I. La découverte du Patrimoine
Le rôle du tourisme
Un parallèle pourrait
être établi entre le développement du tourisme et la prise de conscience de la
valeur du patrimoine. La découverte du pays fut l'occasion de la découverte du
patrimoine. Il y eut là une réelle interaction. Tantôt, tel site ou monument
suscitait l'organisation de voyages ou d'excursions dont il était le but;
tantôt, la visite répétée de tel autre débouchait sur son embellissement et son
exploitation touristique. Aujourd'hui, le phénomène a pris une ampleur telle
qu'il est devenu un secteur à part entière des activités touristiques - on
parlera par exemple de tourisme culturel ou de tourisme de villes d'art -, et
que l'entretien et la conservation de nombreux sites et monuments dépendent pour
une bonne part du paiement des droits d'entrée ainsi que des dépenses effectuées
par les visiteurs.
C'est principalement au
cours du siècle passé et au début de celui-ci que le pays et le patrimoine
wallons ont été révélés et célébrés par des érudits locaux et surtout par des
voyageurs, avides de découvertes et qui ne craignaient pas les risques et les
mécomptes de ce qui passait encore parfois pour de véritables expéditions. En
effet, pour pérégriner dans des lieux qui n'étaient même pas isolés, ces
audacieux voyageurs devaient plus souvent circuler à pied ou recourir aux moyens
de transports les plus frustes, qu'emprunter les trains, tramways à vapeur ou
autres malles-poste, dont les réseaux se mettaient à peine en place. Les
conditions d'hébergement étaient du même ordre : sauf lorsqu'ils pouvaient
séjourner dans des stations touristiques - comme la cité thermale de Spa -, ces
premiers voyageurs ne connaissaient au mieux que les mauvaises auberges.
Ces pionniers du tourisme
wallon étaient souvent des hommes curieux et cultivés. Ils revinrent
enthousiasmés de leurs voyages et excursions, et eurent alors à coeur de
communiquer leurs impressions et de décrire les localités ainsi que les paysages
qu'ils avaient traversés. C'est ainsi qu'on assista à une floraison de guides ou
de récits de voyages, qui donnèrent le goût à d'autres personnes - qui en
acquéraient les moyens, notamment du fait du développement des voies et modes de
communications - d'excursionner à leur tour dans les villes et campagnes
wallonnes. Alors commença l'ère des déplacements individuels ou en groupe; en
train ou en tram, en voiture ou en autocar, on alla visiter Tournai, Mons,
Namur, Liège, Dinant, - ou remonter la vallée de la Meuse, - ou s'enfoncer dans
les forêts de l'Ardenne, pour déboucher tantôt à La Roche, tantôt à Bouillon.
Dans les principales
villes ainsi que dans les centres de villégiature naquirent, à la même époque,
des syndicats d'initiative, des sociétés d'embellissement, des associations de
protection des sites; quelques organisations - dont le bien connu Touring Club -
acquirent même une dimension nationale. Tous ces groupements manifestèrent le
même souci de faire connaître et de valoriser le patrimoine régional. Beaucoup
d'entre eux furent encore à l'origine de l'étude des monuments - ici un château
ou un palais, là une église ou un musée - ainsi que de publications qui
pouvaient être d'ordre scientifique ou de simples guides à l'usage des
visiteurs.
Bien entendu, ce
mouvement fut d'abord principalement urbain, puisque c'est dans les villes qu'on
trouvait le plus de monuments. C'est là aussi qu'existaient les établissements
d'enseignement, les académies et écoles d'art, les services muséologiques et les
associations culturelles, qui pouvaient - par leurs travaux et leurs recherches
- contribuer à la connaissance la plus juste et à la mise en valeur la plus
adéquate du patrimoine local. En outre, les équipements d'hébergement et les
services y étaient plus nombreux et de meilleure qualité. Aussi y naquit
facilement le concept de tourisme de villes d'art. Aujourd'hui encore, les trois
villes d'art les plus connues de Wallonie sont Tournai, Liège et Namur.
