Le sillon wallon
C'est l'autre paysage
dominant de la Wallonie; c'est également lui qui caractérise le mieux un certain
stade de développement économique et social atteint au cours des deux derniers
siècles. Ce sillon industriel et urbain, qui s'étire de la région verviétoise au
Borinage et rebondit d'abord à Tournai puis à Mouscron, constitue toujours
l'épine dorsale, économique et politique, de la Wallonie. S'il s'est
effectivement développé lors de la première révolution industrielle, le sillon
s'est aussi articulé sur un chapelet de villes fort anciennes, qui s'égrenait de
la Vesdre à l'Escaut, en passant par les vallées de la Meuse et de la Sambre
puis la plaine de la Haine. Certes région charbonnière et métallurgique, typique
du XIXe siècle, le sillon wallon est plus que cela; ses paysages comme son
patrimoine appartiennent également à une histoire déjà vieille, mais - à
l'inverse - sont aussi le fait de l'urbanisation moderne.
A l'extrémité orientale
du sillon, on découvre l'agglomération verviétoise, primitivement encastrée dans
la profonde vallée de la Vesdre, mais dont les faubourgs ouvriers comme
bourgeois se sont ingéniés - au fil du temps - à déborder sur les flancs des
collines, puis à s'installer définitivement sur celles-ci. A l'époque de sa
splendeur, la région de Verviers s'adonnait toute à l'industrie lainière et au
textile. Il en est demeuré un riche patrimoine immobilier, - qu'il s'agisse
d'hôtels de maître ou d'habitations populaires -, ainsi que de fort intéressants
témoins de l'archéologie industrielle, dont quelques-uns (même des anciennes
usines) ont été - après restauration - réaffectés à l'usage de logements.
L'agglomération liégeoise
présente, en plus grand, la même configuration que celle de Verviers. En effet,
la ville s'étend dans la vallée mosane, et l'impression de profondeur -
lorsqu'on arrive par exemple du plateau hesbignon - est accentuée par la
présence des terrils qui hérissent les hauteurs avoisinantes. Ici aussi,
l'urbanisation s'est déployée, d'abord dans les vallées et vallons adjacents,
puis - plus franchement, au gré des lotissements modernes et des zonings
industriels - aux franges des contrées riveraines : dans les cultures
hesbignonnes, dans le bocage du Pays de Herve, dans la campagne et les bois
condruziens. Malgré les blessures dues au vieillissement de l'industrie et à un
urbanisme qui fut parfois mégalomane, Liège demeure une grande et véritable
ville, ce qui se perçoit bien dans la multiplicité des fonctions et la diversité
des infrastructures. Son patrimoine monumental est également le plus important
de Wallonie.
De Liège à Namur, le
sillon wallon n'est plus complètement urbanisé et industrialisé. Il arrive même
que la vallée mosane retrouve du pittoresque, quand le fleuve semble s'écouler
paisiblement - du fait des écluses qui en ont maîtrisé les impétuosités - entre
des murailles rocheuses et boisées. L'agglomération namuroise a en commun avec
Liège et Verviers de s'être d'abord développée dans la vallée, de part et
d'autre du confluent de la Meuse et de la Sambre, puis d'avoir gagné - ces
dernières décennies surtout - les collines et les campagnes environnantes, mais
Namur diffère des autres villes parce que la grosse industrie a peu laissé de
traces dans un paysage dont elle fut d'ailleurs absente. L'image paisible de la
Citadelle avec le télésiège, vue du faubourg de Jambes, ou celle du panorama
namurois, vu cette fois de la Citadelle, sont parmi les plus connues du
patrimoine paysager wallon.
La région de la
Basse-Sambre, qui sépare Namur de Charleroi, est plus bâtie et industrieuse que
la vallée mosane en aval de la capitale wallonne. L'entrée à Charleroi ne se
perçoit pas bien, tant le paysage est continûment urbain ou semi-urbain.
L'agglomération carolorégienne présente d'ailleurs une physionomie urbanistique
caractéristique et complexe : elle est moins le résultat du développement
progressif d'un noyau urbain ancien, que la juxtaposition et l'articulation
d'anciens sites miniers et métallurgiques, de zonings industriels, de vieux
quartiers à dominante ouvrière, et de lotissements plus modernes. Faire de cette
agglomération disparate une véritable ville, procède dès lors d'un projet
politique, qui est d'ailleurs en cours de réalisation. En réalité, seuls les
quartiers délimités par l'ancienne forteresse ou à ses abords immédiats
pouvaient prétendre, jusque dans les années septante, à la qualité de ville.
