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Institut Destrée, Centre de recherche européen basé en Wallonie

Les avancées de la prospective territoriale


Prospectives territoriales, réformes institutionnelles et gouvernance :
le cas de la Wallonie

Philippe Destatte
directeur de l'Institut Jules-Destrée

Paris, 11 et 12 décembre 2000

 

L'indépendance régionale, condition du développement économique chez Sauvy
L'identification d'un projet institutionnel à des réformes économiques idéologiquement marquées
Une vision prospective et constructive de la société wallonne
Conclusion : construire une vision commune à partir des acteurs

La question, liée à la prospective territoriale et consistant à savoir si les réformes institutionnelles guident le développement de la Wallonie ou si c'est l'inverse, constitue une problématique particulièrement pertinente lorsqu'on se préoccupe du développement de la Wallonie, de l'histoire de cette région, de son présent, de son avenir.

Avant de répondre à cette interrogation, il est toutefois indispensable de poser quelques jalons. D'abord, il faut prendre conscience du fait que, lorsque l'on parle de la Wallonie ou de la Flandre aujourd'hui, les régions auxquelles on fait référence correspondent de moins en moins à la définition classique de ce niveau de pouvoir : en effet, ces entités disposent à la fois de l'équipollence des normes législatives et réglementaires avec le niveau fédéral, de compétences exclusives, de la capacité internationale de ces compétences et elles sont en passe d'être dotées d'une forte autonomie fiscale. Ces différents éléments font ainsi de la Flandre et de la Wallonie des quasi-nations, compte tenu des compétences dévolues à l'Europe. Ainsi, il faut réaliser que la Wallonie, avec une population de 3,2 millions d'habitants, comparable aux régions Nord - Pas-de-Calais ou Pays de Loire, et avec un territoire dont l'étendue est proche de celui de la Région Champagne - Ardennes, dispose d'un budget annuel d'environ 5 milliards d'euros.

Cette situation institutionnelle constitue bien évidemment l'aboutissement d'un lent mûrissement lié à un projet régional – longtemps difficile à identifier – mais que l'on peut définir aujourd'hui, avec une certaine maturité, comme l'exigence partagée de plus de démocratie et d'un meilleur développement (01). Si l'on veut bien considérer que la démocratie implique le principe de subsidiarité et donc la responsabilisation des acteurs, les deux items que constituent le développement économique et le développement institutionnel se sont articulés et nourris l'un l'autre en Wallonie de manière particulière en cette fin du XXème siècle. D'une part – et je vais essayer de le montrer au départ de l'analyse d'Alfred Sauvy – un cadre institutionnel réservant une autonomie maximale à la Wallonie est apparu comme une condition du développement économique régional. D'autre part, l'identification de ce cadre institutionnel à un projet économique idéologiquement marqué a empêché le maintien d'un consensus parmi les acteurs et a bloqué pendant longtemps le développement démocratique et le redressement économique de la région. Enfin, je tenterai de montrer comment une démarche de dialogue stratégique et de prospective territoriale, intitulée La Wallonie au futur, a pu, à côté d'autres initiatives, rendre une capacité de pro-activité à la Région wallonne, au tournant du siècle. Cette renaissance de capacité s'est notamment manifestée au travers d'un Contrat d'Avenir pour la Wallonie et d'un Schéma de Développement de l'Espace régional wallon.

L'indépendance régionale, condition du développement économique chez Sauvy

Reportons-nous maintenant en 1962. Pour la Wallonie - qui n'existe pas à cette époque en tant qu'entité de droit public -, la période est loin d'être aussi radieuse que le terme générique de Golden Sixties pourrait le laisser entrevoir. Ainsi, alors que la croissance annuelle moyenne du PIB de la Wallonie est, à l'époque, de l'ordre de 2,5 %, la part de la région wallonne dans le PIB de la Belgique diminue chaque année de 3,1%. En dix ans (1958-1968), le retard de croissance de la Wallonie par rapport à la Flandre sera de l'ordre de 25%. 1965 constituera d'ailleurs le moment où, en Flandre, le PIB par habitant dépassera celui de la Wallonie (02).

C'est au printemps 1962 que paraît le rapport rédigé par le professeur au Collège de France Alfred Sauvy (03). Il s'agit d'une initiative du Conseil économique wallon, association sans but lucratif créée dans la Résistance, à l'initiative de plusieurs économistes et chefs d'entreprises (04). Dès 1953, le professeur français s'était en effet penché sur la situation de la région wallonne et avait souligné qu'un pays sans jeunesse est voué à devenir un pays de vieilles gens ruminant de vieilles idées dans de vieilles maisons (05).

Le Rapport Sauvy, tel que publié en 1962, n'est long que d'une cinquantaine de pages et comprend deux parties. La première est une analyse démographique des évolutions récentes ainsi que des perspectives des populations de la Belgique, due à Roland Pressat, alors chargé de recherche à l'Institut national d'Etudes démographiques de Paris (Ined). La seconde partie s'intitule Conditions du développement économique et mesures à prendre en vue d'un renouveau général; elle constitue l'apport même d'Alfred Sauvy. Elle comprend sept chapitres d'analyse de la situation wallonne comparée aux autres pays européens. Comme le relève Alfred Sauvy, le vieillissement n'est certes pas propre à la Wallonie, ni à la Belgique; il se poursuit [alors] en Allemagne et en Angleterre, et est sérieusement amorcé en Italie mais nulle part, écrit Sauvy, il n'a atteint le degré atteint en Wallonie (06). Le professeur fait état de ses prévisions à l'horizon 1975 et trace un tableau particulièrement sombre de l'avenir de la région : vieillissement catastrophique de la population, minorisation politique, réduction de la population active, stagnation économique. Il conclut par une formule que l'on classerait aujourd'hui dans la rubrique "compétitivité des territoires" :

Un pays où domine les vieux, un pays qui ne renouvelle pas ses cellules, ne peut prétendre jouer un rôle convenable dans une époque où jaillit de toutes parts le progrès et où s'élève une concurrence plus vive encore et moins limitée que celle, déjà sévère, du XIXème siècle.