A notre époque, le
tourisme de villes d'art est indissociable du tourisme dit culturel. Celui-ci a
trait aux déplacements qui sont motivés par la connaissance intellectuelle des
villes et des terroirs, par les expositions d'art et les diverses manifestations
culturelles, bref par la vie de l'esprit dans son acception la plus large. Il va
de soi que la découverte du patrimoine occupe une place importante dans le
tourisme culturel. Dès lors qu'il s'agit de déplacements d'une journée complète
ou de plusieurs jours, le patrimoine constitue d'ailleurs souvent l'élément
attractif qui motive le voyageur s'adonnant au tourisme culturel.

La défense du patrimoine
Les érudits locaux et les
premiers voyageurs - quand ils faisaient connaître les paysages, les monuments
et les sites - n'avaient pas pour seule ambition d'assurer le développement
touristique des lieux qu'ils étudiaient ou qu'ils visitaient. La passion du
terroir les amena rapidement à se préoccuper de la sauvegarde du patrimoine bâti
comme naturel. Il est vrai que celui-ci pouvait passer pour fort menacé, à une
époque où l'industrialisation et l'urbanisation commençaient à modifier en
profondeur l'aspect des villes comme les paysages de la campagne. Et ceux-là
mêmes qui étaient les premiers promoteurs du tourisme eurent d'emblée conscience
des possibles effets néfastes du tourisme de masse et des risques de
banalisation des paysages.
Une Commission royale des
Monuments existait déjà depuis 1835, et la technique du classement était connue
dès la fin du XIXe siècle. La Belgique pouvait d'ailleurs être considérée comme
un pays pionnier en matière de patrimoine. Les édifices classés, qui étaient
susceptibles de bénéficier d'interventions financières de l'Etat, devinrent plus
que jamais des buts d'excursions. Leur rareté accrut leur prestige et leur
intérêt. En raison de sa reconnaissance par la Commission royale, l'immeuble
classé - dont la légitimité patrimoniale était ainsi confortée - voyait
renforcer sa fonction de curiosité touristique.
Juste avant la Première
Guerre mondiale, deux lois vinrent inaugurer l'arsenal juridique qui, au cours
du siècle, allait se développer dans le domaine du patrimoine. En 1911, fut
votée la loi sur la conservation de la beauté des paysages (mais en fait elle ne
visait qu'à la remise en état des lieux après l'exploitation de mines et de
carrières), et en 1914, fut adoptée la loi pour la préservation du champ de
bataille de Waterloo (encore une fois, intérêt historique et intérêt touristique
se confondaient). Quelque vingt ans plus tard, en 1935, parut au Moniteur belge
la loi sur la conservation des monuments et des sites, qui constituerait pendant
cinquante ans la principale réglementation dans le domaine de la protection du
patrimoine.
La Commission royale,
elle, s'était muée en une Commission royale des Monuments et des Sites. Les
sites constituaient les parents pauvres de la politique de sauvegarde du
patrimoine. Cela ne manquait pas d'inquiéter tous ceux qui étaient attachés à la
conservation de la nature et des paysages. Déjà, dès le début du siècle,
d'aucuns souhaitaient que d'importantes portions du territoire national puissent
acquérir le statut de parcs naturels. Des projets furent imaginés - par exemple
- pour la Semois ardennaise, la Lesse condruzienne, l'Amblève et déjà les Hautes
Fagnes. Mais tout cela demeura des voeux pieux. Aussi des associations privées
prirent le relais, pour pallier l'inaction des pouvoirs publics. Tel fut le cas
d'Ardenne et Gaume, qui se trouva rapidement, au sud du sillon wallon, à
l'origine de plusieurs réserves et "parcs nationaux".
Dans le dernier tiers de
ce siècle, l'extension souvent anarchique de l'urbanisation, l'ouverture de
grands chantiers publics comme la construction des autoroutes et des pénétrantes
urbaines, et la transformation des villes notamment par suite d'importants
projets immobiliers, suscitèrent - en Wallonie comme à Bruxelles ou en Flandre -
la création de comités de quartier et d'associations de défense de
l'environnement. De la même manière, en milieu rural, des oppositions se
manifestèrent à l'encontre de projets - jugés démesurés - de promoteurs
touristiques ainsi qu'à l'encontre de l'envahissement par le tourisme de masse.
