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La Wallonie et les régions françaises,
Approche comparée des identités régionales

  Enquête 1998


 

- 1998 - Identités régionales : index
- Introduction par Philippe Destatte
- Fiche technique
- Questions et graphiques de l'enquête 1998
- Etude comparative par Mme Elisabeth Dupoirier
- Essai de typologie des régions par André-Paul Frognier
- Communiqué de presse 22.04.1999

Un outil pour mesurer l'identité régionale

Le débat sur l’identité régionale est, en Wallonie – depuis de nombreuses années –, tout aussi permanent que récurrent, et connaît des fièvres saisonnières. Il prend encore une plus grande acuité lorsqu’il s’agit d’envisager le rôle des institutions régionales elles-mêmes dans le développement de cette identité et pose, du reste, la question de la capacité juridique – voire constitutionnelle – pour le gouvernement et le Parlement wallons d’assumer ce rôle. Il est vrai que, dès 1972, un débat s’était engagé avec la Communauté culturelle française de Belgique, mais avec également le Conseil d’Etat, sur la possibilité pour la Wallonie de disposer de signes propres d’identité, notamment d’un drapeau.

C’est que, en Belgique, où une réforme de l’Etat – née d’une histoire politique mouvementée et d’un contentieux culturel profond – a tracé les sillons des communautés et des régions, on oublie trop souvent que la dynamique régionale s’est développée au moins dans l’Europe entière. Ainsi, du sud de l’Italie au nord de la Norvège, des processus qui ne relèvent pas nécessairement – et de loin pour certains – du fédéralisme ont mis en place des régions. Ces entités publiques et administratives ont été définies par l’Assemblée des Régions d’Europe comme étant le deuxième niveau dans la pyramide des pouvoirs, c’est-à-dire celui situé immédiatement en dessous de l’Etat central. Toutefois, le terme région qualifie également, et tout simplement, le territoire sur lequel se manifeste ce pouvoir.

La fréquentation des rencontres internationales, l’organisation de séminaires interuniversitaires, les échanges de plus en plus fréquents dans le cadre de relations interrégionales ou transfrontalières nous familiarisent avec ces régions, Länder ou provinces dont on découvre la proximité des attentes et des aspirations.

Il en est ainsi des régions de France. Alors que souvent leur image extérieure reste celle héritée du jacobinisme de la Grande Révolution, celle d’une décentralisation artificielle et purement fonctionnelle, il faut constater, depuis de nombreuses années, une familiarisation certaine des populations avec ces collectivité territoriales qui, en 1982 – à peu près au même moment que la Wallonie –, se trouvaient dotées par le législateur d'un conseil régional élu au suffrage universel direct, élisant en son sein l'exécutif de la région. Certes, les nuances restaient marquées et allaient s’accentuer dès la réception des compétences. Les différences allaient rester fondamentales en comparaison des caractéristiques du fédéralisme belge et de l’autonomie régionale wallonne que l’on dénomment équipollence des normes et exclusivité des compétences.

Nées sans réel débat, formes vides en raison du caractère souvent artificiel de leur délimitation territoriale et du quasi non respect des découpages historiques des provinces de l'Ancien Régime, tout comme de leurs dénominations ancestrales, les régions françaises allaient-elles être condamnées à n’être que des échelons administratifs sans grande légitimité politique et à l’avenir purement fonctionnel ?

Le législateur français ne le souhaitait pas. Probablement conscient de la nécessité de donner une visibilité à la région et de créer un espace de mobilisation citoyenne par identification des habitants au territoire ainsi qu’aux institutions de la région, il a formalisé cette nécessité dans l’article 59 de la loi de décentralisation du 2 mars 1982, sous le titre Des droits et libertés des régions. En effet, cet article dispose que le Conseil régional a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l’aménagement de son territoire, et pour assurer la préservation de son identité, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des départements et des communes.

Depuis, les conseils régionaux français ont multiplié les efforts pour défendre et promouvoir une identité régionale, promouvoir un avenir qui ne soit pas strictement lié à l’avenir national, accroître l’offre de sens régional et créer un véritable lien entre les habitants de la région en valorisant ses richesses, les politiques publiques régionales, l’action de son administration et de ses acteurs sociaux. Sont-ils parvenus à créer, maintenir, voir développer des identités régionales fortes ? C’est ce que, dès 1985, l’Observatoire interrégional du Politique (OIP) a voulu mesurer.

En effet, créé par le Centre national de la Recherche scientifique (CNRS) et la Fondation nationale des Sciences politiques à Paris, l’OIP travaille depuis cette époque en partenariat avec les conseils régionaux français pour recueillir les données nécessaires à l’analyse des phénomènes politiques à l’échelon régional, sur base d’un modèle développé et affiné sur le terrain avec plus de vingt régions partenaires. Se servant de données d’opinion, l’Observatoire interrégional du Politique réalise chaque année des enquêtes auprès d’un échantillon de 700 personnes par région, représentatives de l'ensemble de la population régionale. Le modèle et les enquêtes ont pour objectifs d'offrir aux décideurs régionaux un baromètre de l’identité régionale, un instrument de comparaison des régions entre elles, des analyses sur des thèmes spécifiques ainsi que des évaluations des politiques publiques régionales.

