautaire a été obtenu pour ce programme au titre
d'Interreg et à concurrence de 15,86 millions d'ECUS. La politique de
coopération transfrontalière de la Wallonie est ainsi concrètement encouragée
par la Commission européenne.
Un pas supplémentaire au
niveau de la structuration a été accompli par l'Eurorégion, accord du 21 juin
1991 ayant pour partie prenante, aux côtés de la Wallonie, la Flandre, la Région
de Bruxelles-Capitale, le Kent et le Nord-Pas-de-Calais. Dans cette déclaration
commune, les cinq Régions se déclarent convaincues de la nécessité de renforcer,
entre elles et par le biais de l'initiative publique, le réseau de l'espace
central européen dont elles constituent partiellement la trame.
Le texte de la
déclaration commune rompt avec le langage diplomatique traditionnel lorsqu'il
évoque le TGV nord-européen, qui doit traverser chacune des régions concernées.
Cette infrastructure ne renforcera les grandes métropoles de la zone, dans la
logique des pôles de développement,que dans la mesure où les responsables
régionaux auront su gérer les nécessaires "compétitions interrégionales".
Ceci notamment en
intégrant, par des stratégies de coopération, les nécessaires complémentarités
entre les métropoles, leurs zones d'influence directe et les zones
intermédiaires.

Les principaux thèmes
d'action ont été identifiés comme suit, avec chaque fois constitution d'un
groupe de travail coordonné par une des régions constitutives :
-
coopération
technologique, industrielle et le développement économique conjoint;
-
aménagement du
territoire lié aux grandes infrastructures nord-européennes, ferroviaires,
routières, portuaires et fluviales;
-
approche de la
gestion de l'eau, de l'air, des sols et des espaces naturels terrestres,
littoraux, maritimes et les économies d'énergie;
-
coopération des
administrations régionales par l'échange des cadres, experts et stagiaires;
-
promotion de l'image
de marque de l'Eurorégion.
Par acte du 8 décembre
1992, les cinq Régions ont structuré l'Eurorégion en un groupement européen
d'intérêt économique ayant pour objet les cinq thèmes qui viennent d'être
mentionnés. Le financement du budget annuel par les Régions résulte d'une clé de
répartition ainsi organisée : 50 % du budget est réparti de manière égale entre
les membres et l'autre moitié est répartie entre les membres en proportion des
populations respectives.
En fait, le recours à la
forme juridique du groupement européen d'intérêt économique (G.E.I.E.), destiné
principalement aux entreprises, indique l'absence d'un statut européen
spécifique pour les résultantes de coopération interrégionale.
Nous avons déjà évoqué
plus haut le Pôle européen de Développement, basé sur une déclaration commune
signée le 19 juillet 1985 à Luxembourg avec la France et le Grand- Duché.
Les réalisations n'ont
pas tardé après le lancement du projet, considéré par le Président de la
Commission européenne, Jacques Delors, comme "un laboratoire au millième de
l'Europe". Ainsi, sur les ruines du vieux bassin minier et sidérurgique - point
de jonction du déclin industriel constaté dans les trois Etats -, a été installé
un parc international d'activités qui a généré plus de mille emplois en
Wallonie. En outre, depuis 1991, y fonctionne un Collège européen des
Technologies, qui accompagne le redéploiement économique par les réseaux
d'enseignement, la formation professionnelle et la recherche, et ce en fonction
des aspirations des entreprises et des demandeurs d'emplois.
Pour la période
1991-1993, un financement communautaire a été obtenu au titre d'Interreg et à
concurrence de 19,32 millions d'Ecus. L'Union européenne avait déjà marqué au
préalable concrètement son soutien au programme, en rendant possibles à la fois
d'importantes contributions financières et un niveau élevé d'aides aux
investissements des entreprises.
Sans qu'elle soit
formalisée par un accord international, une coopération pragmatique lie la
Wallonie à l'Etat français, à la Région Champagne-Ardennes et au Département des
Ardennes à propos de la zone transfrontalière constituée par respectivement : en
France, le Département des Ardennes et en Wallonie, les arrondissements de
Charleroi, Thuin, Namur, Philippeville, Dinant, Virton et Neufchâteau.
Ce programme
Wallonie-Ardennes françaises a obtenu, pour la période 1991-1993, un financement
communautaire au titre d'Interreg à concurrence de 6,51 millions d'Ecus. Il est
d'autant plus nécessaire que la frontière s'y est révélée au départ d'une
certaine opacité et que la dimension de développement rural y mérite une
attention toute particulière. Les relations entre les deux versants de la zone
ne manquent en outre pas de base littéraire puisque Arthur Rimbaud, venant de
Charleville, devait changer de train à Charleroi pour "monter" à Paris. Ce qui
nous a valu quelques bonnes pages...