Maintenant, tourisme et patrimoine ne faisaient plus toujours bon ménage.
L'expulsion de terrains de camping-caravaning non autorisés, dans le célèbre
méandre de la Semois à Frahan, fut probablement l'illustration la plus
médiatique de ces conflits.
Le droit suivant les
faits, la législation continuait à s'enrichir, de manière à apporter les
réponses les plus judicieuses aux questions posées tant par la conservation du
patrimoine bâti que par la défense de l'environnement naturel et paysager.
Depuis l'après-guerre, une administration et une politique de l'urbanisme et de
l'aménagement du territoire avaient été mises en place. En 1962 était adoptée la
loi organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, laquelle - avec
son importante réglementation complémentaire - serait transformée, en 1985, en
un Code wallon de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme. Pour ce qui est
du patrimoine stricto sensu, la loi de 1931 sur la conservation des monuments et
des sites était abrogée, d'abord au profit d'un décret de 1987 relatif à la
protection du patrimoine culturel immobilier, puis d'un décret de 1991 relatif
aux monuments, aux sites et aux fouilles. Ce décret, qui constitue la
réglementation en vigueur, a été intégré au Code dit wallon, dont l'appellation
officielle est dorénavant Code wallon de l'aménagement du territoire, de
l'urbanisme et du patrimoine.

L'évolution des idées
Les conceptions en
matière de patrimoine ont évolué avec le temps. A juste titre, d'aucuns ont pu
considérer que la vision initiale était élitiste. Seuls les églises et les
châteaux paraissaient dignes d'être protégés. En outre, la sauvegarde des
paysages et la conservation des sites semblaient passer pour secondaires, au
regard des monuments, quasi exclusivement pris en considération. Mais cette
attitude est compréhensible : elle correspondait aux analyses et aux
préoccupations de l'époque. D'une part, seule était prise en compte la valeur
intrinsèque de l'édifice ou du monument, sans guère de référence à son
environnement; d'autre part, l'intérêt architectural et artistique constituait
souvent l'élément discriminant du classement.
Face à cette conception
restrictive du patrimoine, s'est développée - tout particulièrement durant les
trois dernières décennies - une autre approche, plus large, confortée et
légitimée par les travaux et conclusions de conférences internationales. Dans
cette perspective, d'autres édifices - notamment ceux qui ont participé à la vie
économique et sociale de la collectivité - méritent d'être protégés, non
seulement parce qu'ils auraient la valeur d'éléments d'accompagnement de
monuments plus remarquables, mais surtout pour eux-mêmes, en tant que
témoignages de l'ordinaire et du quotidien, ou comme souvenirs de temps révolus,
ou encore comme symboles d'identité. Dans cette vision plus généreuse, et pour
les mêmes raisons, les paysages, les sites et les espaces publics retrouvent
également toute leur importance.
Dans cette conception
nouvelle du patrimoine, l'archéologie industrielle et l'architecture rurale
traditionnelle, l'architecture bourgeoise et le logement populaire ont trouvé
leur juste place. Oserait-on affirmer que, ce faisant, les populations ouvrières
et rurales de Wallonie ont été réconciliées avec le patrimoine ? Pourquoi pas ?
Les Wallons peuvent maintenant jeter un autre regard, fier et valorisant, sur
d'anciennes usines, sur le squelette de charbonnages à l'arrêt, sur des corons
ou sur de vieilles fermes. Le monde du travail peut lui-aussi revendiquer des
racines, même si elles remontent moins loin dans le temps et si elles
participent à moins de monumentalité. Pour une large part, le patrimoine wallon
est populaire.
On l'a vu plus haut :
autrefois, le monument était protégé pour lui-même, sans que l'on se souciât
trop de la conservation de l'environnement dans lequel il était pourtant inséré.
Ici encore, les choses ont totalement changé, surtout depuis l'adoption de la
Charte de Venise, la Déclaration d'Amsterdam et le déroulement de l'Année
européenne du Patrimoine architectural (1975). Dès lors, on s'est mis à parler
de conservation intégrée et l'on s'est soucié de la réutilisation, à des fins
sociales ou culturelles, voire économiques et commerciales, des immeubles
protégés et restaurés. L'évolution des idées a été telle que la politique du
patrimoine est devenue indissociable de celles de l'urbanisme et de la
rénovation urbaine.