Et il ajoute, sur le mode de la philosophie individualiste rappelée par Hugues de Jouvenel :

Rien n'est écrit, sinon des chiffres sur un papier. Nous allons maintenant voir comment ceux-ci peuvent être modifiés par la volonté de l'homme, si l'homme le veut effectivement (07).

Alfred Sauvy va longuement plaider pour que soit restauré un dynamisme démographique suffisant grâce à une politique de soutien de la fécondité s'accompagnant d'une immigration de type familial (08). Parallèlement, le professeur va également relever la nécessité de créer un organisme de réflexion que l'on aimerait intituler "de prospective" et qu'il qualifie de la manière suivante :

Il faut, écrit-il, recommander expressément la création d'un organisme scientifique ayant pour tâche la préparation de l'avenir, sur un plan résolument pratique. Cet institut serait un organisme de réflexion et de prévision à long terme. Il étudierait l'évolution du pays dans ses tendances profondes et devrait être déchargé de toute tâche administrative au jour le jour. La démographie serait évidemment au premier plan de ses préoccupations (09).

Lors de la présentation de son rapport, Alfred Sauvy transforme son constat sur la Wallonie en un slogan qui sera répété inlassablement :

Pour la Wallonie, le danger est beaucoup plus sérieux encore que pour une nation. Celle-ci a en effet des possibilités de défendre son économie, de la protéger dans une phase initiale, d'emprunter à une autre nation, etc. Privée à la fois d'indépendance et de jeunesse, la Wallonie serait vouée à l'asphyxie. (10).

Il ne s'agit pas ici de vouloir établir de corrélation directe et absolue entre déficit démographique et sous-développement économique (11), il s'agit plutôt – et c'est notre sujet – de constater que l'expertise d'Alfred Sauvy appelait en priorité la constitution d'un cadre institutionnel comme élément moteur des développements démographiques et économiques. Quelques années plus tard, sur l'impulsion de mai 1968, les étudiants liégeois allaient reprendre cette idée avec beaucoup de pertinence :

Le problème wallon est aussi un problème d'hommes. Il n'est pas prouvé qu'une démographie stationnaire entraîne une richesse moindre par habitant; il est plus certain qu'elle engendre un dynamisme moindre. C'est notre cas.

Nous avons besoin d'un nouvel Etat plus entreprenant, de partis rénovés, mais les hommes (et les idées) sont plus vieux ici que partout ailleurs. Mais pourquoi les jeunes seraient-ils ici plus résignés qu'ailleurs alors que leur avenir est plus sombre que partout (12) ?

L'impact médiatique du Rapport Sauvy fut considérable en Wallonie. Et même s'il ne s'agissait pas d'un exercice de prospective stricto sensu, Alfred Sauvy décrivait un scénario catastrophe – économique bien plus que démographique d'ailleurs – dans lequel la Wallonie allait s'engouffrer pour au moins trente ans, sans pouvoir même en atténuer les effets. La Région allait vivre sa descente aux enfers industrielle et se retrouver dévastée socialement, écologiquement et plus insidieusement encore, culturellement. Car, malgré les analyses nombreuses qui avaient précédé - celles d'économistes comme Laurent Dechesne de l'Université de Liège au début du siècle, celles de Max Drechsel de l'Université de Mons ou le remarquable rapport - le plus crédible et le plus documenté - du Conseil économique wallon de 1947 (13) -, malgré les efforts réels d'un certain nombre d'hommes politiques, d'acteurs économiques, de syndicalistes wallons, aucune action tangible et durable ne put être menée dans le sens donné aujourd'hui par Jacques Lesourne, à ce terme une succession de décisions coordonnées qui atteignent un objectif (14). Ainsi que le rappelait il y a peu Paul Bairoch, se souvenant des travaux qu'il avait menés quarante ans plus tôt notamment avec la SEMA dans le Hainaut :

A l'époque, ce qui nous avait frappés le plus, c'était le refus des responsables politiques nationaux et régionaux de prendre en compte le caractère dramatique du problème. Ils refusaient de voir la réalité (15).

Le blocage institutionnel - le mot indépendance de Sauvy - fut total et le restera longtemps au delà même des changements constitutionnels. Ainsi :

1. La réforme régionale de l'Etat, constitutionnellement entamée en 1970, n'aboutira sérieusement – c'est-à-dire avec une réelle capacité d'action – qu'en 1993. Too little too late aurait dit le général Mac Arthur. Longtemps, en effet, le statut de la Wallonie fut celui, ambigu, d'une région dont l'autonomie a été reconnue mais dont, dans le même temps, la dépendance a été assurée (16).

2. Les retards apportés à la mise en œuvre des lois de décentralisation économique (loi Terwagne de 1970) ne permettront les premières initiatives industrielles publiques que dans le milieu des années soixante-dix tandis que les lois d'expansion économique (Lois Leburton de 1971), prises par le dernier Premier ministre wallon du royaume de Belgique, attendront près de dix ans, c'est-à-dire ce que l'on a appelé la régionalisation définitive, pour connaître la totalité de leurs arrêtés d'application (17).

3. Les aides européennes affectées pour la reconversion de la Wallonie subiront jusqu'à la fin des années soixante-dix – comme l'a montré l'ancien chef de division à la Commission européenne Paul Romus – un détournement systématique au profit d'autres régions par l'effet de clefs de répartition nationale (18).

4. Aucun pôle de reconversion ne sera mis en place, comme ce fut fait par exemple en Lorraine, pour citer une région limitrophe à la Wallonie et de structure économique et sociale comparable (19).

L'identification d'un projet institutionnel à des réformes économiques idéologiquement marquées

Dans son ouvrage Les causes du déclin wallon, publié en 1978, Michel Quévit avait estimé que l'autonomie de la région wallonne ne suffisait pas à jeter les bases d'un redéploiement industriel. Il faut – écrivait-il – de profondes réformes structurelles qui garantissent à la Wallonie le maintien d'une capacité d'action financière dans le cadre d'une politique industrielle valorisant les ressources humaines, matérielles et technologiques de la région (20) .