L'agglomération
carolorégienne constitue le pôle oriental du bassin industriel hennuyer. Celui-
ci a été profondément marqué par la fermeture des charbonnages et le déclin des
activités sidérurgiques et manufacturières. Le paysage est profondément blessé
et porte encore trop témoignage d'une histoire économique à l'arrêt. Les
carcasses métalliques ou les hautes élévations en briques des usines abandonnées
succèdent aux mamelons boisés que sont devenus les anciens terrils; entre les
unes et les autres, se blotissent - parfois au milieu des champs - de vieilles
cités ouvrières ou de nouveaux quartiers, tantôt de logements sociaux, tantôt
constitués par des lotissements plus cossus. Mais le temps qui passe et la
nature qui revient aident les hommes à cicatriser l'espace. Petit à petit, le
Hainaut retrouve son image verte d'autrefois, tandis que les villes - qui
n'avaient pu faire face à l'expansion d'une urbanisation anarchique mais liée à
l'époque au développement et aux nécessités de l'industrie et de l'exploitation
minière - se reconstituent et redécouvrent leur patrimoine, au moment même où
elles optent pour un développement plus maîtrisé et plus respectueux de
l'environnement bâti comme naturel. Des villes comme Mons - dont la rénovation
fait l'unanimité - ou comme Binche - dont le charme certain réapparaît en même
temps que frémit une vocation touristique - sont les exemples les plus fameux de
ce renouveau. La ville de La Louvière aussi a compris que c'est dans un
urbanisme volontaire qu'elle trouvera une partie de la réponse aux problèmes
économiques et sociaux de la région du Centre, qui l'entoure de toutes parts.
La région limoneuse
Troisième espace
caractéristique de la Wallonie, la région limoneuse - qui couvre des zones
agro-géographiques différentes - s'étire, sur quelque 150 kilomètres de long
mais sur 30 kilomètres de large tout au plus, entre l'agglomération liégeoise à
l'est et l'agglomération lilloise à l'ouest, ainsi qu'entre le sillon wallon au
sud et la frontière linguistique au nord. La région limoneuse s'étend d'ailleurs
autant en Flandre qu'en Wallonie, et ce contrairement aux deux autres paysages
dominants. La Hesbaye et bien sûr le Brabant n'appartiennent donc pas
exclusivement à la géographie wallonne; même les plaines et les collines de la
campagne hennuyère sont indissociables du pays flamand tout proche.
La Hesbaye occupe le
tiers oriental de la région limoneuse. C'est un paysage quasiment sans bois et
sans vallonnements profonds, sinon aux approches de la vallée mosane, dans
laquelle il bascule presque avec brusquerie. Il y a là des sites plus tourmentés
et des rivières qui entaillent profondément le plateau hesbignon; la Mehaigne en
est l'exemple typique. Pour le surplus, la Hesbaye possède un relief calme, où
les horizons sont lointains, sauf quand une ligne d'arbres ou une série de
tumuli viennent les interrompre. Terre agricole par excellence, la Hesbaye
est le grenier de la Wallonie. Les prairies sont rares, car l'élevage n'est
guère pratiqué; les champs de céréales sont ici largement dominants. Il n'y a
pas de villes importantes, mais de gros bourgs dont les premiers développements
furent d'ailleurs associés à la vocation agricole de la région. Tel fut le cas
de Waremme, Hannut, Jodoigne, Gembloux, et d'autres chefs-lieux de canton.
Le Brabant wallon, lui,
occupe la partie centrale de la région limoneuse. En fait, sous le strict angle
du découpage des zones agro-géographiques, l'extrémité orientale du Brabant
administratif appartient encore à la Hesbaye. On parle donc parfois d'une
Hesbaye brabançonne, comme il y a une Hesbaye namuroise et surtout une Hesbaye
liégeoise. Le véritable Brabant est un terroir au relief plus mouvementé, et
aussi plus boisé. Du nord au sud, les vallées successives de la Dyle, de la
Lasne, de la Sennette et de la Senne, dessinent des paysages vallonnés. Les
lieux ne manquent pas de charme, et il n'est dès lors pas étonnant que le
Brabant wallon exerce un grand pouvoir de séduction sur les Bruxellois qui s'y
sont installés en nombre important, au point que plusieurs communes - comme
Braine-l'Alleud, Waterloo, Rixensart, Wavre et Ottignies - fassent aujourd'hui
partie, de facto, de la grande banlieue bruxelloise.