Concomitamment à
l'extension de la notion de patrimoine, la Région wallonne a eu le souci
d'élargir l'audience et de stimuler l'intérêt de couches plus larges de la
population. Cela s'est traduit dans différentes initiatives, qui se sont mêmes
situées au niveau des structures. C'est ainsi que la composition et le mode de
fonctionnement de ce qui est devenu la Commission royale des monuments, sites et
fouilles de la Région wallonne, ont été revus de manière à l'ouvrir à des
sensibilités et des formations variées ainsi que dans le sens d'une réelle
décentralisation. Par ailleurs, pour vulgariser la matière, de nombreuses
actions didactiques, médiatiques, participatives, ont été entreprises ces
dernières années. Pour en citer deux parmi les plus connues, on retiendra les
campagnes menées en faveur de la sauvegarde et la mise en valeur du petit
patrimoine populaire wallon, ainsi que les importantes organisations annuelles
des Journées du Patrimoine.
La connaissance et la
conservation du patrimoine wallon contribuent à forger et à conforter l'identité
régionale. On le sait bien : un peuple sans mémoire n'a pas d'avenir. Assez
paradoxalement donc, la sauvegarde du passé est garante du futur de la Wallonie.
Au moment où celle-ci s'affirme et se constitue, la politique du patrimoine est
un gage de la volonté régionale d'insérer les Wallons dans une perspective
historique. Les autorités publiques ont d'ailleurs prêché d'exemple ces
dernières années, en accroissant considérablement les moyens financiers dévolus
tant à la conservation du patrimoine bâti qu'à celle de l'environnement naturel.

II. Le Patrimoine paysager
L'Ardenne
En Wallonie, la diversité
des paysages contraste sûrement avec l'étroitesse du territoire. Certes, on ne
trouvera pas ici les paysages extrêmes; on ne rencontre ni mer ni montagne, ni
désert ni forêt vierge. Par contre, plaines, plateaux, vallées encaissées et
hautes landes battues par les vents, se succèdent à un rythme effréné. De même,
dans une rare densité d'occupation de l'espace, les villettes quadrillent les
campagnes, tandis que les solitudes forestières se découvrent à quelques
dizaines de kilomètres d'une conurbation de plus de deux millions d'habitants.
Pour beaucoup de gens, la Wallonie se ramène à deux types de paysage : au
centre, le long sillon industriel et urbain; au sud et à l'est, le relief
ardennais. Ils n'ont pas tout à fait tort, ce sont bien les deux paysages
dominants.
Pour le touriste qui
vient du nord, l'Ardenne commence dès qu'il a dépassé Namur ou Liège et qu'il a
traversé la Meuse. Mais cette vision touristique ne correspond pas à la réalité
de la géographie. Certes, l'accentuation du relief et la multiplication des
espaces boisés peuvent donner le change. Il n'empêche que l'Ardenne stricto
sensu - dont le territoire constitue néanmoins le tiers de la Wallonie - ne
s'étend pas à l'ensemble des espaces situés au sud de la Sambre et de la Meuse.
On y trouve aussi d'autres zones agro-géographiques, dont la superficie peut
être également importante; ce sont le Condroz, la Fagne et la Famenne, le Pays
de Herve et la Lorraine belge.
Si le schiste et la
forêt, de même que les rigueurs du climat, caractérisent l'Ardenne à coup sûr,
celle-ci présente des aspects moins homogènes que ce que l'on pourrait penser de
prime abord. Bien sûr, les activités touristiques se sont surtout développées
dans les vallées encaissées où coulent des rivières aux cours souvent sinueux.
Mais il y a aussi les hauts plateaux, d'où la forêt peut être absente, pour
laisser place à des cultures. Ici, l'activité agricole tient principalement dans
l'élevage, au point que certains ont osé affirmer que ce sont les prairies, et
non pas les forêts, qui caractériseraient l'Ardenne. Il n'en reste pas moins que
"l'Ardenne est toute en sa forêt", qu'elle soit taillis ou futaie, feuillue ou
résineuse.