Evidemment, les causes du déclin de la Wallonie, première région du continent européen à avoir mis en oeuvre sa Révolution industrielle au XIXème siècle, juste après la Grande-Bretagne, sont multiples et dépassent largement la fin de l'exploitation de cent cinquante charbonnages dans le cadre du plan de la CECA (21). Bien sûr, on peut également relever la fermeture d'une série impressionnante d'outils sidérurgiques ou verriers, ces secteurs dits nationaux sur lesquels le gouvernement central va garder la direction de la politique économique jusqu'en 1988. De même, il est nécessaire d'évoquer le transfert d'au moins 12 % de ses actifs du sud au nord, de 1937 à 1980, par la Société générale de Belgique, cette matrone de la Belgique dont Jacques Lesourne dénonçait dernièrement la concentration du pouvoir économique dans les années soixante et soixante-dix au profit de quelques pachydermes au pas lent et au dynamisme mesuré (22).

Toutefois, les raisons de la poursuite inéluctable de ce déclin apparaissent avant tout institutionnelles et politiques. Des éléments politiques et culturels endogènes ont en effet largement participé à ce tarissement de l'initiative industrielle que dénonçait le recteur de l'Université Warocqué (Mons) en 1962 (23) et à cette incapacité du renouveau, mise en évidence par l'historien Pierre Lebrun pour qualifier le bassin liégeois de l'après-guerre (24). Ces éléments résident notamment (25) dans la dislocation du consensus des forces vives wallonnes, consensus qui s'affirmait particulièrement au sortir de la guerre et s'était maintenu jusqu'à la fin des années cinquante, y compris au moment de l'Affaire royale (26).

Ce consensus entre les acteurs wallons a éclaté dans les années soixante par l'identification du projet d'autonomie régionale de la Wallonie à des réformes de structure apparaissant comme anticapitalistes dans la lignée de l'action volontariste du leader syndical liégeois et fondateur du Mouvement populaire wallon, André Renard (27).

Le programme du Mouvement populaire wallon - au delà d'ailleurs de la disparition de son leader -, tout comme, après 1967, l'implication très prégnante d'un Parti socialiste politiquement très dynamique dans la construction de la Wallonie vont identifier – à tort ou à raison – le projet qui y est attaché à une option idéologico-économique précise. C'était un grand virage, écrira l'économiste Jacques Defay, il s'agissait de renoncer complètement à l'Etat belge comme cadre de la réforme économique et de la relance de la Wallonie, et de vouloir des structures publiques (28) . Ainsi ancré politiquement, le projet wallon a automatiquement mobilisé, contre l'idée régionale, tous ceux qui ne partageaient pas cette option, c'est-à-dire 50% des acteurs au sein même de la Wallonie (29).

Quatre éléments fondamentaux ont ainsi marqué l'évolution de la Wallonie de 1960 à 1990 :

1. Une incapacité fondamentale à jeter un regard prospectif et à dégager des visions basées sur des signaux faibles positifs. Partout le déclin wallon apparaissait dans des projections par trop linéaires et par trop catastrophiques (30). Ainsi, en 1976, le secrétaire d'Etat à l'économie wallonne, Jean Gol, se demandait s'il existera encore une économie wallonne dans quelques années. Avec un taux de croissance réel négatif de -2,2 % en 1975, la question était particulièrement pertinente (31).

2. Une rupture totale entre les paradigmes économique, technologique et culturel, maintenus en cet état par la dispersion institutionnelle et le manque de passerelles entre les niveaux de décisions et d'actions publiques.

3. Un éclatement du consensus des acteurs régionaux et sa prolongation au travers d'une territorialisation idéologique caricaturale : Flandre majoritairement catholique, Bruxelles libérale, Wallonie socialiste (32).

4. Une pure réactivité de la part des élus et des administrations face à l'ampleur de la crise régionale, notamment sidérurgique, ainsi qu'aux très nombreuses et urgentes sollicitations des acteurs économiques (33).

Ainsi, l'OCDE pouvait-elle encore, en 1999, classer la Wallonie parmi les régions à sous-développement tenace, qui disposent d'infrastructure de savoir, voire de capacités de recherches prestigieuses, mais qui sont spécialisées dans des secteurs en déclin et sont incapables d'endiguer ce processus et de faire face aux pressions de la mondialisation (34).

Une vision prospective et constructive de la société wallonne

Comme l'avait confié au journal Le Monde, dès le début de la réforme de l'Etat belge, l'un de ses artisans principaux : quelques lignes dans une Constitution ne sont pas de nature à résoudre ni le problème de la reconversion industrielle d'une région, ni le problème de l'aménagement du territoire, de la liquidation de ce qui est vieux et inutilisable et de son remplacement par des industries modernes (35).

On le voit, la nécessité d'un travail de prospective, agissant sur les acteurs de manière endogène, tel que Joseph F. Coates l'appelle de ses vœux, se faisait particulièrement sentir en Wallonie. L'ancien ministre et président de l'Institut Jules Destrée Jacques Hoyaux avait, dès 1980, dénoncé l'absence de continuité de la politique économique régionale – celle-ci avait changé dix fois de titulaire depuis 1966 – , fustigé la faiblesse des compétences alors attribuées aux régions, mais surtout appelé à la construction d'une volonté politique au niveau non seulement des groupes politiques mais de l'ensemble de la population. L'autonomie, soulignait Jacques Hoyaux, n'est qu'un moyen de redonner une volonté collective. Celle-ci est donc prioritaire (36). Le président de l'Institut Jules Destrée avait du reste tenté dès 1978 de rechercher des partenaires pour mettre en chantier un exercice de prospective relatif à l'économie wallonne, malheureusement sans succès (37).