L'expansion de Bruxelles
dans le Brabant wallon a bien sûr profondément transformé les paysages
originaires. Les champs et les prairies, et même plusieurs bois, ont fait place
aux grands lotissements des golden sixties
puis à des opérations immobilières parfois beaucoup plus cossues et huppées. La
création de la ville universitaire de Louvain-La-Neuve en pleine plage agricole,
a - d'une certaine façon - parachevé et couronné le processus de transformation
urbaine du Brabant wallon. Toutefois, il ne faudrait pas réduire celui-ci à
l'image d'une banlieue verte et riche. L'ouest brabançon, lui, est une contrée
plus pauvre et confrontée aujourd'hui au déclin de l'activité sidérurgique et à
l'abandon des carrières qui assuraient jadis la renommée de localités comme
Tubize, Clabecq et Quenast. A bien des points de vue, cette région-ci
s'apparente aux zones en difficulté du sillon wallon, et le paysage urbain comme
industriel porte les marques des mêmes meurtrissures.
Enfin, last but not
least, le Hainaut occidental constitue la dernière partie de la région
limoneuse. Si la campagne compose très largement le paysage dominant, celui-ci y
est plus varié et plus boisé qu'en Hesbaye. En outre, les villes sont plus
importantes; Enghien, Ath, Leuze et Lessines quadrillent le territoire, tandis
que Tournai et Mouscron, à l'extrême ouest, peuvent prétendre à prendre rang
parmi les villes grandes et moyennes de Wallonie. Les paysages du Hainaut
occidental se partagent entre les plaines et les collines. En certains lieux,
comme dans le Tournaisis ou aux approches de celui-ci, la plaine est si basse
qu'elle prend volontiers des allures de plaine flamande; l'urbanisme et
l'architecture traditionnelle accentuent cette impression, surtout lorsque des
maisonnettes ou des fermettes aux murs en briques et aux toits en tuiles s'allignent
au long des rues et des chaussées, ou se dispersent dans les campagnes. A
quelques kilomètres de là, le paysage peut être plus montueux; on se trouve
alors dans des pays de collines, d'où la vue sur les terres en contrebas possède
une ampleur insoupçonnée; telle est justement la région des Collines dans le
nord du Hainaut occidental.
Exceptionnellement
au-delà du sillon wallon, la Thudinie appartient également à la région
limoneuse. Elle assure la transition entre le Hainaut central et l'Entre-Sambre-et-Meuse.
Séparée de l'agglomération carolorégienne par les bois qui entourent l'ancienne
abbaye d'Aulne, la Thudinie est traversée de part en part par la Sambre qui y a
entaillé une vallée profonde et qui ne manque pas de pittoresque, au point qu'on
a même songé à créer un parc naturel de la Haute Sambre. Cependant, plus que de
destin touristique, c'est de vocation de banlieue éloignée de Charleroi qu'il
semblerait juste de parler. Le charme discret des paysages de la Thudinie n'y
est certes pas étranger.
III. Le Patrimoine naturel
La forêt
Grâce à l'Ardenne et aux
contrées qui l'entourent, la Wallonie est une des régions les plus boisées de
l'Europe du Nord-Ouest. La forêt occupe quasiment le tiers du territoire wallon;
on estime qu'elle s'étend sur quelque 500.000 hectares, dont 313.000 hectares
pour la seule Ardenne. La province de Luxembourg, la moitié méridionale de la
province de Namur et la moitié orientale de la province de Liège sont également
partagées entre la forêt et l'ensemble des autres usages du territoire
(cultures, habitat, infrastructures). La forêt se répartit encore également
entre propriétés privées et propriétés publiques. La forêt publique se divise
essentiellement en forêt domaniale et en forêt communale, de loin la plus
importante. En effet, si la Région wallonne est propriétaire de 59.500 hectares
de forêt, l'ensemble des communes est propriétaire de 187.500 hectares.