Mais un autre voisin
important de la Wallonie, qui est aussi son premier client commercial, est
l'Allemagne fédérale, principalement le Land de Rhénanie du Nord- Westphalie.
Avec celui-ci, un accord de coopération a été signé à Düsseldorf le 5 novembre
1990. Les Ministres-Présidents Johannes RAU et Bernard ANSELME ont basé leur
coopération sur des valeurs communes, comme leur foi dans le processus politique
d'unification européenne et leur passé industriel, lui-même base d'une
reconversion structurelle active.
Trois grands thèmes
d'action ont ainsi été identifiés et sont cités ci-après avec leurs principales
modalités de mise en oeuvre :
1. promotion
économique (échange d'informations sur les indices économiques, les aides
publiques, les terrains industriels disponibles, les investissements
étrangers réalisés et les participations aux programmes européens; échanges
de chercheurs et d'étudiants dans le cadre de programmes européens comme
Science, Comett, Erasmus; stimulation de la coopération interentreprises;
application au parc naturel Ardennes-Eifel, du concept d'un tourisme
respectant les aspects environnementaux, sociaux et culturels);
2. protection
de l'environnement (échanges d'expériences en matière de forêts, de
dépollution atmosphérique, de traitement et d'élimination des déchets ainsi
que de protection des eaux);
3. politique
des transports (encouragement à la réalisation du TGV Bruxelles- Cologne et
d'autres axes de transport entre les deux régions).
Le suivi de cet accord
passe par un dialogue permanent entre la Staatskanzlei du Land de
Nordrhein-Westfalen et le représentant économique de la Région wallonne à
Cologne.
Au titre des actions
transfrontalières, il convient de mentionner à ce stade le programme Euregio
Meuse-Rhin, soutenu par les deux Régions. Ce programme concerne géographiquement
une partie des territoires de la Rhénanie et de la Wallonie, en l'occurrence, le
Kreis d'Aachen et la Province de Liège ainsi qu'aux Pays-Bas, la Province de
Zuid Limburg (Maastricht) et en Région flamande, la Province de Limbourg
(Hasselt).
Ce programme d'action,
qui a démarré au début des années quatre-vingts, repose donc sur quatre
sous-régions d'Etats - et Régions - différentes (une zone de plus de 10.000 km²
et peuplée par quelque 3,6 millions d'habitants) et ne compte pas les régions
concernées parmi les fondateurs ou acteurs directs, mais bien comme soutiens et
garants du programme auprès de l'Union européenne. C'est ainsi que pour la
période 1991-1993, un financement communautaire a été obtenu, au titre d'Interreg,
à concurrence de 23,48 millions d'Ecus.
Sept champs de
coopération ont été définis :
-
création de réseaux,
échanges d'informations et communications;
-
circulation,
transports et infrastructures;
-
loisirs et tourisme;
-
formation et marché
de l'emploi;
-
environnement;
-
transfert de
technologies et innovation;
-
recherche et
management de projets.
Euregio Meuse-Rhin se
caractérise par la grande diversité et l'aspect pratique de ses projets, allant
de recherches conjointes entre centres universitaires à des programmes communs
de formation pour les polices et à l'élaboration de cartes destinées aux
cyclistes sans oublier à titre d'exemple parmi de nombreux autres cas concrets,
le raccordement d'une commune allemande (Losheim) à une station wallonne
d'épuration des eaux usées (Hergesberg).

La coopération
interrégionale en Europe occidentale
Comme on l'a vu, la
Région wallonne, de par sa situation géographique, fait partie de plusieurs
espaces transfrontaliers porteurs de potentialités de développement conjoint.
C'est ici que le fait régional intervient positivement lorsque les autorités qui
en résultent disposent de suffisamment de pouvoir pour mener des politiques
harmonisées et intégrées sur base d'une concentration géographique et
sectorielle. Il est par ailleurs clair que les zones frontalières constituent
des réalités transnationales parfois plus homogènes qu'un territoire étatique,
ce qui donne vie à l'idée de l'Europe des Régions.
Certes, depuis 1993, la
Wallonie a la possibilité de traiter directement avec les Etats étrangers, ce
qui lui permet de situer le partenaire international au niveau jugé le plus
adéquat, de l'étatique au régional. En tout état de cause, le terrain
interrégional mérite de continuer à être exploré, de par son mérite de
proximité. Le raisonnement vaut pour les coopérations non frontalières, même si
le voisinage est souvent le meilleur gage d'actions concrètes.
Cela explique que les
liens de coopération interrégionale tissés par la Wallonie prennent le plus
souvent pour base une similitude d'objectifs sectoriels et/ou de situation,
voire de revendication, institutionnelles.
Il est ainsi
incontestable que l'autonomie régionale et la prise en considération des Régions
comme racines de l'Europe ont constitué le terreau de la relation de partenariat
avec la Généralité de Catalogne, formalisée notamment par une déclaration
d'intention du 12 mai 1987. Cette déclaration reflète très clairement l'idée de
complémentarité :
-
la partie catalane
réalise, pour ce qui la concerne, des banques de données industrielles à
partir du savoir-faire, des méthodes de collecte de données et des logiciels
mis au point en Wallonie;
-
la partie wallonne
marque son intérêt pour les capacités de la Catalogne en matière de design
industriel et veille à la présentation de ce savoir-faire en Wallonie.
L'accord de coopération
du 24 mai 1993, signé par les Présidents Jordi Pujol et Guy Spitaels, bâtit, en
matière technologique et industrielle, un système de collaboration visant
particulièrement les universitaires et les PME, avec comme modalités :
-
l'organisation, tous
les trois ans au moins, d'un séminaire de présentation des technologies et
expertises développés de part et d'autre;
-
des contacts
privilégiés entre les euro-info centres de Namur et de Barcelone;
-
l'échange
d'informations sur les foires organisées dans chacune des deux Régions ainsi
que sur les entreprises y participant;
-
la stimulation des
relations de coopération entre les industries de la culture.