Ce travail s'est amorcé en 1986-1987 sous l'intitulé de La Wallonie au futur et a connu cinq exercices mêlant la prospective-observation à la prospective-action et la résolution de problèmes (problem solving) dans le but d'accompagner les processus d’intelligence collective dans la recherche d’un futur souhaitable – pour reprendre la formulation récente de Fabienne Goux-Baudiment (38) :

– Un premier congrès très ouvert intitulé Vers un nouveau paradigme (Charleroi, 1987);

– Un deuxième congrès focalisant sur Le défi de l'éducation (Namur, 1991);

– Une conférence-consensus Où en est et où va le système éducatif en Wallonie ? Comment le savoir ? (Namur, 1994);

– Un troisième congrès intitulé Quelles stratégies pour l'emploi ?, destiné à mesurer les ajustements nécessaires pour que la région s'inscrive dans le contexte du Livre blanc de Jacques Delors (Liège, 1995);

– Un quatrième congrès d'évaluation et de rétroprospective intitulé Sortir du XXème siècle, Evaluation, innovation, prospective (Mons, 1998), suivi de trois journées d'étude consacrées à la contractualisation (Namur, 1999), à l'évaluation (Charleroi, 2000) et à la prospective (Charleroi, 2000).

L'Institut Jules Destrée, organisme non gouvernemental inscrit dans la longue durée régionale – il a été fondé en 1938 –, avait clairement annoncé, dès l'été 1987, son intention et l'avait ainsi formulée : une génération nouvelle opte résolument en faveur d'une vision prospective et constructive de la société wallonne (39).

De leur côté, les observateurs de l'époque ont ressenti une inflexion voire une inversion de la dynamique régionale, immédiatement exprimée par le journal catholique flamand De Standaard – peu suspect de complaisance – sous le titre Het Waalse "réveil" : le réveil wallon (40).

Une rupture culturelle durable semble en effet avoir progressivement pris le pas, dès ce moment, sur le processus de déclin qui frappait le Wallonie, indépendamment des évolutions conjoncturelles mais s'appuyant sans doute sur le climat de retour de la croissance forte à partir de 1988 (41). Cette rupture culturelle a été initiée par celui-là même qui avait analysé les causes du déclin wallon – le professeur Michel Quévit de l'Université de Louvain – ainsi que par quatre cent acteurs qui ont bénévolement participé à la réflexion du congrès La Wallonie au futur, et ont rédigé plus de deux cents contributions et dessiné les bases d'une société wallonne. Le Comité scientifique mis en place a donné l'impulsion, l'Institut Jules Destrée a mis en oeuvre et le pouvoir régional a suivi la démarche, avec une attention soutenue, même lorsque les enjeux dépassaient ses strictes compétences institutionnelles. Comme l'a indiqué le rapporteur général en exergue du troisième congrès :

Cette nouvelle initiative de notre réflexion prospective est fondamentale. Il s'agit, une fois encore, de déterminer les axes d'une stratégie régionale afin de contribuer à maîtriser un domaine qui touche à l'avenir de notre société. Le débat sera largement ouvert et j'invite chacun à y contribuer par une participation active (42) .

Les effets principaux de ces travaux et de ceux qui leur font suite sont au nombre de cinq :

1. Reconstruire un consensus et créer, en bottom up, une société civile d'acteurs en Wallonie en, établissant des liens durables entre les universités, les administrations, les interlocuteurs patronaux et sociaux, les ONG, indépendamment du pouvoir régional qui a su être l'interlocuteur attentif du projet puis, dans une deuxième phase, l'a co-financé.

2. Développer de nouveaux espaces pour l'initiative des acteurs et assurer une continuité de la réflexion régionale à partir d'un comité scientifique pluraliste, libre et indépendant, au cours d'une période durant laquelle se sont succédé cinq gouvernements régionaux (1987-2000) (43).

3. Etablir les bases d'une identité de projets pour la Wallonie : projet économique, projet scientifique et technologique, projet éducatif, projet culturel ainsi qu'avenir institutionnel, en faisant de la citoyenneté ouverte et du décloisonnement les axes de leur élaboration (44).

4. Entamer une rupture avec la culture industrielle en faisant profession de foi collective quant à la prééminence des valeurs immatérielles sur les ressources matérielles et en établissant des trajectoires différentes pour le développement économique wallon : trajectoire de création technologique, trajectoire de rupture-filiation dans les entreprises existantes autour de la notion de filières, trajectoire s'appuyant sur les capacités endogènes du milieu local (45) .

5. Induire ou participer à des stratégies d'action innovantes débouchant sur des initiatives privées ou sur des décisions publiques : mécanismes de contractualisation des politiques, dynamiques d'évaluation et de prospective formelles – qui restent encore à développer (46) -, tous constituent autant de cadres formels de la bonne gouvernance, si nécessaires à un développement soutenable.

Ainsi, on ne saurait nier que les deux importantes initiatives publiques wallonnes que constituent le Schéma de Développement de l'Espace régional wallon (1999) et le Contrat d'Avenir pour la Wallonie (2000) s'inscrivent dans ces logiques de gouvernance, même si l'Institut Jules Destrée ne saurait en revendiquer la paternité.

Le Contrat d'Avenir pour la Wallonie, induit de la méthode préconisée à la suite du congrès La Wallonie au futur de 1998 (47), s'est donné pour objectif d'atteindre, à l'horizon 2010, la moyenne européenne en matière de taux d'emplois et de création de richesse par habitant. Mais, surtout, il s'est donné quatre priorités qui inscrivent l'action régionale dans la durée :

– le développement économique durable surtout au travers des très petites, des petites et des moyennes entreprises ;

– l'accélération du développement des arrondissements soutenus par l'Europe ;

– l'implication des jeunes dans le développement de la Wallonie ;

– l'entrée de la Wallonie dans la société de la connaissance.

Au delà, le Contrat d'Avenir, adopté début 2000, a, sans aucun doute, – comme l'a souligné son initiateur – aidé à changer quelque chose dans la manière de conduire la Wallonie, tout en faisant en sorte qu'une plus grande attention se porte sur le long terme, sur les éléments positifs qui permettent de créer et de construire, ou sur les besoins des générations qui nous suivront dans vingt, trente, voire cinquante ans (48). Construit sur le modèle des contrats de plan Etat-région, le Contrat d'Avenir pour la Wallonie a ceci d'original que, dans le système fédéral rappelé brièvement en introduction à l'intérieur duquel la souveraineté appartient totalement à la région fédérée pour ses propres compétences, il a comme objet unique la contractualisation mobilisatrice avec les forces vives territoriales : l'Administration régionale, les interlocuteurs sociaux, locaux et associatifs wallons. Bien piloté, bien évalué à rythme régulier, bien ajusté par une vision prospective, il peut s'avérer un outil remarquable de bonne gouvernance participative et démocratique.

