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La province : une institution à redéfinir? 

Chapitre 2 : Héritage du passé (2/4) - (1996)

Partie 1 - Partie 3 - Partie 4

Joël Hodeige
Assistant à la Faculté de Droit de l'Université de Liège

 

L'institution provinciale telle que nous la connaissons aujourd'hui est le fruit d'un riche passé historique (1). L'étude des diverses périodes successives de l'histoire nous enseigne les différents apports de celle-ci à l'édification de nos provinces. Ce retour dans le passé nous aide à en comprendre certains aspects.

C'est à la fin du XIème siècle que se dessine déjà une ébauche des territoires actuels des provinces. Le démembrement du royaume de Lothaire voit l'apparition des duchés de Brabant et de Limbourg, des comtés de Flandre, du Hainaut, de Namur et de Luxembourg, et le marquisat d'Anvers. La principauté de Liège existe, quant à elle, depuis le VIIIème siècle.

Il faudra attendre le formidable développement des communes des XIIème, XIIIème et XIVème siècles pour assister à la naissance des institutions provinciales. Les communes éprouveront en effet le besoin de s'unir pour traiter d'égal à égal avec la noblesse.

Au XIVème siècle, l'organisation générale du duché de Brabant est déjà remarquable. Une sorte d'Assemblée nationale composée de quatre membres de la noblesse et de dix représentants des principales villes est chargée, sous le nom d'Assemblée de Cortenberg, de prendre des mesures favorables à l'intérêt du pays. En 1356, la charte de la "Joyeuse entrée" scelle un contrat entre le souverain et ses sujets, qui reprend leurs obligations mutuelles. Les Etats du Brabant doivent alors se réunir deux fois par an et dans l'intervalle des sessions, ils sont représentés par des délégués permanents. Leur mission consiste alors à veiller au maintien des franchises, à décider de l'enregistrement des édits du duc et à voter les subsides.

A Liège, c'est la paix de Fexhe (1316) qui organise le gouvernement de la principauté. Le pouvoir législatif appartient au sens du pays ou assemblée des Etats, qui est composée de l'Etat primaire, de l'Etat noble et de l'Etat-Tiers, formé des bourgmestres des bonnes villes.

À partir du XVème siècle, le territoire actuel de la Belgique passe sous la domination de la maison de Bourgogne, à l'exception de la principauté de Liège. Les gouvernants bourguignons tâchent d'appliquer le système de la centralisation. Ainsi, un édit institue en 1531 trois conseils du gouvernement ou conseils collatéraux, à savoir le conseil d'Etat, le conseil privé et le conseil des finances. Ces conseils essayent alors de se substituer aux Etats des provinces. On voit apparaître dans la majorité d'entre elles des gouverneurs de province, qui sont des représentants du souverain choisis dans la haute aristocratie et chargés de faire respecter ses droits ainsi que de veiller à la sécurité publique et à la bonne administration de la justice.

Lors de la Réforme, les anciens Etats se réveillent et les provinces concluent en 1576 une union pour la défense de leurs libertés. Les statuts provinciaux et locaux sont remis en vigueur trois ans plus tard lorsque le territoire de l'actuelle Belgique se sépare des Pays-Bas espagnols. Ils sont généralement respectés au cours du XVIIème siècle.

Un esprit de centralisation souffle à nouveau, sous l'autorité de Joseph II; ce dernier ne tarde d'ailleurs pas à abolir les Etats et les députations des Etats. Cela provoque alors la colère des Etats provinciaux qui votent sa déchéance en 1790.

Les Etats provinciaux sont alors divisés en trois ordres : le clergé, la noblesse et le tiers composé des députés des villes et des doyens de métiers. Ils se réunissent en sessions, une ou deux fois l'an, sous la présidence du gouverneur pour statuer sur les demandes d'aides ou de subsides.

Les députations des Etats, choisies par ceux-ci en leur sein et pour un terme limité, ont pour mission essentielle d'administrer la province en l'absence des Etats et en leur nom. Les Etats, tout comme leurs députations, sont placés sous la présidence du gouverneur, représentant du souverain chargé de veiller au maintien des prérogatives de ce dernier et à l'ordre public.