Sensibilisé par l’Institut Jules Destrée à la démarche de l’Observatoire interrégional du Politique, le gouvernement wallon, et plus particulièrement son ministre-président Robert Collignon, a accepté d’inscrire la Wallonie dans le modèle d’analyse des régions françaises. Dès lors, trois partenaires se sont associés pour réaliser cette tâche : l’Observatoire interrégional du Politique, qui a mis son modèle et l’ensemble de ses données à la disposition de l’entreprise, le Point d’Appui interuniverversitaire sur l’Opinion publique et la Politique (PIOP) du Unité de Science politique et de Relations internationales de l’Université catholique de Louvain, qui a mis ses enquêteurs et chercheurs au service du projet, et enfin l’Institut Jules Destrée, qui a coordonné le partenariat et assure la diffusion des résultats de la recherche. L’enquête s’est déroulée en septembre 1998 simultanément dans toutes les régions françaises concernées et en novembre 1998 en Wallonie. Ainsi, un fichier de données wallon a été créé et joint à la banque de données de l'Observatoire interrégional du Politique (OIP) afin de comparer les indicateurs wallons à ceux des régions françaises. On se souvient que la Wallonie, avec ses 3,2 millions d'habitants, est une région qui, sur le plan de la population, se situe entre le Nord - Pas de Calais et la région Pays de Loire, c'est-à-dire la cinquième à l'échelle des régions de France, pour un territoire comparable à celui de la région de Champagne - Ardennes.

L’analyse des résultats a fait l’objet d’une première table ronde qui s’est tenue ce 9 avril 1999 à la Fondation nationale des Sciences politiques à Paris, en collaboration avec le groupe Local et Politique de l’Association française de Science politique. La matière rassemblée permettra encore de nombreuses analyses qui seront menées dans les prochains mois et, nous l’espérons, pourront être mises en perspective grâce aux données qui seront collectées en 1999 et durant les années suivantes.

On ne saurait trop souligner, d’une part, le fait que ces données constituent, pour la première fois, une application du modèle de l’OIP à une région qui ne fait pas partie de l’Etat français et que cela donne une dimension nouvelle pour l’approche d’identités liées à des régions de nature institutionnelle différentes. D’autre part, cette recherche permet, pour la première fois également, de disposer d'un indicateur afin de mesurer la réalité de l’identité régionale wallonne à l’aune de régions culturellement ou socio-économiquement proches, ce que les modèles limités à la Belgique n’ont pas permis jusqu’ici.

Enfin, comment ne pas se réjouir de la mise en place d’un véritable partenariat sur un projet à long terme par trois institutions scientifiques à l’expertise et aux vocations dédicacées à la connaissance de la région. L’espoir est grand, compte tenu des perspectives de recherches, de voir d’autres institutions s’associer à cette dynamique si riche, pour creuser le champ de la connaissance et l’étendre à d’autres régions d’Europe. C’est donc, nous l’espérons, à la mise en place d’un réseau de recherche sur identité régionale, que nous assistons aujourd’hui. Que l’ensemble des conseils régionaux français qui y ont déjà participé et la région Wallonie en soient remerciés.

Philippe Destatte,
Directeur de l’Institut Jules Destrée,
Wallonie=

 

Bibliographie

- Elisabeth DUPOIRIER et Henri-David SCHAJER, L’identité régionale, Problèmes théoriques, Perspectives politiques, dans CURAPP, CRISPA, L’identité politique, p. 330-344, Paris, PUF, 1994.
- Elisabeth DUPOIRIER dir., Régions, La croisée des chemins, Perspectives françaises et enjeux européens, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1998.
- OBSERVATOIRE INTERREGIONAL DU POLITIQUE, Les Français et leur région, Le fait régional et l’opinion publique, Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire (DATAR), Paris, La Documentation française, 1994.
- OBSERVATOIRE INTERREGIONAL DU POLITIQUE, L’identité régionale, Toulouse, Privat, 1995.
- Les identités territoriales, Numéro spécial de la Revue internationale de Politique comparée, Louvain-la-Neuve, 5 (1), 1998.
- Philippe DESTATTE, L’identité wallonne, Essai sur l’affirmation politique de la Wallonie (XIX-XXème siècles), Charleroi, Institut Jules Destrée, 1997.
- Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU dir, Wallonie, Atouts et références d’une Région, Namur, Gouvernement wallon, 1995.
- La Wallonie, une Région en Europe, Nice, Centre international de Formation européenne, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1997.


 

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