Enfin, le Schéma de Développement de l'Espace régional (SDER), adopté le 27 mai 1999 par le Gouvernement wallon, et considéré comme deuxième grand chantier régional par l'équipe gouvernementale mise en place en juillet 1999 (49), constitue un précieux outil de développement territorial. Fruit d'une volonté qui remonte au Comité ministériel des Affaires wallonnes, présidé par Alfred Califice en 1976 (50), mais longtemps inscrit dans un contexte institutionnel mouvant, le SDER est né d'une analyse de la situation présente et d'une vision des tendances d'avenir. Instrument transversal et interactif d'aménagement mais aussi de développement et de planification stratégique, il s'est construit selon trois principes qui le relient à la prospective territoriale :

– il définit le territoire wallon comme patrimoine de ses habitants ;

– il se veut porteur d'une cohésion économique et sociale du territoire ;

– il se fonde sur une logique de développement durable.

De plus, le SDER s'inscrit prioritairement dans l'espace global, et notamment dans celui du Schéma de Développement de l'Espace communautaire (SDEC) ainsi que dans l'espace suprarégional, celui constitué par les régions proches de la Wallonie (51).

Conclusion : construire une vision commune à partir des acteurs

Le travail stratégique et prospectif La Wallonie au futur, entamé par une partie tangible de la société wallonne se poursuit. Un cinquième congrès est en effet en préparation. Il bénéficiera sans aucun doute d'une expertise accrue en prospective territoriale. Parallèlement, l'Institut Jules Destrée s'est désormais vu confier, par le Gouvernement wallon, la double mission d'animation de la prospective régionale et d'information prospective du gouvernement. Il s'agit aujourd'hui de faire se rencontrer, dans un dialogue constructif, une initiative non gouvernementale participative et une démarche d'expertise incluant tous les acteurs régionaux.

L'enjeu consiste à construire une vision commune qui se situe au delà des outils fondamentaux que constituent désormais le Contrat d'Avenir pour la Wallonie et le Schéma de Développement de l'Espace régional wallon, une vision qui s'articule, de manière cohérente, aux différentes visions transfrontalières et européennes, dans une perspective d'européanisation et de globalisation. Dans un pays diversifié comme la Belgique, que les réformes institutionnelles poussent sans cesse de l'avant, bien au delà de la décentralisation, bien au delà du régionalisme, bien au delà du fédéralisme voire au delà du confédéralisme, les scénarios portant sur le développement économique ne sauraient s'affranchir de l'évolution politique et institutionnelle de l'Etat lui-même, y compris dans ses tentations tchécoslovaques (52).

En Wallonie, c'est le développement économique lui-même – ou plutôt sa déliquescence – qui a été à la base de la revendication institutionnelle régionale. Mais la gouvernance institutionnelle a suivi la mobilisation des acteurs, au lieu de la précéder. Ainsi, ce sont les acteurs eux-mêmes qui ont pu répondre au souhait exprimé en 1983 par le recteur de l'Université de Bruxelles : s'arracher à l'administration du passé quand elle n'est que génératrice de conservatisme et vous prive d'une vision de l'avenir débarrassée de mythes (53).

Tous les éléments nous semblent ici rassemblés pour activer une application particulièrement opératoire de la prospective.

Notes

(01) La Wallonie au futur, Sortir du XXème siècle : évaluation, innovation, prospective, p. 436, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1999.

(02) Paul ROMUS, L'évolution économique régionale en Belgique depuis la création du Marché commun (1958-1968), dans Revue de Sciences économiques, Septembre 1968, p. 26-30.

(03) Robert ANDRE, Alfred Sauvy (31 octobre 1898 - 30 octobre 1990), dans Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques, Bruxelles, Académie royale de Belgique, t.3, 10-12, p. 283-299, 1992.

(04) Sur les origines du Conseil économique wallon, voir Paul DELFORGE, Conseil économique wallon (1938-1971), dans Paul DELFORGE, Philippe DESTATTE, Micheline LIBON dir., Encyclopédie du Mouvement wallon, t.1, p. 359-364, Charleroi, Institut Jules Destrée, 2000.

(05) Alfred SAUVY, Un exemple pour la Wallonie, La renaissance démographique française dans Revue du Conseil économique wallon, n°2, mai 1953, p. 20. – Le problème de l'économie et de la population en Wallonie, Roland PRESSAT, Situation démographique de la Wallonie, dans Revue du Conseil économique wallon, janvier - avril 1962, p. 2-24 et Alfred SAUVY, Conditions du développement économique et mesures à prendre en vue d'un renouveau général, Ibidem, p. 24-51. Voir aussi : Ce qu'en pense la presse, Ibidem, p. 52-57. – Il faut signaler la préoccupation constante du Conseil économique wallon à l'égard de ce problème. Voir notamment le document remis le 10 juillet 1956 au Premier ministre : CEW, La Wallonie veut vivre !, Un plan de salut public pour conjurer la menace d'une décadence démographique, dans Revue du Conseil économique wallon, mars - juin 1956, p. 1-30. – Alfred SAUVY, La population belge, Préjugés, mythes et réalités, dans Revue du Conseil économique wallon, janvier - avril 1957, p. 1-9; mai - juin, p. 1-7. – Rapport Sauvy : pour échapper à l'asphyxie, les Wallons doivent pouvoir agir en nation indépendante, dans Combat, 8 mars 1962, p. 4.

(06) Le Rapport Sauvy sur le problème de l'économie et de la population en Wallonie, p. 32, Liège, Conseil économique wallon, 1962.

(07) Ibidem.