Il semble qu'un équilibre
soit aujourd'hui atteint entre les essences feuillues et les essences
résineuses. Le "sapin" occupe 45 % du territoire boisé; l'espèce la plus
répandue est l'épicéa, mais on trouve aussi le pin sylvestre, le mélèze et le
douglas. Bien entendu, les essences indigènes les plus appréciées sont le chêne
et le hêtre; les futaies qu'ils constituent, sont hautement estimées, tant pour
le rapport économique que pour la valeur paysagère. Dans la forêt publique, les
tendances actuelles sont, d'une part, de réduire l'importance du taillis - qui,
autrefois, était surtout exploité pour le bois de chauffage (notamment grâce au
droit d'affouage), mais dont la productivité économique est très faible - et,
d'autre part, de moduler les plantations en tenant davantage compte des
contraintes écologiques et paysagères.
L'antique Arduenna
silva - à laquelle s'identifiait probablement une divinité du même nom :
dea Arduenna - s'étendait jadis jusqu'au Rhin et à la Moselle; elle
englobait donc, non seulement l'Ardenne actuelle, mais également tout l'Eifel
allemand. La forêt ardennaise - si impressionnante puisse-t-elle être encore -
n'est donc plus formée que de lambeaux de l'ancienne forêt charbonnière. Comme
chacun sait, la forêt ardennaise ne constitue pas un massif boisé unique et
compact. Au contraire, il s'agit d'une succession de forêts, qui s'étirent,
selon un axe qui va du sud-ouest au nord-est, de la botte de Givet à l'Hertogenwald,
et selon un autre axe orienté d'ouest en est, de la même botte de Givet à la
forêt d'Anlier et jusqu'en Gaume.
On ignore généralement
que l'aire forestière est en expansion et que, voici quelques siècles, l'Ardenne
était beaucoup moins boisée qu'aujourd'hui. Alors, la forêt était surexploitée,
en raison notamment des modes de construction, de pratiques liées à l'affouage,
à l'essartage et au pâturage, ainsi que de la fabrication du charbon de bois
utile au fonctionnement des nombreuses forges qui conféraient à l'Ardenne (et à
la Lorraine belge) une vocation sidérurgique, bien longtemps avant le sillon
wallon. L'aspect du haut plateau était alors celui de landes, de fagnes et de
sarts. Au XIXe siècle, lorsque les boisements furent massifs, ce sont surtout
ces terres pauvres et incultes qui furent enrésinées. Pour une bonne part, il
est donc injuste d'affirmer que la forêt résineuse a succédé à la forêt
feuillue; l'épicéa n'a pas remplacé le chêne, c'est sur la fagne qu'il a poussé.
Malgré tout, l'Ardenne
n'a pas le monopole de la forêt wallonne. Les régions circonvoisines sont
également fort boisées : 52.000 hectares de bois pour le Condroz, 55.000
hectares pour la Famenne et la Fagne, et 31.000 hectares pour la région
jurassique. Néanmoins, surtout dans le Condroz et le nord de l'Entre-Sambre-et-Meuse,
la forêt perd ce caractère extrêmement dominant qu'elle a en Ardenne;
d'ailleurs, on parlera plus volontiers de bois que de forêts. Le paysage
forestier de Wallonie est principalement constitué, selon les types de sols et
l'altitude, par des chênaies à charme et des hêtraies. Tilleuls, ormes, charmes
et bouleaux sont codominants, tandis que les aulnes et les frênes poussent sur
les sols plus humides. Essences indigènes et principaux résineux confondus, il y
a chez nous moins de cent espèces différentes d'arbres. Cette pauvreté relative
n'empêche cependant pas que la forêt wallonne soit toujours parmi les plus
fascinantes d'Europe.
Les réserves et les parcs naturels
On l'a déjà vu : dès le
début de ce siècle, des voyageurs, des érudits et des scientifiques, se sont
émus du destin de nombreux sites et paysages, par suite de l'urbanisation et de
l'industrialisation, mais encore à raison de l'évolution des pratiques agricoles
ainsi que des premières manifestations de goûts hétéroclites. Malheureusement,
la sensibilisation effective des pouvoirs publics s'avéra fort longue, et, dès
l'entre-deux-guerres, des groupements se constituèrent pour pallier la carence
des gouvernants. Curieusement, en matière de conservation de la nature, l'Etat
belge fut plus efficace dans sa colonie qu'au sein du royaume même. C'est ainsi
que, vers les années trente, les parcs nationaux étaient créés au Congo, tandis
que le parc naturel des Hautes Fagnes et de l'Eifel n'était vraiment institué
qu'un demi-siècle plus tard.