Si l'Ardenne est
schisteuse, le Condroz est calcareux; traditionnellement, les murs des
habitations et des fermes que l'on construisait dans l'une et l'autre régions,
étaient donc en pierres du pays, d'apparence plus claire dans le Condroz et plus
sombre en Ardenne. Quelqu'un a dit que l'Ardenne, c'est le romantisme allemand,
et le Condroz, le romantisme français. Il y a du vrai dans cette observation.
Même si le relief condruzien est tourmenté - avec cette régularité
exceptionnelle, où des lignes de vallées succèdent en parallèle à des lignes de
collines, au point que l'on songe à de vastes "montagnes russes" -, on trouve
ici plus de douceur et souvent plus de calme dans les horizons. Par ailleurs,
les grandes forêts ont fait place à des bois plus petits, qui se mêlent sans
cesse aux cultures. Le paysage n'est plus sylvestre, il est campagnard.
Entre l'Ardenne et le
Condroz, qu'elles séparent presque totalement l'une de l'autre, la Fagne et la
Famenne sont situées à une moindre altitude et ont un relief moins tourmenté.
Dans la construction, la brique est ici largement dominante; la couleur rouge
l'emporte sur les teints plus gris de la pierre. Les sols sont ici ambigus :
tantôt, ils sont si humides qu'il faut procéder à leur irrigation; tantôt, ils
sont si secs que l'herbe y roussit au moindre été un peu chaud. Qu'il vienne
d'Ardenne ou du Condroz, l'automobiliste a vraiment l'impression que la route ou
l'autoroute sur laquelle il circule, plonge dans la Fagne et, surtout, dans la
Famenne. Cette région est une gigantesque dépression; les amples vues que l'on
peut avoir sur elle, sont cactéristiques du paysage. Ici plus que partout
ailleurs, le paysage se confond avec le terroir.
Si l'Ardenne est toute en
sa forêt, le pays de Herve, lui, est tout en son bocage. Du moins était- ce vrai
autrefois. Les haies, les arbres fruitiers et isolés, les vergers conféraient à
cette contrée - blottie entre la Vesdre, la Meuse, les frontières néerlandaise
et allemande - des traits bien particuliers. Ces paysages ont parfois changé :
le bocage a été malmené par la modernisation de l'agriculture et par
l'urbanisation au départ de Liège et de Verviers. Une autre image
caractéristique du Pays de Herve tenait, dans sa partie la plus occidentale, à
la présence de charbonnages qui, avec leurs terrils et leurs châssis à molette,
émergeaient au-dessus des haies, des arbres et des vergers.
A l'opposé du Pays de
Herve, à l'extrême sud de la Wallonie, on pénètre déjà dans la vaste région de
Lorraine. Cette province française déborde quelque peu sur le territoire belge,
d'où ce nom de Lorraine belge. Coincée entre les frontières française et
luxembourgeoise, d'un côté, et l'Ardenne, de l'autre, c'est une terre beaucoup
plus douce et lumineuse que cette dernière. Le climat aussi est différent; l'été
passe pour y avoir quelquefois des airs méridionaux. Aussi, d'aucuns - qui,
quoiqu'au sud, ne perdent pas le nord touristique - n'ont pas craint de parler
de "petite Provence". Pourquoi pas, surtout lorsque les maisons - en certain
village - ont des murs en pierres jaunâtres et des toits en tuiles romaines ?
Pourtant, si quelques lieux du pays virtonnais peuvent parfois, à la bonne
saison, prendre une apparence de Midi, l'hiver arlonnais peut aussi être
sibérien. Terre de contrastes (plus qu'il n'y paraîtrait), la Lorraine belge
n'est pas homogène : à l'est, on trouve le Pays d'Arlon ou Arelerland, où le
dialecte est germanique et l'architecture est thérésienne; à l'ouest, c'est la
Gaume, avec la Semois au nord, la forêt au centre, le pays de Virton au sud.
.../...
Jean-Pierre Lambot, Tourisme et
patrimoine en Wallonie, dans
Wallonie. Atouts et références d'une
Région
(sous la direction de Freddy Joris), Gouvernement wallon, Namur, 1995.