(08) Ces questions ne constituant pas l'objet de cette intervention, on se reportera aux ouvrages suivant : Robert ANDRE, La population de la Wallonie dans la dualité démographique de la Belgique, Bruxelles, Fondation Charles Plisnier, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1983. – Robert ANDRE, La population wallonne au début du XXIème siècle, Le temps où les vieux deviendront plus nombreux que les jeunes, dans Wallonie 86, 6, p. 345-355, Namur, Conseil économique et social de la Région wallonne, 1986. – Robert ANDRE, Wallonie 1831-1996, D'une forte croissance à une régression potentielle, Deux révolutions démographiques dans un contexte d'immigration de conjoncture, dans Wallons d'ici et d'ailleurs, La société wallonne depuis la Libération, p. 19-51, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1996. - Catherine CAPRON, Marc DEBUISSON et Thierry EGGERICKX, Démographie wallonne : réalités et politiques, dans Paul DELFORGE, Philippe DESTATTE, Micheline LiBON, Encyclopédie du Mouvement wallon, … t. 1, p. 459-464.

(09) Le Rapport Sauvy…, p. 56.

(10) Le Rapport Sauvy…, p. 40.

(11) Voir Michel LORIAUX, La crise vue du perchoir du démographe (ou des relations incertaines et changeantes de la population, de l'économie et de la société), dans Wallonie 83, 5, n°59, p. 359-392, Liège, Conseil économique régional de Wallonie, 1983. Faisant référence à l'ouvrage de Michel GODET, Crise de la prévision, essor de la prospective, Exemples et méthodes, Paris, Puf, 1977, l'auteur souligne que seuls des émules de la prospective osent s'aventurer vers des termes où le linéaire s'efface devant le non linéaire, le continu devant le discontinu et où les crises et les catastrophes font partie intégrante du paysage normal (p. 363).

(12) DELTA, La Wallonie sur la voie du sous-développement, dans Perspectives, n°1, Nouvelle série, Octobre 1968, p. 2.

(13) On pourrait également citer les travaux des groupes B-Y ou Walter Nova (Emile NOLS et Georges VANDERSMISSEN, Dossier pour un gouvernement wallon, Fédéralisme et perspectives économiques, Liège, Fondation André Renard, 1970). Sur toutes ces analyses voir Philippe DESTATTE, Economie et Mouvement wallon dans P. DELFORGE, Ph. DESTATTE, M. LIBON, Encyclopédie du Mouvement wallon…, t.1., p. 544-557. – Le Conseil économique wallon estimait en 1947 qu'il fallait établir un plan d'ensemble de redressement de l'économie wallonne et le mettre immédiatement en œuvre. Ce plan aurait notamment comporté Une politique de décentralisation économique et financière; une représentation équitable de la région wallonne dans tous les organismes dirigeants de l'économie et du crédit; la création en Wallonie d'un Institut d'études économiques formant de nombreux Wallons capables d'occuper des postes de commande dans les sphères dirigeantes de l'économie et de la finance […] Economie wallonne, Rapport présenté au gouvernement belge par le Conseil économique wallon, le 20 mai 1947, p. 237-238, Liège, Editions du Conseil économique wallon, 1947.

(14) Au colloque organisé en l'honneur de Jacques Lesourne, le 11 janvier 2000 au Conservatoire national des Arts et Métiers à Paris. Voir Jacques THEPOT e.a., Décision, Prospective, Auto-organisation, Mélanges en l'honneur de Jacques Lesourne, p. 286, Paris, Dunod, 2000.

(15) Paul BAIROCH, Conférence introductive au Treizième congrès des économistes belges de langue française, dans Wallonie et Bruxelles : évolutions et perspectives, Actes, 27-28 novembre 1998, p. 41, Charleroi, CiFoP, 2000.

(16) Philippe MAYSTADT, Les communautés culturelles et les régions, dans Annales de Droit, n°2-3, p. 140, 1972.

(17) Voir Georges VANDERSMISSEN, Tentatives et échecs de la reconversion industrielle, dans Hervé HASQUIN dir., La Wallonie, le pays et les hommes, Histoire, économie, société, t. 2, De 1830 à nos jours, p. 450-455, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1980.

(18) Paul ROMUS, L'avenir de la Wallonie dans la Communauté européenne, dans Hervé HASQUIN dir., La Wallonie, le pays et les hommes, Histoire, économie, société, t. 2, De 1830 à nos jours, p. 513-516, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1980. – P. ROMUS, Europe-Wallonie, Trente ans d'intégration de la Région wallonne à l'économie européenne, dans Wallonie 87, Namur, Conseil économique et social de la Région wallonne, juin 1987, p. 3-7. – P. ROMUS, Place et perspectives de la Wallonie dans une politique régionale européenne, dans Revue des Sciences économiques, Juin 1969, p. 3-7.

(19) L'économiste de l'Université libre de Bruxelles (ULB-Dulbea) Henri Capron tenait ces propos le 27 mars 1998 : En fait, on constate que la Wallonie se débat, depuis quatre décennies, pour endiguer son déclin sans qu'elle ait pu réellement amorcer un processus de développement qui la replace sur un sentier vertueux de croissance.
L'absence de vision stratégique de son devenir économique et de son insertion future au sein des régions les plus riches d'Europe, a très certainement joué un rôle important dans la persistance du déclin. Les politiques actuelles restent incertaines parce que trop fragmentées, trop dispersées et trop souvent dirigées vers des objectifs à court terme, notamment par le maintien d'activités économiquement peu viables mais socialement sensibles. La Wallonie en projets, Actes des colloques, p. 156, Namur, Groupe socialiste du Parlement wallon, 1998.

(20) Michel QUEVIT, Les causes du déclin wallon, L'influence du pouvoir politique et des groupes financiers sur le développement régional, p. 289, Bruxelles, Vie ouvrière, 1978.