Enfin, le souverain est également représenté dans les districts ou bailliages par les baillis qui veillent à l'exécution des lois mais également à l'administration de la justice.

En 1797, l'annexion de la Belgique à la République française détruit le régime provincial au bénéfice d'un régime de centralisation. Si la Belgique est divisée en neuf départements, il ne s'agit cependant que de simples divisions administratives. Leur administration est confiée aux préfets qui représentent le gouvernement, aux conseils généraux dont les membres sont nommés par le premier consul et se réunissent en session quinze jours au plus par an pour répartir les impôts directs de l'Etat et voter les centimes additionnels attachés aux dépenses départementales, et aux conseils de préfecture chargés de statuer sur le contentieux administratif et dont les membres sont également nommés par le pouvoir central.

Chaque département est divisé en arrondissements dirigés par des sous-préfets représentant le gouvernement, assistés de conseils d'arrondissement chargés de répartir les impôts d'Etat entre les municipalités.

Après que le Congrès de Vienne eut réuni la Belgique à la Hollande, les anciennes institutions provinciales font, dans une certaine mesure leur réapparition. Selon la loi fondamentale du 24 août 1815, il y a dans chaque province des Etats provinciaux, des Etats députés ou députations des Etats, un gouverneur et des commissaires de district.

Les Etats provinciaux se composent de membres élus pour six ans par l'ordre équestre ou des nobles, l'ordre des villes et l'ordre des campagnes. Ces membres, dont le nombre est fixé par le roi, se réunissent sur sa convocation et sous sa présidence au moins une fois l'an, en session ordinaire.

Leurs tâches, accomplies sous la surveillance et l'autorité du roi, consistent à voter le budget des recettes et des dépenses de la province, à adopter des règlements ou des ordonnances, et parfois à exécuter certaines lois. Les Etats sont souverains dans la nomination des membres de la chambre basse et dans la nomination des Etats députés. Ces derniers sont composés de six membres choisis par tiers dans chaque ordre des Etats provinciaux et mis sous la présidence du gouverneur. Outre l'exécution des lois, ils se chargent de l'administration journalière.

Le gouverneur représente le roi dans toute la province et assume, entre autres, la double présidence des Etats provinciaux et des Etats députés.

Les commissaires de district représentent eux aussi le roi, mais à l'échelle du district; ils remplissent des fonctions analogues à celles de nos commissaires d'arrondissement actuels.

Ainsi nous pouvons voir que la première ébauche du découpage territorial actuel des provinces remonte à la fin du XIème siècle, que l'on retrouve un embryon de Conseil provincial et de députation permanente au XIVème siècle dans le duché de Brabant. La fonction de gouverneur représentant du roi fait son apparition au XVIème siècle sous Charles VI tandis que celle de commissaire d'arrondissement voit le jour à la veille de la Révolution française avec les baillis qui préfigurent également les actuels procureurs du roi.

Il est également bon de rappeler que le principe selon lequel le Conseil provincial ne tient au maximum qu'une ou deux sessions annuelles, principe que l'on retrouve à travers les différentes époques, n'a été abandonné en Belgique qu'en 1984.

Cette exploration du passé permet donc de retrouver l'origine de toute une série de caractéristiques de l'institution provinciale actuelle et de mieux les comprendre. Il convient cependant de cerner maintenant l'importance du rôle des provinces et le cadre juridique de leurs interventions. C'est à cet objectif que sera consacré le chapitre 3.

Notes

(1) Les principales données historiques de ce chapitre sont tirées de : VAN MOL Henri, Les institutions provinciales : l'organisation provinciale, introduction historique, dans Les Novelles, Lois politiques et administratives Tome I, Editions Edmond Picard, Bruxelles, 1933, p. 43 à 45.

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Ce texte est extrait de La province : une institution à redéfinir ? Actes du séminaire organisé en collaboration par l'Association francophone des Provinces et l'Institut Jules Destrée - Namur, 30 janvier 1996.


 

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