Avec la Région française
de Midi-Pyrénées, ce sont les technologies nouvelles et l'aéronautique,
illustrée par le programme Airbus, qui ont servi de ciment fédérateur à un
programme conjoint de travail signé par le Président Marc Censi et le Ministre
Albert Liénard le 17 octobre 1989. La méthodologie retenue dans ce document est
particulièrement intéressante en ce que, dans une optique d'efficacité, elle
identifie les intervenants impliqués par chaque modalité ou thème de
coopération. Ces derniers peuvent être synthétisés comme suit :
-
séminaires de
présentation générale des partenariats industriels et technologiques;
-
diffusion des
demandes de recherche de partenaires, formulées par des entreprises ou
centres de recherche;
-
organisation annuelle
de journées de contact, alternativement en Wallonie et Midi- Pyrénées
(biotechnologie, nouveaux matériaux, aéronautique spatiale, technologie de
l'information et de la communication);
-
réalisation de
missions de prospection par de jeunes diplômés universitaires (en liaison
avec les chambres de commerce et d'industrie);
-
coordination
d'actions de promotion de produits agro-alimentaires sur le territoire de
l'autre région.
En Suisse, avec la
République et Canton du Jura, l'accent a été mis sur les autonomies respectives
et leurs concrétisations possibles en matière de reconversion industrielle -
notamment du secteur mécanique -, promotion des produits et services, politique
de développement en milieu rural, protection de l'environnement, technologies
nouvelles et relations institutionnelles. Une déclaration commune du 20 novembre
1987 a prévu la création d'une commission permanente Jura-Wallonie.
Les parties prévoient la
possibilité de s'associer dans le cadre de programmes confédéraux,
interrégionaux ou européens, particulièrement dans le cadre de l'instauration du
marché unique européen. Cette dernière mention constitue, pour un canton suisse,
une profession de foi en une intégration à l'Union européenne.
Des projets concrets de
coopération interrégionale et d'échanges d'expériences sont en outre soutenus
sur le plan financier par la Commission européenne, à l'instar d'Eurocam.
Il s'agit d'un réseau
entre les centres de recherche - développement actifs dans le créneau des
céramiques de pointe, et ce pour les Régions de Limousin (France), Valence
(Espagne), Centre (Portugal), Limerick (Irlande), Nord-Pas-de-Calais (France) et
Wallonie. On compte parmi les réalisations :
-
la mise en place
d'une banque de données à caractère technique (Dataceran), axée sur les
matières premières , les produits finis, les fournisseurs de matériel
céramique et les spécialistes;
-
la diffusion d'une
newsletter
dans les six Régions;
-
l'organisation de
visites des installations et entreprises dans chaque Région.
Sans aucune prétention
exhaustive, on peut également citer un autre projet impliquant la Wallonie comme
Région pilote et l'aide financière de l'Union européenne : "Méthodes et
stratégies pour l'internationalisation des PME". Avec les Régions de
Frioul-Vénétie-Juliene et des Pouilles (Italie), du Pays Basque (Espagne) et de
Madère (Portugal), un guide commun a été rédigé à destination des PME,
présentant notamment les CEEI (Centres européens d'entreprise et d'innovation)
et de manière plus générale l'offre des services à l'intention des PME. Cette
deuxième phase du projet a été élargie aux Régions de Galway (Irlande), Toscane
(Italie) et Navarre (Espagne).

Orientation
bibliographique
3. M-F MARCHAL, les relations
internationales dans la Belgique fédérale, Socialisme, n° 239,
septembre-octobre 1993, pp. 39-44.
Partie 1 -
Partie 3
Philippe Suinen, Les relations
internationales de la Wallonie, dans
Wallonie. Atouts et références d'une
Région,
(sous la direction de Freddy Joris), Gouvernement wallon, Namur, 1995.