(21) Décision de la Haute Autorité de la CECA 46/59 du 23 décembre 1959 (Journal officiel des Communautés européennes du 31 décembre 1959) Voir René EVALENKO, Régime économique de la Belgique, p. 295-296, Bruxelles-Louvain, Vander, 1968. – Paul Romus estimait en 1987 que, en trente ans, la Wallonie avait perdu 113.000 emplois directs dans son industrie charbonnière et 34.000 dans la sidérurgie. P. ROMUS, Europe-Wallonie, Trente ans d'intégration de la Région wallonne à l'économie européenne, … p. 1.

(22) Jacques LESOURNE, Un homme de notre siècle, De polytechnique à la prospective et au journal Le Monde, p. 326, Paris, Odile Jacob, 2000. - On trouvera des données chiffrées utiles sur l'évolution régionale des actives de la Société générale de Belgique dans Jean-Rémi SORTIA, Présence de la Société générale de Belgique en Wallonie : 1900-1980, dans Wallonie 86, n°74, p. 133-150.

(23) Max DRECHSEL, Introduction à l'étude des problèmes de la reconversion du Centre et du Borinage, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l'heure de la Reconversion, p. 22, Bruxelles, Institut de Sociologie, 1962.

(24) Pierre LEBRUN, La problématique de l'histoire économique liégeoise des XIXe et XXe siècles, p. 115, dans Problématique de l'histoire liégeoise, Liège, Le Grand Liège, 1981.

(25) Le "notamment" permet de ne pas faire l'impasse sur l'immobilisme gouvernemental général qui caractérise les forces politiques de la Belgique d'après-guerre. Selon des observateurs particulièrement qualifiés, cet immobilisme a constitué le prix à payer par les partis politiques pour résister aux secousses engendrées par les tendances centrifuges et maintenir leur propre unité. Cette unité commencera à éclater après l'affaire de Louvain et l'éjection des francophones de l'Université catholique, provoquant la rupture du PSC-CVP en deux ailes. Les autres partis suivront dans les dix ans. Jean MEYNAUD, Jean LADRIERE et François PERIN, La décision politique en Belgique, p. 382-383, Paris, Armand Colin, Bruxelles, Crisp, 1965 ( Cahiers de la Fondation nationale des Sciences politiques, n°138).

(26) Voir Philippe DESTATTE, L'Identité wallonne, Essai sur l'affirmation politique de la Wallonie (XIXème-XXème siècles), Charleroi, Institut Jules Destrée, 1997.

(27) Comme l'indiquait avec conviction l'économiste Jacques Defay dès 1961, le fédéralisme revendiqué en Wallonie consistait avant tout en une tentative de survie […] d'un petit peuple menacé de décadence. Et il ajoutait que cette opération de sauvetage comportait l'emploi de méthodes proches du socialisme, non par doctrine, mais par la logique même des faits : approche planifiée de l'économie, remèdes d'initiatives publiques, effort de promotion des masses et large participation de celles-ci au développement entrepris. Jacques DEFAY, L'économie belge et le fédéralisme, dans Régionalisme et fédéralisme interne en rapport avec l'intégration européenne, Journée d'étude du 11 novembre 1961, p. 52, Bruxelles, Gauche européenne, 1962.

(28) Jacques DEFAY, Le programme belge de réformes de structure de 1954 à l'épreuve de vingt ans de régime néo-capitaliste, dans Stratégie ouvrière vers une société socialiste, Actes du colloque de Pont-à-Lesse, 3-6 mai 1973, p. 67, Liège, Fondation André Renard, 1973.

(29) François PERIN avait très bien perçu ce risque et l'a décrit comme une menace à un moment où, d'ailleurs, il était déjà réalisé : François PERIN, Quelle identité, pour quelle communauté ?, dans Centre d'Action culturelle de la Communauté d'Expression française, Assemblée générale du 26 mars 1982, Namur, Cacef, 1982, p. 20-21.

(30) En 1982, le CRISP et la RTBF Liège s'interrogeaient sur l'horizon 2000 en évoquant les questions ouvertes de l'avenir wallon et en s'interrogeant : La question centrale que l'on ne peut esquiver est brutale : l'avenir wallon peut-il être autre chose que la poursuite du déclin en cours ? Xavier MABILLE, M. PIRAUX, Robert STEPHANE dir., Dossier pour Wallonie 2000, p. 87, Bruxelles-Liège, CRISP - RTBF, 1982.

(31) Marie BRANDELEER et Chantal SAMSON, Wallonie, Chère autonomie, dans Trends-Tendances, Spécial 20 ans, 25 septembre 1995, p. 53. – Lors d'un débat à la Chambre le 3 novembre 1977, interpellant le Premier ministre, Jean Gol allait encore souligner cette nécessité institutionnelle pour l'économie wallonne : Trouver en soi-même les voies de son redressement, telle a toujours été la racine de la vieille revendication wallonne à plus d'autonomie. […] La Wallonie n'a pas le temps d'attendre. Elle doit affronter une situation économique dont vous-même, Monsieur le Premier Ministre, avez reconnu qu'elle contrastait par sa gravité avec celle du reste du pays. Jean GOL, L'optimisme de la volonté, Textes et discours, p. 76, Bruxelles, Paul Legrain, 1985.

(32) Paul Romus écrivait en 1969 : Quand on regarde agir les Wallons – du moins ceux qui agissent – on est frappé par leur penchant pour une stratégie en ordre dispersé. Il est bien évident que si les Wallons, non contents d'être minoritaires en Belgique, se paient encore le luxe de l'individualisme, leur compte est bon. Si les Wallons ont une chance de s'en sortir, c'est par l'union de tous les Wallons. P. ROMUS, Place et perspectives de la Wallonie dans une politique régionale européenne…, p. 15.

(33) C'est l'ancien ministre liégeois Lucien Outers qui écrivait en 1968, dans un texte polémique qui eût un énorme retentissement : Arrivés à un tel degré d'impuissance et de déclin, les régimes parviennent à tout contaminer. Il est bien difficile de se débattre dans le marécage : ceux qui le font risquent seulement de se rendre ridicules et de finir tout de même, comme les autres, par s'enliser. Lucien OUTERS, Le divorce belge, p. 204, Paris, Les Editions de Minuit, 1968.

