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Institut Destrée, Centre de recherche européen basé en Wallonie 

Appel aux Citoyens Opposés au Retour du Fascisme

Jean-Maurice Dehousse,

Ancien Bourgmestre de Liège, Membre du Parlement Européen
Bruxelles, le 3 février 2000

Le fait que, dans un pays ami qui est l'Autriche, un parti de gouvernement ait accepté de rompre la solidarité démocratique et de pactiser avec un parti ouvertement néo-nazi a créé une situation entièrement nouvelle dans l'Union Européenne.

Les gouvernements des quatorze autres États membres de l'Union, en chargeant la présidence portugaise d'abord de mettre les intéressés en garde et ensuite de rendre publique la décision de tenir à l'écart un gouvernement de participation néo-fasciste, ont répondu comme il le fallait. Je suis heureux que le Premier Ministre belge, M. VERHOFSTADT, ait été parmi les premiers et parmi les plus clairs à réclamer une décision forte.

Il est normal aussi que les membres du Parlement Européen se soient exprimés, dans divers pays, avec une conviction particulière. En effet, si des néo-fascistes participent à un gouvernement national, ils sont appelés à prendre part aussi aux réunions du Conseil des Ministres de l'Union Européenne voire à dialoguer avec le Parlement Européen.

Je fais partie des parlementaires européens qui ont déclaré très tôt refuser ce dialogue. Comme tous mes collègues du PS et du SP élus en Wallonie, à Bruxelles et en Flandre, et d'ailleurs aussi comme de très nombreux collègues Écolos, Agalev et des parlementaires libéraux, j'ai donc signé la pétition de refus lancée dès le premier jour par Marie-Noëlle LIENEMANN et Olivier DUHAMEL.

De même, je soutiendrai la motion de censure déposée par mon Collègue britannique Glyn FORD.

Malgré toutes ces mises en garde, y compris celle de Mme Joëlle MILQUET, les deux partis autrichiens concernés ont poursuivi leurs négociations et signé le 1er février un accord politique. S'il est appliqué, cet accord constituera, comme l'a très bien dit Daniel DUCARME, "une banalisation de l'extrême-droite en Europe, ce qui constituerait un précédent d'une extrême gravité susceptible d'engendrer d'importants effets d'entraînement des autres Etats membres de l'Union Européenne". J'ajouterai que le même effet est à craindre, de façon plus dangereuse encore "dans les démocraties fragiles de l'Europe de l'Est", comme l'a souligné Paul LANNOYE au nom du groupe Écolo.

Au seuil de l'an 2000, il se trouve donc en Europe des hommes politiques qui se sont dits démocrates, et qui aujourd'hui parrainent l'entrée dans les instances de décision les plus hautes d'un homme et d'un parti qui se réfèrent publiquement à "l'honneur des SS" et au "caractère exemplaire de la politique sociale de Hitler". Arbeit macht frei, comme chacun sait ou devrait le savoir.

Ceci est inacceptable, je ne l'accepterai pas et je veux croire que nous serons nombreux à ne pas l'accepter. L'arrivée de l'an 2000 méritait mieux que ce retour lamentable aux années trente.

Il est évident que nous allons poursuivre la lutte au Parlement Européen. Il est évident pour moi que cette lutte doit également s'étendre, et qu'elle concerne tous les démocrates.

Je le pensais avant le débat qui s'est tenu au Parlement Européen ce mercredi 2 février, débat d'une grande tenue et d'une importance exceptionnelle pour l'avenir de l'Europe.

Je le pense encore plus depuis que j'ai entendu M. POETTERING, Président du Groupe du Parti Populaire Européen (Démocrates Chrétiens) et Démocrates Européens, revenir sans rougir sur les engagements solennels pris par ce parti l'année dernière.

En 1999, en effet, un ensemble de 79 partis démocratiques européens, dont bien entendu le PPE, ont signé une Charte pour une société Non Raciste. Dans cette Charte, chaque parti s'est clairement engagé à s'abstenir de toute forme d'alliance politique ou de coopération à quelque niveau que ce soit avec un parti à connotation raciste.

Hier, M. POETTERING a renié la signature de son parti en renouvelant sa confiance aux conservateurs autrichiens, qui font partie du PPE.

Nous sommes donc bien plus loin dans la crise qu'on ne veut bien le dire, puisque les pourparlers avec les néo-fascistes ont commencé en Autriche en violation des règles et usages de la vie politique du pays, c'est-à-dire sans mandat du Président de la République. Et que le plus grand des groupes politiques du Parlement Européen vient lourdement de manquer gravement à la parole donnée.

Dans ces conditions, le fait que tous les autres partis démocratiques aient accepté de proposer avec le même M. POETTERING une motion commune au Parlement Européen en disait long sur l'absence profonde de volonté politique.

Tout naturellement, la motion commune a conduit à un texte mi-chair mi-poisson.

La Commission PRODI avait déjà choisi de rappeler qu'elle était la gardienne des traités et qu'elle ne ferait rien d'autre.

Le Parlement aurait pu et dû rappeler qu'il était, lui, le gardien de la démocratie. Beaucoup de discours fleuris voire passionnés l'ont dit mercredi après-midi. Mais la résolution votée ce jeudi matin, elle, se garde bien de le dire et surtout de le prouver. "Les discours changent parfois les idées, jamais les votes" : Edouard HERRIOT est toujours bien vivant.

Le Conseil des Ministres des quatorze a pris une décision nécessaire, courageuse, novatrice, ouvrant – enfin ! – la porte sur une Europe des valeurs et des principes. La Commission a rappelé le Conseil à l'ordre : nous sommes là pour faire du business.

Le Parlement pouvait s'affirmer et donner un coup de pouce au destin : il a choisi de renvoyer Conseil et Commission dos à dos et d'attendre la semaine prochaine. Dans l'assemblée qui devrait représenter les peuples, on respirait ce matin à pleins poumons l'air vicié de Munich 1938. MM. CHAMBERLAIN et DALADIER sont morts trop tôt mais ils ont fait des élèves.

"C'est dans la nuit qu'il est bon de penser à la lumière" écrivait François MITTERRAND. Je crois profondément qu'il avait raison.

C'est pourquoi je lance un appel à tous ceux, hommes, femmes ou associations qui refusent le retour du fascisme à se rassembler. Au-delà des frontières de parti, car il y a des bonnes volontés partout, au-delà du reste de tous les clivages, rassemblons-nous et organisons-nous pour choisir les moyens de lutte les plus appropriés et nous organiser pour mener un combat d'ensemble, plutôt que des actions séparées.

Nous ne pouvons décevoir tous ceux qui, à Bruxelles comme en Wallonie, se sont émus avec raison de la nouvelle flambée des périls à l'Est.

Il faut que l'opinion publique s'organise pour pousser les responsables à une action qui sera plus nécessaire encore que demain.

Pour cela, il faut que cette opinion dispose en permanence d'une information détaillée et complète.

Les conseils communaux et provinciaux, en particulier, doivent exprimer clairement les préoccupations dont chacun me parle, celles qui concernent aujourd'hui et celles qui concernent demain.

Les résolutions tièdes n'empêchent jamais les événements de se produire.

Nous restons en effet tous confrontés à la même réalité : malgré les sacrifices, la Bête est toujours vivante, et plus menaçante que jamais. Aujourd'hui comme hier, il n'y a qu'un choix possible : RÉSISTER.

 

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