Les principaux
groupements qui, en Wallonie, ont oeuvré pour la défense de l'environnement
naturel et paysager sont bien connus. L'association Ardenne et Gaume constitua,
dès la fin de la guerre, de nombreuses réserves naturelles, - dont les plus
importantes furent qualifiées de "parcs nationaux" -, dans toutes les contrées
sises au sud du sillon wallon. L'association des Réserves Naturelles et
Ornithologiques de Belgique - mieux connue par ses initiales "R.N.O.B." - prit
les mêmes initiatives, mais pour l'ensemble du pays. Le Groupement européen des
Ardennes et de l'Eifel conçut quatre projets de parcs naturels transfrontaliers,
dont un a pu être réalisé. Préoccupés par le devenir d'un seul lieu - mais de
quelle importance ! -, les Amis de la Fagne ont oeuvré sans désemparer pour la
sauvegarde des Hautes Fagnes. Diverses associations locales se sont ainsi créées
pour la conservation de la nature ou pour s'opposer à des projets dévastateurs.
Elles se sont rassemblées dans des organisations comme l'Entente nationale pour
la Protection de la Nature ou Inter-Environnement (devenu aujourd'hui
Inter-Environnement-Wallonie). Enfin, last but not least, les Amis
de la Terre ont toujours fait preuve d'une pugnacité exemplaire dans la défense
de l'Environnement.
En Wallonie, il existe
maintenant deux parcs naturels : le premier et le plus grand est celui des
Hautes Fagnes et de l'Eifel, qui couvre une bonne partie des Cantons de l'est,
et le second - plus petit - est celui de la Burdinale, du nom d'un affluent de
la Mehaigne et localisé aux confins de la Hesbaye liégeoise. Un troisième parc
naturel est en voie de réalisation; il s'étendrait à la commune de Attert et
serait ainsi situé dans le périmètre plus vaste du projet de parc naturel
belgo-luxembourgeois de la Haute-Sûre. Le parc naturel des Hautes Fagnes et de
l'Eifel présente des paysages contrastés et des sites naturels d'un grand
intérêt. Au premier rang d'entre eux, on trouve bien entendu les Hautes Fagnes
elles-mêmes, mais il y a aussi, par exemple, d'importantes forêts comme l'Hertogenwald
au nord et l'Ommer Wald au sud, des vallées sauvages comme celles de la Schwalm
et surtout de l'Our, des campagnes pittoresques qui assurent la transition entre
l'Ardenne et l'Eifel.
La matière des parcs
naturels est régie par un décret de 1985. Auparavant, elle l'était par la loi de
1973 sur la conservation de la nature. Cette législation organisa également la
matière des réserves naturelles qui, jusqu'alors - on l'a vu -, avait été
laissée à l'initiative d'associations qui oeuvraient pour leur création et leur
gestion. La loi consacra d'ailleurs l'action de ces associations, en distinguant
les réserves naturelles domaniales et les réserves naturelles agréées. Celles-ci
correspondaient en fait aux réserves déjà réalisées (ou qui le seraient encore)
par ces groupements privés. C'est ainsi que les fameux "parcs nationaux" de
l'Association Ardenne et Gaume acquirent le statut de réserves naturelles
agréées. Quelques-unes de ces réserves sont bien connues : par exemple, pour les
R.N.O.B., l'étang de Virelles et les marais de la Haute Semois, ou encore, pour
Ardenne et Gaume, les anciens "parcs nationaux" de Furfooz, Bohan- Membre et
Lesse-et-Lomme, ainsi que le site de La Roche à l'Appel.
Les réserves naturelles
domaniales appartiennent, elles, à la Région wallonne. Depuis quelques années,
celle-ci mène en la matière une politique active d'acquisition et de gestion.
C'est ainsi que la réserve naturelle des Hautes Fagnes - la plus importante du
pays - s'étend aujourd'hui à quelque 4.000 hectares de tourbières et de landes.
La Région possède d'autres réserves qui sont essentiellement constituées de
fagnes : celles des Tailles (à la Baraque de Fraiture, entre La Roche et
Vielsalm) et celles des Anciennes Troufferies (tout près de Libramont). Mais la
Région a aussi investi dans bien d'autres sites ou biotopes, de plus petite
étendue et cependant d'un grand intérêt écologique ou paysager. Il s'agit là
d'actions et de lieux souvent moins spectaculaires, dont le choix relève
principalement d'exigences scientifiques.