(34) Rapport sur l'innovation et les territoires : améliorer les connaissances et la diffusion des technologies dans un contexte régional, Document officiel DT/TDPC (99) 8. Cité dans Henri CAPRON, La gouvernance institutionnelle régionale : pour un changement du mode d'apprentissage social en Région wallonne, dans Quatorzième congrès des économistes belges de Langue française, Les conditions de la croissance régionale, Liège, Sart Tilman, les 23 et 24 novembre 2000, Commission 2, Rapport préparatoire, p. 79, Charleroi, CIFoP, 2000.

(35) Interview de François Perin dans Le Monde, 23-24 mai 1971, p. 10.

(36) Benoït DEGARDIN et Jean GUY, Depuis 1966, l'Economie régionale a changé dix fois de titulaire…, dans La Nouvelle Gazette, 12 septembre 1980 (Interview de Jacques Hoyaux).

(37) ARCHIVES DE L'INSTITUT JULES DESTREE, Fonds Institut Jules Destrée, Guy Galand, Entretien avec Georges Vandersmissen, 10 octobre 1978, Note du 7 novembre 1978.

(38) Fabienne GOUX-BAUDIMENT, Donner du futur aux territoires, Guide de prospective territoriale à l’usage des acteurs locaux, p. 43, Lyon, Certu, 2000.

(39) La Wallonie au futur, Vers un nouveau paradigme, Premier Cahier, p. 8, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1987.

(40) Guido FONTEYN, Het Waalse "réveil", dans De Standaard, 3 octobre 1987.

(41) Francis BISMANS, Une odyssée économique, dans Freddy JORIS et Natalie ARCHAMBEAU dir., Wallonie, Atouts et références d'une Région, p. 173, Namur, Gouvernement wallon, 1995.

(42) Michel QUEVIT, Présentation du troisième congrès La Wallonie au futur, Feuillet de la Wallonie, reproduit sur le cédérom de 1999.

(43) Voir Michel MOLITOR, Les conditions culturelles du développement, dans La Wallonie au futur, Vers un nouveau paradigme, Cahier n°2, p. 52-56, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1987.

(44) Michel QUEVIT, La Wallonie, une société en projet, dans La Wallonie au futur, Vers un nouveau paradigme, p. 524-532, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1989. – Philippe DESTATTE, Rapport général du quatrième congrès La Wallonie au futur, dans La Wallonie au futur, Sortir du XXème siècle : évaluation, innovation, prospective, Actes, p. 423-439, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1999.

(45) Ibidem, p. 526. – M. QUEVIT, La Wallonie, une région économique en mutation, dans F. JORIS, N. ARCHAMBEAU, op. cit, p. 239-243.

(46) On ne peut que suivre le professeur Michel Quévit lorsqu'il définit les limites de l'exercice mené jusqu'ici dans le cadre de la Wallonie au futur de la manière suivante : Faire de la prospective, c’est, en effet, donner une priorité absolue à la solution des problèmes vitaux que rencontre la population wallonne dans toutes ses composantes, c’est aussi mieux en saisir les causes et, finalement, mieux en maîtriser les évolutions. C’était d’ailleurs aussi l’essence même de la démarche de La  Wallonie au futur  mais celle-ci ne s’appuyait pas sur des instruments d’analyse prospective et elle était donc nécessairement plus factuelle, moins systématisée et surtout moins branchée sur la connaissance des évolutions de la société globale. M. QUEVIT, Quel travail de prospective pour la Wallonie ? dans Evaluation, prospective et développement régional, Charleroi, Institut Jules Destrée, (A paraître février 2001).

(47) Contrats, territoires et développement régional, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1999.

(48) Elio DI RUPO, Un contrat d'avenir, dans L'aventure régionale, Soixante témoins pour soixante temps forts, ouvrage publié à l'initiative de Jean-Claude Van Cauwenberghe, p. 314, Bruxelles, Luc Pire, 2000.

(49) Michel FORET, Préface dans Schéma de Développement de l'Espace régional, Synthèse, p. 3, Namur, Gouvernement wallon, 2000.

(50) Arrêté royal du 15 mars 1976 désignant la Région wallonne comme devant faire l'objet d'un plan régional d'aménagement du territoire. – Luc MARECHAL, Du triangle au carré, Du Livre blanc à la planification, dans La Wallonie au futur, Quelles stratégies pour l'emploi ?, p. 321-340, 327, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1996.

(51) Luc MARECHAL, Le schéma de développement de l'espace régional : un processus vers l'évaluation et la contractualisation, dans Contrats, territoires et développement régional…, p. 63-69. – voir aussi Luc MARECHAL, Territoire, qualité de vie et bien être social, dans La Wallonie au futur, Evaluation…, p. 231-236. – Schéma de Développement de l'Espace régional, Synthèse, p. 14. – Projet de Schéma de Développement régional, SDER, Adopté provisoirement par le Gouvernement wallon, le 29 octobre 1998, p. 5-7, Namur, Gouvernement wallon, [sd ]. A noter que si on a pu reconnaître le caractère structurant du SDER, on lui fait le reproche – crime de lèse-majesté dans certains milieux francophones belges – de concevoir une partie de son développement en dehors de Bruxelles et de ne pas afficher clairement une "solidarité" avec la capitale du Royaume, ce qui, reporté à l'échelle du Limousin ou même de Rhône-Alpes par rapport à Paris, ferait sourire.

(52) Le constitutionnaliste, ancien professeur à l'Université de Liège et ancien ministre belge des réformes institutionnelles François Perin écrivait en 1988 déjà en évoquant l'avenir de la Belgique que la prospective rationnelle a comme faiblesse de ne pas tenir compte de l'inattendu, de la passion, du comportement irrationnel. François PERIN, Histoire d'une nation introuvable, p. 296, Bruxelles, Paul Legrain, 1988.

(53) Hervé HASQUIN, Gémir sur le passé ou entreprendre l'avenir ?, dans Wallonie 83, 2, n°56, p. 127-131, Namur, Conseil économique régional de Wallonie, 1983.

 

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