La faune et la flore
Tout comme certains
sites, paysages ou milieux naturels, plusieurs espèces animales et végétales
sont aujourd'hui protégées. De sérieuses menaces de disparition planaient sur
plusieurs d'entre elles, et ce pour diverses raisons : la modernisation de
l'agriculture et l'emploi des engrais, l'abandon d'anciennes pratiques
agro-pastorales, le développement de la circulation automobile, la pollution,
des collectes excessives de fruits et de fleurs, les abus de la chasse et de la
tenderie, le braconnage, ... etc. Un exemple d'animal disparu est le loup; les
derniers représentants de l'espèce furent abattus dans la seconde moitié du
siècle passé. Parmi les nombreuses plantes qui ont déserté le territoire wallon,
on pourra citer le brome des Ardennes (Bromus bromoïdens), une graminée
qui a disparu avec les champs d'épeautre dans l'entre-deux-guerres.
Tout comme l'ensemble de
la flore européenne, la flore wallonne est assez modeste. Si l'on se réfère à la
Flore de Belgique et à l'Atlas de la flore de Belgique, on peut
estimer à quelque deux mille seulement les plantes supérieures, en ce compris
les espèces introduites. Par exemple, ne rappelait-on pas, plus haut, que, mis à
part certains spécimens d'arboretums, parcs ou autres jardins
remarquables, poussent ici moins d'une centaine d'arbres différents, feuillus et
résineux confondus ? Heureusement, si des espèces disparaissent, d'autres
envahissent l'espace wallon. De la sorte, on peut citer comme introductions
récentes : la Berce du Caucase (Heracleum mantegaz zianum), la Balsamine
géante (Impatiens glandulifera) qui nous vient de l'Himalaya), un Séneçon
(le Senecio inaequidens) qui arrive, lui, d'Afrique du Sud, trois plantes
de grande apparence.
Les mêmes mouvements se
produisent dans la faune : si le loup a disparu, le mouflon a été amené de Corse
dans la vallée de la Semois; il s'y est si bien adapté qu'il se multiplie à
loisir. En certains lieux d'Ardenne, on pratique maintenant l'élevage du buffle,
réputé pour sa viande. Par ailleurs, d'aucuns voudraient - à l'instar d'autres
régions européennes - réintroduire le lynx. Par contre, malheureusement, le chat
sauvage et le blaireau sont devenus encore plus rares, tandis que le renard ne
doit sa survie qu'au remplacement du gazage de ses terriers par des campagnes de
vaccination antirabique. Il faut aussi savoir rendre à César ce qui lui revient.
En effet, c'est aux chasseurs qu'on doit le maintien du grand gibier dans nos
forêts, grâce à des réintroductions presque de dernière minute - comme celle du
cerf - ainsi qu'au nourrissage durant l'hiver, mais grâce aussi à l'adoption de
plans de tir, à la sélection des animaux à tuer et à la mise en place de
Conseils cynégétiques.
Encore que cela ne relève
pas des mesures spécifiques de conservation de la faune et de la flore, la
Région wallonne a fait preuve d'un intérêt particulier pour les haies et les
arbres remarquables. Ceux-ci participent grandement à l'environnement naturel et
paysager, tant du point de vue de l'écologie que sous l'angle social, voire
culturel. Les haies ont été parmi les éléments les plus menacés du fait des
remembrements et de la mécanisation de l'agriculture; en outre, leur entretien
nécessitait un temps que le cultivateur moderne ne peut plus leur consacrer. Que
les haies soient ordinaires ou remarquables, diverses mesures juridiques et
financières ont été prises, non seulement pour les conserver, mais aussi pour
inciter à en recréer. Quant aux arbres remarquables, leur protection est
maintenant assurée, soit par le biais d'un classement, soit - surtout - par une
réglementation propre dans le domaine de l'aménagement du territoire. Il est
probable que l'arbre remarquable le plus célèbre de Wallonie soit le gros chêne
de Liernu, vieux de plusieurs siècles et plus qu'imposant. Relevant plus du
folklore que d'un intérêt botanique ou paysager, les arbres-fétiches d'Erbaut-Herchies
et de Stambruges sont bien connus des ethnographes et plus encore de tous ceux
qui y confient leurs misères.
.../...
Jean-Pierre Lambot, Tourisme et
patrimoine en Wallonie, dans
Wallonie. Atouts et références d'une
Région
(sous la direction de Freddy Joris), Gouvernement wallon, Namur, 1995.